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Le blog d'André Boyer

THE ROCHDALE SOCIETY OF EQUITABLE PIONEERS

28 Décembre 2014 , Rédigé par André Boyer

THE ROCHDALE SOCIETY OF EQUITABLE PIONEERS

HOMMAGE AUX VÉRITABLES PIONNIERS DE ROCHDALE

Owen était un idéaliste. Dans son Report to the County of Lanark (1820, il se déclare en faveur d’une organisation communautaire qui constituerait le fondement d’une réorganisation définitive de l’ensemble de la société. Il prône aussi une juste rémunération du travail favorisant les producteurs, et non plus les capitalistes et leurs intermédiaires.

C’est à ce titre qu’il est l’inventeur du socialisme britannique. Sans se référer  encore une fois aux anarchistes comme Proudhon, on trouve à la même époque en France des socialistes utopistes, comme Saint Simon ou Charles Fourier, qui visent à transformer la société, non par une révolution politique ou par une réforme étatique, mais par la création à l'initiative de citoyens d'une contre-société socialiste au sein d’une société « étatico-capitaliste ».

Il s’agissait pour eux de créer des communautés socialistes qui, si elles avaient réussies, auraient progressivement remplacé la société capitaliste. Mais elles ont échoué, même si l’on voit aujourd’hui encore resurgir le projet contemporain d’une ville autosuffisante, Owenstown, qui serait autogérée par ses habitants et propriétaires.

Nous n’écartons pas de nos préoccupations l’organisation de la société toute entière, car elle relève à notre avis du management. Mais pour la poursuite de notre réflexion sur le management organisée autour du pouvoir, nous mettons tout d’abord en exergue les structures organisationnelles dans lesquelles le pouvoir n’est pas concentré.

Or, tel est le cas de la coopérative, structure particulière d’organisation, dont Owen est l’inspirateur.

Dés 1824, une société coopérative londonienne est fondée à Burton Street.  Puis The Cooperative Magazine est lancé en janvier 1826, remplacé en 1830 par le British Cooperator et le Cooperative Miscellany qui, chacune, étaient chargés de répandre les idées d’Owen. Enfin, la première véritable coopérative de l’histoire est fondée par quelques tisserands à Rochdale en 1844, près de Manchester, selon des principes issus des idées d’Owen.

Constatant que le niveau de vie des travailleurs est tout autant dépendant des salaires donnés par les manufacturiers que par le niveau de prix des producteurs, vingt-huit tisserands se regroupent pour former The Rochdale Society of Equitable Pioneers (RSEP). On note que l’on retrouve dans le nom de la coopérative le terme « équitable » qui est repris dans le concept actuel de commerce équitable. Ils ne se présentent pas comme une association de producteurs qui cherche à écouler leur production et c’est radicalement nouveau. Ils proposent, a contrario, un regroupement de consommateurs qui accumulent un capital en vue d’apporter, proclament-ils littéralement, « des avantages financiers et d’améliorer les conditions sociales et domestiques de ses membres ».

À cet effet, ils commencent par établir un magasin d’alimentation, d’habillement et autres, qui permet d’écouler la production des tisserands, mais pas seulement. Il s’agit aussi de construire des logements, de fabriquer à la demande et de louer des terres agricoles.

L’originalité de la RSEP consiste à partir des besoins de ses membres pour déterminer ce qu’il faut produire en y associant en priorité ses membres dépourvus de travail. Une démarche très marketing, dirigée vers ses propres membres. 

La question du capital de la RSEP est traitée de manière empirique.  Chaque membre qui y entre doit souscrire quatre parts d’une livre chacune, avec un versement progressif pour tenir compte des faibles disponibilités financières des adhérents. Pour ouvrir le magasin, il fallut réunir 1000 £ et donc rassembler 250 membres. Il était prévu que le capital souscrit serait rémunéré au taux de 3,5%, le reste du profit de l’association étant réparti au prorata des achats de chacun.

La nouveauté était que les « capitalistes » de la RSEP ne recevaient pas la totalité des bénéfices, mais une rémunération fixe et que le surplus des bénéfices ne leur était pas distribué pour bénéficier aux consommateurs qui sont la finalité de l’entreprise.

La RSEP fut une réussite à long terme, contrairement aux communautés éphémères d’Owen. En 1880, la RSEP comptait plus de dix mille membres, tout en aidant d’autres coopératives à s’établir.  Aujourd’hui, le secteur coopératif en Grande-Bretagne regroupe sept millions de membres.

Il s’agit donc d’un succès organisationnel, dont il s’agit de déterminer les raisons, les conséquences possibles et les limites.

 

À SUIVRE

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ANALYSES QUÉBÉCOISES III

22 Décembre 2014 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

ANALYSES QUÉBÉCOISES III

 

Dans ce blog, on ne traitera que de sexe, au travers du coming out d’un grand dirigeant d’entreprises, des mœurs sado-masochistes d’un animateur de TV et des réactions très instructives de lectrices ordinaires au comportement d’une actrice porno…

 

Tim Cook fait son coming out

 

Les faits :

Cela a pas mal agité les milieux mediatico financiers aux USA et au Canada : Tim Cook, 53 ans, le patron d’Apple, a revendiqué son homosexualité. Mêlant habilement Dieu à ses préférences sexuelles, il a précisément déclaré : « C’est le plus beau cadeau que Dieu m’ait fait ».

L’ampleur donnée à cette déclaration par les medias a surpris. Cela fait des années qu’acteurs, sportifs et politiciens se disputent les plateaux pour annoncer leur homosexualité au monde entier, alors Tim Hook ?

Oui, mais c’est le premier patron des mille plus grandes entreprises américaines qui se déclare homo et c’est ça l’événement.

Oui, oui, mais une entreprise du secteur des nouvelles technologies à Silicon Valley en Californie n’est pas représentative du monde des affaires américaines, dans un pays, les USA, où plus de la moitié des États ne protégent pas les employés qui seraient licenciés en raison de leur orientation sexuelle.

Le Canada retient son souffle : quel patron d’une grande entreprise canadienne sera le premier à se déclarer ?

 

Mon commentaire :

Ils sont encore plus forts en marketing que je le pensais, ces gens d’Apple car, depuis la déclaration de Tim Cook, l’action Apple est montée de 10%, à croire qu’un nouveau marché s’est ouvert pour l’entreprise, les homophiles.

 

Je signale toutefois aux commerciaux d’Apple que, moi, j’achète leur produit juste parce que je le trouve bon…

 

 

Vous connaissez l’émission Q ?

 

On ne parle que de cela au Canada et en l’occurrence l’émission porte bien son nom, en français en tout cas. Depuis des années, cette émission connaît un succès phénoménal sur CBC Radio One (chaine de TV de Toronto).

Mais voilà que la direction de la chaine a suspendu puis congédié son animateur vedette au sourire enjôleur, âgé de 47 ans, Jian Ghomeshi. La raison : il aimait bien les relations sado-masochistes, qu’il pratiquait assidument avec le consentement de ses partenaires, maintient-il. Mais la chaine déclare qu’elle a vu de ses yeux des blessures physiques infligées par l’animateur au cours de ses ébats et qu’elle en a été choquée.

Le plus fort, c’est que c’est l’animateur lui-même qui a montré les vidéos accusatrices à sa direction pour lui démontrer qu’il était tout à fait possible d’être blessé physiquement lors de relations sadomasochistes, tout en étant volontaire, ou consentant.

La CBC (Canada Broadcasting Corporation) est en cause. Elle a misé sur une star qui exploitait l’univers des stars et le public qu’il attire, ce qui ne faisait pas partie  de la culture canadienne, supposée constituer un trait essentiel de son mandat. La société d’État se défend en déclarant qu’elle ne pouvait pas se mêler de la vie privée de ses vedettes. Mais la vie privée devient d’intérêt public lorsqu’elle influe sur les institutions.

Ne faut-il donc pas se soucier de l’éthique des stars ?

Depuis, deux victimes ont porté plainte et les témoignages s’accumulent contre l’animateur accusé d’être tyrannique, mais jusqu’à maintenant l’enquête n’a pas encore montré que les « victimes » n’étaient pas consentantes et si elle n’évolue pas, cela pourrait se terminer par d’énormes indemnités compensatoires versées à l’animateur sado ou par une gigantesque peine de prison.

 

Le suspense passionne les medias tout en désolant les amateurs de Q.

Du coup l’émission a fortement perdu de son audience et la CBC de l’argent.

La morale ou l’argent, il faut choisir.

 

 

 Eh bien !

 

Je ne sais trop comment raconter cette histoire, mais je me lance quand même.

 

Le 5 septembre dernier, à Gatineau, à côté d’Ottawa, une actrice porno de 22 ans a eu des relations sexuelles avec 25 hommes d’affilée.

Oui, vingt-cinq…

Oui, mais pour une raison pratique. Elle a fait ça pour que son producteur lui paie une augmentation mammaire. Cette activité, qui s ‘appelle, paraît-il, « Boule-o-thon », a eu lieu dans une caravane (au Québec on dit « roulotte »)  attenante à un bar de Gatineau.

Bon, et alors ?

Alors Léa Clermont-Dion, chroniqueuse de la revue Châtelaine, ayant eu vent de cette affaire, s’en est prise à l’actrice porno en invoquant le manque de dignité de cette dernière qui retentissait sur toutes les femmes.

Mal lui en a pris.

Publiée en ligne, sa lettre ouverte à la jeune femme souleva une bordée de commentaires peu amènes de la part de lectrices indignées. Ces dernières lui reprochaient son « attitude moralisatrice et condescendante » à l’égard de l’actrice porno, d’avoir « osé juger haut et fort les choix des autres », et, en plus, d’avoir parlé de tout cela sur un ton « très maternel et rabaissant ».

Et ces lectrices de lui faire à leur tour la leçon : elle aurait dû « comprendre » et « garder l’esprit ouvert à la différence », accorder à cette personne le respect « que chaque être humain mérite »  d’autant plus « qu’on ne connaît pas son histoire ».

Dans ces réponses de lectrices, on vit défiler d’un seul coup, d’un seul, tous les « principes » actuels : compréhension, ouverture d’esprit, respect des différences et liberté individuelle bien sûr.

Elle avait bien le « droit », l’actrice porno, de faire ce qu’elle voulait, si c’était son « choix ». Elle avait notamment le « droit de contrôler son corps » et d’en faire par conséquent « ce qu’elle désire », y compris l’offrir en pâture à vingt-cinq inconnus sous l’œil impavide d’une caméra.

Cela vaut la peine, à mon avis, de réfléchir à ce que ces réactions veulent dire.

La liberté individuelle, conçue sous l’angle du désir ou de l’impulsion du moment (l’achat spontané), y est définie comme l’ultima ratio du comportement humain. L’une des lectrices écrit que « cette fille a fait son choix », une autre que « c’est son trip » et c’est très bien comme cela.

Il s’y ajoute un refus viscéral de tout jugement, avec, derrière des proclamations hautaines de tolérance («  je ne me permettrai pas de juger cette fille ») on trouve la démission de celle (ou de celui) qui se refuse à prendre « son propre jugement comme guide », rendant l’individu incapable de distinguer le bien du mal. C’est ce qu’Hannah Arendt (l’une de mes idoles) voyait comme étant à la racine de ce qu’elle appelle la banalité du mal. Cette apparente tolérance cache le fond d’indifférence à l’égard d’autrui qu’elle signifie. C’est ce qu’exprime bien une autre lectrice, avouant que « de toute manière, on s’en tape de ce qu’elle fait » !

On voit enfin émerger le refus de toute morale, cette dernière n’étant que l’expression d’un autoritarisme à jeter aux orties. C’est que la morale, dans l’esprit de ces lectrices, n’est qu’une entrave à la liberté d’avoir les désirs que l’on veut, des désirs qu’il ne s’agit ni d’évaluer, ni de jauger, encore moins de juger.

La morale se dissout alors dans ce que les moralistes, justement, appellent la barbarie ou l’abjection.

 

Lectrices de Châtelaine, continuez à écrire s’il vous plait, car vous nous révélez ainsi naïvement les dessous immondes de ce que vous croyez être la liberté, une liberté qui n’est qu’une licence qui vous emprisonne, avant de vous égorger.

 

(Écrit à partir d’un excellent article de mon collègue Patrick Moreau, professeur et rédacteur en chef de la revue Argument, dans le Devoir du 11 novembre 2014) 

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UN COUP D'ÉTAT DE TROP

16 Décembre 2014 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

UN COUP D'ÉTAT DE TROP

NAPOLÉON BONAPARTE CHAHUTÉ

 

Pour le Directoire, la situation politique devenait critique. L’agitation royaliste renaissait, ce qui faisait craindre en réplique la réinstauration de la Terreur.

 

En mai 1799, Sieyès remplaçait Reubell au Directoire, avec l’idée de modifier, par le moyen désormais habituel d’un coup d’État, des institutions qu’il trouvait trop démocratiques (sic).

Son objectif était d’écarter aussi bien les royalistes que les jacobins, afin de faire régner l’ordre au profit du pouvoir. Mettant en pratique cet objectif politique, il commença par s’opposer à la poussée néo-jacobine avant de chercher à profiter du retour d’Egypte de Bonaparte, retour  effectif le 9 octobre 1799, afin de l’utiliser pour un coup d’État qui lui permettrait de modifier la Constitution.

Il lui faut exactement un mois pour l’organiser et le18 brumaire An VIII (9 novembre 1799) au matin, tout est prêt.

Les Conseils votent ce qu’on leur demande, en particulier le Conseil des Anciens, qui est appelé en catastrophe aux Tuileries à 7 heures du matin, pour apprendre tout de go que la République est menacée.

Affolés, les Anciens votent aussitôt un décret en quatre articles, décidant que « le Corps législatif est transféré à St Cloud, qu’il s’y réunira le lendemain à 12 heures, que toute autre délibération est interdite ailleurs et avant ce temps, que le général Bonaparte est chargé de l'exécution du présent décret et prendra toutes les mesures nécessaires pour la sûreté de la représentation nationale et que le général Bonaparte est appelé au sein du Conseil pour y recevoir le présent décret et prêter serment.»

Bonaparte, aussitôt nommé commandant de la garde nationale et de la 17e division militaire, se rend devant le Conseil des Anciens, où il prononce un médiocre discours avant de prêter serment pour la sauvegarde de la République.

Au même moment, les généraux se réunissent sous la présidence de Lucien Bonaparte, qui leur fait connaître le décret des Anciens, suscitant quelques protestations. Ainsi qu’il en était convenu, Sieyès et Ducos démissionnent aussitôt, suivis par Barras. Les deux derniers Directeurs en fonction, Moulin et Gohier, refusent, également comme prévu, de démissionner et sont illico consignés au Luxembourg sous la garde de Moreau.

Au total, la journée du 18 brumaire s’était passée selon les plans. Des affiches sur les murs de Paris appelaient au calme et les bourgeois satisfaits faisaient monter la rente de plus d'un point.

 

Mais le lendemain 19 brumaire, les événements tournent à la confusion de Bonaparte.

Le château de St Cloud est préparé en hâte pour recevoir les Conseils qui devront siéger, entourés par une troupe de 6000 hommes.

Vers midi, le général Bonaparte surgit avec un détachement de cavalerie.

À 14 heures, Lucien Bonaparte ouvre la séance des Cinq-Cents.

Mais, de leur côté, les Anciens, qui ont enfin compris qu’ils sont manipulés, ne veulent plus rien comprendre et suspendent leur session afin de statuer sur le remplacement des trois directeurs démissionnaires.

Là-dessus, Bonaparte suscite l’hostilité des Anciens en pénétrant dans leur salle sans y être invité. Il n’est pas mieux accueilli par le  Conseil des Cinq Cent où il essuie des cris hostiles « A bas le tyran ! », « Hors la loi ! », « Vive la République et la Constitution de l'an III ! » et perd contenance (les dictateurs en herbe ont du mal à faire face à l’opposition lorsqu’elle s’exprime) et sort de l'Orangerie.

De son côté, son frère Lucien tente en vain de ramener le calme dans le Conseil des Anciens, y renonce et quitte la salle pour rejoindre son frère. Ils se sentent mieux au sein de leurs troupes respectives, détachement de l’armée et gardes du corps législatif, qu’ils haranguent sans craindre d’être contredits (les soldats en armes et en rang sont supposés obéir).

Lucien, plus entreprenant que son frère Napoléon, demande aux gardes des généraux de « délivrer » la majorité des représentants d’une minorité agissante qu’il faut expulser : « Quant à ceux qui persisteraient à rester dans l'Orangerie il importe qu'on les expulse. » 

Les grenadiers de Murat suivi de ceux du corps législatif entrent dans l'Orangerie baïonnette au canon.

En cinq minutes, la salle est vidée.

 

Par cet acte, le coup d'État parlementaire devenait un coup d'État militaire, qui échappait donc à son instigateur, Sieyès, pour bénéficier à son bras armé, les frères Bonaparte. 

 

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PASSEPORT À L'IRANIENNE

11 Décembre 2014 , Rédigé par André Boyer Publié dans #CULTURE

PASSEPORT À L'IRANIENNE

L'AUTEUR ET L'HEROÏNE DE CETTE HISTOIRE

 

Il ne m’arrive presque jamais de recommander pleinement la lecture d’un livre, mais cette fois-ci je le fais sans hésiter pour mes lecteurs, en considérant d'office qu’ils s’intéressent au monde, à l’humain, à la vie.

 

Il s’agit de « Passeport à l’iranienne » écrit par Nahal Tajadod en 2007 et disponible en livre de poche pour la modeste somme de 6,50 €. Dans un élan d’enthousiasme que j’ai ensuite réprimé, on ne sait jamais, j’ai même écris que je rembourserais toute personne qui trouverait cet ouvrage sans intérêt et qui m’expliquerait de manière convaincante pourquoi.

Nahal Tajadod n’est pas n’importe qui. Née en Iran en 1960 d’une famille très cultivée, elle vient en France deux ans avant la chute du shah d’Iran, Mohammad Reza Pahlavi. Elle est alors âgée de 17 ans et elle vient étudier le chinois à l’Institut National des langues et civilisations orientales, qu’elle achève par une thèse sur Mani, le fondateur du manichéisme.

Depuis, elle a écrit de nombreux livres savants, dont récemment un livre sur une comédienne iranienne très connue, « Elle joue », bannie d’Iran pour avoir montré fugitivement sa poitrine dans une cérémonie. Il faut ajouter à cette biographie qu’elle est mariée au metteur en scène Jean-Claude Carrière, dont elle a une fille.

Alors le livre ? c’est une histoire très simple, quasiment autobiographique : l’auteur, Nahal, doit renouveler son passeport iranien pour rentrer en France dans les prochains jours, même si elle possède déjà un passeport français. Mais elle tient à garder son passeport iranien.

Cette toute petite histoire, sans intérêt à priori, prend des dimensions épiques au fur et à mesure qu’elle se déroule, d’autant plus qu’elle s’installe dans le cadre de la société de Téhéran, qui est décrite de manière extrêmement fine et pleine d’humour.

L’histoire commence un samedi avec la recherche d’un studio de photographe qui doit permettre d’obtenir une photo compatible avec la loi islamique en vigueur. Vous allez découvrir en fonction de quels critères Nahal choisit le photographe, ce qu’évoquent pour elle les photographies dans la vitrine, comment se comporte la classe moyenne iranienne. Vous allez aussi savoir comment elle confie aux deux photographes son sèche-cheveux en panne, en quoi elle ne supporte pas le shanbelileh (vous allez apprendre ce que c’est), pourquoi les deux photographes lui donnent des formulaires rédigés en suédois et refusent obstinément d’être payé. À cette occasion, vous allez comprendre le fin fond de la culture perse, avec l’usage généralisé du tarof, cette arme fatale.

Puis, sans souffler un instant, vous allez saisir la psychologie du gardien de l’immeuble où habite la famille de Nahal et la raison inimaginable pour laquelle les croyants iraniens veulent aller en pèlerinage en Syrie (l’histoire se déroule avant la guerre civile).

Vous en avez alors fini avec le samedi de Nahal, vous pouvez la regarder s’endormir avec la conscience du devoir accompli, sur le canapé de la bibliothèque, sa fille de trois ans dans les bras.

À ce moment, Nahal ne sait pas que cette histoire de passeport va l’emporter dans un tourbillon d’aventures où les rebondissements ne vont pas manquer, mais qui va surtout nous révéler l’humanité profonde de la société iranienne, la culture raffinée de ce peuple auprès de qui l’on se sent un butor. Progressivement, un véritable tourbillon d’aventures, d’impressions et d’émotions finit par nous arracher des larmes de nostalgie et de tendresse.

Je ne veux pas en raconter plus mais, au long du récit, vous découvrirez la qualité de son écriture, l’intérêt de cette soi-disant petite histoire et vous communierez avec ce peuple iranien tant vilipendé par des commentateurs imbéciles qui croient qu’en écrasant les autres, ils se grandissent.

Car vous finirez par découvrir qu’il n’est pas donné à tout le monde de se hisser à la hauteur des héros de cette histoire que nous présente Nahal. Et lorsque vous quitterez l’héroïne de cette histoire à regret alors qu’elle ôte son foulard dans l’avion, votre regard sur l’Iran, cet avatar de la Perse éternelle, aura changé du tout au tout.

 

Un livre, rare, pour sourire, pour s’émouvoir, pour ouvrir les yeux…
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TOUT SAUF LA THÈSE

7 Décembre 2014 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

TOUT SAUF LA THÈSE

PALMYRE SYMBOLISE BIEN L'ÉTAT ACTUEL DE RUINE DE LA SYRIE

 

Je retournais à Nice fin septembre 1974, décidé à terminer ma thèse dans l’année. C’était bien présomptueux de ma part, car l’année universitaire 1974-1975 allait voir de forts bouleversements dans ma vie, notamment professionnelle, mais pas la fin de la thèse.

 

Les cours reprenaient sans trop de difficultés, une nouvelle collègue arrivait dans notre petit IAE, Maryse Martin, après Robert Teller et Alain Chiavelli. L’IAE n’avait pas peur d’innover avec la création d’une Maitrise de Gestion qui allait m’offrir l’occasion d’enseigner aussi bien les mathématiques de gestion que la microéconomie et le marketing et de recruter l’un de mes futurs collègues. Le métier d’enseignant universitaire présente en effet la caractéristique un peu singulière de voir certains de ses étudiants se transformer insensiblement en collègues.

Avec les Etats-Unis, j’avais déjà modifié ma vision de l’université française. Mon goût pour les voyages commençait d’ailleurs à être remarqué, parfois négativement. Mais ces déplacements me permettaient de compléter cette représentation à l’occasion de congrès et de réunions scientifiques. Ce fut le cas en Suède, où, derrière l’image enchantée des paysages enneigés du début de l’hiver, je percevais la conception suédoise du management, faite de simplicité et de rigueur pour ne pas écrire de dureté.

Puis le Liban m’offrit l’occasion d’une véritable aventure, humaine et esthétique dans cette région si sensible aux tensions entre les communautés. C’était en mai 1975, au moment même où s’amorçait la guerre civile qui allait durer quinze années, faisant deux cent mille victimes. Au moment où s’y déroula notre Congrès des Économistes de Langue Française, le vieux Beyrouth existait encore. Les bombes ne l’avaient pas encore écrasé et les promoteurs n’avaient pas encore reconstruit le Beyrouth un peu froid qui se dresse aujourd’hui. Déjà le claquement sec des mitrailleuses troublait lourdement nos sorties au célèbre Holiday Inn.

Les bruits de bottes n’ont toutefois pas empêché notre congrès de se dérouler à l’Université Saint-Joseph, dirigée par le célèbre Père Ducruet. Je me souviens d’y avoir rencontré de jeunes enseignants libanais dont le champ d’analyse embrassait le monde entier, d’avoir admiré les merveilles de Byblos au nord de Beyrouth et de Baalbek dans la vallée de la Bekaa. Le congrès s’est ensuite projeté à Damas où nous avons découvert des souvenirs architecturaux de la colonisation française. La ville étalait alors les merveilles de son souk et de sa mosquée et offrait son artisanat arménien.

Cette mosquée évoque pour moi un souvenir personnel, puisqu’un  de mes collègues présent à Damas m’a proposé d’acheter l’appartement de son frère à Nice, ce qui a effectivement eu lieu quelque temps plus tard…

Nous nous sommes ensuite enfoncé dans le cœur de la Syrie, dont j’imagine avec tristesse ce qu’il a dû devenir aujourd’hui, pour atteindre Palmyre et ses merveilles antiques dorées par le soleil levant avant de continuer au nord du Liban, pour visiter le monumental Krak des Chevaliers avec son immense écurie.

En sillonnant la Syrie, nous n’avons toutefois pas échappé aux menaces militaires, croisant dans le désert une brigade de blindés et rencontrant des camions lourdement chargés de militaires à Homs. Mais personne n’aurait pu alors imaginer que la Syrie serait quatre décennies plus tard transformée en cimetière et en champ de ruines. Une des leçons, que nous pouvons en tirer rétrospectivement, est que le monde policé dont nous jouissons et qui nous semble éternel, peut disparaître dans les flammes générées par la violence absurde qui secoue périodiquement la race humaine.

Au printemps 1975, à la demande de Jean Touscoz, Président de l’Université de Nice, auquel j’avais remis le projet en juin 1974, je lançais une session expérimentale de l’Université du Troisième Age, U3 (voir mes blogs sur le sujet).

 

Et ma thèse dans tout cela (bis repetita placent)?   

 

À SUIVRE…

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OWEN, LE RÉALISTE UTOPIQUE

2 Décembre 2014 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

OWEN, LE RÉALISTE UTOPIQUE

NEW LANARK, UTOPIE HEUREUSE

 

Malgré l'essor et les succès commerciaux des filatures, la mise en pratique des projets d'Owen impliquait d'énormes dépenses, ce qui déplaisait à ses associés.

 

Pour donner libre cours à ses projets philanthropiques, Owen fonda en 1813 une nouvelle société avec Jeremy Bentham et le quaker William Allen, grâce à laquelle il allait donner libre cours à ses projets philanthropiques.

La même année, il publia ses premiers essais sur son système pédagogique fondé sur sa philosophie de l’homme, qui justifiait également ses principes de management. Pour lui, l'homme était façonné par sa destinée, ce qui impliquait sur le plan pratique de façonner son caractère en  le soumettant dès son plus jeune âge à des influences physiques, morales et sociales appropriées.

En 1817,  il lança le mot d’ordre : «8 heures de travail, 8 heures de loisir, 8 heures de sommeil» qui devint par la suite le slogan de la 1ere  Internationale et celui du mouvement ouvrier français.

New Lanark devint un lieu de pèlerinage fréquenté par les réformateurs socialistes, hommes d'État et personnages royaux. De l'avis général des visiteurs, les résultats obtenus par Owen étaient extraordinaires. Les enfants étaient joyeux, aimables et respiraient la santé et le bien-être. L'alcoolisme était inconnu et les naissances illégitimes extrêmement rares. Il existait entre Owen et ses ouvriers une entente réelle qui rendait le fonctionnement de la filature aisé et harmonieux, ce qui se ressentait dans les excellents résultats de l'entreprise.

Robert Owen professait une utopie coopérative. Pour lui, la cause principale de la misère résidait dans la rivalité entre le monde ouvrier et le système capitaliste. Aussi la seule parade contre cette rivalité consistait à unir les ouvriers afin qu’ils  contrôlent leur outil de travail.

Il préconisait l'installation de communautés d'environ 1200 personnes, toutes dotées d'un emploi, vivant dans un seul immeuble avec cuisines et salles à manger communes, les couples disposant toutefois d'un appartement privé et étant autorisés à élever leurs enfants jusqu'à l'âge de trois ans. Les communautés, fondées par des individus, des communes, des comtés ou des États, seraient supervisées par des personnes hautement qualifiées. Owen considérait que l’organisation du travail de la communauté, surtout agricole à l’époque, impliquait de posséder du matériel moderne, d’offrir des emplois différenciés et être, autant que possible, autonome par rapport à l’extérieur.

Ces cantons, comme il les nommait, fédérés et unis étaient censés se développer par dizaines, centaines et milliers jusqu'à rassembler le monde entier dans une organisation et un intérêt communs.

Ses projets de lutte contre la misère étant accueillis avec grand intérêt par l’opinion publique éclairée, Owen s’employa à mettre ses idées en pratique. En 1825, une expérimentation fut entreprise sous la direction d'un de ses émules, Abraham Combe, près de Glasgow et une autre l'année suivante, conduite par Owen lui-même à New Harmony dans l'Indiana (États-Unis).

Dans les deux cas, il ne fallut que deux années pour que les deux expériences échouent spectaculairement. Il faut préciser toutefois que la population des deux centres pilotes était extrêmement hétérogène, accueillant aussi bien d'honnêtes gens que des vagabonds ou des aventuriers, mais l’on trouva rapidement des théoriciens, comme Josiah Warren, qui faisait autorité en matière d’anarchisme américain, pour expliquer que ces communautés étaient vouées à l'échec du fait de l’absence de dirigeants et du renoncement à la propriété privée.

Owen n’insista pas. Il abandonna en 1828 toute participation dans New Lanark et New Harmony. Mais il prit aussitôt la direction d’un mouvement qui instaura en 1832 une bourse du travail équitable basée sur des annonces d'emploi, sans intermédiaires. Progressivement, les idées d’Owen devinrent moins attractives même si elles étaient relayées en permanence par les journaux, par ses écrits et ses conférences.

Pendant les dernières années de sa vie Owen se tourna vers le spiritualisme avant de mourir dans sa ville natale le 17 novembre 1858. Mais des idées d’Owen subsistaient et subsistent toujours le  mouvement coopératif que nous aborderons dans notre prochain blog sur le management.

Les apports d’Owen ne sont toutefois pas à négliger. Il est certain qu’Owen, homme d’action, avait une vision un peu simpliste de l’être humain lorsqu’il pensait qu’il suffisait de le mettre dans de bonnes conditions matérielles pour qu’il soit content et travaille. Il a tout de même pressenti, avant Elton Mayo, que le seul fait de s’occuper des employés, changeait la donne. Même si les rapports de domination ne se résument pas à la relation employeur employé, il a vu que la dureté des rapports sociaux induits par le système capitaliste pouvait être adoucis en associant les ouvriers à la décision et il a proposé un système qui marche encore aujourd’hui, la coopérative.

La question qui se pose donc est de savoir si partout, l’on peut remplacer les entreprises où les employés ne sont que salariés, par des employés qui sont aussi les actionnaires de l’entreprise ? Alors que les anarchistes refusent carrément tout rapport de domination, Owen propose d’escamoter cette domination en donnant le pouvoir aux dominés. En quoi est-ce une « solution » du point de vue du management des organisations ? C’est ce que nous allons examiner dans le prochain blog sur le sujet.

 

À cette étape, peut-on conclure qu’Owen, l’homme pratique, a échoué, alors qu’il a paradoxalement réussi là où on ne l’attendait pas, dans l’utopie ?

 

À SUIVRE

 

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