EN 1780, LA GUERRE DEVIENT MONDIALE
Cette opération de débarquement en Angleterre a manqué d’ordres clairs et c’est ainsi que l’escadre franco-espagnole a laissé passer une occasion exceptionnelle de défaire les Anglais qui avaient peu de troupes sur leur sol et aucun port fortifié.
Après cet échec que l’on peut qualifier de volontaire, s’ouvre une période de guerre périphérique. Tandis que les Espagnols, obnubilés par la reconquête de Gibraltar (ils le sont encore), y concentrent l’essentiel de leurs moyens, les Français reportent leur attention sur les Amériques, avec deux axes d’action, l’aide aux « Insurgents » et la guerre dans les Antilles.
Au début de l’année 1780, les nouvelles qui arrivent des treize colonies en révolte sont mauvaises. La guerre s’enlise, les maigres troupes de Washington ne parviennent pas à faire face aux dizaines de milliers de tuniques rouges qui tiennent les principales villes. Le Congrès, miné par une puissante faction pro anglaise, risque à tout moment de trouver un compromis avec Londres en tournant le dos à l’alliance franco-américaine de 1778.
La Fayette plaide en cet hiver 1780 pour l’envoi d’un corps expéditionnaire que le Conseil du Roi décide finalement de créer en février 1780, en envoyant cinq mille cinq cent hommes prélevés sur les régiments concentrés en Normandie pour le débarquement en Angleterre. Ce corps expéditionnaire sera commandé par un vétéran de la guerre de Sept Ans, le comte de Rochambeau. Le 2 mai, les troupes quittent Brest sur vingt-six navires de transport escortés par sept vaisseaux de ligne et trois frégates commandés par Ternay, qui repousse au large des Bermudes, une tentative d’interception anglaise et débarque le 11 juillet 1780 dans le Rhode Island avec son artillerie et son matériel de siège.
Cependant, le rapport des forces restent favorable aux Anglais qui alignent cinquante mille hommes contre les quatorze mille hommes de Washington et les cinq mille cinq cent hommes de Rochambeau qui se retranchent dans l’île de Newport.
La Royal Navy, qui n’a pu empêcher le débarquement français à Newport, mobilisée sur de trop nombreux théâtres d’opération, perd la maitrise de l'Atlantique lors de l'intense guerre des convois que lui mène la Marine Royale. De leur côté, les grands convois commerciaux français naviguent sous l’escorte des grandes escadres, ce qui permet le passage des marchandises coloniales.
C’est d’ailleurs aux Antilles qu’ont lieu les affrontements importants. Guichen, qui croise Rodney à trois reprises au large de la Dominique les 17 avril, 15 et 18 mai 1780, montre que la Marine Royale est désormais au même niveau que la Royal Navy en termes de manœuvre et de capacité de tir.
Puis, dans les premiers jours de juin, arrive une escadre espagnole de douze vaisseaux avec un énorme convoi portant dix mille hommes de troupes. Aussitôt, Guichen propose de combiner les forces françaises et espagnoles pour attaquer la Jamaïque, pièce maitresse du dispositif anglais dans les iles. Mais les Espagnols n’ont qu’une idée, se réfugier à La Havane sous escorte d’une escadre française.
L'opinion commence à gronder contre cette guerre interminable et ruineuse. Louis XVI doit renvoyer, en octobre, le ministre de la Marine, Sartine, et le ministre de la Guerre, Montbarrey. C’est que le poids de plus en plus élevé que ce conflit fait peser sur les épaules de la France, inquiète le Roi et l’opinion. L’Espagne se concentre sur la reprise de Gibraltar pour laquelle elle mobilise une grande partie de ses forces et les échecs qu’elle subit force la Marine Royale à détacher une quinzaine de ses unités pour la soutenir.
Le nouveau ministre de la Marine et des Colonies, de Castries, redéploie une partie de ses navires pour tenir compte de la mondialisation du conflit. Comme la Royal Navy applique avec une rigueur renforcée le droit de visite et de prise, elle exaspère les Neutres, au point qu’à la fin de l’année 1980, la Russie, la Prusse, le Portugal, l’Autriche, le Royaume des Deux-Siciles et l’Espagne proclament une « Ligue de la neutralité armée », auxquelles la France se rallie aussi. Comme les Provinces-Unies envisagent d’y adhérer, l’Angleterre, ulcérée, fait monter les enchères en leur déclarant la guerre en décembre 1780 alors qu’ils étaient depuis longtemps alliés.
Aussi, pour la première fois au XVIIIe siècle, l'Angleterre se retrouve t-elle isolée. Les États Généraux des Provinces-Unies rallient l’alliance française en apportant le renfort de trente-deux vaisseaux et dix-sept frégates. Mais il en résulte que les colonies néerlandaises se transforment en proie pour la Royal Navy, aux Antilles, à Ceylan, en Indonésie et en Afrique du Sud.
Pour la campagne de 1781, on prévoit un effort militaire colossal des Français et des Anglais. Pour y faire face, le maréchal, marquis de Castries, le nouveau ministre de la Marine, déploie une vision globale des opérations à entreprendre. Dans l'Atlantique, Guichen passe la main à De Grasse qui reçoit le commandement d'une grande escadre de vingt vaisseaux et trois frégates à destination des Antilles où se porte toujours l’essentiel de l’effort de guerre.
De Castries renonce à envoyer des renforts à Rochambeau pour ne pas trop alourdir le coût de la guerre. L'engagement auprès des « Insurgents » apparaît désormais comme une diversion. Suffren reçoit le commandement d’une division de cinq vaisseaux et une corvette pour escorter des troupes vers la colonie néerlandaise du Cap, prochaine cible de la Royal Navy.
Il est clair que le Roi, s’il y a vraiment songé, a renoncé aux projets d'invasion de l'Angleterre, installant, pour la première fois au XVIIIe siècle, le théâtre d'opération décisif hors d'Europe, en menant une stratégie de guerre périphérique.
A SUIVRE
UNE SOCIÉTÉ RÉSOLUMENT FERMÉE
La manière forte…De quoi s’agissait-il ? Bien sûr, il s’agissait d’argent.
Depuis deux ans, l’INSCAE formait des étudiants qui allaient bientôt être diplômées et depuis deux ans le Ministre de l’Éducation Nationale ne trouvait pas le temps de signer le décret qui reconnaissait officiellement le diplôme. Les étudiants étaient donc menacés d’avoir suivi trois ans de formation après une sévère sélection pour ne recevoir à la fin aucun diplôme.
Nous connaissions bien l’origine de l’infirmité du Ministre. Elle n’était ni médicale, ni organisationnelle, elle se situait, comme je l’ai expliqué dans le billet précédent, dans l’opposition de deux ou trois experts-comptables merinas qui craignaient la concurrence des jeunes diplômés de l’INSCAE.
Pour que le Ministre retrouve un stylo et l’usage de sa main droite, nous avons rassemblé une force de frappe qui comprenait, outre Jacques Brisoux et moi-même, le représentant de la Banque Mondiale pour l’Afrique de l’Est, l’Ambassadeur du Canada et l’Ambassadeur de France à Madagascar. Tous les cinq, nous avons été reçu par le Ministre à qui les trois derniers ont signifié en langage diplomatique qu’ils recommanderaient la suspension de toute aide financière à Madagascar jusqu’à ce que le Ministre trouve la force de signet le décret.
Cette menace, ou ce chantage, qui mettait en jeu sa position ministérielle, a été bien compris, puisque nous avons obtenu en quelques jours la signature du Ministre et surtout la publication du décret dans le Journal Officiel de la République de Madagascar. Les étudiants pouvaient désormais s’appuyer sur un diplôme officiel pour chercher un travail et l’INSCAE obtenait une reconnaissance officielle. Le combat pour insérer l’école ne faisait que commencer dans une société dont la fermeture est érigée en principe de survie et les enseignants qui nous succédèrent auprès de l’INSCAE, des amis tels que Danielle De Velp ou Eric Milliot poursuivirent notre effort pour ouvrir l’école vers la société malgache comme vers le monde.
La fermeture.
L’histoire est source d’informations significatives, même si l’on risque toujours de mal interpréter ou de sur interpréter les messages qu’elle nous adresse :
Sortant de Tananarive, j’ai visité aux environs de la ville, à moins que ce soit à Antsirabe, ville climatique située à 165 km au sud de la capitale, un ensemble architectural que je n’ai pas oublié. D’une part, il y avait une villa de style néocolonial en bois peinte en blanc qui avait été offerte par la reine Victoria à la reine Ranavalona III au moment où la France s’apprêtait à envahir Madagascar. Mais d’autre part, un peu plus loin, se trouvait trois hautes huttes traditionnelles en terre qui étaient autrefois occupées, m’a t-on dit, par les rois malgaches. Lorsque l’on pénétrait dans ces bâtisses l’on était frappé par l’absence de fenêtres, les deux seules ouvertures étant la porte d’entrée et l’orifice d’une cheminée qui donnait sur le ciel, tout en haut de l’édifice. Tout de suite, je fis le lien avec la société malgache, en tout cas son élite, qui refuse de regarder dehors, sauf vers le ciel.
Dans le même ordre d’idée, peu après notre séjour à Madagascar, l’île Maurice s’avisa de créer une zone franche afin de créer des activités de sous-traitance à son industrie en plein développement. Les entrepreneurs mauriciens croyaient pouvoir faire une bonne affaire en embauchant des ouvriers malgaches à bas prix, tout en créant des emplois pour une population très pauvre. Gagnant gagnant. C’était sans compter sur les industriels malgaches qui y virent un risque d’augmentation des salaires. Les obstacles administratifs s’accumulèrent à foison, faisant péricliter rapidement la zone franche.
En revanche, les merinas se tournent toujours vers le ciel, au travers de leurs ancêtres. Dans la région de Tananarive, Ils organisent en hiver (de juin à septembre) des cérémonies de retournement des morts (famadihana). Ils ouvrent les tombeaux pour sortir les restes de leurs ancêtres et leur faire partager la fête qu’ils organisent. On change le linceul du mort, on lui fait quelques offrandes avant de le ramener dans sa tombe après lui avoir fait faire sept fois le tour de sa sépulture pour bien lui prouver (ou se prouver à soi-même ?) que l’on ne l’a pas oublié…
Si bien qu’il me semble que Madagascar est une île parfaite pour oublier le reste du monde avant d’y mourir en paix. A l’appui de cette vision, je me souviens avoir vu un français âgé à l’Hotel de France, à Tananarive, lecteur probable des nouvelles de Somerset Maugham, lire Le Courrier de Madagascarpublié exactement cinquante auparavant. Interrogé, il me déclara qu’il ne s’intéréssait pas à la période actuelle et que chaque jour il parcourait pieusement les actualités d’un demi siècle auparavant, dans les quotidiens qui avaient été conservées par l’hotel.
Cependant, je ne puis terminer cette évocation de mes séjours à Madagascar de 1988 à 1992 sans souligner que l’île est une merveille par sa faune, sa flore, la variété des paysages et des climats. J’ai eu l’opportunité de visiter Tamatave et ses moustiques, puis de monter le long de la côte ouest jusqu’en face de Sainte-Marie, ancien refuge de pirates, avec ses récifs coraliens qui protègent les baigneurs des requins, mais aussi de faire un séjour sur la côte est, à Nosy Be, l’île que l’on appelle le Tahiti malgache.
J’en ai retenu de magnifiques images touristiques, mêlées à l’image de la pauvreté souvent extrême de la population qui s’exprimait dans le regard des enfants : ces contrastes violents expliquent sans doute que l’on ne peut jamais vraiment se détacher de Madagascar…
À SUIVRE
ENVAHIR L'ANGLETERRE, UNE EXTRAVAGANCE?
D’Estaing revient à Brest et Toulon entre octobre et décembre 1779. Le bilan de sa campagne, quoique contesté, n’est cependant pas négligeable.
Les pertes infligées à l’Angleterre par sa flotte ne sont pas négligeables: six frégates, détruites ou brulées, douze corvettes détruites, dix navires de guerre, quatre corsaires et cent six navires de commerce capturés. En outre, l’Espagne, constatant la bonne tenue de la Marine Royale, décide logiquement d’entrer en guerre contre l’Angleterre en 1779.
Cette entrée en guerre de l'Espagne s’accompagne aussitôt d’une divergence d’objectif entre les deux alliés. Madrid veut débarquer en Angleterre tandis que les Français renâclent, alors même que les Anglais ont dispersé leurs escadres sur toutes les mers, ce qui rend possible une invasion franco-espagnole sur les côtes britanniques qui permettrait de conclure la guerre rapidement.
Ce refus français provient d’une erreur stratégique profonde du roi et de Vergennes qui n’ont pas pris conscience que l’Angleterre est le seul ennemi irréconciliable de la France, ce qui les conduit invoquer la nécessité de préserver « l’équilibre européen », en d’autres termes à préserver la puissance anglaise.
Vergennes déclare ainsi à son secrétaire : « Je pourrais annihiler l’Angleterre, que je m’en garderai comme la plus grande extravagance » ! Une « extravagance » qui aurait assuré la prééminence séculaire de la France sur l’Angleterre et la récupération de l’Inde et du Canada. Le monde aurait été durablement changé, jusqu’à aujourd’hui, par cette « extravagance ». Une convention d'alliance est toutefois signée entre la France et l’Espagne le 12 avril 1779 en vue d’un débarquement en Angleterre, alors que les désirs du roi et de son ministre consistent à ne pas respecter cette convention !
A Versailles, il existe en outre une profonde méfiance vis-à-vis de la marine espagnole qui comprend soixante-quatre vaisseaux en bois de cèdre de La Havane, très solides mais très lourds, donc lents et peu manœuvrants, avec des gréements fragiles et une artillerie composée de pièces de plus faible calibre que les navires français et anglais. De plus, nombre de ces canons s'enrayent au bout de quelques dizaines de coups et les officiers comme les matelots manquent d'entrainement.
La France s’est engagée à aider les Espagnols à reconquérir Gibraltar, Minorque et la Floride. Les Espagnols insistent pour commencer l’invasion de l’Angleterre. Le plan prévoit que les deux flottes doivent se rejoindre au large de la Corogne pour tromper l’ennemi, puis forcer le passage dans la Manche et couvrir le départ d’une armada de 400 navires de charges portant 40 000 hommes, avec chevaux et artillerie au départ du Havre et de Saint-Malo, avec un débarquement prévu dans l’île de Wight.
Les opérations devaient commencer à la mi-mai, mais il y a comme toujours de nombreux aléas. La jonction des deux flottes ne s’opère que le 22 juillet, la coordination s’avère logiquement difficile. Au large d’Ouessant, la situation sanitaire de l’escadre française se dégrade. Du coup, Versailles change de plan et donne ordre à l’amiral d'Orvilliers de se porter sur les côtes de Cornouailles, le débarquement devant se faire à̀ Falmouth. Le 16 aout, la flotte franco-espagnole mouille enfin devant les côtes anglaises. L’amiral anglais Charles Hardy n’a que trente-sept vaisseaux à opposer aux soixante-six vaisseaux franco-espagnols et se contente d’harceler la flotte combinée avant de se replier dans la baie de Plymouth.
Alors que la Manche est libre, l’état sanitaire de la flotte française s’aggrave : sur les 28 000 hommes embarqués, on déplore 8 000 malades. D'Orvilliers, affecté par la mort de son fils emporté par l’épidémie, est remplacé par son second, le comte du Chaffault.
Entre-temps, l’escadre espagnole, épuisée, s’est repliée sur ses ports et le 11 septembre, les vaisseaux français doivent se résoudre à rentrer sur Brest à leur tour, avec des équipages exsangues qui n’ont pas combattu pendant trois mois de vaines manœuvres.
UNE CIVILISATION URBAINE GLOBALE
Lorsque l’homme semble avoir presque achevé son installation dans la ville, ce monde sans limites, cet Eden, il réalise que ce projet pourrait le mener à sa perte.
Pour commencer, il prend conscience que l’histoire ne mène nulle part, en d’autres termes que l’aisance matérielle ne parvient pas à l’affranchir de sa condition animale.
Circonstance aggravante, lorsqu’il contemple les modifications spectaculaires de son environnement du fait du développement de ses activités, il s’interroge sur l’avenir de son espèce et il se demande si l’aventure humaine peut encore longtemps se poursuivre sous cette forme.
Les écologistes sont disponibles pour fournir les réponses. Ils avancent que la nature doit être protégée, car les écosystèmes valent des dizaines de milliards de dollars à l’échelle du globe. Rompre l’équilibre entre les espèces, c’est antiéconomique. Il n’en fallait pas plus pour que les économistes introduisent le concept de développement durable, qui consiste à continuer à se développer tout en protégeant l’environnement.
Et c’est vrai, quotidiennement, des mesures sont prises pour lutter contre les pollutions et les nuisances. D’où vient donc l’impression diffuse que la situation continue malgré tout à se dégrader ? On sent que la régulation peine à suivre l’emballement de la consommation et on constate qu’il a fallu l’apparition de la Covid 19 pour remettre concrètement en cause la croissance de la production industrielle, encore que les Chinois, un cinquième de l’humanité, déclarent fièrement, à peine remis de la crise de la Covid 19, qu’ils obtiendront six pour cent de croissance économique en 2021.
C’est pourquoi les écologistes se sentent obligés d’aller au-delà de l’argument économique pour justifier la protection de la nature. Ils rejettent notre ethnocentrisme : nous ne pouvons pas prétendre que la nature nous appartient, elle a une valeur intrinsèque. C’est le concept de Gaïa. Nous devons nous faire modestes, discrets et renoncer à nos besoins « superflus », encore que la notion de « superflu » reste éminemment subjective, ce qui contraint la collectivité humaine à la définir de manière administrative.
Nous voilà aspirés dans un monde régulé, dont nous ne voulons pourtant à aucun prix puisque nous sommes irrémédiablement aspirés dans la spirale de la consommation. Bien sûr, nous connaissons des militants qui pratiquent un style de vie construit autour de la consommation comme anti valeur, mais ces pratiques ne concernent qu’une faible minorité de l’humanité. Pour les autres, le pouvoir politique cherche à introduire des mesures de limitation de la consommation pour freiner les problèmes d’environnement, mais il est contraint de le faire en affrontant une population qui consomme plus parce qu’elle s’accroit, qui consomme plus aussi parce qu’elle rejoint progressivement le monde merveilleux de la ville.
L’histoire dira si l’homme parviendra ou non dans le futur à contrarier ses aspirations animales en mettant un terme à sa recherche obsessive de confort. Ce n’est pas sûr, car l’homme ne supporte pas de se voir réduit à n’être qu’un animal parmi d’autres.
Du coup, il cherche à tout prix à vouloir donner du sens à ses actes, afin de dissimuler l’insupportable, à savoir l’absurdité de l’existence.
Dans ce contexte de la double recherche éperdue du confort et d’une raison de vivre, la crainte n’est pas vraiment celle d’une disparition rapide de l’humanité, mais celle d’un reflux de notre civilisation.
Dans l’histoire, nombre de civilisations ont atteint un haut niveau de raffinement avant de décliner, pour des raisons diverses, climatiques, politiques, stratégiques, épidémiologiques, qui ont provoqué l’affaiblissement de leurs structures politiques, économiques et sociales et entrainé la dispersion de leurs populations trouvant leur refuge auprès de structures plus locales.
On peut citer, dans l’Antiquité, les civilisations grecques, perses, romaines, chinoises, parmi d’autres. Aujourd’hui, alors que toutes les civilisations européennes sont en recul, une nouvelle civilisation globale s’est imposée depuis un siècle et demi. Elle s’est construite autour d’un grand rassemblement qui se poursuit à vitesse accélérée, avec les paysans de toutes les contrées du monde affluant dans les villes. Et il s’agit bien désormais d’une seule et même civilisation qui tisse sa toile sur le globe dans son ensemble, car tous les centres urbains sont interconnectés, tous les êtres humains vivent de la même manière et s’abreuvent à la même culture, même s’il existe des sous ensembles au sein de cette civilisation.
Cette civilisation globale peut s’effondrer avec la fin du règne des centres urbains, qui pourraient se révéler de plus en plus ingérables, donc de plus en plus invivables…
Très librement interprété d’après l’ouvrage de Bertrand Alliot, « Une histoire naturelle de l’homme », L’Artilleur, Paris, 186 pages, 2020