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Le blog d'André Boyer

CHOISEUL RECONSTRUIT UNE MARINE ROYALE EXSANGUE

31 Janvier 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

LE DUC DE CHOISEUL MINISTRE DE LA MARINE

LE DUC DE CHOISEUL MINISTRE DE LA MARINE

Le temps que le supplice de la guerre de Sept Ans s’achève, la guerre de course permet de compenser partiellement les déficiences de la Marine royale face à la Royal Navy.

 

Avec le blocus des côtes et des colonies, les ports français sont paralysés, mais Louis XV n’autorise pour autant à armer en course qu’en mai 1756, alors que la guerre est déjà commencée depuis presque un an.

Les ports de Dunkerque (premier port corsaire), Saint-Malo, Bayonne, Saint-Jean-de-Luz mais aussi Bordeaux, Nantes et La Rochelle, villes jusque-là dévolues au grand commerce atlantique, arment en course.

La guerre de course que livrent ces corsaires coutera à l’Angleterre 2 600 captures pour 90 millions de livres ; Il arrivera aussi que les corsaires remplissent des missions que n’assure plus la Marine Royale comme lorsque Bougainville vient chercher des renforts pour le Canada ou pour ravitailler certaines îles, comme la Martinique. Le corsaire breton Charles Cornic escorte douze convois sur les côtes de France et réussit à faire entrer sur Brest, malgré le blocus, de grosses cargaisons de chanvre néerlandais. Thurot, corsaire de Dunkerque, se voit chargé d'organiser une descente en Irlande. L'opération, menée avec une division de 5 frégates et un corps expéditionnaire de 1200 hommes contourne l'Angleterre par l'Est, débarque en février 1760 à Carrickfergus près de Belfast, et libère de nombreux prisonniers français.

Mais la course reste une activité aléatoire et dangereuse. Sur les 60 000 marins français capturés pendant le conflit, plus de 31 000 sont des corsaires. D'Estaing, malgré sa belle campagne dans l'océan Indien est capturé à son tour. Quant à Thurot, il ne peut inquiéter Belfast faute de troupes suffisantes et il est tué au retour dans un combat désespéré contre une division de frégates anglaises. Mais les succès des corsaires français exaspèrent les armateurs anglais, ce qui contribue à la démission de William Pitt en octobre 1761.

Reste, au delà des corsaires, à reconstruire la flotte française. En 1762, un an avant le Traité de Paris, la Marine Royale n’a plus que quarante-sept vaisseaux et vingt frégates contre cent quarante-cinq vaisseaux et cent trois frégates pour sa rivale anglaise. Choiseul est alors nommé ministre de la Marine Royale et il commence par réorganiser les services du ministère. Puis il s'appuie sur le sursaut patriotique du pays pour chercher de nouveaux financements, notamment en lançant le « don des vaisseaux » par les provinces, villes ou corps constitués, qui permet de rajouter à la Marine Royale dix-sept navires neufs et une frégate. Deux de ces vaisseaux, le Ville de Paris et le Bretagne, sont de redoutables trois-ponts de 100 canons.

Mais si le conflit, qui s'est achevé avec le traité de Paris (10 février 1763) a entériné la liquidation politique et militaire de la présence française en Inde et Amérique, il a aussi exacerbé en France lavolonté de laver les humiliations subies, volonté renforcée après la guerre par le retour des prisonniers qui font le récit des conditions de détention barbares qu'ils ont subies, entrainant 8500 morts sur 60000 marins capturés. Les survivants en garderont une haine durable vis-à-vis des Anglais.

Pour renforcer la Marine Royale, Choiseul modifie le recrutement des officiers et se donne pour objectif, dés le traité de Paris signé, de porter la flotte à quatre-vingt vaisseaux et quarante-cinq frégates. Du coup, tout semble bon pour trouver des navires. La Compagnie des Indes, qui va d'emprunts en emprunts pour reconstruire sa flotte et relancer ses comptoirs, est suspendue en 1769. Choiseul fait racheter quatre de ses vaisseaux et plusieurs de ses frégates, que la Marine Royale intègre dans ses rangs. Elle récupère aussi les installations de Lorient qui s'additionnent aux trois arsenaux dont elle dispose déjà à Brest, Rochefort et Toulon. Les bois, les agrès et les munitions étant hors de prix en temps de guerre, des stocks gigantesques sont constitués. Les réserves de bois de construction triplent entre 1764 et 1768.

En 1768, la flotte est revenue à son effectif d'avant la guerre de Sept Ans, avec cependant, pour des raisons d’économie, une plus faible puissance de feu. Entretemps Choiseul a aussi réorganisé l'administration coloniale en reprenant aux compagnies de commerce leurs établissements pour les placer sous l'administration directe du secrétariat d'État à la marine. En 1763, il nationalise l’île de Gorée, la Gambie et le golfe de Guinée. En 1767, c'est au tour des établissements de l'océan Indien, les Seychelles, l'Île-de-France et l'île de Bourbon et en 1769 il fait de même, à l'occasion de la suppression de la Compagnie des Indes, des comptoirs sur les côtes indiennes, Pondichéry, Mahé, Chandernagor, Karikal. Dans le même sens, les ordonnances de 1763 réglementent l'administration générale des Antilles, avec pour objectif de réaffirmer l'autorité de l'État  et de défendre les îles avec des troupes venues de métropole. Mais lorsqu’il tente une rapide colonisation de la Guyane, il échoue totalement.

En 1769, l’inspection générale de la flotte montre qu’elle est en état de reprendre de grandes opérations, et en décembre 1770, Choiseul, qui guette le moment de déclencher le conflit de la revanche, estime que l'heure est arrivée à l'occasion d'une crise diplomatique entre l'Angleterre et l'Espagne qui se disputent les îles Malouines. Choiseul soutient l'Espagne, avec l’espoir que les flottes additionnées franco-espagnoles puissent faire jeu égal avec la Royal Navy.

 

Mais Louis XV y met son véto absolu et renvoie son ministre de la Marine après lui avoir déclaré, le 22 décembre 1770 : « Monsieur, je vous ai dit que je ne voulais point la guerre ».

 

À SUIVRE 

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LA SECONDE MALÉDICTION

27 Janvier 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LA MORT DE SOCRATE

LA MORT DE SOCRATE

Vue de Sirius, l’audience des discours écologistes auprès de l’ensemble des habitants de la Terre contraste avec l’indolence de ces derniers, lorsqu’il s’agit de prendre des mesures concrètes pour protéger l’environnement. Mais ils ont de profondes raisons de développer cette dissonance entre le penser et l’agir.

 

La démarche écologique est née d’une inquiétude : l’homme est en train de modifier en profondeur son environnement ce qui mettrait à terme en péril la survie de l’espèce. Face à cette inquiétude, les écologistes ont une démarche volontariste. Ils croient que l’homme, seul parmi toutes les espèces, sera capable de maitriser son adaptation aux modifications de l’environnement. 

Or, l’histoire de l’humanité plaide plutôt pour une démarche qui ne devient raisonnée et coordonnée que lorsque les circonstances le contraignent à agir ainsi, faute de quoi il périrait. Regardez ce qui s’est passé pour la Covid 19, les plans raisonnés et coordonnés ont eu du mal à émerger longtemps après l’émergence du virus, car les hommes étaient réticents à en accepter les conséquences. Il n’est pas certain que l’homme se plie à cette démarche raisonnée et coordonnée, car son histoire ne plaide pas en ce sens.

De fait, l’homme immergé au sein d’une nature en perpétuel mouvement, est à la recherche permanente de moins de travail et de plus de confort. C’est ce qui lui a fait fuir, et lui fait toujours fuir, la campagne pour la ville.

On peut voir en effet la ville comme une tentative de reconstruire, après le Paradis Perdu, un lieu où l’on puisse vivre sans entrave et sans effort, un espace où les limites tendent à disparaitre, où les contraintes physiques sont progressivement éliminées et où les biens sont disponibles en abondance. Alors que dans la nature et grâce à son travail, l’homme tire de la terre ce qu’elle veut bien lui donner avec ses aléas, comme la pluie trop ou pas assez abondante, la qualité variable des sols, l’apparition de parasites, les citadins oublient ces limites. Ils ont l’impression qu’ils peuvent vivre en toute liberté : il fait jour même la nuit, l’eau froide et l’eau chaude sont disponibles à tous les étages et une simple pression fait disparaitre leurs déjections, mais en échange la ville sollicite considérablement son environnement.

Au reste, dans l’espace urbain, l’homme n’est pas encore parvenu à se débarrasser de son corps. Il lui faut toujours laver son linge, même avec l’aide d’une machine, il lui faut toujours descendre les poubelles et se rendre au bureau, sauf s’il travaille à distance. En outre, il continue à travailler pour subvenir à ses besoins, même si son métier lui demande de faire des travaux bien moins pénibles que dans les champs et même si le temps qu’il consacre au travail a fortement diminué, avec des durées légales toujours plus courtes, des congés toujours plus longs.

La ruée vers la ville montre que le sens du progrès humain consiste en une amélioration permanente de son confort.

Ce confort se traduit par l’apparition du temps libre, qui permet, si on le souhaite, de se consacrer entièrement à la contemplation. Mais beaucoup ne savent pas quoi faire de ce temps libre, car la contemplation peut aussi bien être source d’émerveillement que d’angoisse.

Dans la ville, on a bien compris que le temps libre posait problème et c’est ce qui a donné lieu à l’invention et au développement du concept de loisir qui consiste à tuer le temps d’une manière ou d’une autre.

Mais les hommes de la ville ne peuvent pas consacrer leur temps libre uniquement aux loisirs, car ce temps libre leur pose le problème de leur raison d’exister alors qu’ils savent qu’ils vont finir par mourir, un problème qu’ils n’avaient pas le temps de se poser en travaillant durement aux champs. Exister signifie donc donner un sens aux actions entreprises dans le cadre du temps libre, alors que le temps consacré à travailler pour vivre n’a nul besoin d’être justifié, comme l’observe Hannah Arendt.

Pour exister, certains poursuivront leurs passions jusqu’au paroxysme, comme le facteur Cheval qui passa la moitié de sa vie à construire un palais issu de ses rêveries. En ce sens, lutter contre la laideur du monde en se consacrant à la défense de l’environnement ou en luttant contre la misère du quotidien est un moyen, quasi évident, de se donner l’impression d’exister.  

C’est bien cette volonté d’exister qui mobilise l’immense armée des personnes qui s’engagent, à commencer par des chanteurs et des sportifs en mal d'une raison de vivre, contre l’injustice provoquée par d’innombrables malfaisants, que ce soient des êtres humains, des façons de vivre ou des catastrophes naturelles.

Avoir de la considération pour les humains défavorisés, méprisés, maltraités, comme les handicapés, les personnes de couleur, les étrangers, les malades, les vieux, les jeunes, les banlieusards, les campagnards, les autistes, les homosexuels, les transsexuels, aider d’autres êtres humains à échapper aux maladies, les sortir de la pauvreté, élève celui qui s’en soucie, comme celui qui se penche sur le malheur des animaux. On constate ainsi qu’au fur et à mesure où l’homme parvient à échapper aux affres de sa survie personnelle, les raisons de s’engager contre le malheur des autres se multiplient. La moindre inégalité peut servir de terreau à une organisation militante et les villes regorgent d’individus ou de groupes d’individus à la recherche d’une cause à embrasser.

Ainsi l’homme, parce qu’il a réussi peu ou prou à se défaire de la première malédiction qui consiste  à devoir travailler pour survivre, se retrouve placé au pied du mur de sa seconde malédiction, la perspective de la mort, qui est d'autant plus insupportable qu'il a le temps d'y penser, grâce au temps libre que la libération de sa première  malédiction  lui a fourni. Et, de ce point de vue, la crise de la Covid 19 illustre bien l’hystérie collective qui a saisi l’humanité lorsque la perspective, même minime, de la mort, lui a fait signe.

 

FIN

 

Librement interprété d’après l’ouvrage de Bertrand Alliot, « Une histoire naturelle de l’homme », L’Artilleur, Paris, 186 pages, 2020

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PASSER DES AUSTRALOPITHÈQUES AUX HOMMES

21 Janvier 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LUCY

LUCY

Parmi les Australopithèques, l'Australopithecus afarensis, est probablement l'espèce d'Australopithèque la plus célèbre, depuis qu’il a été découvert en 1974 par une équipe franco-américaine codirigée par Yves Coppens, Donald Johanson et Maurice Taieb sur le site de Hadar en Éthiopie, révélant un squelette complet à 40%, baptisé Lucy.

 

Cet australopithèque serait âgé de 3,2 millions d’années. C’était un être de petite taille, 1,10 mètres, avec une boite crânienne de la taille de celle d'un chimpanzé. Ses incisives centrales étaient larges comme celles des chimpanzés, les molaires étant plus massives que celles des grands singes africains et recouvertes d'un email épais, ce qui laisse supposer que cette espèce était adaptée à un régime composé de fruits plus coriaces que ceux qui entrent dans l'alimentation des grands singes.

Les proportions corporelles de cet A. afarensis se sont révélées très particulières, avec des membres inférieurs assez courts et des membres supérieurs assez longs. Son centre de gravité́ se situait assez bas, sans être toutefois identique à celui de l'Homme, et son mode de locomotion correspondait à une forme de bipédie un peu claudicante associée à un grimper arboricole.

Mais l’on a découvert d’autres espèces d’Australopithèques :

  • Australopithecus africanus en Afrique du Sud, qui date d’environ 3 millions d’années, un peu plus grande que A. afarensis (1,30 m) et un logiquement un peu plus lourd (40 kg environ). Bipède, cet Australopithèque pouvait encore grimper aux arbres et vivait dans un milieu assez humide.
  • Australopithecus garhi, mis au jour en Éthiopie. Il date de 2,5 millions d’années, avec des proportions huméro-fémorales qui se rapprochent de celles de l’homme, avec un bras raccourci et une cuisse allongée.
  • A. robustus est un peu plus récent puisqu'il daterait d'environ 2 millions d’année et ses vestiges ont été trouvés exclusivement en Afrique du Sud.

Ces trois types d’Australopithèque, dits « robustes », se distinguent par une ossature extrêmement massive et des superstructures fortement marquées avec une musculature masticatrice puissante. Les espèces les plus tardives sont plus grandes, 1,55 m en moyenne, plus lourdes, environ 50 kg et leur crâne est plus gros (535 cm3 en moyenne).

Il faut y ajouter la découverte en 1995 du premier Australopithèque au Tchad, hors de la province est-africaine, appelé Australopithecus bahrelghazali et baptisé Abel. Vieux de 3 à 3,5 millions d’années, il est représenté par une morphologie dentaire particulière. Cette découverte est exceptionnelle par sa localisation, à deux mille kilomètres de la région classique d'évolution des Hominidés anciens.

Quant aux premiers Hommes, ils sont présents depuis deux millions d’années ou peut-être même quatre millions d’années. Comme dans le cas des Australopithèques, plusieurs espèces ont été identifiées, Praeanthropus africanus, Homo habilis, Homo rudolfensis, Homo ergaster et Homo erectus.

Mais les premiers représentants du genre Homo ont été logiquement identifiés en Afrique orientale et en Afrique du Sud. Le Praeanthropus africanus a été décrit à la fin des années 1930 à partir d'un fragment de maxillaire trouvé en Tanzanie, proche d'Australopithecus anamensis (1995). La bipédie de cet Homme ancien est associée à une morphologie dentaire peu différente de celle des Australopithèques.

On a fait l’hypothèse que les modifications climatiques, qui ont entraîné le recul de la végétation forestière, ont peut-être obligé les P. africanus à chercher leur nourriture de plus en plus loin car il n'y avait probablement pas assez de fruits pour eux et les Australopithèques. Or les P. africanus avaient l'avantage de posséder une démarche bipède plus efficace qui leur permettaient de se déplacer plus loin et plus longtemps pour aller chercher leur nourriture et sans doute diversifier leur alimentation.

 

Quant aux Australopithèques, encore bons grimpeurs, ils sont restés sur place parce qu’ils étaient mieux adaptés aux environnements forestiers.

 

À SUIVRE 

 

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LA DAME À L'ENTORSE

17 Janvier 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

LA DAME À L'ENTORSE

La rentrée 1987 s’ouvrit sur mon retour à l’alma mater, l’IAE de Nice, où j’allais poursuivre ma carrière universitaire jusqu’à la fin 2013.

 

J’y avais été étudiant en CAAE (le MAE d’aujourd’hui) en 1968-1969, puis assistant, maitre-assistant et professeur d’octobre 1972 à septembre 1980, avant mon départ à Dakar. En décembre 1983, j’étais revenu à l’IUT de Nice, son directeur Xavier Boisselier, décédé en 1981, ayant permis que je sois rattaché à l’IUT de Nice plutôt qu’à l’Université Strasbourg III.

Une fois à l’IUT de Nice, dans le département TC où je fus fort bien accueilli, j’eus naturellement la tentation de revenir à l’IAE de Nice, même si je me sentais bien à l’IUT. Un premier poste fut publié en 1985, mais je ne fus pas retenu. Une seconde candidature en 1987 eut plus de succès. Je me retrouvais en poste à l’IAE de Nice, tout en gardant, au début, une bonne partie de mes cours en TC. Mon engagement auprès de l’IUT resta vivace, puisque je me présentais à sa direction en 1989.

Ce fut une année pendant laquelle je publiais nombre d’articles intéressants, du moins pour moi. Tout d’abord, un article qui provenait de mon expérience africaine « Priorité du Macro-Marketing Africain : les moyens d'action » dans la Revue Française de Marketing. Cet article avait pour objectif d’attirer l’attention des chercheurs en marketing sur les spécificités des consommateurs africains.

Puis mon séjour à Kingston se concrétisait par une publication de Queens University présentant, à partir d’un rapport de l’OCDE « A critical look at OECD "La politique d'innovation en France" », papier publié en collaboration avec Kristian PALDA.

En outre, à l’occasion des 8e journées des I.A.E. à Poitiers, je proposais une communication originale intitulée « Structures de décisions et futur des organisations : Le cas de la gestion communale ». Le papier était fondé sur mon expérience de conseiller municipal à Puget-Théniers, que j’exposais sous forme de cas et qui était suivi de deux autres travaux, le premier qui tirait les leçons marketing de ce cas et le second qui proposait une nouvelle approche théorique pour le marketing public. Rien de moins. Le volume de ces trois textes successifs atteignait plus de cinquante pages.

L’intérêt de ces textes provenait de ce que les évènements relatés avaient été vécus depuis l’intérieur de l’outil de décision. Or ces évènements étaient microscopiques, ce qui permettait de les analyser avec précision : Une femme se faisait une entorse en marchant en fin de journée le long de la route à Puget-Théniers. Son époux accusait la mairie de ne pas entretenir le chemin. Le maire du village en concluait qu’il fallait améliorer l’éclairage de la route au lieu de proposer de remettre le chemin en état, alors que sa proposition revenait à multiplier par au moins par dix le coût des travaux.

Mais l’apparente incohérence de la proposition du maire cachait un calcul politique personnel qu’il n’est pas utile d’exposer ici. Sa proposition mettait aussi en lumière  son schéma de décision du Maire et celui du conseil municipal et révélait une pluralité d’acteurs dans la décision publique recherchant entre eux un point d’équilibre, au sein duquel le « consommateur de service public » n’était qu’un acteur parmi d’autres au lieu d’être l’acteur central, comme il l’est dans les services privés.

Une nouvelle théorie du marketing des services publics pouvait alors être proposée, fondée sur l’identification des acteurs de la décision publique et centrée sur l’équilibre des satisfactions entre ces différents acteurs.

Vous pouvez le constater, c’était une démarche particulièrement ambitieuse à partir d’un micro cas qui a été largement diffusé au Canada, car il y était encore présenté il y a quelques années dans diverses universités. Mais, petite feuille emportée dans le fleuve impétueux de la recherche, mon hypothèse n’a pas retenu outre mesure l’attention de mes collègues spécialistes du marketing public, jusqu’à ce jour...

Par ailleurs, je publiais, toujours avec Kristian Palda comme co-auteur, ce dernier ayant écrit un ouvrage entier sur l’aide publique à l’innovation dans son propre pays, au Canada, deux autres documents de recherche mettant en exergue les éléments manquants des politiques d’innovation dans les pays de l’OCDE en général.

 

Une année finalement bien remplie au plan académique avec des missions en Chine, une invitation au Canada, un changement de poste et des publications qui me paraissaient personnellement importantes. Et au plan personnel, le plus important fut, même si je ne le mentionne qu’en passant, l’année de la naissance de mon dernier fils.

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L'EFFONDREMENT COLONIAL DE LA FRANCE

11 Janvier 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

PONDICHÉRY APRÉS LE SIÈGE DE 1761

PONDICHÉRY APRÉS LE SIÈGE DE 1761

Peut-on avancer que la Royal Navy ait pris un ascendant psychologique sur la Marine Royale ? Les évenements de la fin de la Guerre de Sept ans peuvent le laisser croire.

 

Si la Marine Royale dispose encore d'une quarantaine de vaisseaux, ces derniers sont bloqués et sans équipage, en face d'une Royal Navy qui aligne cinq escadres complètes.

Grinçant, Louis XV se risque à faire de l’humour noir : "il n'y a plus en France d'autre marine que celle du peintre Vernet." Les Ministres de la Marine valsent. Machault d'Arnouville est renvoyé en février 1757, Peiresc de Moras exerce pendant seize mois et Massiac pendant cinq mois. Berryer reste en place de novembre 1758 à octobre 1761, mais c'est la période la plus noire de la Marine Royale car s’ajoutent aux défaites le quasi arrêt des lancements de navires à partir de 1758 .

C'est un ministère en pleine déroute que trouve le duc de Choiseul en 1761. Les comptoirs africains sont progressivement perdus : Saint-Louis tombe en avril 1758, avant les postes de traite échelonnés sur la rivière du Sénégal et plus au sud ceux de Gambie, celui de Ouidah et enfin Gorée en décembre 1758.

Les Antilles résistent plus longtemps. Quelques renforts ont été apportés par l'escadre de Bart en 1755, relayée par Perier de Salvert en 1756, puis celle de Bauffremont et de Kersaint en 1757. En janvier 1759, l'escadre anglaise de Morre débarque ses sept mille soldats sur la Guadeloupe, en subissant deux mille hommes, car l'île résiste.  

Bompar arrive dans les Antilles en mars 1759 avec huit vaisseaux et trois frégates, mais le gouverneur de la Martinique, Beauharnais, reste inerte pendant des semaines et lorsqu'il réagit pour secourir la Guadeloupe, il est trop tard, l’île vient de capituler en mai 1759 et les petites îles des Saintes, Marie-Galante et la Dominique tombent dans la foulée.

La révolte des esclaves de la Jamaïque explique le répit dont bénéficie la Martinique en 1760-1761, mais, le 7 janvier 1762, l’île est assaillie par trente-cinq vaisseaux qui pilonnent Fort-Royal et couvrent le débarquement de dix huit mille tuniques rouges. Or le successeur de Beauharnais, Le Vassor de La Touche, n’a que mille soldats à lui opposer. Le 28 janvier, il doit abandonner Fort-Royal. Replié sur Saint-Pierre, il signe une suspension d'armes le 13 février et se rend le 1er mars.

Choiseul a pourtant envoyé l'escadre de Blénac-Courbon avec huit vaisseaux et un fort renfort de cinq mille cinq cent soldats qui arrivent après la capitulation, mais ce renfort permet du moins de sauver Saint-Domingue.

Louisbourg étant tombée en 1758, le gouvernement français estime que la partie perdue au Canada et cesse pratiquement d'y envoyer des renforts. On a vu qu’en juin 1759, Québec était attaquée par une énorme flotte de vingt-deux vaisseaux, vingt-deux frégates et soixante-dix bâtiments de charge portant dix mille soldats embarqués, qui remonte sans encombre le Saint-Laurent alors qu'on pensait côté français que c'était presque impossible à cause des courants violents et des nombreux bancs de sable. Mais côté anglais on avait fait discrètement un relevé cartographique précis du fleuve, confiée à un jeune officier encore inconnu, James Cook.

On sait que Québec capitule en septembre 1759.

En avril 1760, un renfort symbolique de cinq navires marchands porteurs de vivres, de munitions et de quatre cent soldats escortés par une frégate de 26 canons quitte Bordeaux pour secourir le chevalier de Lévis qui tente de contre-attaquer devant Québec. Mais on a vu aussi qu'il n’y eut pas de miracle. Montréal, attaquée par trois armées anglaises capitule en septembre 1760.

Choiseul tente encore en 1762 un effort désespéré pour reprendre pied en Amérique du Nord afin de disposer de gages pour négocier la paix. Ternay, à la tête d'une division de cinq navires portant un corps de sept cent hommes réussit à atteindre Terre-Neuve et à débarquer à Saint-Jean en juin 1762. La ville est prise et Ternay détruit ou capture 470 navires de pêche provoquant un million et demi de livres de pertes pour les Anglais. Le petit corps expéditionnaire est finalement défait à la bataille de Signal Hill, marquant la fin du conflit en Amérique du Nord et la perte définitive du Canada Français. Reste cependant la Louisiane.

En Inde où parvient d'Aché au printemps 1758, ses renforts permettent à Lally-Tollendal de prendre Gondelour en mai, ce qui semble compenser la chute de Chandernagor. D'acné, qui dispose d'une division navale mixte, soit un 74 canons de guerre et huit navires de la Compagnie des Indes, renforcée de trois autres vaisseaux de 64 canons, il livre contre Pocock une bataille qu’il gagne difficilement dans les eaux de Négapatam le 3 août 1758. Comme d'Aché doit se retirer sur l'Île-de-France à l'approche de la mousson d'hiver, à l’inverse de l'escadre anglaise qui peut hiverner dans  sa base de Bombay, les forces françaises privées de soutien naval échouent à prendre Madras en février 1759, alors que les Anglais qui ont reçu d’importants renforts passent à l'offensive dans le Carnatic.

Pendant ce temps à l'Île-de-France, la Compagnie des Indes déploie des efforts gigantesques pour armer la division navale en faisant venir du ravitaillement de Madagascar et du Cap. Le 10 septembre 1759, d'Aché revient sur les côtes indiennes avec des renforts et de l'argent. Il livre un nouveau combat victorieux pour repousser Pocock, mais à peine a-t-il mouillé devant Pondichéry qu'il s'empresse, inquiet, de se réfugier dans les Mascareignes.  

La côte de Coromandel étant abandonnée à la Royal Navy, le sort des établissements français de l'Inde est scellé. Pondichéry, assiégé par seize vaisseaux et quinze mille hommes, capitule en janvier 1761 après dix mois de siège et la ville est ravagée de fond en comble. Mahé tombe le mois suivant. Ne reste plus à la France que l'archipel des Mascareignes où se sont repliés les vaisseaux français. Tandis que D'Aché rentre en mars 1761, d'Estaing fait, depuis l'Île-de-France, une brillante campagne corsaire avec deux navires dans le golfe Persique et à Sumatra, où il saccage de nombreux comptoirs anglais.

L'entrée en guerre de l'Espagne en 1761 sauve l'Île-de-France d'un débarquement anglais massif, mais la marine espagnole ne fait pas le poids car elle ne peut empêcher la Royal Navy de s’emparer de La Havane le 13 août 1762, de faire la conquête de la Floride, puis de prendre Manille le 22 septembre 1762.

 

La Royal Navy dominait le monde en 1763, lors du traité de Paris, et les prises furent en conséquence.

 

À SUIVRE

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S'ÉVADER DE SA CONDITION ANIMALE?

6 Janvier 2021 , Rédigé par André Boyer

S'ÉVADER DE SA CONDITION ANIMALE?

Je vous souhaite une excellente année 2021, avec le sentiment que les circonstances vont devenir plus favorables qu’en 2020, au moins en matière de Covid-19.

 

Mais ce Covid-19, nous n’avons pas fini d’en subir les conséquences et d’en tirer les leçons. L’une d'elles concerne le rôle de l’homme dans les événements qui se sont déroulés depuis le début de l’épidémie.

Bertrand Alliot* nous livre une des clefs de ce rôle en nous exhortant à ne jamais oublier que l’homo sapiens n’est qu’une espèce animale comme les autres. Cela signifie que croire que les règles qui s’imposent aux autres espèces ne vaudraient pas pour l’homme, ou présumer que ce dernier est capable de les contourner ou de s’en affranchir, n’est qu’illusion.

Il suffit d’observer les chroniqueurs du quotidien dénoncer les errements des hommes politiques comme s’ils étaient des héros capables de maitriser le Covid, pour finir, en bout de chaine, par constater que les résultats sont approximativement les mêmes partout et que, finalement, les mêmes mesures se sont imposées à tous les décideurs.

Dans cette situation, où est la liberté du politique ? Et où est la liberté de l’homme, qui a été soumis à la nécessité, comme toutes les autres espèces ? Peut-on vraiment considérer que l’homme vaut mieux que l’animal ?

Au moment où l’homme, ce héros de l’histoire, se trouve placé devant son destin d’espèce avec la pandémie du Covid-19, va-t-il, comme tous les autres êtres vivants, endurer sans les comprendre les assauts des éléments adverses ? Ou va-t-il, armé de sa clairvoyance, se révéler un être d’exception, parmi tous les animaux, capable d’organiser la meilleure défense possible contre le Covid-19 ?

Les résultats sont mitigés. D’un côté, l’homme a su s’organiser collectivement tout en lançant une gigantesque recherche de vaccin à l’échelle planétaire. Et il a mis en place un système qui lui a permis de se protéger du virus en attendant de trouver la parade.

Oui, on peut avancer que l’espèce humaine a su faire face au sort qui l’a frappé. Mais d’un autre côté elle ne l’a fait que le dos au mur, comme les autres espèces. À quoi servirent les innombrables mises en garde contre les risques de pandémie ? Quand a t-on décidé de limiter les échanges pour diminuer ce risque ? Même après que la pandémie ait débuté, les mesures de protection sont restées partielles et ont été appliquées tardivement.

Finalement, en quoi la capacité de l’homme à calculer, à prévoir, à anticiper a-t-elle été mise à contribution ? En rien.

Or, il me semble que c’est bien cette capacité du cerveau humain à voir et à maitriser le monde qui sépare l’homme des autres espèces animales. Parce qu’à part cela, l’irruption de l’espèce humaine sur Terre n’a rien d’inédit. L’homme utilise les ressources que lui offre la planète, il recompose son environnement, il fait disparaitre de nombreuses espèces, comme n’importe quelle autre espèce.

Car le cerveau de l’homme lui a permis de s’évader des contraintes d’une vie active asservie par ses besoins et ses désirs pour conquérir un espace de liberté qui lui a permis de disposer de temps pour s’adonner à la vie contemplative?

Or n’est-ce pas justement cette part contemplative de sa vie qui a permis à l’homme de comprendre qu’il était asservi aux dures contraintes que lui imposait la nature, à commencer par sa mort ? Et juste retour des choses, c’est au cours de ce temps d’observation et de réflexion qu’il a conçu les outils qui lui ont permis de vivre plus confortablement, de travailler moins et de disposer d’encore plus de temps contemplatif.

Cependant, la partie animale de l’homme l’a poussé et le poussera toujours à rechercher toujours plus de confort, en d’autres termes à consommer de plus en plus.

Or, malgré une part croissante de sa vie consacrée au contemplatif qui a permis de multiplier les alertes issues de travaux scientifiques toujours plus considérables, on a pu constater que l’homme était incapable d’anticiper les risques de pandémie, parce qu’il accordait la priorité à son confort sur sa lucidité. 

 

C’est pourquoi l’épisode du Covid-19 sera peut être porteur, d’une vision plus lucide de la capacité de l’homme à affronter les événements à venir.

 

À SUIVRE

 

D’après Bertrand Alliot, Une histoire naturelle de l’homme, L’Artilleur, Paris, 186 pages, 2020

 

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