Une théorie générale de la vie?
Cet article clôt, de manière bien cérébrale, la série des quatre vingt dix huit articles que j’ai publié cette année, sous les rubriques trajectoire comme celui-ci, oligarchie sur le fonctionnement de la société française, actualité ou interlude pour écrire parfois sur autre chose. Je remercie les deux mille visiteurs qui ont bien voulu consulter ce site au cours de l’année et partager ainsi mes réflexions et interrogations. Je leur présenterai mes vœux à l’occasion du prochain blog. |
Dans un article publié le 15 décembre dernier et intitulé « La résilience vitale » je rappelais, que du point de vue scientifique, l’origine de la vie n’est qu’une simple réaction chimique qui engendre des molécules organiques assez complexes pour avoir la capacité de se reproduire.
Les hommes ont désormais une connaissance approfondie des mécanismes vivants, à partir de laquelle ils cherchent à construire une théorie générale de la vie qui permettrait à notre génération de démontrer qu’elle a su dépasser en savoir ce que les générations précédentes croyaient. Il suffit pour cela de postuler que les phénomènes biologiques sont provoqués par les réactions physico-chimiques de la matière inerte, et l’on dispose alors de l’hypothèse la plus lumineuse et la plus matérialiste qui soit relativement à l’origine et l’évolution de la vie.
Un certain nombre de scientifiques considèrent donc que la création d’une molécule vivante à partir des matériaux inanimés est un phénomène tout à fait naturel. Pour autant, jamais aucun scientifique n’est parvenu à créer la vie à partir de la matière inerte. Sciemment, je n’ajoute pas « jusqu’à ce jour » afin de ne pas laisser croire que cela sera possible un jour.
Il leur paraît également plausible que la vie soit apparue sous des formes diverses. Le fait qu’il n’en existe qu’une seule forme aujourd’hui s’expliquerait par le mécanisme de la sélection naturelle qui a abouti à une forme de vie assez vigoureuse pour éliminer les autres formes vitales, injustement, pensent certains, incorrigibles…
Enfin, de nombreux scientifiques semblent considérer comme « raisonnable » que la vie existe dans l’Univers ailleurs que sur notre planète. En effet, compte tenu du nombre quasiment illimité de planètes et de la probabilité élevée d’y trouver des environnements analogues à ceux qui prévalent sur la Terre, les conditions devraient être réunies sur plusieurs planètes pour créer des substances vivantes à partir de la matière inanimée.
Pourtant, dans la partie de l’Univers que les hommes ont observé, écouté et analysé, aucune observation n’a jamais révélé ailleurs que sur Terre la présence de la moindre forme de vie.
Les scientifiques peuvent naturellement invoquer l’insuffisance de leurs moyens techniques pour laisser planer l’espoir de découvertes qui corroboreraient un jour prochain leurs hypothèses précédentes, mais tant qu’ils n’auront pas apporté la preuve du contraire, c’est pure conjecture. Jusqu’ici, deux faits fondamentaux restent irréfutables : l’homme n’est jamais parvenu à créer la vie à partir de la matière inerte et la vie ne semble exister que sur Terre et sous une seule forme.
Qu’en conclure, sinon que la vérité scientifique a aussi des limites ?
Oligarchie, libéralisme et socialisme
Le libéralisme est une idéologie ancienne comme le monde, celle qui traduit l’aspiration de l’être humain à ne pas dépendre d’un autre pour vivre. Ce libéralisme déteste tout pouvoir arbitraire et il professe qu’il faut s’aider soi-même sans attendre que la providence ou que les autres comblent vos désirs.
Or cette idéologie manque furieusement de limites. Rien ne l’arrête, aucune barrière à ses désirs ne paraît naturelle. Les coutumes, les croyances religieuses, les lois civiles, tout cela ne sont qu’entraves à la liberté d’un être né libre, qui ne saurait être esclave des préjugés (regardons du côté de Jean-Jacques Rousseau). Chacun ne doit obéissance qu’à soi, dans la mesure où il a le droit imprescriptible de poursuivre ses fins propres. La raison est appelée à la rescousse pour juger de tout et questionner toute règle établie. Elle génère cette société libérale qui s’installe à l’évidence dans notre monde, gouvernée par l’avantage personnel de chacun et par l’acceptation forcée des autres parce que l’on ne peut pas vivre convenablement seul.
Naturellement, un tel principe, au sein d’une société composée d’individus forcément inégaux en intelligence et en énergie vitale aboutit à ce que les forts asservissent les faibles. Et cette situation insupportable pour ces derniers provoque l’émergence d’une idéologie apparemment contraire, le socialisme, qui prétend réguler sur une base égalitariste les désirs de tous. Le socialisme ne nie cependant pas le fondement du libéralisme qui consiste à postuler que l’homme réalise sa nature par l’assouvissement de ses désirs, mais il pense simplement que ces derniers sont plus aisément satisfaits par une régulation égalitariste que par une addition d’initiatives individuelles.
De son côté, le libéralisme a forcément mauvaise conscience par rapport au socialisme parce qu’il doit bien reconnaître que le triomphe des idées libérales implique l’insolent, l’injuste succès de quelques-uns aux dépens de tous. Qui peut vraiment accepter que celui-là, parce qu’il a inventé Microsoft, possède-je ne sais combien de milliards de dollars ? Que l’autre, qui arrive mieux que vous à viser un petit trou dans le gazon avec une petite boule blanche, ait à ses pieds les plus séduisantes femmes de la terre ? Du coup le libéralisme cherche à se faire accepter par l’immense cohorte des perdants en injectant de la justice dans son moteur, en d’autres termes en y mêlant toujours plus de socialisme. D’autant plus que les vaincus de la compétition libérale sont en général de mauvais perdants, car ils prétendent qu’ils ne sont pas malheureux par leur faute mais par celle de la société, qui n'est pas assez reconnaissante de leurs mérites.
Pourtant, libéralisme et socialisme se retrouvent dans la nécessité d’installer une oligarchie pour gouverner la masse. Le libéralisme, univers de concurrence, conduit tout droit l’économie à une incessante concentration industrielle et financière, à un marché où dominent des oligarchies censées réguler la production des biens, la distribution des richesses et la concurrence sauvage pour le bien être de tous. De son côté, l’organisation centralisée que suppose le socialisme engendre des organisateurs qui se constituent naturellement en oligarchie dirigeante vouée au bonheur de tous. Je pense à nos hommes et femmes politiques, qui se mettent au service public par passion et intérêt dés sortis de l’adolescence et qui s’y accrochent jusqu’à leur dernier souffle.
Ainsi libéralisme et socialisme se retrouvent unis pour mettre en place un nécessaire système d’asservissement des masses, nécessaire puisqu’il les rassemble. Et l’on entend la chorale des politiques et des capitaines d’industrie, maîtres du système, proclamer leur dévouement aux masses pour faire oublier leurs émoluments et les esclaves leur répondre en choeur pour réclamer toujours plus de pain et de jeux, acharnés à assouvir les passions mêmes dont leurs maîtres ont besoin qu’ils les éprouvent, afin de les mieux asservir…
Cet article est librement inspiré d’une réflexion de Claude Polin, philosophe.
Le modèle France
Le 2 décembre dernier (une bonne date anniversaire pour s’entretenir de la démocratie en France), je vous ai proposé un article que j’ai intitulé « l’idéologie égalitaire versus la diversité de la société française » que je concluais en observant que c’est parce qu’elle n’ignore sans doute pas que les événements démentent chaque jour l’idéologie officielle de l’égalité entre des Français tous unis autour de l’idéal républicain, que l’oligarchie au pouvoir s’efforce de détourner l’attention en mettant en scène une France exemplaire censée inspirer le reste du monde.
En effet, d’après les « élites » qui la dirigent, la France est le pays des droits de l’homme, soucieuse de défendre les intérêts des pays pauvres, une terre d’accueil pour les réfugiés politiques, un pays tolérant et respectueux des cultures et des religions du monde. Comme un pays aussi vertueux est une sorte chef d’œuvre en péril, La France est tout naturellement attachée à défendre sa spécificité, tout en se faisant le héraut de l’intégration et de l’élargissement de Europe, convaincue qu’elle est des bienfaits pour la paix, le bien être des peuples et l’équilibre mondial qu’une Europe guidée par la France.
Voilà résumé le catéchisme des officiels français dont vous voudrez bien convenir qu’il correspond assez fidèlement à la vulgate des discours des gouvernements français successifs depuis près d’un demi-siècle.
Pour justifier une telle vision, nos dirigeants expliquent que l’histoire de la France est à l’origine de la sagesse de ses dirigeants et de la bienveillance que ce pays manifeste à l’égard du reste du monde. Selon eux, la Révolution française est l’aboutissement de huit siècles d’une sorte de préhistoire nationale qui court de Bouvines à la prise de la Bastille. C’est alors qu’ inspirée par la raison et la passion de la liberté, la Révolution a balayé les privilèges et la religion d’État qu’avaient édifié les rois pour permettre à chacun d’être égal en droit dans un pays gouverné selon les principes républicains.
Avant la Révolution (au fait à quelle date a t-on proclamé la Première République Française[1] ? c’est bizarre que l’on ne vous en parle jamais, non ?), c’était une autre société, un autre pouvoir, presque un autre pays qui n’avait rien à voir avec la France d’aujourd’hui, un peu comme feu l’URSS qui agissait et prétendait penser comme si l’empire russe n’avait jamais existé avant octobre 1917.
La République Française, quant à elle veut, accréditer la croyance que le régime politique actuel est l’héritier d’une vérité universelle découverte en 1789, ce qui justifierait la prétention des politiciens français à gouverner le pays comme s’ils étaient naturellement chargés de donner des leçons aussi bien à leurs propres citoyens qu’au reste du monde. À cet égard, relisons De Gaulle qui proclame dès la première ligne de ses mémoires : « Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France », une « certaine » idée qui lui a donné en même temps une idée du rôle qu’il se proposait de jouer à sa tête. Toujours selon la même idéologie de notre oligarchie, la vérité, dont la France républicaine a eu la révélation en premier, a ensuite pénétré les cerveaux épais de toutes les autres sociétés humaines. C’est à ce titre que la France se voit comme un modèle universel par l’antériorité et la pureté du principe républicain qui y est appliqué même si les deux premières républiques moderne furent établies en Corse entre novembre 1755 et mai 1769 sous le magistère de Pascal Paoli et aux Etats-Unis le 4 juillet 1776.
Sur ces bases idéologiques pus qu’historiques que soutiennent nos dirigeants, il est impensable que la République Française se reconnaisse simplement comme l’héritière des régimes politiques qui l’ont précédé, royaux, républicains et impériaux, parce qu’il lui faudrait alors convenir que le régime politique actuel ne détient aucune vérité particulière et qu’il n’a donc aucun message universel à transmettre à tous les peuples de la Terre.
Il lui faudrait alors accepter d’être comparée avec les nombreux royaumes démocratiques européens qui ne semblent pas rendre particulièrement malheureuses les populations qu’ils gouvernent. Il lui faudrait aussi accepter de discuter de la validité des principes qu’elle proclame, de la manière dont elle les applique, et surtout de reconnaître qu’elle ne subsiste, elle et ses principes, qu’en vertu de la volonté des citoyens français. Une horreur, qui rabaisserait le personnel politique français au médiocre niveau des politiciens des autres pays, et le priverait de tout magistère moral sur la population.
C’est pourquoi les dirigeants français veillent à proclamer leur credo dans les valeurs « républicaines » et non dans les valeurs démocratiques. Et pour asseoir leur prétendue supériorité face à la population française, ils ne se privent pas de faire ostensiblement la leçon au reste du monde.
[1] Le 22 septembre 1792 par la Convention, à la suite de l’émeute organisée par Danton le 10 août 1792. Ce devrait être la date de la fête nationale, dans un régime républicain. Pourquoi n’est-ce pas le cas à votre avis ?
La résilience vitale
Le 28 octobre dernier, je publiais un article sur l’insondable mystère cosmique. Devant le vertige qui nous saisit à le contempler, j’en concluai qu’il nous fallait bien trouver la force de nous en détourner pour observer de plus près Gaïa, notre planétoïde. Heureusement, en effet, que nous disposons de cette mince croûte couverte d’êtres vivants qui s’évertuent à la façonner et à la ronger…
Quand nous observons les cataclysmes, nous comprenons bien ce que serait la Terre sans la vie, cette vie qui résiste à presque tout. En 1883, l’éruption du Krakatoa a fait disparaître tout signe de vie sur les deux tiers de l’île, qui n’était plus que poussière. Puis, fécondée par la vie venue de la mer avec la complicité du vent, il a suffi d’un siècle pour que l’île Krakatoa retrouve son épais manteau végétal malais.
C’est que la vie est têtue même si chaque forme de vie est très délicate. Car la vie sait s’imposer face aux forces de la nature dans les conditions les plus inhospitalières et ceci depuis des milliards d’années, grâce au phénomène si contesté de la sélection naturelle, qui laisse se développer la forme la mieux adaptée à son environnement.
La surface et l’atmosphère de la Terre sont imprégnées de vie et c’est elle qui lui donne ses couleurs et sa diversité et lui permet de présenter un degré d’ordre, d’organisation et de diversité que l’on ne trouve nulle part ailleurs dans l’Univers. Cela ne s’est pas produit sans délais. Car, si l’âge de la Terre est de 4,6 milliards d’années, il a fallu attendre un milliard et demi d’années pour qu’apparaissent des structures microscopiques dotées d’une organisation cellulaire complexe. On peut donc penser que des formes de vie plus simples ont existé encore plus tôt, même si les premières manifestations de la vie furent si fugaces qu’aucun fossile n’en a conservé la trace. Aujourd’hui encore, l’origine de la vie sur notre planète reste mystérieuse, d’autant plus qu’aucun autre signe de vie n’a jamais été détecté dans l’Univers, n’en déplaise aux auteurs de science-fiction.
Du point de vue scientifique, l’origine de la vie n’est qu’une simple réaction chimique qui engendre des molécules organiques assez complexes pour avoir la capacité de se reproduire. Toutes les formes vivantes ont la propriété de transférer leurs caractères héréditaires d’une génération à une autre grâce à une molécule particulière, l’acide désoxyribonucléique ou ADN. Cette configuration commune conduit à penser que tous les êtres vivants, microbes, plantes, animaux ont la même origine, l’ADN se chargeant de transmettre ses instructions à ses successeurs à partir de ce qu’il a retenu du passé.
Claude Bernard avait déjà noté au XIXe siècle que la marque distinctive des êtres vivants n’était pas leur composition physique, mais leur organisation qui s’applique non seulement à l’organisme mais aussi au système écologique auquel ils appartiennent. Tous les êtres vivants sans exception dépendent d’autres organismes vivants pour leur survie. Plus l’organisme se situe à un niveau élevé de l’échelle de l’évolution et plus il est dépendant du réseau complexe des autres êtres vivants. Une des tendances de l’évolution est donc d’engendrer des écosystèmes de plus en plus interdépendants. Mais par ailleurs, cet organisme vivant plus évolué acquiert paradoxalement de plus en plus d’autonomie individuelle vis-à-vis de son environnement. La liberté des animaux à sang chaud dans la forêt est incomparablement plus forte que celle des molécules vivantes contenues dans une gelée protoplasmique. C’est ainsi que l’homme, dont la pérennité de son organisation collective de plus en plus sophistiquée est menacée par la moindre modification de climat, est aujourd’hui capable en tant qu’individu de survivre dans les conditions les plus extrêmes, y compris dans l’espace.
La complexité joue donc à la fois en faveur de la liberté de l’individu et contre la survie de son écosystème.
Ciel, mes tartines ont une empreinte carbone!!!!
Copenhague, le réchauffement climatique, les gaz à effet de serre, les mesures à prendre. Dans un demi-sommeil, je me souviens de mes tartines, au petit-déjeuner:
Une grosse tranche de pain achetée chez un des trois boulangers du village ; j’aimais qu’elle soit dotée d’une croûte bien croquante, assez large. J’y ajoutais une épaisse couche de beurre qui embaumait les verts pâturages des Alpes. Elle n’était pas complète sans une bonne dose de marmelade qui couvrait tout le beurre. Puis, encore somnolent, je trempais la grosse tranche d’un geste automatique dans mon café au lait, avec la conviction que le mélange de pain, de beurre, de confiture, de café et de lait me fournirait l’énergie nécessaire pour supporter l’école jusqu’à la récréation. À ce moment-là, j’avais bien l’intention de dévorer quelques biscuits.
C’était autrefois.
Aujourd’hui, je veux du pain bio cuit dans un four solaire, j’ai remplacé le beurre par un produit sans cholestérol; je m’assure que la confiture a été fabriquée dans des conditions sanitaires irréprochables sans trop de sucre ajouté, et qu’elle est conservée dans un bocal recyclable que j’utilise pour y ranger des stylos avant de le jeter dans une poubelle verte. Je lis les étiquettes.
Désormais, je me soucie de l’empreinte carbone de ma tartine du matin et il n’est plus question que j’écoute mes désirs car ils conduisent à la catastrophe, car un rien, un tout petit rien dans mes comportements peut provoquer la hausse du niveau des mers ! Je pense sans cesse aux îles du Pacifique et à la survie des populations, d’autant plus que les medias se chargent de me le rappeler à chaque bulletin d’information.
Il n’est plus question que je fasse confiance à la nature. Certes, autrefois elle était hostile, mais on pouvait s’y fier, c'était du solide. Quantité de choses échappaient à mon contrôle. Mon destin n’était qu’un destin. Ce qui restait entre mes mains me paraissait léger. J’essayais d’avoir des opinions personnelles parce que j’étais sûr qu’elles n’auraient pas d’effet désastreux. Je ne craignais pas mes faiblesses, personne ne m’en ferait de procès. Je vivais avec des gens qui étaient mes pareils à ceci près qu’ils n’avaient ni les mêmes habitudes ni les mêmes désirs que moi. Certains aimaient les grosses voitures, d’autres le hockey sur gazon, quelques-uns l’eau minérale. Je me fixais des objectifs à ma mesure. Je ne portais pas le poids du monde. Il y avait Dieu, la raison, la morale, et il existait ailleurs d’autres formes de sagesse. J’avais des marges de manœuvre que personne ne venait me contester.
Aujourd’hui, je suis effrayé comme tout le monde par le réchauffement climatique, par les épidémies, par le déficit alimentaire et les biotechnologies, par les décisions qu’il faut prendre tous les jours afin de préserver l’avenir. Je redoute l’heure du journal télévisé et la lecture des éditoriaux qui me disent ce que je devrais faire alors que je ne le fais pas. Je me méfie de tout, à commencer par mon égoïsme. Je ne sais plus quoi exiger des gouvernements, des religions et du patronat puisque je suis comptable comme eux de ce qui va survenir. Sans arrêt, je révise mon programme à la baisse.
Puis je me rendors. Et dans mes rêves, je me retrouve dans le paradis désormais perdu de mon insouciance et de mon irresponsabilité passées…
L'idéologie égalitaire versus la diversité de la société française
Dans un article intitulé « L’alibi de l’idéologie républicaine » publié le 21 novembre dernier, je m’étonnais de l’immense capacité de résistance des dirigeants français, fondée sur l’inexpugnable « idéologie républicaine » capable de nier ou d’ignorer les faits les plus patents, considérés comme des données inéluctables par le reste du monde. Observons donc ces faits :
Il suffit d’observer l’évolution de la composition de la population française, son interpénétration avec des sociétés issues d’autres cultures ou l’affaiblissement de la souveraineté nationale pour remettre en cause les certitudes idéologiques des citoyens français, s’ils veulent bien ouvrir les yeux.
En effet, tant que la République Française conservait à l’intérieur de ses frontières une population stable, les contradictions idéologiques pouvaient être circonscrites à des débats internes. Selon une logique imposée par les politiciens français, le choix était simple : d’un côté la gauche, républicaine et laïque, et de l’autre la droite, conservatrice voire royaliste et catholique. Les discussions étaient circonscrites à quelques amphithéâtres, salons et cafés de deux ou trois quartiers parisiens. Naturellement, qu’il les approuve ou s’en étonne, aucun étranger n’avait l’outrecuidance de s’en mêler. Inversement, les réformes entreprises ailleurs n’intéressaient que les spécialistes.
Mais en cette première décennie du XXIe siècle, le huis clos qui permettait de pérenniser ce débat convenu est désormais impraticable. À l’intérieur du pays, on compare les niveaux de vie et les « modèles » étrangers. À l’extérieur, on raille la spécificité française, on se cabre contre les leçons que cherche encore à donner la vieille nation. À chaque pas, la République se trouve dans l’obligation de se justifier, prise dans les tenailles de ses contradictions. Si la population française est toujours sous le feu de la propagande de son oligarchie et si le monde entier est encore sommé de croire que la France possède un modèle social et culturel à vocation universelle, les coups de boutoirs de la mondialisation mettent un peu plus chaque jour à nu le vide des discours.
Pour illustrer ce vide du discours, nous prendrons pour exemple celui portant sur l’égalité. Parmi les grands principes de la République, l’égalité est certainement celui qui est le plus nettement mis en exergue car il constitue l’arme idéologique privilégiée de l’oligarchie française, derrière laquelle elle camoufle ses privilèges. Il offre en effet une magnifique justification morale à ceux qui s’en prévalent, il permet de prélever toujours plus d’impôts puisque l’inégalité repousse sans cesse comme une mauvaise herbe et il réduit enfin la société française à un ensemble d’atomes indifférenciés plus facilement contrôlables.
Or les voies d’accès à l’oligarchie qui restent obstinément fermées, en vertu du système des grandes écoles et de la centralisation parisienne du pouvoir, révèlent à quel point le concept d’égalité est une arme à usage purement externe. Par contre, il s’applique sans réserves à l’accueil des immigrés comme un moyen de nier leurs différences de culture et de religion. Il permet de calquer le droit des étrangers à celui qui s’applique aux Français au point de donner la priorité théorique aux premiers en matière de droits sociaux puisqu’ils sont souvent plus pauvres que les Français. Il légitime aussi l’interdiction de publier les statistiques relatives aux différences de culture, de religion ou à la nationalité d’origine des Français. Au nom de l’égalité et au prix de la négation des obstacles culturels qui se dressent entre une partie des immigrés et la majorité de la société française, le pouvoir et les medias se contentent d’appeler benoîtement à la non-ségrégation comme si elle n’existait que dans la tête des français autochtones, comme si elle ne dépendait que de leur ouverture d’esprit ou comme si les immigrés n’aspiraient qu’à se fondre dans le principe d’égalité que postule la République Française.
Les citoyens français peuvent constater par eux-mêmes, au travers de mille exemples, que se forment dans le pays des minorités qui s’écartent des traditions culturelles de la majorité. Ils le voient à l’école, dans les hôpitaux, ils le voient dans les rues. Tandis que les gens qui habitent en France proviennent de sociétés de plus en plus variées par leurs racines, leurs cultures, leurs religions, leurs histoires, il est confondant que l’oligarchie veuille maintenir la fiction de l’unité de la population française simplement en niant les différences. Lorsque la parole devient outrageusement mensongère, comment peut-on encore ignorer au pays de la pensée unique, que les auditeurs décodent l’information, interprètent le non-dit, rétablissent le sens des mots et renvoient le discours officiel à un simple bruit de fond ?
C’est parce qu’elle n’ignore sans doute pas que les événements démentent chaque jour l’idéologie officielle de l’égalité entre des Français tous unis autour de l’idéal républicain, que l’oligarchie au pouvoir s’efforce de détourner l’attention en mettant en scène une France exemplaire censée inspirer le reste du monde.