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Le blog d'André Boyer

LES PRINCIPES MERCANTILISTES

29 Octobre 2017 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LES PRINCIPES MERCANTILISTES

 

Vous voudrez bien retenir que le principe qui sous-tend cet article est que le pouvoir s’impose à la théorie et non l’inverse. C’est pourquoi, jusqu'au XVIe siècle, la réflexion économique en Europe était fondée sur la doctrine chrétienne, élaborée presque exclusivement par les penseurs scolastiques.

 

Inspirées par les pensées d'Aristote et Platon et encadrées par l'Église, les conceptions économiques d'alors dénonçaient, suivant en cela Aristote, l’accumulation des biens motivée pour son plaisir personnel. Si la chrématistique, qui est la gestion et la négociation des affaires d’argent, était observée, c’était avec un esprit critique. L’échange d’argent était toléré lorsque la communauté (l'oïkos) n’était pas en mesure de s’auto suffire, mais il était condamné lorsque la motivation était l’accumulation de richesses. Aristote justifiait cette position en affirmant que l’homme était fait pour vivre en communauté alors que  l’accumulation de l’argent était un moyen pour l’individu de prendre le contrôle de la communauté. On ne peut qu’observer, sur ces deux points, que ses analyses n’ont pas vieilli…

L’Église catholique, notamment par l’entremise de Saint Thomas d’Aquin, reprenait les critiques d’Aristote, mais les mercantilistes prirent le contrepied de cette approche traditionnelle, en exaltant au contraire le développement des marchés et du commerce, pilotés qu’ils étaient  par les princes et les marchands.

Entre 1500 et 1750, les économistes mercantilistes exprimèrent des doctrines variées, selon le temps et le lieu, mais on peut néanmoins retenir quelques uns de leurs principes centraux:

- Le commerce extérieur était un enjeu de puissance : comme le système économique était vu par les mercantilistes comme un jeu à somme nulle, le commerce intérieur n’avait que peu d’effet sur la richesse nationale, ce qui justifiait la priorité accordée au commerce extérieur.

- La recherche de la richesse était un but national : les premières théories mercantilistes étaient bullionistes, ce qui signifiait qu’un pays riche était celui qui accumulait de l’or et de l’argent. En conséquence, tous les pays européens, à commencer par l’Espagne et le Portugal, possesseurs des mines en Amérique, prohibèrent l’exportation des métaux précieux et comme le commerce international restait le moyen privilégié de les acquérir, il revint à l'État d’exporter suffisamment pour obtenir une balance commerciale excédentaire d’or et d’argent. En outre, les bullionistes prescrivirent des taux d'intérêt élevés pour encourager les investisseurs à placer leur argent dans le pays.

- La notion de richesse évolua au XVIIe siècle : les mercantilistes élargirent leur définition de la richesse d’un pays en y ajoutant l’ensemble des biens nécessaires à ses habitants : « La vraye richesse d'un Royaume consiste dans l'abondance des Denrées, dont l'usage est si nécessaire au soûtien de la vie des hommes, qu’ils ne sçauroient s’en passer » (Sébastien Le Prestre de Vauban, Projet d’une dixme royale, 1707, p. 77-78).

L'objectif d'une balance commerciale excédentaire fut maintenu, qui pouvait désormais être obtenu grâce à la transformation de biens importés : le principe consistait à importer des matières premières, comme du coton, pour pouvoir exporter des produits transformés, comme du drap. Désormais les mercantilistes prônaient l'interdiction de l'exportation de matières premières brutes pour favoriser le développement d'industries manufacturières exportatrices. De plus, comme l’établissement d’industries manufacturières nécessitait d’importants capitaux, ils recommandaient la suppression des restrictions contre l'usure, mais restaient divisés quant à l’efficacité des monopoles ou  de la mise en place de quotas et de plafonnement des prix. Quels ne sont pas, aujourd’hui, les pays qui restent plus ou moins ouvertement mercantilistes ?

- Les travailleurs devaient être payés au niveau de revenu qui leur permettait de survivre et rien de plus, afin de maximiser les revenus des investisseurs, un principe toujours d'actualité... 

Au nom de cette maximisation, on vit Colbert faire travailler des enfants âgés de six ans dans les manufactures d’État et on obtint au Royaume Uni, même après la période mercantiliste, les Poor Laws, dont la célèbre loi de Speenhamland en vigueur de 1795 à 1834, qui, sous couvert de charité, permettait de rémunérer les travailleurs au-dessous du seuil de survie. Cette loi était destinée à amortir le choc social de l’éviction des paysans de leurs terres afin d’élever les moutons nécessaire à l’industrie du tissage de la laine.

 

Si la théorie mercantiliste s’imposa entre le XVIe et le XVIIe siècle, c’est qu’elle répondait aux besoins des Princes qui gouvernaient des États concurrents, dans le contexte d’enrichissement de l'Europe lié à la découverte de l’Amérique.

 

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ÉLIMINER LES AMÉRINDIENS AU PLUS VITE

23 Octobre 2017 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

ÉLIMINER LES AMÉRINDIENS AU PLUS VITE

 

Avant de s'attaquer "sérieusement" aux Amérindiens, les Français et les Espagnols furent progressivement éliminés du pouvoir en Amérique du Nord.

 

Les Français réussirent cependant à survivre en tant qu’unité politique au sein du Canada parce qu’ils furent longtemps majoritaires par rapport aux populations d’origine anglaise et lorsqu’ils devinrent minoritaires, ils étaient encore trop nombreux pour être dissous dans un pays peu peuplé. Les Espagnols furent repoussés quant à eux au Mexique dont la partie nord fut conquise par les Etats-Unis. Mais ils ne furent pas massacrés.  

Les Indiens, oui.

Les Espagnols avaient commencé le travail. Dès 1784, une politique d'extermination des Apaches âgés de plus de sept ans (sic) fut mise en place, tandis que, côté britannique, les Amérindiens étaient refoulés vers l’ouest par la pratique du squatting, en d’autres termes l’accaparement des terres. En outre, involontairement et volontairement, les colons britanniques introduisirent des maladies inconnues des Amérindiens, même si les maladies infectieuses existaient avant 1492. Cependant les colonisateurs amenèrent avec eux la variole, la rougeole, la peste, le choléra, la fièvre typhoïde, la diphtérie, la malaria, la scarlatine, la fièvre jaune et des maladies vénériennes qui causèrent près d’une centaine d’épidémies majeures en cinq siècles.

La maladie qui causa le plus de ravages fut la variole qui s’installa en Amérique du Nord dès 1520 et balaya des groupes entiers de populations dépourvues de défenses humanitaires. Il ne s’agit pas de la simple conséquence malheureuse de la colonisation. Les colons américains se réjouissaient de l’affaiblissement des sociétés indiennes en considérant que la variole était envoyée par Dieu pour punir les Indiens et les récompenser, eux qui étaient si courageux et si pieux. Pire encore, comme je l’ai déjà relaté, ces maladies étaient volontairement répandues parmi les Indiens. La preuve la plus flagrante est l’ordre donné en 1763 par le général britannique Amherst à Fort Pitt (Pennsylvanie) de  « répandre la variole parmi la vermine », à quoi son subordonné, le colonel Henry Bouquet, répondit qu’il l’avait fait, au moyen de couvertures contaminées par la variole…

Aux maladies, il faut ajouter l’alcool qui permit aux trappeurs de déposséder les Indiens de leurs fourrures, de leur extorquer des traités iniques, quand il n’était pas tout bonnement utilisé pour les endormir et les tuer. Cette distribution libérale d’alcool aux populations indiennes fut un moyen privilégié d’affaiblir les sociétés amérindiennes, tandis que la distribution d’armes, de blé, d’objets en métal, de nouvelles plantes et de chevaux les dépossédaient de leur culture, comme aujourd’hui les Etats-Unis s’efforcent de le faire au travers de la « mondialisation » qui n’est autre que l’américanisation.

Au Texas actuel par exemple, le cheval renforça le nomadisme de plusieurs tribus et contribua à modifier leur répartition géographique ; les Navajos se mirent à élever des moutons, introduits par les Espagnols, les Cherokees, les Chicachas, les Chactas, les Creeks et les Séminoles furent considérés comme des tribus plus « civilisées » que les autres par les colons parce qu’elles avaient adopté nombre de coutumes importées par ces derniers, qui n'avaient par ailleurs aucune concession à faire aux Amérindiens. Tant mieux s’ils s’évangélisaient, c’est qu’ils allaient se fondre dans le melting pot.

 

D’une façon générale, les colons américains méprisaient des Amérindiens qu’ils considéraient au mieux comme de bons sauvages à « civiliser », au pire comme des démons à convertir, à réduire en esclavage ou à massacrer.

 

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LE TAAROF, C'EST QUOI ÇA?

17 Octobre 2017 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

LE TAAROF, C'EST QUOI ÇA?

 

 

Il me semble que le Président Donald Trump n’a pas encore été initié à l’art du taarof, à moins qu’il n’en utilise une forme si recherchée que même les dirigeants iraniens ne le comprennent pas. 

 

Le taarof ? Qu’est ce que cela veut dire ? C’est un terme iranien qui décrit une forme très subtile de communication correspondant à une attitude d’extrême politesse, par laquelle votre interlocuteur essaie de vous montrer son humilité.

Humilité ? C’est sûr, Donald Trump a du travail à faire pour l’atteindre, alors que les Iraniens pratiquent cette forme d’échange verbal au quotidien, avec leur famille, leurs amis et avec les étrangers, qui est l'un des ornements les plus précieux de la culture iranienne. 

Avec la famille, par exemple.

Imaginez que votre grand-mère vous a invité à déjeuner. Elle demande si vous voulez vous resservir. Elle sait que ce qu’elle vous sert est bon et elle sait aussi que c’est le rôle des grands-mères de vous proposer à manger encore, bien que vous vous soyez déjà resservi trois fois.

C’est là que doit intervenir votre taarofvous devez toujours commencer par refuser poliment ce genre de proposition ! Si vous acceptez tout de suite, votre comportement pourrait être perçu comme impoli ! Et si ceci s’applique au sein de votre famille, cela s’applique encore plus lorsque vous êtes invité chez une personne en dehors de votre cercle familial.

Donc vous refusez la première fois, et selon les lois du taarof, votre grand-mère vous demandera une seconde fois de vous resservir, tout en veillant à insister un peu plus sur sa proposition. Vous pouvez maintenant soit accepter  de vous resservir, soit continuer le taarof  un ou plusieurs tours de plus, en refusant poliment sa proposition !

Avec les personnes que vous ne connaissez pas, le taarof s’applique aussi. Supposez que vous voyagiez en Iran, ce que je vous conseille vivement et que je conseille encore plus au Président Donald Trump s’il veut vraiment apprendre le taarof, ce dont je doute pour le moment.

Donc, vous prenez un taxi, vous arrivez à votre destination. Vous demandez à votre chauffeur combien vous lui devez. Eh bien le chauffeur, qui connaît parfaitement l’art du taarof, vous répondra certainement quelque chose comme « Oh vous ne me devez rien, je vous offre la course » ! C’est vrai, je l’ai entendu de mes propres oreilles après une heure de course dans les affreux embouteillages de Téhéran !  

Surtout ne le prenez pas au mot, il pratique juste le taarof, il ne s’attend pas à ce que vous quittiez le taxi sans payer la course (Donald, ne sort pas de la voiture, stp). Donc vous devez rester sagement assis dans le taxi et lui poser la question une seconde fois, en disant par exemple « c’est très gentil à vous, merci, mais dites moi s’il vous plaît combien je vous dois? ». Le chauffeur pourra alors vous communiquer le montant, ou continuer de refuser le paiement de la course.  Ce qui signifie que vous êtes partis pour un troisième tour de taarof en insistant pour le régler malgré ses dénégations, à l’issue duquel vous pourrez peut-être régler la note et quitter sereinement la voiture, à moins que vous ne soyez contraint à un quatrième tour de taarof.

Maintenant je me tourne vers vous. Vous en savez assez pour commencer à pratiquer le taarof. D'ailleurs, si vous avez été éduqué selon les canons de la politesse française, vous en connaissez les principes avec les "aprés vous", "je n'en ferai rien", "n'insistez pas, je vous prie"...

Donc, soit vous déclenchez vous-même le taarof (avec quelqu’un qui le pratique, sinon vous êtes cuit!) soit vous le recevez. Dans le deuxième cas, vous devez relancer la balle en répondant par un deuxième tour de taarof, du genre « Je vous remercie, mais il n'en est pas question! ».

Votre interlocuteur aura alors le choix entre relancer un nouveau tour de taarof, style « Il n’en est pas question » ou décider de vous céder. S’il rejoue un tour de taarof, ce sera à votre tour de juger si vous mettez les pouces où si vous continuez le taarof  en répondant « jamais de la vie » et ainsi de suite. 

À la limite, vous pouvez continuer indéfiniment, ou presque, si vous êtes deux à vouloir y jouer, car, il faut en convenir, c’est un formidable exercice d’humilité que vous vous administrez mutuellement grâce au taarof.

 

Pour terminer, je tiens à remercier Shirin dont le blog m’a inspiré. Si, si, j’insiste...

 

 

 

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LA PUISSANCE ANGLAISE IMPOSE SA PENSÉE

13 Octobre 2017 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LA PUISSANCE ANGLAISE IMPOSE SA PENSÉE

 

Les Anglais, par leurs succès maritimes, ont imposé le système social qui prévaut aujourd’hui, fondé sur le travail. Si vous vous intéressez aux circonstances dans lesquelles ont eu lieu la montée de la puissance anglaise et la domination de la Royal Navy sur les mers, vous pouvez vous reporter à mes deux derniers blogs, publiés sans publicité afin de ne pas vous importuner par des considérations historiques.

 

À la fin du XVIIe siècle, la noblesse anglaise a imposé son pouvoir au roi et l’insularité la protège de l’invasion. Elle se trouve donc dans une position dominante par rapport aux pouvoirs concurrents du continent européen. Les incitant de loin à se quereller, elle peut se consacrer au commerce mondial et à l’installation de colonies. À cette fin, il lui suffit de disposer d’une flotte dominatrice, face à ses deux principaux concurrents coloniaux, la France et l’Espagne.

Au cours du XVIIIe siècle, son succès politique, commercial puis économique s’affirme, protégé par sa puissance maritime. La force du Royaume Uni en fait un modèle. On vante ses recettes, on lit ses penseurs qui détiennent, pense t-on, les recettes du succès. Le pouvoir tel qu’il est organisé au Royaume Uni passe pour un pouvoir supérieur aux « vieilles » monarchies européennes. Les philosophes anglais concurrencent, avant de s’imposer, les philosophes français. Alors que le français domine encore, l’anglais, petit à petit, se lit.

Avant cette période, à l’exception de Saint Thomas More (1478-1535), ami d’Erasme et auteur de l’Utopie, les penseurs britanniques n’ont pas connu un rayonnement universel, que ce soit Saint Anselme de Canterbury (1033-1109) ou Roger Bacon (1214–1294), qui est pourtant considéré à posteriori comme l’un des premiers défenseurs de la méthode scientifique moderne.

Sur le continent européen, on ne découvre que tardivement Francis Bacon (1561-1626), un défenseur et un praticien de la méthode scientifique, ce qui en fait un pionnier de la révolution scientifique et le père de l'empirisme auquel il a même sacrifié sa vie. Alors même qu’il lui succède avec une génération de retard, le français René Descartes (1596-1650) attire toute la lumière. Il en sera de même pour Thomas Hobbes (1588-1679), qui, un siècle avant Jean-Jacques Rousseau si célébré en France, établit les fondements de la philosophie politique qui deviendra celle de l’Europe puis celle des Etats-Unis : Hobbes défend en effet le droit de l'individu, l'égalité naturelle de tous les hommes, le caractère artificiel de l'ordre politique, le principe que tout pouvoir politique qui se veut légitime doit être représentatif et fondé sur le consentement du peuple.

Peu à peu, on fait le voyage de Londres. Voltaire publie ses Lettres philosophiques (1734), pleines d’éloges sur la religion, les sciences, les arts, la politique et la philosophie anglaises. Alors que l’intelligentsia française observe avec envie la société britannique, les empiristes britanniques s’imposent désormais dans le monde de la pensée. John Locke (1632–1704) contredit René Descartes dans son Essai sur l'entendement humain en posant que toute la connaissance de l’homme est enracinée dans l'expérience.

L’Écossais David Hume (1711-1776), au travers de ses ouvrages, Traité de la nature humaine (1740), Enquête sur l'entendement humain (1748) et Enquête sur les principes de la morale (1751) exerce une profonde influence sur la philosophie européenne qui salue ses idées sur le libre arbitre, le déterminisme, la causalité, l'induction et l'identité personnelle. 

Mais le penseur d'un Royaume Uni en train de triompher qui a laissé la marque la plus profonde est indubitablement Adam Smith (1723-1790) en tant que pionnier de l'économie politique. Si on ne s’intéressa guère à sa Théorie des sentiments moraux, la publication de ses Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776), en ont fait le père de l’économie moderne.

Dans cet ouvrage, il est remarquable qu’Adam Smith réfute le mercantilisme, dans son livre IV portant en particulier sur le système du commerce international.

 

Or rien ne démontre mieux que les théories mercantilistes le lien étroit qui relie l’intérêt des puissants et les théories économiques, entre autres. Et comme notre thèse est que le pouvoir s’impose à la théorie, et non l’inverse, il est donc particulièrement utile d’examiner les théories mercantilistes.  

 

 

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LE ROYAUME UNI S'IMPOSE SUR LES MERS

10 Octobre 2017 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

LE ROYAUME UNI S'IMPOSE SUR LES MERS

 

Jacques II, qui succède à Charles II, ne respecte pas l'habeas corpus et doit fuir en France à la suite de la Glorieuse Révolution.

 

Après l’invasion de l’Angleterre par une armée hollandaise, le Parlement offre en 1688 la couronne à sa fille Marie, protestante et épouse du stadhouder de Hollande, Guillaume III, qui s’engagent tous deux à respecter les droits (1689), ce qui aboutit à la limitation définitive du pouvoir du roi au profit du Parlement anglais qui se recrute au sein de quelques milliers de propriétaires terriens.

La Glorieuse Révolution reproduit le schéma hollandais de croissance  urbaine, financière, intellectuelle et maritime, en dépit de l’opposition française de Louis XIV qui n’en peut mais, malgré plusieurs tentatives d'invasion de l'Angleterre en 1692, 1708 et 1715.

En 1694 est créée la Banque d'Angleterre qui prête à l'État les fonds permettant de construire la Royal Navy, laquelle devient maîtresse des océans en une dizaine d'années.

En 1707, l'Acte d'Union scelle l'association de l'Écosse presbytérienne et de l'Angleterre, qui forment désormais le Royaume Uni. Cette union fut la conséquence des désastres qui avaient ruiné l’Écosse à la fin du XVIIe siècle, de la famine qui y sévissait et de la tentative d’installation d'une colonie écossaise à Panama qui tourna au désastre. L'Angleterre accepta d'indemniser les actionnaires de cette expédition en échange du rattachement de l'Écosse à l'Angleterre.

Les parlements d'Angleterre et d'Écosse furent abolis pour créer le Royaume-Uni avec un parlement unique. Le bénéfice de cette union pour l'Écosse fut substantiel car elle reçut des subsides, bénéficia du libre-échange avec l'Angleterre et devint partie prenante de son empire colonial. Quant à l'Angleterre, elle avait quasiment neutralisé la possibilité de débarquement sur son île.

Dés lors, en sus du Pays de Galles en 1536 et de l’Irlande, totalement contrôlée à partir de 1603, le Royaume Uni forma un ensemble homogène,  géographiquement protégé des conflits de l’Europe continentale. Il n’est donc pas étonnant qu’au XVIIIe siècle cet ensemble politique émerge comme une grande puissance. Grâce aux rivalités continentales qu’il attise et à la puissance de la Navy, le Royaume-Uni prend totalement le dessus sur la France dans sa rivalité coloniale en Amérique du Nord, aux Antilles et en Inde.

Le rôle de la Royal Navy est en effet déterminant dans la montée en puissance britannique. À partir du XVIe siècle, lorsque le roi Henry VIII créé une flotte permanente, la Royal Navy connait une croissance remarquable. En 1547, à sa mort, la flotte anglaise comprend 58 vaisseaux, financés en partie par les ressources provenant de la dissolution des monastères. En 1558, Élisabeth Ire trouve une flotte diminuée de 27 vaisseaux et plutôt que de financer sa reconstruction, elle s’appuie sur la piraterie, autour de John Hawkins et de Francis Drake pour repousser l’Invincible Armada  en 1588, avec l’aide des intempéries.

Charles Ier relance la construction navale pour disposer en 1633 de 50 vaisseaux royaux. Sous Oliver Cromwell, l'Angleterre fait un énorme effort de modernisation et de construction pour atteindre 102 bâtiments en 1652. Lorsque Charles II monte sur le trône en 1660, l'effectif de la Navy est déjà de 154 vaisseaux. Puis, à partir de 1689, grâce aux navy bills, des emprunts d'États contrôlés par le parlement et à la Land Tax qui représentera jusqu’à 52 % des recettes fiscales britanniques, l’effectif de la Royal Navy s’accroit rapidement pour atteindre 272 unités en 1702.

Une série de conflits quasiment ininterrompus opposent ensuite le Royaume-Uni à la France tout au long du XVIIIe siècle. Pendant ces conflits, le Royaume Uni, au contraire de la France, peut se concentrer sur l'obtention de la supériorité navale sans avoir à se défendre contre un envahisseur terrestre. Aussi obtiendra t-il presque systématiquement la victoire sur mer. À la fin des guerres napoléoniennes, la Royal Navy comptera 716 navires armés par 5 000 officiers et 145 000 marins, avec un budget trois fois supérieur à celui de la marine française.

Après un siècle d’affrontements sur mer, la supériorité de la Royal Navy sur tous ses rivaux lui permet, au sortir des guerres napoléoniennes, d’imposer la Pax Britannica sur son gigantesque empire colonial.

 

La puissance du Royaume Uni, à l’orée de l’ère industrielle est fondée sur la puissance militaire de la Royal Navy. Cette puissance lui permet d’imposer ses idées sur le monde.

 

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LA MONTÉE DE LA PUISSANCE ANGLAISE

5 Octobre 2017 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

LA MONTÉE DE LA PUISSANCE ANGLAISE

 

Ce sont les Anglais, par leurs succès maritimes, qui ont imposé le système social qui prévaut aujourd’hui, fondé sur le travail : c’est la thèse que je présente dans ce billet, pour en tirer ensuite les conséquences.

 

Le XVIe siècle voient les règnes successifs d’Henri VIII et d’Elisabeth 1ere. Le premier promulgue l'Acte d'Union de 1536, par lequel le Pays de Galles devint une partie constituante de l'Angleterre, mais il est également le fondateur de la première flotte permanente de l'Angleterre, la Royal Navy. Ses « aventures » conjugales le conduisent à séparer l'Église d'Angleterre de celle de Rome, faisant émerger l'anglicanisme. L’union avec le Pays de Galles, la Royal Navy, l’Église anglicane,  Henri VIII a posé les premiers éléments de puissance et d’organisation d’une société originale, mettant l’Angleterre en route.

La seconde moitié du XVIe siècle est bien nommée « Ère élisabéthaine ». Florissante dans le domaine des arts et des lettres autour de Shakespeare, elle voit surtout l'affirmation de l'influence britannique dans le monde. La protestante Élisabeth Ire affirme la prééminence de l’Église anglicane sur l’Église catholique et soutient la cause protestante aux Pays-Bas contre l’Espagne. Hors d’Europe,  les activités des corsaires anglais ponctionnent le Trésor espagnol. Lorsque John Hawkins se lance dans le commerce transatlantique des esclaves avec des accréditions royales, les Espagnols considèrent, à juste titre, que les Anglais cherchent à briser leur monopole sur le commerce atlantique.

En réponse, Philippe II organise l'invasion de l'Angleterre et le renversement d’Elisabeth. La destruction de l'Armada espagnole en 1588 montre l’avantage stratégique de l’insularité britannique, mais en retour la flotte anglaise échoue à prendre Lisbonne, ce qui a contrario montre les limites de la puissance anglaise. Les Anglais se concentreront ensuite, adossés à leur île inexpugnable, à des raids visant à affaiblir leurs adversaires, au financement des ennemis de leurs ennemis et à l’installation de bases coloniales. 

Au XVIIe siècle, l'histoire de l'Angleterre est marquée par la lutte contre les tentatives absolutistes de la dynastie des Stuart, ce qui aboutit au renforcement des pouvoirs du Parlement. Les règnes de Jacques Ier et de Charles Ier aboutissent à une guerre civile et à la Révolution, car ce dernier souverain a voulu régner en monarque absolu pour se passer du consentement du Parlement contre les vœux des nobles, des marchands et des agriculteurs, auquel s’est ajouté un conflit entre le clergé anglican qui soutenait le roi et les puritains calvinistes qui soutenaient le Parlement. Charles Ier perd finalement le trône et sa tête. Il lui succède en 1649 le chef puritain Cromwell qui proclame la République avec le soutien de la bourgeoisie dont les intérêts économiques sont protégés. Après le règne de Cromwell, la tentative de Charles II de rétablir l’absolutisme échoue, aboutissant au vote par le Parlement en 1679 de l'habeas corpus.

 

Pendant ces aléas, l’Angleterre continue à étendre son empire colonial, à la Barbade, en Jamaïque et en Virginie, où s’installent de nombreux colons anglais qui développent l’esclavage par le commerce triangulaire.

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SACRÉ TRAVAIL

1 Octobre 2017 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

SACRÉ TRAVAIL

 

On a peine à imaginer qu’il existait autrefois des sociétés humaines qui n’étaient pas fondées sur le travail, car aujourd’hui le travail nous permet d’obtenir de manière tangible un salaire, des droits sociaux, une retraite mais aussi un sentiment d’utilité, une position sociale, une identité…

 

Et dire que tout cela va disparaître avec le développement des robots ! Qu’est ce  que l’on va devenir, nous les humains ? Peut-être allons nous retourner à la conception antérieure du travail, ce qui nous demanderait de changer complètement de point de vue sur la vie !

Autrefois, l’idée que l’on nous a inculqué depuis deux ou trois siècles que les êtres humains avaient des besoins illimités aurait été considérée comme délirante. Mais à partir de ce maudit XVIIIe siècle, les économistes, à la suite d’Adam Smith, ont cherché, et sont parvenus, à nous convaincre que notre vie sur cette Terre devait être consacrée exclusivement à obtenir de plus en plus de biens, sans limite. Jamais, ils ne se sont sérieusement demandés s’il existait un seuil de consommation à partir duquel ce n’était plus la peine de se fatiguer pour en avoir plus.

À partir de ce postulat, les économistes ont construit un raisonnement imparable. Si l’être humain voulait vraiment  obtenir toujours plus de biens, il lui fallait travailler, mais avec intelligence. Car ils ne nous ont pas pris pour des idiots, ni pour des amoureux du travail per se. Ils ont considéré que non seulement l’homme voulait plus de biens, mais qu’il voulait faire le moins possible d’efforts pour les obtenir.

Or, le progrès scientifique sourdait un peu partout dans une société où l’homme était décidé à s’émanciper des barrières collectives traditionnelles afin de vivre pour lui et uniquement pour lui. Ce progrès effervescent allait lui fournir les moyens de créer des machines pour reposer l’homme ou même pour le remplacer, tandis que des entrepreneurs-managers se mettaient à organiser le travail de l’homme pour qu’il soit le plus efficace possible.

Tout cela est bien connu, mais arrêtons nous sur ce moment où nos sociétés européennes basculent, quelque part entre le XVIe et le XVIIIe siècle. Au XVIe siècle, La découverte de l’Amérique convainc certainement les Européens que les rêves les plus fous sont réalisables. Le Protestantisme les poussent vers une vision plus personnelle de leur salut, et en tout cas les encourage à la contestation des idées reçues. L’imprimerie accélère la diffusion des nouvelles et des idées. Chacun peut écrire, ou presque, Erasme en est un exemple. Et puis, au XVIIIe siècle, les rapports de force changent. Face aux puissances traditionnelles, l’Espagne, la France, l’Autriche, émergent de nouvelles puissances, la Prusse, la Russie, l’Angleterre. Cette dernière va prendre le pas sur toutes les autres, en raison de sa puissance maritime qui lui dicte son insularité : il lui fallait dominer ou être réduite à la situation de dépendance absolue que connaissait l’Irlande à son propre égard.

 

L’histoire concomitante de l’Angleterre devenue Royaume-Uni, de la flotte et de la philosophie britannique entre le XVIe et le XVIIIe siècles montre comment le pouvoir détermine les idées et pas l’inverse, comme le croient les naïfs.

À SUIVRE

 

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