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Le blog d'André Boyer

UNE STRATÉGIE FRANÇAISE FACE À LA PANDÉMIE?

30 Mars 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

Dans un ciel rouge menaçant, l'avion revient de Wuhan

Dans un ciel rouge menaçant, l'avion revient de Wuhan

Dans mon dernier billet sur l’infectiosité du Covid-19, je concluais en me proposant d’analyser la stratégie des autorités françaises face à cette pandémie. Nous y voilà.  

 

Pour la France, la question qui se pose est d’essayer de comprendre quelle aurait dû être, ou pu être, la meilleure stratégie possible face aux enjeux de la pandémie. Bien sûr, la même question s’est posée partout dans le monde et il est intéressant de noter qu’elle a reçu des réponses assez différentes.  

Pour prendre une décision stratégique, deux facteurs sont essentiels, l’information disponible au moment où l’on doit décider et une évaluation correcte des enjeux. Lorsque l’épidémie a commencé à se répandre, à un moment donné il fallait décider si elle allait, oui ou non, atteindre la France, si oui quand, et finalement quelles en seraient les conséquences. 

Quel moment ? 

Il faut convenir au préalable, le contraire aurait surpris, que les Chinois ne nous ont pas aidés en cachant l'importance de l'épidémie à l’origine. Ils se sont rattrapés depuis qu’ils ont compris que c’était contreproductif, en en rajoutant dans l’action et la propagande (bientôt il faudra les remercier de leurs aumônes, sinon du virus lui-même), tout en continuant à cacher à leur propre population et donc à nous, l’étendue réelle des pertes humaines que la population chinoise a subies. 

Quand aurions-nous pu savoir qu’il s’agissait d’une affaire importante et susceptible de nous atteindre ? Le premier cas est apparu le 17 novembre.  Le 20 décembre, il y avait 60 cas, pour atteindre 266 cas au 31 décembre 2019 à Wuhan. Entretemps, un échantillon pris sur un patient a été envoyé à un laboratoire à Pékin et curieusement pas à Wuhan où il y avait deux laboratoires spécialisés. Les résultats sont revenus le 30 décembre à Wuhan: ils indiquaient une infection avec un coronavirus affilié au SARS. Désormais alarmée, la responsable du service a demandé aux membres de son département de revêtir des masques et a alerté ses supérieurs, qui l’ont convoquée trois jours plus tard afin de la réprimander pour avoir «fait circuler des rumeurs». 

Donc, le 30 décembre, les Chinois informés savaient mais il ne fallait pas le dire, puisque le 3 janvier, la commission de la santé de Wuhan a publié une directive interdisant au personnel médical de diffuser des informations sur le nouveau virus pour éviter de provoquer une panique. Or, en coulisses le 6 janvier, le Centre chinois pour le contrôle des maladies a activé son plan d’urgence et le 7 janvier, le président Xi Jinping a personnellement pris la tête de la riposte. 

Le 9 janvier enfin, la Chine a annoncé l’émergence d’un nouveau coronavirus à Wuhan, le 12 janvier elle a partagé le génome du virus avec le reste du monde et le 20 janvier elle a reconnu l’existence d’une transmission entre humains. 

Le 23 janvier, la ville de Wuhan et une bonne partie de la province du Hubei ont été placées en quarantaine. Alerte rouge pour le monde entier et notamment pour la France, qui possède de nombreuses joint-ventures franco chinoises à Wuhan, y compris le laboratoire P4 de biologie conçu en partenariat avec la France sur le modèle de celui de l’Inserm à Lyon, pour lutter contre les virus. Si l’on y ajoute que l’Inserm est présidé par l’époux de celle qui était alors Ministre de la Santé, Agnès Buzyn, la France était la mieux placée pour comprendre rapidement l’enjeu de ce qui était alors une épidémie de COVID-19.

D’ailleurs, Agnès Buzyn a reconnu elle-même qu’elle pensait être la première à avoir constaté ce qu'il se passait en Chine : « Le 20 décembre, un blog anglophone détaillait des pneumopathies étranges. J'ai alerté le directeur général de la santé. Le 11 janvier, j'ai envoyé un message au président sur la situation.» Dommage que le Président et le Premier Ministre ne l'ait pas écoutée et dommage qu’elle ait déclaré publiquement le 24 janvier, juste le lendemain du confinement imposé à la ville de  Wuhan et sa région que le « risque de propagation du coronavirus dans la population (française) était très faible ». Mais c’est le lot commun de tous les services de renseignement des États sans stratégie de ne pas être entendus et d'être obligés de répandre des "fake news". 

La France avait donc une chance, le 24 janvier, d’être le premier pays à prendre des mesures pour protéger sa population, mais elle a décidé de s'enfouir la tête dans le sable. Ce n'a pas été le cas de Taiwan. Dès décembre, les Taïwanais vivant et travaillant en Chine ont entendu parler d’une pneumonie étrange qui commençait à circuler dans le pays, notamment à Wuhan. Le 31 décembre, neuf jours avant que les autorités chinoises ne déclarent officiellement l’existence du virus, le Centre de contrôle des épidémies taïwanais commençait à imposer une quarantaine pour les passagers arrivant de Wuhan et présentant des symptômes. Le pays a interrompu ses vols dès le 23 janvier pour la région de Wuhan et le 27 pour l’ensemble de la Chine. Le 5 février, l’archipel était fermé à toute personne en provenance de Chine, Hong-Kong et Macao.

Alors qu'il était donc logique pour la France, dès le 24 janvier, d’interrompre les vols en provenance de la Chine ou à tout le moins d’effectuer des contrôles sanitaires et des mises en quarantaine pour ces vols, la France, non contente de ne pas fermer ses aéroports à la menace et de n’y effectuer aucun contrôle sanitaire, s’offusquait officiellement le 11 mars (un mois et demi plus tard !) de la décision de Donald Trump d’interdire l’entrée des ressortissants de l’espace Schengen. Mais Trump était suivi par l’Union Européenne qui fermait les frontières extérieures de l’Espace Schengen le 16 mars, laissant le soin à chaque pays de fermer ses propres frontières avec ses voisins. Or, la France est, encore aujourd’hui 30 mars, l’un des très rares pays de l’UE à maintenir ses frontières ouvertes. 

On peut donc conclure que, pour des raisons que je vous laisse le soin d’imaginer, la France ne s’est pas contentée d’agir avec retard. Elle n’a pas réagi du tout, en ce qui concerne la fermeture de ses frontières au coronavirus.

Il reste, en matière de stratégie, à examiner les mesures qui ont été prises pour faire face à la pandémie du Covid-19, une fois que la France a passivement laissé le virus s’installer dans le pays.

 

Mais on peut déjà en contempler le résultat, avec 3024 morts en France à ce jour, alors que Taiwan, avec 23,5 millions d’habitants, compte 5 morts (cinq!), et que bien sûr ce pays fonctionne normalement, hors le trafic international de passagers…

 

À SUIVRE : LES MESURES STRATÉGIQUES CONTRE LE COVID-19

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L'INFECTIOSITÉ DE COVID-19

26 Mars 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

SE PROTÉGER

SE PROTÉGER

Une indication du caractère infectieux de COVID-19 est fournie par la surexposition des agents de santé en Chine, qui, semble t-il, n’ont pas été suffisamment protégés par le masque chirurgical, ce qui laisse penser que le virus se propage non seulement via des gouttelettes mais aussi en aérosols…

 

Au reste, ce virus semble très facilement transmissible, sans que l’on en connaisse encore tous les modes. S’il atteint les muqueuses par gouttelettes, la règle de se tenir à distance d’un mètre de son prochain est bonne, car c’est un virus assez gros qui tombe au sol rapidement. S’il se propage par aérosol, c’est une autre histoire, qui implique d’autres comportements de défense contre le virus. Aussi, la mesure de confinement « total » est-elle une manière de se protéger tous azimuts, tout en avouant notre ignorance par le recours à une méthode de préservation qui remonte à la nuit des temps. 

Pour sa part, le virus survit comme il peut, en dehors du système respiratoire humain. On sait avec plus ou moins de précision que, selon son support, il peut garder sa capacité d’infection de 24 à 72 heures. On sait également que les matières plastiques et une température inférieure à 20°C favorisent sa survie

Quant à sa transmission d’homme à homme, les médecins chinois ont observé que des porteurs asymptomatiques du virus peuvent le transmettre, encore qu’ils soulignent que les contaminations observées semblent presque toutes issues de contacts avec des sujets présentant déjà des manifestations de la maladie

Mais il faut corriger, ou compléter ce premier constat en notant que les coronavirus ne se développent pas seulement dans les voies respiratoires mais que l’on en retrouve aussi fréquemment dans le sang et dans le plasma ou le sérum des malades. Si c'était avéré, cela impliquerait un risque de transmission via la transfusion de produits sanguins…

Le problème est que l’on ignore encore la proportion de malades symptomatiques dans la population faute de moyens de détection, une lacune que soulignent les critiques de l’action de l’État face à une crise qu’il n’a pas anticipée, mais l’on reviendra dans le prochain billet sur les questions de stratégie collective face à cette pandémie. Car, lorsqu’il sera possible de distinguer entre les personnes susceptibles de transmettre le virus et les autres, il sera aussi possible d’isoler les premières et de libérer les secondes. Il n’y a pas de doute que ces moyens viendront progressivement dans les semaines et les mois qui viennent, mais quand? 

Pour comprendre comment l’être humain réagit au virus au point d’en mourir, selon les données chinoises dans 2,3 % des cas, il est intéressant d’observer la quasi immunité des enfants par rapport au COVID-19. Les explications fournies par la communauté scientifique seront affinées et testées ultérieurement mais la principale serait que, chez les enfants, le système immunitaire n’est pas assez fort pour provoquer une inflammation importante des bronches, inflammation qui déclenche une situation de détresse pouvant aller jusqu’au décès. 

Mais, pour les adultes, les symptômes, dans leur ordre de fréquence d’apparition lors d’une atteinte par le COVID, sont la fièvre, une toux sèche, une forte fatigue cyclique, des expectorations, des difficultés respiratoires, des douleurs musculaires ou articulaires, des maux de gorge, des céphalées, des frissons, des nausées et vomissements et des congestions nasales. On notera qu’il s’agit de symptômes proches de ceux de la grippe, qui est vingt fois moins fatale que le Covid-19. 

D’un côté, de nombreuses personnes porteuses du virus ne présentent pas de symptômes ou seulement des symptômes légers, comme une petite toux ou une fièvre passagère sans détresse respiratoire et c’est tant mieux ; mais d’un autre côté, ces faibles symptômes empêchent de pouvoir les identifier pour les isoler des personnes saines et tout particulièrement des personnes saines à risque. D’où l’importance des tests par PCR ou autres pour que nous puissions sortir de l’antique confinement. 

D’ailleurs, la manière dont la maladie a évolué en Chine montre l’importance des tests pour la contrôler: le 13 février dernier, les hôpitaux du Hubei, débordés, se sont donnés pour objectif prioritaire d’isoler et de soigner les malades à partir d’une simple radio des poumons qui ne demandait qu’une demi-heure d’attente, plutôt que sur une analyse de prélèvements qui nécessitait 48 heures. 

L'objectif était de traiter tout de suite les malades gravement atteints, mais le résultat est qu’ils ont laissé dans la nature une proportion importante de personnes infectées. Cette décision a été prise dans une région où la pollution de l'air très élevée fragilise les bronches et le système immunitaire, favorise les surinfections et aggrave la mortalité, du fait des particules fines. Or les personnes infectées avaient un taux de reproduction de l’infection qui était élevé, de 2,3 à 5, y compris de la part des 80% de malades qui n’avaient que des manifestations bénignes. Aussi l'épidémie s'est-elle répandue jusqu'à ce que la population soit contrainte à un confinement drastique.

Deux mois plus tard, en France et dans de nombreux pays du monde qui ne disposaient pas de moyens suffisants pour effectuer des tests en masse, on n’a pu séparer les personnes infectées des personnes saines qu’en les confinant toutes, ou presque, puisqu’il a fallu trouver un compromis entre la nécessité de limiter la propagation du virus et la nécessité d’assurer les services que la population attendait, des soins, de la nourriture et de l’énergie, notamment pour pouvoir lire ce billet ! 

Voici pour la partie proprement médicale de la propagation du COVID-19. 

 

Il nous reste à analyser la stratégie des autorités face à cette pandémie du point de vue de leur action et de leur communication, y compris dans le  cas de la tragi-comédie de la chloroquine qui menace d'emporter le gouvernement français s’il ne capitule pas de toute urgence devant le Professeur Didier Raoult…

 

À SUIVRE: LA STRATÉGIE FACE À LA PANDÉMIE

 

 

 

 

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PREMIER BILAN ÉPIDÉMIOLOGIQUE

22 Mars 2020 , Rédigé par André Boyer

PREMIER BILAN ÉPIDÉMIOLOGIQUE

Le premier bilan épidémiologique du COVID-19 a été publié le 24 février 2020 il y a une éternité, compte tenu de l’extension rapide de la pandémie.

 

Certes ces chiffres sont sujets à caution, car les statistiques chinoises ont, comme dans d’autres pays, une dimension politique autant que scientifique. Mais ne faisons pas encore la fine bouche, car ce sont les seules données dont nous disposons à ce jour 22 mars, à l’exception des données italiennes qui sont encore trop dynamiques pour que l’on puisse les utiliser. 

Donc les autorités chinoises ont publié le 24 février 2020 le bilan épidémiologique suivant du COVID-19,à partir de 44 672 cas confirmés en Chine, dont 75 % proviennent de la province du Hubei : 

- 3 % des malades confirmés avaient 80 ans ou plus ;

- 87 % avaient de 30 à 79 ans ;

8% avaient de 20 à 29 ans ; 

- 2 % avaient moins de  20 ans ; 

Dans ce bilan, on note le faible pourcentage de malades de plus de 80 ans, pourcentage qui va fortement s’accroitre en Europe, en raison d’une structure démographique différente, notamment en Italie. Par ailleurs, on note bien sûr le très faible pourcentage des enfants et adolescents malades.  

Un point déterminant pour juger de la dangerosité du virus concerne la répartition de ces malades entre les cas bénins, sévères et mortels : 

- 81 % des cas confirmés étaient bénins, ce qui signifie qu’ils n’ont pas engendré de pneumonie ou au plus une pneumonie légère ; 

14% des cas étaient sévères, avec une difficulté respiratoire (dyspnée), une fréquence respiratoire supérieure ou égale à 30/min et une saturation en oxygène sanguin inférieure ou égale à 93 %, une pression partielle d'oxygène artériel par rapport au rapport d'oxygène inspiré inférieur à 300 et/ou des infiltrats pulmonaires supérieurs à 50 % en 24h à 48 h;

- 5 % des cas étaient critiques, avec une insuffisance respiratoire, un choc septique et/ou une dysfonction d'organes multiples;

Les mesures actuelles de confinement visent à éviter que le nombre total de cas sévères et critiques se présentant en même temps dans les hôpitaux ne dépasse les capacités de prise en charge du système hospitalier dans son ensemble. C’est vrai pour l’ensemble du monde en général et de la France en particulier. Si la moitié des Français était atteinte par le virus dans les deux mois et que 15% d’entre eux nécessitent une hospitalisation, il deviendrait tout simplement impossible d’accueillir et de traiter la plupart d’entre eux dans le système hospitalier, et cela ferait monter le taux de létalité. À cet égard, je préfère ne pas avancer de chiffre, aussi bien par crainte de me tromper que par crainte tout court. 

Mais pour le premier bilan dont nous disposons, le taux global de létalité était de 2,3 %, soit 1 023 décès pour 44 672 cas confirmés. De plus, on observe 0 % de décès chez les 9 ans et moins, mais 8 % de décès chez les 70 - 79 ans et 14,8 % de décès chez les 80 ans et plus. Certes en Chine, 3% seulement des malades avaient plus de 80 ans mais cette classe d’âge ne représente guère plus de 1% de la population chinoise. 

Or les plus de 80 ans concernent 5.8% de la population française, au même niveau que l’Espagne mais moins que l’Italie (6,5%), ce qui expliquerait en partie le nombre élevé de décès qui y est actuellement constaté du fait de la pandémie. Si l’on fait l’hypothèse que la moitié de la population française sera touchée par le COVID-19 avant que l’on mette au point un vaccin, je vous laisse volontairement faire les calculs, car ce sont des centaines de milliers de personnes qui risquent de mourir en France, écrêtant violemment les classes d’âges les plus élevées. 

D’autres données, issues de la même base chinoise, montrent un lien fort, et logique, entre des co-morbidités préexistantes et  le taux de létalité, qui explique nombre de décès pour les tranches d’âge comprises entre 20 et 70 ans : 

- 10,5 % de létalité par le virus pour les personnes préalablement atteintes de maladies cardiovasculaires;

7,3 % pour le diabète ;

- 6,3 % pour les maladies respiratoires chroniques ;

- 6,0 % pour l'hypertension ;

5,6 % pour le cancer. 

 

J'ai écrit des billets plus réjouissants, mais il est difficile d'abandonner le sujet sans chercher à comprendre l'infectiosité du virus. ​​​​​​​

 

 

À SUIVRE: L'INFECTIOSITÉ DU VIRUS

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COVID-19

19 Mars 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

COVID-19

Je n’ai aucun doute, le COVID 19 est très dangereux, mais…

 

Il est très dangereux, parce qu’il tue à peu près vingt fois plus que la grippe ordinaire, qu’il est très contagieux tout en restant caché. C’est ainsi qu’il a provoqué une pandémie qui a débuté en décembre 2019 à Wuhan, en Chine, avant de se propager dans le monde entier. 

La question centrale que l’on se pose aujourd’hui, en cette deuxième moitié du mois de mars, est celle du nombre de lits disponibles en réanimation qui permettent d’attendre que la personne infectée guérisse par ses propres moyens, sans succomber à une insuffisance respiratoire où à d'autres pathologies rendues mortelles du fait de son affaiblissement lié au virus.   

Le fait est que l’on ne dispose nulle part de vaccin, ni de moyens directs de lutte contre le virus. Si, en plus, comme en France, on ne dispose en nombre suffisant ni de tests pour déterminer la population touchée afin de l’isoler, ni de masques pour limiter la diffusion directe, il ne reste plus qu’à confiner la population pour freiner la vitesse de croissance des cas de contamination, afin de ralentir la saturation du nombre de lits en réanimation. Une sorte de repli naturel derrière une ligne Maginot, faute d’armes défensives. 

C’est que, lorsque le nombre de lits sera saturé dans quelques jours en France, il ne restera plus qu’à regarder mourir les cas les plus graves sans rien pouvoir faire pour eux, ce qui est une situation presque insupportable pour une société aussi peu fataliste que la nôtre.   

Puis le nombre de morts atteindra un pic, sans doute au bout de deux mois, et la pression pour alléger le confinement de la population s’accroitra fortement sur les autorités publiques, au risque de relancer un deuxième pic de mortalité quelques semaines plus tard. 

Avant d’analyser la situation plus avant dans ses aspects médicaux, économiques, sociaux, environnementaux et philosophiques, revenons sur le « modèle » chinois de traitement de l’épidémie, qui se caractérise par la mise en œuvre de procédures lourdes de confinement de personnes, le placement de plusieurs villes puis de toute une région en quarantaine, accompagné de la fermeture de nombreux sites publics et d’usines, tout en déployant d'importants moyens sanitaires. 

C’est le modèle de gestion de l’épidémie, aujourd’hui majoritaire avec des variantes, qui est, sinon suivi, du moins imité avec moins de dynamisme par la France, l’Italie ou l’Espagne, mais pas par la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas. Il faudra se souvenir dans quelques jours en France que cette gestion de l'épidémie, vantée par le gouvernement chinois, a provoqué la colère d’une grande partie de sa population.

Car, après s’être développé en Chine, le COVID-19 a pris une envergure mondiale dans les premiers mois de l'année 2020, provoquant des annulations en série de manifestations sportives et culturelles sur toute la planète, menaçant l'économie mondiale, déclenchant des mesures exceptionnelles comme l'interdiction faite à tous les citoyens de l'espace Schengen, puis du Royaume-Uni d'entrer sur le territoire des États-Unis, la fermeture des frontières de nombreux pays et provoquant un krach boursier en Europe et en Amérique du Nord à partir du 12 mars. 

On peut le qualifier déjà de séisme médical, économique et social, dont les caractéristiques sont tout à fait particulières et dont l’importance, difficile à saisir à l’instant, semble considérable.   

Pour comprendre au mieux ce phénomène en cours, il paraît nécessaire de l’approcher en premier lieu par sa dimension médicale.

Or, l’on commence à disposer des premières données provenant de l’épisode chinois alors qu’il est désormais en voie de régression, tandis que la pandémie se répand en Europe avant d’atteindre d’autres régions du monde dans les semaines à venir. 

Même si les données ont commencé à être disponibles dès le 5 janvier, elles sont encore affectées de graves lacunes telles que le  manque de tests pour connaître le nombre de porteurs asymptomatiques ou l’ignorance du nombre de souches en circulation, en regard de leurs virulences respectives. En outre la qualité des données n’est pas encore garantie. Enfin, ces données sont à interpréter au regard des spécificités démographiques de la Chine, notamment parce que le taux de natalité y est très bas, de 10,4 naissances pour mille habitants en 2019, ou que la proportion des hommes dans la population totale est plus élevée qu’ailleurs, sauf pour les personnes âgées.  

Compte tenu des réserves précédentes, les données ci-après concernent les malades confirmés en Chine de source officielle, soit 44 672 cas pour un premier bilan et il s’agit de la frange des malades les plus symptomatiques, donc des personnes plus facilement détectables et non de la moyenne de la population affectée par le virus.  

 

Il est par conséquent probable que les résultats encore à venir différeront selon les pays, en particulier en fonction de la proportion variable des personnes âgées ou d’un ratio de sexe plus équilibré qu’en Chine.  

 

À SUIVRE : LE PREMIER BILAN ÉPIDÉMIOLOGIQUE

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LA RÉVOLTE DES AMÉRINDIENS, CETTE "VERMINE PERNICIEUSE"

12 Mars 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

LA RÉVOLTE DES AMÉRINDIENS, CETTE "VERMINE PERNICIEUSE"

À Michillimakinac en 1761, un commerçant anglais camouflé en trappeur français, Alexander Henry, est démasqué par les Indiens. Alors qu’il craint pour sa vie, un chef ojibwa s’approche et lui fait une déclaration mémorable. 

 

Il lui dit : « Anglais ! Vous avez vaincu les Français, mais vous ne nous avez pas encore vaincus ! Nous savons que notre père, le roi de France est vieux et infirme ; nous savons que, fatigué de vous faire la guerre, il s’est endormi. Son sommeil vous a permis de conquérir le Canada. Mais son sommeil touche à sa fin. J’entends déjà notre père s’éveiller et s’informer du sort de ses enfants, nous les Indiens. Et quand il va se réveiller, que va-t-il advenir de vous ? Il vous détruira complètement ! »

Cette interpellation se passait à Michillimakinac, un fort français proche d’une ile située entre le lac Huron et le lac Michigan, aujourd’hui appelée Mackinac Island (Michigan, États-Unis), qui était un important centre commercial entre Amérindiens et Canadiens (français). 

Les rumeurs d’un retour de la France au Canada s’avérèrent sans fondement, hélas pour les Indiens et les Français, mais elles révèlent l’état d’esprit des Amérindiens. Il ne faisait pas bon commercer dans le Haut Canada quand on était identifié comme « anglais », les Anglais n’octroyaint plus de crédits, ne faisant plus de cadeaux aux Amérindiens. L‘attitude haineuse du général Amherst était évidemment un facteur aggravant, car ce dernier, loin de vouloir approvisionner les Amérindiens, était déterminé à les détruire, les traitant de « vermine pernicieuse » contre laquelle « il faudrait lâcher les chiens ». 

La nouvelle du Traité de Paris au début de l’année 1763 poussa les Amérindiens à déterrer la hache de guerre. Pourtant, le Roi d’Angleterre avait produit une Proclamation Royale tout de suite après le traité de Paris, en mai 1763, qui accordait une réserve indienne et qui est largement à l’origine de la Guerre d’Indépendance américaine. 

Ce n’était pas suffisant pour les Amérindiens qui n’acceptaient pas qu’Onontio* puisse céder leur territoire aux Anglais, dont ils perçaient à jour la volonté profonde de les exterminer ! Obwandiyag, que les Français prononçaient « bwon-diac », d'où son nom francisé de Pontiac, né vers 1720 dans la tribu des Outaouais près de la rivière Détroit va conduire la guerre contre les Anglais, d’autant plus volontiers qu’il s’était souvent associé auparavant aux Français pour les combattre.

Après la capitulation de Montréal, le 8 septembre 1760, Armherst avait envoyé à une mission pour s'emparer des forts de la Vallée de l'Ohio et de la région des Grands Lacs auparavant occupés par les Français. Mais dès le Traité de Paris connu, en avril 1763, le soulèvement commença. Le génie de Pontiac fut de rallier à la guerre contre les Anglais la plupart des membres de sa tribu, les Outaouais, mais aussi les Hurons, les Objiwas, les Delawares, les Shawnees, les Miamis, les Poutéouatamis, les Tsonnontouans et d’autres tribus moins importantes. C’est écrire aussi à quel point les Anglais étaient détestés !

Dans les Pays d’en Haut, vers les Grands Lacs, les Amérindiens capturèrent une dizaine de navires anglais avec leurs équipages et leurs provisions, les forts Miami, Saint-Joseph, le fort Ouiatanon dans l'Indiana, le fort Michillimakinac, le fort Venango (aujourd'hui Franklin en Pennsylvanie), le fort de la Rivière au Boeuf (Waterford, Pennsylvanie) et le fort de la Presqu'île (Érié, Pennsylvanie). Trois forts seulement, entre la Baie des Puants et l’Ohio échappèrent aux Amérindiens, Detroit, Niagara et Fort Pitt (Pittsburgh). 

Plusieurs Canadiens participèrent à la révolte, soit en approvisionnant les Amérindiens, soit en se tenant à leurs côtés, comme Robert Navarre qui joua le rôle de secrétaire de Pontiac qui réussit aussi à gagner à sa cause quelques centaines de Canadiens français, rassemblés autour de Zacharie Chiquot, tandis que d’autres Français se joignaient aux vainqueurs anglais. 

Les autorités de la Louisiane jouèrent également un rôle en faveur de la révolte dans le Haut-Mississipi où Fort de Chartres demeura un centre de la Pax Gallica, dont le commandant, Neyon de Villiers, écrit en octobre 1763 : « Les sauvages s’applaudissent de me voir encore ici ». Pontiac se rendit à Fort de Chartres pour solliciter l’aide des Illinois et des Français, mais Neyon avait pour instruction de respecter le Traité de Paris en attendant l’arrivée des Anglais pour leur céder la place et non de leur faire la guerre. Il ne put donc que décliner l’offre de Pontiac de se joindre à la révolte. 

En février 1765 encore, au Fort de Chartres où quelques officiers anglais s’étaient rendus pour évaluer la possibilité de leur installation, le lieutenant John Ross fut accueilli en ces termes par un chef indien : « Pourquoi toi Anglais ne restes-tu pas sur tes terres, toutes les nations rouges restent sur les leurs, car nous les tenons de nos ancêtres. Va-t’en et dis à ton chef que tous les hommes rouges ne veulent pas d’’Anglais ici ». Ross obtempéra et prit la poudre d’escampette. 

Comme Onentio* (les français) ne revenait toujours pas et que les marchandises européennes manquaient, les Amérindiens commençaient à envisager de faire la paix avec les Britanniques. Finalement, entre le 23 août et le 4 septembre 1765, des conférences entre le commandant anglais de Détroit et les représentants de plusieurs nations indiennes des Pays d’en Haut permirent de mettre fin au conflit, encore que la méfiance était telle du côté des Amérindiens que le traité de paix ne fut signé que le 25 juillet 1766. 

Les Anglais occupèrent progressivement les postes de l’Illinois. Dès le 9 octobre 1765, cent Highlanders du capitaine Thomas Sterling arrivèrent pour investir le Fort de Chartres, où, deux ans et demi après le traité de Paris, flottait encore le pavillon à fleur de lys d’Onentio. Le commandant Saint-Ange de Bellerive, qui avait succédé à Neyon de Villiers en juin 1764 abandonna le fort avec ses troupes mais il n’alla pas bien loin. Ils traversèrent le Mississipi pour s’établir à Sainte-Geneviève et à Saint-Louis qui étaient désormais en territoire espagnol.

 

Pontiac ne les oublia pas. Il rendit visite à Saint-Ange dans la bourgade de Saint-Louis en avril 1769, vêtu d’un uniforme français qu’il avait reçu en cadeau du marquis de Montcalm. Repassant sur la rive gauche du Mississipi à Cahokia, il fut assassiné le 20 avril par un Indien péoria qui, parait-il, voulait venger la grave blessure infligée par Pontiac à son oncle, trois ans auparavant…

 

 

* « Onontio », qui signifie grande montagne en Huron, était le titre qui était donné aux Gouverneurs de la Nouvelle-France. Le Roi de France était surnommé « Onontio Goa » ou « La plus grande montagne sur terre »  

 

 

 

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LE VENT FAIT PLIER LES HERBES

7 Mars 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LE VENT FAIT PLIER LES HERBES

Si l’on accepte l’idée que l’association « Propension/Potentiel » est à la base de l’axiomatique de la pensée chinoise (voir mon article  précédent « Ni cause ni sujet dans la pensée chinoise »), il en découle une série de conséquences. 

 

Les toutes premières sont d’ordre éthique, autour, dans la pensée chinoise, du rapport à autrui et à soi. Dés cette étape, la logique chinoise se sépare de la logique occidentale face au « réel », au sens où la première s’applique à élucider son fonctionnement et la seconde à en rechercher le sens.

Pour commencer, en matière éthique, la différence entre la pensée chinoise et occidentale se situe dans le rapport «Disponibilité/Liberté ». Si l’on se situe dans la perspective occidentale, la liberté est la valeur éthique suprême. Observons  en effet que, dès l’Antiquité, de Platon aux stoïciens et aux épicuriens, des cyniques aux sceptiques, l’homme libre est le sage par excellence, celui qui s’applique à se libérer de toutes les dépendances par un travail sur soi. Par la suite, l’exigence de liberté individuelle a été encore approfondie, dés Montaigne et Descartes, avant d’investir le champ politique avec, entre autres, Spinoza et Rousseau. 

En revanche, dans la pensée chinoise, le sage n’est nullement l’homme libre, mais l’homme disponible qui est en mesure de répondre de manière appropriée à la diversité mouvante des situations. On peut le constater au sens social et politique avec Confucius ou dans les  rapports directs de l’homme à la nature avec l’approche taôiste : le sage chinois maintient ouvert tous les possibles, n’exclut rien, ni ne privilégie rien. 

Partant de deux valeurs différentes, la liberté ou la disponibilité,  on observe que les pensées occidentales et chinoises envisagent des rapports différents aux autres et à soi. 

Dans la pensée occidentale, la sincérité est l’exigence d’une subjectivité authentique, que ce soit la franchise de l’homme libre ou la confession du chrétien, avec la volonté de mettre le langage au niveau du vécu et de pouvoir tout dire. À cette sincérité occidentale s’oppose la fiabilité chinoise. L’éthique chinoise ne raisonne pas à partir du sujet isolé mais depuis un tissu relationnel pour lequel l’exigence de base est précisément la fiabilité, l’accord du dire et du faire, la parole tenue, sans quoi rien ne peut se construire au plan social, puisqu’il n’y a pas de confiance (xin). Dans ce système, la franchise est dangereuse, voire inconvenante, au sein d’une culture qui cherche à canaliser les émotions par un système de rites. 

Ensuite, pour agir sur le réel, la pensée occidentale privilégie la volonté, en mettant en exergue, à partir du monologue intérieur, la prise de décision* qui est l’instant crucial du choix, alors qu’en Chine la valeur de la décision est mesurée par la durée de son maintien, c’est à dire la durée nécessaire pour que s’accumule la force morale, qu’exprime la ténacité (zhi). 

Il reste à mettre en œuvre ces valeurs éthiques à travers une logique d’action qui, en Occident fait appel à une méthode frontale, car cette frontalité est un choc des courages avec pour sanction la victoire ou la défaite, aussi bien dans la guerre que dans les discours et dans le dialogue philosophique.

En Chine, on compte plutôt sur une stratégie oblique. En effet les principes stratégiques chinois, formulès dès l’Antiquité par Sun Tzu** sont directement issus des principes de la pensée chinoise. L’attaque directe est considérée comme dangereuse, coûteuse, épuisante. Le bon stratège sait attendre, ne compte pas sur le seul courage des troupes, mais le stratège prépare et aménage la situation de guerre, en sachant  que la victoire s’obtient au bon moment et latéralement, du côté que l’ennemi n’attendait pas***. 

Cette obliquité de l’action victorieuse, on la retrouve aussi dans l’enseignement de Confucius qui n’opère jamais par une argumentation directe appuyée sur des raisonnements imparables, mais qui sait, au bon moment, désarçonner son interlocuteur et déjouer sa résistance, sans chercher à administrer la moindre leçon. Il s’agit simplement d’une parole qui tombe juste, au bon moment. 

 

C'est pourquoi la grande métaphore chinoise de l’action du sage est celle du vent qui fait plier les herbes. Elle n’opère point par persuasion, ponctuelle et obtenue de haute lutte, mais par influence, diffuse, ambiante, irrésistible, dissolvant tout conflit. 

 

* Lucien Sfez, La décision, PUF, 2004 (un des Que Sais Je les plus vendus de la collection) 

** Sun Tzu, L’art de la guerre, Fayard/Pluriel, 2015.

*** Des principes que j’ai appliqué à mon tour dans mes rapports avec la société chinoise, dont le récit se trouve dans la partie «Interlude » de mes billets), car il n'est pas interdit d'utiliser les principes de la stratégie chinoise...contre les Chinois!

 

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LE CENTENAIRE DE LA GRIPPE ESPAGNOLE

2 Mars 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

LE CENTENAIRE DE LA GRIPPE ESPAGNOLE

En 1918-1919, la grippe dite « grippe espagnole », due à une souche de grippe (H1N1) virulente et contagieuse vient de Chine, avant de muter aux Etats-Unis. Elle a pris le nom de « grippe espagnole » parce que l’Espagne, non impliquée dans la guerre de 1914-1918, fut le seul pays à publier librement les informations relatives à l’épidémie.

Le virus de la première grippe, qui n'était pas encore appelée  "grippe espagnole" n'était pas mortel dans ses débuts. Il provenait sans doute de la région de Canton en Chine, pays où sévit une forte interaction entre les populations humaines, aviaires et porcines. 

Le virus aurait ensuite atteint les États-Unis par le biais d'un bataillon américain revenant de cette région chinoise vers une base de Boston, où il fit ses premiers morts recensés. Cette épidémie se répandit rapidement en Europe, par le biais des mouvements de troupes alliées. Si elle touche un grand nombre d’individus, elle est peu mortelle et quasiment éteinte en juillet 1918.   

Mais à partir de la mi-septembre 1918, les premiers cas mortels de ce qui va devenir « la grippe espagnole » sont signalés autour de Boston. Cette vague virale se caractérise par une mortalité 30 fois plus élevée que les épidémies grippales habituelles, soit un taux de mortalité moyen de 3 % des grippés. Du fait de sa grande contagiosité, elle se répand en quinze jours sur l’ensemble du territoire américain et atteint l’Europe par le biais des renforts américains venus aider les armées alliées. 

Une fois disséminée, le nombre de contaminés explosa, puisque 30 à 40% de la population étasunienne fut atteint, avec un taux de mortalité proche de 5%. Une infirmière sur quatre mourut. Bon nombre de villes américaines furent paralysées par le grand nombre de malades et le refus d’aller travailler.  

Suivant la même évolution qu'aux États-Unis, la maladie part du Nord-Est de la France vers le 15 octobre, conquiert rapidement le territoire français, atteint la Grande-Bretagne par les mouvements de troupes britanniques, puis, avec une à deux semaines de décalage, l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne et l'ensemble des pays limitrophes. D’Europe, des bateaux, avec à leur bord des marins grippés, partent vers l'Afrique, l'Amérique du Sud, les Indes, la Chine et l'Océanie. 

L’épidémie devint alors pandémie. Les populations européennes, affaiblies par quatre ans de guerre et de pénuries, subirent des pertes plus grandes encore que celles des États-Unis. Les villes furent paralysées, autant par la maladie que par sa crainte. Mais aux États-Unis, après deux mois d’activité, l'épidémie perdit de sa force. Il en fut de même en Europe qui supporta un mois de propagation suivi d’un mois de morts, perdant de sa force en  décembre 1918. 

La censure de guerre limita l'information sur la pandémie, les journaux se contentant d'annoncer qu'une nouvelle épidémie touchait surtout l'Espagne, le seul pays neutre qui publiait librement les informations relatives à cette épidémie, alors que celle-ci faisait déjà des ravages en France.

À partir de début novembre 1918, le virus se répandit dans toute l'Afrique, l'Amérique Latine, les Indes, la Chine ainsi qu’en Océanie, le pourcentage de grippés oscillant entre 30 et 80 % de contaminés, parmi lesquels il y eut de 1 à 20 % de cas mortels, jusqu’à ce que les épidémies perdent de leurs forces en janvier 2019. L'Inde, à elle seule, aurait eu 6 millions de morts et la Chine autant. Puis,  durant l’année 1919, arriva une nouvelle vague de grippe espagnole dont les effets furent limités parce que l'ensemble des individus déjà atteints lors de la seconde vague de grippe étaient immunisés et ne pouvaient plus colporter le virus. 

À la fin, on estime qu'un tiers des 1,83 milliards d’êtres humains de l’époque, avaient été contaminés par la grippe espagnole et qu’elle avait provoqué 20,5 millions à 21,5 millions de morts qui s’ajoutaient aux 30 millions de victimes emportées par la guerre de 1914-1918. Régionalement, on compta  549 000 morts aux Etats-Unis, 408 000 en France et 220 000 au Royaume-Uni. Pour l’ensemble de l’Europe, il y eut 2 à 3 millions de morts,  6 millions de morts en Inde et autant en Chine. 

Ce virus de la grippe espagnole était de type H1N1. On a pu  en retrouver les caractéristiques génétiques, qui semblent être d’origine aviaire, grâce à la conservation de cadavres de malades inuits et norvégiens conservés dans le pergélisol. C'est en mutant aux États-Unis que sa virulence fut multipliée par trente. 

Les malades propageaient le virus durant les deux premiers jours de leur infection sans présenter de symptômes, qui se manifestaient ensuite pendant 3 à 5 jours par de la fièvre et l’affaiblissement des défenses immunitaires ; enfin apparaissaient des complications mortelles dans 3 % des cas, dues à une surinfection bronchique bactérienne contre laquelle on ne disposait pas d’antibiotiques, mais aussi à une pneumonie provoquée par le virus. 

 

Toutes les grippes actuelles proviennent du virus de 1918 à partir de combinaisons, mutations ou réassortiments, mais le COVID-19 fait partie d'une autre famille de virus souvent inoffensifs, comme l’était la grippe espagnole par rapport à la grippe ordinaire…

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