SAUDI'S ARABIA BOSS
J’ai publié en janvier et février 2016 cinq articles sur la politique suivie par l’Arabie Saoudite, dont un article sur la structure de son pouvoir. Je vous propose ci-après une remise à jour de ce dernier article, compte tenu des derniers événements dynastiques.
Par décret royal, le mercredi 21 juin 2017, le roi d’Arabie Saoudite, Salman ben Abdelaziz Al Saoud, a nommé son fils, Mohammed Ben Salman Al Saoud, prince héritier, à la place du prince Mohammed Ben Nayef. Il s’agit de la toute dernière étape avant que Mohammed Ben Salman, appelons-le MBS, ne devienne Roi.
Pour le moment, en apparence, le Roi reste Salmane ben Abdelaziz Al Saoud, qui a succédé à son demi-frère Abdallah début 2015. Sixième fils du fondateur de la dynastie, Abdelaziz ben Abderrahmane Al Saoud, il est devenu le septième roi d'Arabie saoudite, après le fondateur et ses cinq frères ou demi-frères.
Il est vrai que la famille Saoud détient le pouvoir en Arabie Saoudite depuis 1744, lorsqu’elle a réussi à soustraire l’oasis de Dariya, prés de Riyad, de l'emprise de l'empire ottoman et des chérifs de La Mecque. Si les descendants du premier fondateur de la dynastie, Mohammed ben Saoud Al Mouqrin, sont au nombre d’environ vingt mille princes et princesses de sang, seuls les descendants directs d’Abdelaziz ben Abderrahmane Al Saoud dit Ibn Saoud (1880-1953), fondateur du royaume d'Arabie saoudite actuel, ont droit au titre d’altesse royale.
La règle de succession dynastique traditionnelle des tribus arabes prévoit la transmission du pouvoir aux frères puis aux demi-frères du roi par rang d'âge, l'héritier étant ensuite confirmé par le conseil de famille. Selon ces principes, six enfants mâles du roi se sont succédés depuis sa mort, mais une nouveauté a été introduite par le roi Fahd en 2006, qui redoutait l'influence grandissante des membres du clan des Soudayris dont il ne faisait pas partie. Le Roi Fahd décida de créer un Conseil d’allégeance pour diluer l’influence des Soudayris en incluant plus de personnes dans le processus décisionnel et il ouvrit la loi de succession à la génération des cinq cent petits-fils d’Ibn Saoud.
Le prince héritier doit désormais être choisi par ce Conseil d'allégeance, qui comporte trente-cinq membres de la famille royale représentant les principales branches de la famille, dont les Soudayris et les Chammars qui en constituent les clans les plus puissants.
Mais les attentes du Roi Fahd ont été déçues car, lorsque le Conseil d’allégeance s’est réunit pour la première fois, il a désigné un Soudayri, Nayef ben Abdelaziz Al Saoud, puis lorsque ce dernier est mort à son tour, le Conseil a encore désigné un Soudayri, le prince Salman ben Abdelaziz Al Saoud, comme prince héritier le 18 juin 2012.
C’est ce dernier qui est devenu le Roi, le 23 janvier 2015, sans vraiment détenir le pouvoir, car il semble qu’il ait été atteint par la maladie d’Alzheimer avant même de devenir roi. Le vrai détenteur du pouvoir reste le clan Soudayri, qui l’a à son tour confié à un jeune homme, âgé d’à peine trente et un ans, Mohammed ben Salman Al Saoud (MBS), le cadet d’une des trois femmes du roi Salmane, elle-même une Soudayri.
Parachevant cette prise de pouvoir, MBS vient d’être désigné Prince Héritier par le roi, désignation approuvée par 31 des 34 membres du Conseil d'allégeance. Ce titre s’ajoute aux multiples fonctions régaliennes qu’il occupe déjà : il est Vice-Premier ministre, en réalité Premier Ministre puisque c’est le Roi qui est traditionnellement le Premier Ministre, il est Ministre de la Défense, Président du Conseil économique et du développement (en d’autres termes, Ministre de l’Économie et des Finances), Conseiller spécial du Roi et Directeur du Cabinet Royal!
Tout cela à 31 ans, soit huit ans de moins que le Président Macron…
Il est donc aisé de comprendre qui est l’auteur des décisions brutales prises par l’Arabie saoudite depuis le début 2015, puisque depuis la prise du pouvoir de MBS sur l’Arabie Saoudite, le Royaume s’est lancé dans une politique d’agressions tous azimuts, en prenant quasiment le contrôle militaire de Bahreïn, en se lançant dans une guerre brutale au Yémen, en menaçant désormais le Qatar, tout en proclamant haut et fort que l’Iran, la première puissance de la région, est son ennemi juré.
On est donc fondé à suivre avec attention la voie périlleuse qu’emprunte l’Arabie Saoudite entre les mains téméraires de MBS…
L'EMBUSCADE DE LA BELLE-FAMILLE
Prenant la tête de 450 hommes, Massey rejoignit ses troupes coloniales qui construisaient un barrage fait d’abatis en travers du portage de la Belle-Famille.
En outre, pour parfaire le piège, Massey déploya sur le flanc droit du portage 130 hommes du 46e régiment dans la clairière de La Belle-Famille. En avant de ce flanc droit, juste au dessus de la gorge, il plaça les grenadiers du 46e et un petit détachement d’infanterie du 44e. À la gauche du 46e, les compagnies du 44e, du 46e et le 4e bataillon du 60e régiment d’infanterie se mirent en place. Il ajouta à l’extrême gauche du dispositif un détachement du 44e et le Régiment de New-York. Tenant compte de ce que les troupes françaises comprenaient un grand nombre de troupes régulières, Massey ordonna à ses hommes de se mettre en position allongée et de fixer les baïonnettes au canon.
Bien que Pouchot ait conseillé à Lignery d’avancer sur la côte ouest du lac, Il avait aussi insisté pour qu’il utilise le portage. Ce qui surprend dans les évènements du 24 juillet 1759, alors que Lignery et Aubry connaissaient parfaitement les techniques de combat indiennes, est qu’ils avancèrent à proximité du fort sans prendre les précautions habituelles contre les embuscades, peut-être pressés d’arriver au contact de l’ennemi. Le fait est qu’ils s’avancèrent directement le 24 juillet dans le piège qui leur était tendu.
Dés qu’ils sortirent des bois pour surgir dans la clairière, ils découvrirent la présence ennemie, rompirent leurs colonnes pour se déployer en ligne et ouvrirent immédiatement le feu. De son côté, le commandement britannique donna l’ordre à ses hommes de se relever et de tirer, lorsque les Français furent très proches. Massey estima plus tard que ses hommes avaient tiré à 16 reprises pendant les combats, ce qui est considérable pour l’époque. Pendant ce temps, le feu nourri des grenadiers pris les Français en enfilade sur leur flanc gauche. Quand ces derniers se mirent à reculer face à ce feu nourri, les Anglais attaquèrent à la baïonnette, entrainant l’effondrement de la combativité des troupes françaises et la ruée des Iroquois sur les survivants.
Les Français refluèrent alors en panique, poursuivis par les Britanniques sur 8 kilomètres. Les pertes françaises s’élevèrent à 376 tués et prisonniers, y compris Lignery qui ne survécu que quelques jours. La relation de la bataille par Johnson, qui n’y avait pas participé envenima le conflit entre ce dernier et Massey. Johnson raconta que le mérite de la victoire devait être partagé entre les troupes britanniques et les Indiens, et cette version des évènements fut reprise par les journaux. Massey réplique que les Iroquois s’étaient comportés avec la plus grande lâcheté, se contentant d’achever les blessés et de massacrer ceux qui voulaient se rendre.
Ignorant des combats qui s’étaient déroulés à La Belle-Famille, Pouchot continua de résister dans le Fort Niagara. Il refusa de croire aux rapports que la colonne de secours avait été défaite, jusqu’à ce que les Anglais lui permettent de rencontrer Lignery blessé. Il accepta alors de se rendre, le 26 juillet 1759.
Pouchot n’obtint pas, comme il l’espérait, de se retirer à Montréal avec les honneurs de guerre, mais lui et ses officiers furent conduits à Albany, dans l’État de New York, comme prisonniers de guerre.
JOHN CONRAD
Voici un billet inusuel, du point de vue des thèmes de mon blog, mais j’aime beaucoup l’écrivain Conrad. Il parvient en effet à faire partager à la fois le décor et les aventures de ses héros dans des cadres parfaitement exotiques et à exposer sa philosophie qui consiste à faire face aux hasards de la vie.
Joseph Conrad est un écrivain qui n’a cessé de se transformer. Bourgeois, il se transforme en marin; marin, il mute en romancier ; Polonais, il écrit en anglais et devient Britannique; romantique, il se cache derrière un pessimisme quasi nihiliste. Son idéalisme, qui l’incite à défendre les opprimés, est compensé par un conservatisme dénué d’illusions. Quant à ses héros, ils découvrent au bout de leur chemin une solitude absolue.
De son vrai nom Teodor Jozef Konrad Nalecz Korzeniowski, Joseph Conrad (1857-1924) est issu de la partie de la Pologne occupée par la Russie. En 1874, à l’âge de 17 ans alors qu’il est orphelin depuis l'âge de onze ans, il choisit le métier de marin, d’abord en France puis en Grande-Bretagne où il gravit les échelons jusqu'à celui de capitaine en 1888. Entretemps il a pris la nationalité anglaise et voyagé autour du monde, en Inde, à Singapour, en Australie, à Java, à Sumatra et au Congo (1890), ce dernier voyage le marquant profondément.
Il publie en 1894, Almayer's Folly, un ouvrage marqué par ses références littéraires, notamment françaises comme Flaubert et Maupassant, qui laisse transparaitre, derrière un exotisme flamboyant, la figure de Madame Bovary. Sa période d’apprentissage littéraire se poursuit avec An Outcast of the Islands (1896).
Il atteint sa maturité littéraire avec The Nigger of the Narcissus (1897) qui constitue une sorte de fable initiatique : l'équipage d'un navire doit affronter une subversion insidieuse qui met en danger son intégrité morale et le mène au bord de la désintégration. L’ouvrage est proche de Typhoon (1903), où le capitaine MacWhirr et son équipage ne doivent leur salut qu'aux vertus simples de la discipline et du sens du devoir.
Heart of Darkness (1899) est le produit de son expérience congolaise. Avec la médiation, pour la première fois, de Marlow le narrateur, le héros, Kurtz bascule d'un idéalisme missionnaire qui se brise sur les réalités de l'exploitation coloniale à la tentation mortelle d'un primitivisme où il ne trouvera que l'horreur.
C'est aussi Marlow qui raconte l'histoire de Lord Jim (1900), idéaliste romantique, qui est délivré de son acte de lâcheté au moment même où il le commet. Puis, lorsqu'il cherchera à se racheter de cette faute originelle, il deviendra victime de ses propres illusions.
Nostromo (1904) constitue à mon avis son chef d’œuvre, l’un des sommets de la littérature anglaise. Sur fond de révolution et de conflit pour des mines d'argent dans une république sud-américaine non identifiée, on assiste à l'entrecroisement de destins individuels tels que ceux de Charles Gould, le capitaliste philanthrope pris dans la spirale de ses propres illusions, de Decoud, l'intellectuel cynique mené à sa perte par le métal argenté, ou de Nostromo, le loyal serviteur devenu traître. Il s’y ajoute une forte méditation désabusée sur l’abime qui sépare les grands idéaux politiques des soubresauts sanglants de l'histoire. Son écriture est à l’unisson de son propos, avec des évènements relatés selon des points de vue contradictoires, qui sont relativisés par la partialité des points de vue.
On peut rapprocher The Secret Agent (1907) de Nostromo. Dans une atmosphère crépusculaire, agents doubles et anarchistes sont traités avec la même ironie sardonique que les dirigeants de la police. Par contre Under Western Eyes (1911) évoque Crime et châtiment, avec cette différence que le crime de trahison commis par Razumov n'est pas le point de départ d'une régénération spirituelle mais le début d'un calvaire dépourvu de sens, car, pour Conrad, les révolutionnaires exilés de Genève et la police tsariste de Saint-Pétersbourg obéissent à la même logique infernale.
Après 1911, la qualité de l'œuvre conradienne baisse. Avec The Shadow Line (1915) on retrouve à nouveau le conflit initiatique de ses premiers récits : la solitude d'un jeune capitaine confronté à une situation extrême qui lui fait franchir la ligne qui sépare l'adolescence de l'âge adulte. Curieusement, selon une ironie du sort bien « conradienne », l’auteur atteint la gloire avec l’un de ses romans sans doute les plus faibles, Chance (1914), qui relate la saga des épreuves d'une jeune femme.
Avec Victory (1915), on assiste, comme dans Lord Jim, à la défaite de l'idéalisme chevaleresque devant les ruses du mal. La faute du héros, Heyst, consistant à abandonner son armure de distance hautaine devant la vie et à nouer des liens affectifs, scellant ainsi son destin. Quant aux derniers romans de Conrad, ils laissent surtout percer une mélancolie nostalgique dés début, de la gloire ou de la jeunesse.
Ignorer Conrad, c’est passer à côté d’une découverte humaine et littéraire. Ses ouvrages sont en effet tout autant des romans d'aventures que le témoignage d'une solitude existentielle dans un univers en proie au non-sens et l’exploration de nos fantasmes, en somme une réflexion fort moderne…
LE SIÈGE DE FORT NIAGARA
Situé à l’embouchure de la rivière Niagara sur le lac Ontario, le premier « Fort Niagara » fut bâti en 1678 par René Robert Cavelier de La Salle et appelé Fort Conti.
Puis un nouveau fort, plus proche des chutes, fut érigé à partir du 31 juillet 1687, sur ordre du gouverneur de Nouvelle-France, le marquis de Denonville, dont il porta le nom. Ce qui ne lui porta pas chance, car presque toute la garnison, sauf 12 soldats et un officier, moururent du scorbut pendant l’hiver 1687-1688, ce qui conduisit à son abandon en août 1689.
En 1726, un nouveau fort, nommé Fort Niagara, fut construit sur le même emplacement. Le capitaine-ingénieur Pierre Pouchot, avec le Régiment de Béarn et le 2e bataillon du Régiment de Guyenne y fut envoyé en juillet 1755. En octobre 1757, il rejoint son régiment à Montréal mais revient à Fort Frontenac le printemps suivant, où il lui faut capituler le 27 aout 1758 (voir mon billet La mêlée grandit comme une flamme). Libéré, il rejoint son commandement de Fort Niagara en mars 1759.
Après sa défaite à la bataille de Fort Carillon en juillet 1758, le Major General James Abercrombie avait été remplacé par le Major General Jeffery Amherst ( le tueur d’indiens) qui avait pris Louisbourg, à la tête du commandement des armées britanniques en Amérique du Nord. Pour la campagne de 1759, Amherst avait établi son quartier général au sud du Lac Champlain et avait planifié une attaque contre Fort Carillon pour remonter vers le Nord jusqu’au Saint-Laurent. En outre, il avait donné l’ordre au Major Général Wolfe d’entrer dans le Saint-Laurent pour attaquer Québec.
À l’appui de ses deux offensives, c’est dire si l’armée britannique avait des effectifs supérieurs à ceux des français, Amherst avait également programmé des opérations complémentaires contre les forts situés à l’ouest de la Nouvelle-France. Parmi ces dernières, il avait ordonné au Brigadier General John Prideaux de rassembler des forces dans l’État de New York pour attaquer Fort Niagara, une place forte majeure pour contrôler la vallée de l’Ohio.
Au printemps 1759, le General en chef Louis-Joseph de Montcalm et le Gouverneur de la Nouvelle-France, le Marquis de Vaudreuil, envoyèrent à Fort Niagara un renfort de 2500 hommes en sus des 500 hommes qui avaient hiverné sur place. Le capitaine Pouchot, sur l’ordre de Vaudreuil, envoya mi-juin 1759 nombre de ces hommes au sud de Fort Niagara, notamment à Fort Machault, pour renforcer les fortifications françaises dans la vallée de l’Ohio et pour attaquer les forces britanniques à Fort Pitt.
Les troupes qui restaient pour défendre Fort Niagara comprenaient 200 hommes provenant des régiments du Royal Roussillon, du Languedoc, de la Sarre et du Béarn, 20 artilleurs et 300 troupes de la milice locale. L’armée britannique commandée par Prideaux était comme toujours beaucoup plus nombreuse. Elle rassemblait 2200 hommes issus des 44e et 46e régiments, deux compagnies issues du 60e régiment ainsi qu’une compagnie du Royal Artillery. Il disposait aussi de 2500 hommes des milices de New-York et de 700 hommes des milices de Rhode Island. Officier avisé, Prideaux rassembla ses troupes en secret, car il savait que si les Indiens apprenaient la destination de ses troupes, ils préviendraient les Français.
Ralentie par la crue de la rivière Mohawk et l’arrivée tardive de quelques compagnies de miliciens, l’expédition ne quitta Schenectady qu’à la mi-mai 1759 pour atteindre Fort Oswego le 27 juin ; elle y fut rejointe par Sir William Johnson et 600 Iroquois. Johnson était un administrateur colonial spécialisé dans les relations avec les Indiens et un chef expérimenté qui avait gagné la bataille du Lac George en 1755.
Souhaitant disposer d’une base sur ses arrières, Prideaux ordonna de rebâtir le fort et laissa une garnison conséquente sous les ordres du Lieutenant Colonel Frederick Haldimand pour exécuter les travaux nécessaires. Il quitta Fort Oswego le 1er juillet pour attaquer Fort Niagara avec 3500 hommes. Ils embarquèrent sur une flottille de bateaux qui navigua vers l’ouest le long de la côte sud du Lac Ontario et échappèrent à la vigilance des navires français pour arriver en vue de Fort Niagara le 6 juillet 1759.
Situé sur un surplomb rocheux, Fort Niagara disposait de 300 métres de fortifications appuyées sur trois bastions et doté d’un peu moins de cinq cent hommes, Indiens compris. Comme les défenses à l’est du fort étaient fortes, aucun effort de défense n’avait été fait de l’autre côté de la rivière. C’est pourquoi les troupes britanniques débarquèrent prés d’un marais, hors de vue du fort, descendant le long d’un ravin au sud du fort appelé « La Belle Famille » et transportant leur artillerie sur la rive ouest où ils installèrent immédiatement une batterie. Le jour d’après, elles établirent des lignes de siège en face des défenses du côté est de Fort Niagara.
Surpris de l’arrivée des anglais et sommé de capituler par Prideaux, le capitaine Pouchot organisa au contraire sa défense tout en appelant au retour des troupes envoyées dans le sud, mais il ne put empêcher la centaine d’Indiens Seneca présents dans le fort de négocier avec les Iroquois, alliés des Anglais, pour se retirer du combat sans être inquiétés. Les appels au secours du capitaine Pouchot atteignirent le capitaine Le Marchand de Lignery le 12 juillet, alors qu’il était en train d’organiser une expédition contre le Fort Pitt depuis le Fort Machault. Il s’efforçait aussi de convaincre un millier d’Iroquois de se joindre à ses forces, tandis que Johnson leur envoyait des messages inverses. Mais le capitaine de Lignery se révéla suffisamment convaincant pour que les Iroquois se joignent à lui. Il quitta alors Fort Marchault pour prendre à revers les assiégeants de Fort Niagara avec un fort contingent appuyé par les troupes de Charles Philippe Aubry, capitaine des troupes coloniales en Louisiane et défenseur de Fort Duquesne.
Le 17 juillet, la batterie anglaise située sur le lieu-dit de Montréal devint opérationnelle et ouvrit le feu sur le fort. Trois jours plus tard, Prideaux fut tué quand un baril explosif d’un de ses propres mortiers l’atteint à la tête. Sir William Johnson prit le commandement, quoique certains officiers des forces régulières, à commencer par le Lieutenant Colonel Eyre Massey du 44e régiment, aient contesté initialement sa légitimité, puisqu’il n’était pas un officier des forces régulières.
Avant que le conflit entre Johnson et Massey ne soit totalement résolu, les Anglais furent avertis de l’arrivée de Lignery accompagné de 1300 à 1600 hommes.
À SUIVRE
UNE VIOLENTE BOUFFÉE DE BUREAUCRATIE
Avant de reprendre le fil de ma carrière universitaire qui, une fois le concours réussi, va se poursuivre à Dakar, voici le récit d’une de mes expériences récentes d’organisation de formation à l’étranger qui s’est complétement effondrée sous les coups de la bureaucratie, dans laquelle se trouve désormais immergée l’université française et européenne.
Cela faisait trois ans que je négociais en parallèle avec les excellents représentants de l’Université Nationale d’Économie de Kiev (KNEU) et avec les représentants de ma propre université, l’Université de Nice Sophia-Antipolis. Je pensais être arrivé au bout du tunnel : le programme franco-ukrainien de gestion (PFUG) allait bientôt débuter.
Nous avions déterminé quels seraient les professeurs qui iraient en Ukraine, les dates étaient fixées, les programmes de cours envoyés et nous allions enfin inaugurer le premier programme de gestion en français à Kiev, afin de participer au développement de la coopération franco-ukrainienne, aider les entreprises françaises à travailler avec l’Ukraine et permettre aux étudiants ukrainiens de trouver des emplois dans ces entreprises…
Tout était prêt, ce qui m’incitait par acquit de conscience, deux mois avant le début du premier cours, à demander à KNEU quelle était leur procédure exacte pour payer les enseignants. Il était convenu depuis longtemps que KNEU se substituerait à l’IAE pour les rémunérer, mais l’expérience m’incitait à être prudent. Et en effet, j’avais des raisons d’être prudent car le service comptable de KNEU me répondit que l’IAE devrait leur adresser une facture globale et non les enseignants individuellement.
Je me suis donc retourné vers l’IAE pour les modalités de cette facturation. Ce dernier m’a alors fait savoir qu’il était impossible d’adresser une facture à KNEU parce que le programme en question n’était pas inscrit dans « Apogée ». Apogée est le modeste nom que les informaticiens ont donné à l’araignée informatico-bureaucratique qui saisit, c’est le cas de le dire, tous les programmes de formation de notre université. Si votre cours n’est pas inscrit dans Apogée, pas de rémunération. Or le programme de KNEU, nouveau et extérieur à l’université, n’était pas inscrit dans Apogée. Il était impossible pour l’IAE d’établir une facture pour un cours qui n’existait pas et par conséquent de rémunérer les enseignants pour ce cours…
Pour satisfaire les bureaucrates de KNEU et les miens, Il fallait donc inscrire ce cours dans Apogée. Mais pour ce faire, il faudrait passer par la procédure complète en commençant par solliciter l’avis du Conseil de l’IAE puis celui des services internationaux de l’Université, rendre une visite de courtoisie au Vice–Président chargé de l’international puis présenter un rapport devant le CEVU (Conseil des Etudes et de la Vie Universitaire) qui transmettrait son avis au Conseil d’Administration de l’Université, qui transmettrait à son tour le dossier estampillé de son visa au Ministère de l’Education, qui solliciterait de son côté l’avis du Ministère des Affaires Étrangères avant de nous retourner le tout en nous autorisant, probablement, à inscrire le programme dans Apogée. Ne croyez pas que j’exagère, au contraire, je ne vous présente la procédure que dans ses grandes lignes !
Au bas mot, un an au minimum, plus probablement deux ans d’efforts, de rapports et d’attente, tout cela pour une procédure purement formelle qui aboutirait sans doute à l’accord blasé de l’ensemble de la chaine bureaucratique, tout à fait ignorante du but, de l’intérêt et surtout de l’urgence de ce programme.
Ce retard risquait de porter un coup fatal au projet : l’année précédente, un incident avait déjà montré les dangers du retard de la programmation. Un projet plus court, qui devait servir d’amorce au lancement du PFUG, devait être organisé dés le mois de septembre. Nous étions en mai et lors de la réunion du CEVU (Conseil de l’Enseignement et de la Vie Universitaire) qui devait approuver le projet, l’une de mes collègues qui ne manquait jamais d’imagination pour bloquer tout projet passant à sa portée, avait trouvé que les initiales IFUM (Institut Franco-Ukrainien de Management) étaient trop proches des initiales « IUFM », ce qui la gênait ! Elle suggérait IFUG. Il fallut deux mois pour obtenir l’accord de toutes les parties pour ce changement de nom mais ce retard fut fatal au programme car il était trop tard, fin juillet, pour que les étudiants ukrainiens s’inscrivent au programme IFUM/IFUG parce qu’ils avaient déjà fait leur choix pour leur formation de l’année suivante !
Bref, j’étais prévenu, le temps que se déroule la procédure et le projet PFUG serait mort et enterré. Au cas où j’aurais eu des velléités de me lancer malgré tout dans cette aventure, l’IAE ajouta, pour me décourager tout à fait, que s’il avait à payer les professeurs pour les cours effectués à Kiev dans le cadre d’Apogée, ils le seraient au tarif universitaire habituel. Autant dire que personne de sensé, sauf à vouloir visiter Kiev, une jolie ville au demeurant, n’irait consacrer une semaine, déplacement compris, pour gagner la même somme qu’il recevrait dans son université sans se déplacer.
Fort de ce constat, je me retournais vers KNEU et je leur expliquais par mail et à plusieurs reprises que la seule solution consistait à payer directement les professeurs français. C’était sans compter sur la fierté de la bureaucratie ukrainienne: elle n’allait pas capituler devant la bureaucratie française ! Elle s’accrocha alors au texte, par définition interprétable, de la convention entre l’IAE et KNEU, pour contester que KNEU ait à payer directement les cours. J’expliquais à nouveau que si les professeurs n’étaient pas payés, ils ne viendraient pas et que pour ma part, si j’étais prêt, pour débloquer le programme, à venir faire cours gratuitement la première fois à Kiev, je ne pouvais pas l’exiger de mes collègues.
L’administration de KNEU écrivit alors au Directeur de l’IAE pour se plaindre de mon attitude rigide. Ce dernier répondit en substance que si les professeurs n’étaient pas payés, ils ne viendraient pas.
Mais l’administration de KNEU n’était pas prête à se résigner à la moindre concession au principe de réalité: elle estimait qu’elle était dans son droit et pour faire « avancer » le dossier à défaut de résoudre le problème, elle se retourna vers l’Ambassade de France à Kiev pour se plaindre du refus de l’IAE de respecter le contrat qu’il avait signé avec KNEU.
L’ambassade se rapprocha de nos services internationaux qui me contactèrent et à qui j’expliquais, encore et encore, que si les professeurs n’étaient pas payés, ils ne viendraient pas…
Bref, je me fatiguais en vain à répéter sans cesse la même évidence à des bureaucrates sourds et aveugles qui étaient en train de réussir, une fois de plus, à assassiner un programme qui avait demandé trois ans de négociations et d’échanges, plusieurs déplacements de part et d’autre et qui surtout n’aurait eu que des effets positifs pour les relations entre l’Ukraine et la France. Mais je savais aussi que les bureaucrates n’en avaient cure, puisque leur seul objectif consiste toujours à avoir raison de toute opposition quelles que soient les conséquences et que ce n’est que lorsqu’ils y réussissent pleinement qu’ils peuvent s’endormir enfin, la conscience tranquille…
Et de fait, il n’y eut pas de happy end. Ensemble, les bureaucrates français et ukrainiens eurent de cette manière la peau du programme PFUG, qui n’a jamais connu le moindre début de réalisation, malgré les grandes promesses du projet.
C’est alors que je ruminais ces sombres pensées sur l’arme du temps utilisée par la bureaucratie pour détruire tout projet qui lui est soumis que je pris conscience que je payais depuis un an et demi des cotisations retraites pour rien. Je décidais donc de prendre rapidement les mesures défensives nécessaires pour mettre fin à cette situation bureaucratiquement parfaite, mais économiquement absurde…