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Le blog d'André Boyer

ESCALES À BAMAKO

27 Novembre 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

LA GRANDE MOSQUÉE DE DJENNÉ

LA GRANDE MOSQUÉE DE DJENNÉ

De retour, j’ai pris le vol direct Abidjan Dakar, assuré par Air Afrique avec un vieux DC8. Le vol durait environ trois heures. Finalement nous mirent plus de trois jours pour rejoindre Dakar. 

 

En effet, au bout d’une heure et demie, un des quatre réacteurs prit feu. Les extincteurs étouffèrent rapidement les flammes mais une longue colonne de fumée noire, puis blanche, s'étirait gracieusement derrière nous. 

Il fallut quelques longues minutes pour que le commandant nous explique qu’il allait devoir dévier l’avion de sa route et faire un atterrissage d’urgence à Bamako, sans qu’il ait vraiment besoin de nous expliquer pourquoi. Dans mon souvenir (1982), cela ne prit pas trop de temps, quoique nous ayons craint sur le coup qu’un deuxième réacteur ne s’enflamme. 

Il est vrai que la compagnie Air Afrique (1961-2001) n’était réputée ni pour la fiabilité de ses appareils, trop vieux et, disait-on, mal entretenus, ni pour l’amabilité de ses hôtesses qui se prenaient, si j’en juge par mon expérience, pour des princesses en exil contraintes de servir des gueux.

Nous fîmes un tour au-dessus du coquet, mais à l’époque petit, aéroport de Bamako où l’on vit distinctement que les camions de pompiers avaient été mis en alerte. L’avion parvint à se poser, un peu violemment, mais sans encombre. Nous nous retrouvâmes dans un aéroport qui ne nous attendait pas, ce qui se traduisait par l’absence de climatisation. Dans ce four où nous étions en attente, Air Afrique nous fit savoir qu’il attendait les instructions de Paris pour prendre une décision à notre égard. 

Cette perspective nous indigna.

Les passagers les plus expérimentés comprirent que la situation risquait de durer et ils nous proposèrent de nous installer d’autorité dans l’Hôtel de l’Amitié, un hôtel de luxe situé à une demi heure de l’aéroport. Nous y restâmes trois jours aux frais d’Air Afrique. La partie la plus marquante de ce séjour impromptu, en dehors d’une brève visite du marché de la ville, fut l’incursion au zoo de Bamako, en compagnie d’un suédois rubicond qui eut à peine le temps d’apercevoir le dos des hippopotames qui fuyaient la chaleur accablante en s’immergeant dans un bassin, avant de s’effondrer, victime d’une insolation doublée d’un excès de bière. Le chauffeur et moi eurent le plus grand mal à trainer son quintal inerte dans le taxi pour le remettre au médecin attaché à l’hôtel. 

Après cette petite aventure et cette première rencontre avec Bamako, j’eus encore l’occasion en février 1997 de découvrir la ville lorsque mon frère et ma belle sœur y séjournèrent. Ville africaine animée, avec une architecture sahélienne typique par endroits, Bamako était une excellente base pour visiter les villes de l’intérieur. C’est ainsi que j’ai pu atteindre, à deux cent cinquante kilomètres de Bamako, Ségou, la capitale des Bambara. L’hôtel qui nous abritait, modeste mais confortable, était tenu par un jeune libanais qui s’y dépensait sept jours sur sept, de six heures du matin à minuit et au delà. Il m’exprima sa philosophie de la vie, travailler comme un fou jusqu’à cinquante ans, seul au milieu de ses employés locaux, passer ensuite l’hôtel à un membre de sa famille pour partir loin de Ségou et du Mali et se reposer le reste de sa vie : chacun a besoin d’un mythe pour tenir le coup à long terme. 

Nous allâmes ensuite jusqu’à Djenné, à six cent kilomètres de Bamako, sur une ile entre deux bras du Baní, un affluent du Niger. Les habitations qui sonten terre séchée montraient bien que la ville est à la charnière du monde nomade et sédentaire.   

 

Le retour à Bamako fut terrible. Notre conducteur et ami ayant de plus en plus de mal à conduire, je dus prendre le volant alors que la nuit était tombée. La route sombre, où circulaient hommes et animaux, fut un véritable cauchemar d’automobiliste, avec la peur à tout moment de renverser quelqu’un…

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LA PROBLÉMATIQUE DE LA BIOÉTHIQUE

22 Novembre 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LA PROBLÉMATIQUE DE LA BIOÉTHIQUE

Depuis un demi-siècle, le développement de la bioéthique est marqué par la prise de conscience qu’une évaluation éthique des progrès techno-scientifiques s’impose.

 

De nombreuses approches alimentent la réflexion bioéthique : l’éthique kantienne, l’éthique des droits de l’homme, l’éthique utilitariste, l’éthique narrative, l’éthique du soin ou même la casuistique.

Les questions traitées par la bioéthique peuvent être purement philosophiques, telle que la question de la dignité humaine ou des limites de la liberté individuelle. Mais elles peuvent aussi concerner des questions techniques, telle que la régulation de nouveaux procédés de thérapie génique.

Des recherches en plein essor dans le domaine du numérique affectent en effet en profondeur la place et le rôle de la médecine, sollicitée par des intérêts économiques et politiques et par des demandes d’amélioration des performances individuelles, sans justification thérapeutique.

Mais ce n’est cependant pas une question nouvelle. Le terme allemand de Bio-Ethik apparaît pour la première fois dans un article de Fritz Jahr en 1927, dans l’article Bio-Ethik: Eine Umschau über die ethischen Beziehungen des Menschen zu Tier und Pflanze ». Pasteur protestant et philosophe, Jahr proposait d’étendre l’impératif catégorique de Kant touchant le respect de la personne humaine à l’ensemble des formes de vie : il en résultait un  impératif bioéthique fondé sur la solidarité des humains avec le monde vivant. Son approche le conduisait déjà à définir la bioéthique comme une discipline morale rendue nécessaire par le développement des sciences et des techniques.

Cette conception annonçait la proposition de Van Rensselaer Potter dans son ouvrage Bioethics. Bridge to the Future (1971). Ce dernier proposait plusieurs définitions pour la bioéthique: nouvelle discipline éthique interdisciplinaire, science du bon usage des sciences ou tout simplement sagesse. Sa problématique était centrée autour de la survie et de l’amélioration de la qualité de vie de l’espèce humaine sur le long terme, menacées par un usage irresponsable des sciences et des techniques, notamment en raison d’une vision compartimentée et à court terme de la science.

À ce titre, Potter soulignait le clivage entre les deux cultures, scientifico-technique et philosophico-littéraire, par une séparation stricte entre les faits et les valeurs. L’erreur qu’il dénonçait consiste à séparer l’action guidée par des valeurs et des normes et la connaissance des lois et des faits scientifiquement établis qui éclaire les conditions et les conséquences de l’action. Or ce savoir scientifique, tel que la biomédecine, est excessivement spécialisé et la connaissance devient dangereuse dès lors qu’elle est entre les mains de spécialistes étroits, même s’ils sont animés de bonnes intentions.

 

Or les questions controversées associées à la procréation ou à la fin de vie sont à considérer en prenant en compte les problèmes plus généraux de la démographie, de l’environnement, des ressources économiques, technologiques, biologiques et ne peuvent être exclusivement focalisés sur les seuls individus en jeu.

 

À SUIVRE

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ÉTATS-UNIS VERSUS IRAN

19 Novembre 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

ÉTATS-UNIS VERSUS IRAN

Officiellement, sans se préoccuper le moins du monde du sort de la population iranienne, les États-Unis veulent mettre à genoux les dirigeants iraniens.  

 

En effet, le 21 mai dernier, le secrétaire d’État Mike Pompeo a énuméré douze conditions pour que les États-Unis, à terme, mettent progressivement fin à leurs sanctions contre l’Iran : sur le volet nucléaire, l'Iran doit cesser tout enrichissement d'uranium, fermer son réacteur à eau chaude et donner aux inspecteurs internationaux accès sans conditions à tous les sites du pays. En outre, l’Iran doit mettre fin à la  construction, au développement et aux essais de missiles balistiques. Enfin, la République islamique doit se retirer de Syrie, cesser de s'ingérer dans le conflit du Yémen, cesser de soutenir le Hezbollah, le Jihad islamique palestinien, les talibans afghans et Al-Qaïda, cesser de s'ingérer dans les affaires de l’Irak et du Liban et cesser de menacer Israël et l'Arabie saoudite.

En résumé, l’Iran doit cesser d’être une puissance régionale et se contenter de faire ce que lui dictent les Etats-Unis, tout en consommant du Coca Cola et du Mac Donald.

Mike Pompeo a tout de même reconnu, dans le même discours, que les douze conditions précédentes pouvaient sembler irréalistes, mais il compte officiellement sur un changement de régime et officieusement sur le chaos provoqué en Iran par les difficultés économiques qu’engendreront les sanctions pour les imposer.

En pratique, son discours s’appelle un ultimatum, qui ne peut pas par mener à des négociations et à un compromis. Il n’est donc destiné qu’à justifier des sanctions appliquées ad vitam aeternam, car qui croit vraiment que ces dernières permettront aux Etats-Unis d’obtenir satisfaction?

Pour cela, il faudrait que les Etats-Unis envahissent et occupent l’Iran, comme ils l’ont fait pour l’Irak. Car l’impact de sanctions financières est bien trop faible pour obtenir la reddition de l’Iran. Depuis l’avènement du régime en 1979, ses dirigeants ont su faire face à des menaces autrement redoutables : une guerre de huit ans particulièrement meurtrière déclenchée par l’Irak avec l’aval des  gouvernements des Etats-Unis et de la France, la fuite de ses capitaux et de ses cerveaux, son isolement quasi-total accompagné de sanctions et de pressions étasuniennes permanentes jusqu’en 2015, qui viennent tout simplement de reprendre en ce mois de novembre 2018.

Or la situation a changé depuis 2015.

Les Etats-Unis ne peuvent plus se prévaloir du droit international puisque les Iraniens ont négocié, signé et respecté un Plan d’action commun approuvé par les Etats-Unis eux-mêmes. En sortant unilatéralement d’un accord multilatéral qu’ils ont signé avec l’Iran, les quatre autres membres permanents du Conseil de Sécurité et l’Allemagne, les Etats-Unis se sont mis en marge de tous les autres signataires, avec la volonté d’imposer leur point de vue unilatéralement, non seulement à l’Iran mais aussi aux autres signataires et de facto au reste du monde.

Ce faisant, ils obligent les pays qui commercent avec l’Iran soit à se soumettre à leur volonté, soit à la contourner, soit à s’y opposer frontalement. Si l’on peut supposer que, dans un premier temps, la grande majorité des pays concernés par le commerce avec l’Iran se plieront de mauvais gré et à minima aux desideratas étasuniens, il reste que l’emploi de la contrainte est globalement perçu négativement, excepté en Arabie Saoudite et en Israël.

Par conséquent, la souffrance infligée du fait des sanctions au peuple iranien apparaitra d’abord injuste puis insupportable. Les Etats-Unis devront en assumer la charge, comme celle de soutenir leur principal allié dans cette querelle, l’Arabie saoudite, dont les agissements récents ont soulevé l’indignation du monde entier. D’ailleurs, toutes proportions gardées, les Etats-Unis se sont déjà trouvés dans la même position de faiblesse morale au Viêt-Nam et cela s’est terminé par un sauve-qui-peut honteux depuis leur ambassade à Saigon. Et cette position de faiblesse morale n’est pas de nature à convaincre le gouvernement iranien de céder, lui qui se trouve enfin du bon côté, celui de la morale.

Au plan intérieur, même s’il est classiquement accusé par l’opposition d’incompétence et de prévarication, il est aisé à ce gouvernement de refuser le diktat des Etats-Unis en rappelant celui que le pays a subi de 1958 à 1979, le renversement du gouvernement de Mossadegh par la CIA, l’humiliante loi iranienne de 1964 sur le statut des forces américaines en Iran et l’ingérence américaine permanente dans les décisions économiques et stratégiques du pays pendant le règne du chah, une ingérence qu’il a toléré et qui explique en bonne partie sa chute.

Au plan extérieur, l’Iran est la victime et il suffit au gouvernement iranien pour entretenir sa bonne image, malgré la répression interne, de se plaindre auprès du monde entier de l’attitude déloyale des États-Unis et du manque de courage de ses partenaires commerciaux.

Dans cette situation, les sanctions seront de plus en plus contournées avec le temps comme c’est toujours le cas dans l’histoire des systèmes de sanctions. Pour les Etats-Unis, il va donc falloir en rabattre à terme, car leur obstination leur coûtera de plus en plus cher. Par exemple, elle pourrait engendrer plus rapidement que prévu la perte de la suprématie du dollar sur le marché pétrolier ou le contournement du système SWIFT.

Il leur reste donc à trouver un compromis. On a bien compris que les Etats-Unis n’ont jamais accepté l’humiliation de la prise des otages à l’Ambassade américaine en 1979, renforcée par le fiasco de l’opération de leur libération par Jimmy Carter qui explique en partie sa défaite contre Ronald Reagan quelques mois plus tard. On a donc bien compris qu’en conséquence, ils veulent se venger en humiliant à leur tour l’Iran et en renversant son régime.

Mais cet aspect passionnel de la politique américaine devra être tempéré par les données stratégiques. De ce point de vue, les Etats-Unis livrent un combat frontal contre la montée en puissance de la Chine et c’est incontestablement leur combat majeur, auprès duquel celui qu’ils conduisent contre l’Iran n’est que secondaire.  

Or l’Iran ne demande pas mieux que de se réconcilier avec les Etats-Unis à condition de sauver la face et d’y gagner sur le plan économique, tandis que ces derniers peuvent difficilement se permettre, pour tenter de remporter une confrontation relativement mineure pour eux, d’affaiblir leur position morale, d’irriter leurs partenaires et de pousser à la constitution d’un front commun contre eux.

 

Aussi, une fois dissipé le phantasme de la chute du régime iranien, toute la question, en particulier pour le peuple iranien qui souffre de ces sanctions, est d’accélérer le processus qui permettra d’obtenir un accord entre les Etats-Unis et l’Iran. Cela pourrait se révéler plus rapide qu’il ne semble, notamment en raison de la fragilité du pouvoir saoudien et du réalisme profond que nécessite la survie d’Israël.

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MONTCALM LIVRE BATAILLE POUR LA PERDRE

15 Novembre 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

MONTCALM LIVRE BATAILLE POUR LA PERDRE

Au fur et à mesure que les troupes régulières arrivent, le lieutenant-colonel de Fontbonne les positionne en ligne de bataille face aux Anglais au pied du versant ouest des Buttes-à-Neveu, à environ cinq cents mètres de la ligne britannique, jusqu’à ce que Montcalm le rejoigne pour approuver ses ordres et prendre les commandes.

 

Montcalm envoie Magnan et Montreuil informer Vaudreuil pour accélérer l'arrivée des troupes et il ordonne à Bernetz de lui fournir cinq canons. Convaincu qu'il est impossible que Bougainville ne soit pas au fait de ce qui se passe, il ne prend pas la peine de lui envoyer un messager.

La ligne française qui se déploie face à la ligne britannique, sur le versant ouest des Buttes-à-Neveu, est composée, du nord au sud, des régiments de La Sarre, du Languedoc, de Béarn, de Guyenne et du Royal-Roussillon.

Des détachements des soldats réguliers des troupes de la Marine et de la milice canadienne sont postés aux extrémités nord et sud de la ligne. Sur le flanc nord, l'adjudant-général Jean-Daniel Dumas commande l'unité mixte de neuf cents hommes, composée de troupes de la Marine, de la milice de Québec et des guerriers amérindiens, alors que le capitaine Louis-Frédéric Herbin commande huit cents autres francs-tireurs au sud.

Au total, les troupes françaises qu’alignent Montcalm comprennent, selon les évaluations, entre trois mille et trois mille six cents hommes selon les évaluations, aussi les deux lignes de bataille qui se font face sont-elles comparables, de l’ordre de deux mille hommes.  

Lorsque la pluie cesse vers dix heures, Montcalm prend la décision d'attaquer avec les seules troupes immédiatement disponibles, contre l’avis de Vaudreuil et à l’opposé des conseils de Montreuil et de Montbeillard, ses principaux officiers à ses côtés sur le terrain. En effet, il est le seul à penser que le temps presse pour attaquer avant que les Britanniques aient eu le temps de se retrancher.

Or, dans les murs de Québec, deux mille cent soldats réguliers de la marine, miliciens et matelots s’y trouvent encore pour assurer la défense de la ville. De son côté, Bougainville, à la tête de deux mille cent soldats d'élite, miliciens et cavaliers, a quitté Cap-Rouge vers huit heures et avance à marches forcées vers le champ de bataille, tandis que Vaudreuil a quitté le camp de Beauport à la tête de mille cinq cents hommes de la milice de Montréal et marche aussi vers les plaines d’Abraham. Tous ces hommes n’auront pas le temps de se joindre à la bataille.

Or l’attaque est non seulement précipitée, mais elle est aussi désorganisée. Montcalm place ses meilleures troupes sur trois rangs, les médiocres sur six rangs et les troupes les plus faibles en colonne. Il se positionne à la tête des régiments de Guyenne et du Béarn, monte sur son cheval noir, tire son épée dans un geste martial et ordonne de battre la charge.

Mais, à peine l'armée a-t-elle fait vingt pas en avant que la gauche prend du retard et le centre prend les devants. Les soldats descendent un terrain couvert de longues herbes mouillées, de blé en pied, de ravins, de flaques d'eau et de clôtures à enjamber.

Rapidement, la ligne se défait en trois groupes. Un premier groupe d'environ mille hommes, troupes de la Marine, milice, régiments de La Sarre et de Languedoc, dérive vers la droite, face à l'extrémité nord de la ligne britannique. Au centre, un deuxième groupe avec Montcalm à sa tête, composé de quatre cents soldats des régiments du Béarn et de Guyenne ainsi que de miliciens, marche à peu près dans la même direction. Le troisième groupe au sud dérive sur sa gauche en se dirigeant vers l'extrémité sud de la ligne ennemie, si bien que personne finalement ne fait face au centre de la ligne britannique.

Progressivement, ces groupes de soldats qui avancent à des vitesses différentes voient leurs rangs se désagréger pour prendre la forme de colonnes incapables d'affronter le feu d’une armée rangée en ligne de bataille. Aussi la décision de livrer bataille dans ces conditions constitue l’erreur ultime de Montcalm, une erreur parfaitement prévisible compte tenu de son état d’esprit.

 

Pris de cours, Montcalm imagina d’improviser une bataille à l’européenne alors qu'il ne disposait pas d'une armée adaptée. Pire encore, il ne se donna même pas le temps de rassembler et d'organiser ses troupes. Le malheur fut que son incompétence et son manque de sang-froid conduisirent la Nouvelle-France à sa perte.

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RETOUR À LA CÔTE D'IVOIRE

11 Novembre 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

RETOUR À LA CÔTE D'IVOIRE

 

Le Cameroun n’est pas le seul pays africain où je suis intervenu durant mon séjour au Sénégal. Il faut avouer ici que la Côte d’Ivoire a été ma destination privilégiée, du moins en ce qui concerne la durée de mon séjour, mais pas seulement.

 

Vous ne vous en souvenez probablement pas, mais parmi les assez nombreux billets que j’ai consacré à la Côte d’Ivoire, j’en ai écris un, intitulé «  Le crocodile qui voulait croquer le doctorant » (10 avril 2015) qui conte une mésaventure que j’ai vécue à Yamoussoukro au printemps 1976.

1976 est l’année de ma première incursion en Afrique subsaharienne, justement en Côte d’Ivoire. Je ne l’ai jamais oublié et j’ai aimé l’ambiance du pays, ce qui fait que je m’y suis toujours rendu avec plaisir, pour des cours à la Faculté de Sciences Économiques située à Cocody ou dans une École de Commerce, pour le concours CAMES (voir infra) ou pour participer à un colloque de marketing organisé par mon ami Jean-Gérard Guarino qui a longtemps séjourné comme coopérant à Abidjan. Je m’y suis même rendu à l’occasion d’un évènement privé, le mariage de mon frère Bernard dont j’étais le témoin. 

Toutes ces visites en Côte d’Ivoire ne se sont pas effectuées pendant mon séjour à Dakar, mais, sauf erreur de ma part, je m’y suis rendu au moins deux fois durant ce séjour sénégalais, une fois en compagnie du Doyen Diaité et une fois pour participer au jury du CAMES (Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement supérieur), jury qui s’est déroulé juste avant mon retour en France, en décembre 1983. 

Le Doyen Diaité était un bon ami. On se rappellera que c’était lui qui m’avait sauvé de la contestation étudiante qu’avait provoqué la publication du corrigé d’un examen.

Partant en avion pour Abidjan et installés confortablement dans la salle d’embarquement de l’aéroport de Dakar, nous bavardèrent tranquillement jusqu’au moment où nous vîmes l’avion Dakar Abidjan décoller avec nos bagages! 

Nous avions été plutôt insouciants, mais d’un autre côté personne ne s’était inquiété de notre absence à l’embarquement. Nous retournâmes à Dakar et nous priment l’avion du lendemain, sans autres difficultés. À Abidjan, nous fûmes logés à l’Hôtel Ivoire, un complexe hôtelier et un gratte ciel de 100 mètres de haut qui offre une vue magnifique sur la lagune et l’ensemble de la ville d’Abidjan, au sein d’un parc  luxuriant. 

Il s’agissait de préparer une réforme du concours CAMES destiné à recruter des professeurs d’université dans les pays francophones de l’Afrique subsaharienne et de Madagascar, à l’exception du Cameroun. Ce dernier pays estimait en effet qu’il était assez « grand » pour organiser son propre système de sélection, le paradoxe résidant dans le fait que le Président du jury dont le Cameroun contestait la légitimité était souvent camerounais. 

J’étais chargé pour ma part d’adapter le concours de sciences économiques afin qu’il accueille aussi les candidats en sciences de gestion, donc de modifier les épreuves et de prévoir de nouvelles options. 

Ce travail de réflexion, d’adaptation et de débat prit trois ou quatre jours et nous profitions de nos soirées pour nous rendre à Treichville, toujours animé mais où il était à l’époque possible de se rendre en toute sécurité. 

 

Le doyen Diaité resta quelques jours de plus pendant que je reprenais l’avion vers Dakar. C’est du moins ce que je croyais…

 

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UN TEXTE PROPHÉTIQUE

7 Novembre 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #CULTURE

UN TEXTE PROPHÉTIQUE

« Si l’on arrête les yeux sur le monde actuel, on le voit s’ébranler depuis l’Orient jusqu’à la Chine qui semblait à jamais fermée. Nous, l’État le plus mûr et le plus avancé, nous montrons de nombreux symptômes de décadence et le vieil ordre européen expire. Il n’existe plus rien : autorité de l’expérience et de l’âge, naissance ou génie, naissance ou vertu, tout est nié.  Des multitudes sans nom s’agitent sans savoir pourquoi. Dans la vie de la cité, tout est transitoire : la religion et la morale cessent d’être admises. Les intérêts particuliers, les ambitions personnelles cachent au vulgaire la gravité du moment.

À quelle époque la société disparaîtra t-elle ?  Quels accidents en pourront suspendre le mouvement ? Un État politique où des individus ont des millions de revenu, tandis que d’autres individus meurent de faim, peut-il subsister quand la religion n’est plus là avec ses espérances hors de ce monde pour expliquer le sacrifice ? Quand la vapeur sera perfectionnée, quand, unie au télégraphe et aux chemins de fer, elle aura fait disparaître les distances, ce ne seront plus seulement les marchandises qui voyageront, mais encore les idées.

La société n’est pas moins menacée par l’expansion de l’intelligence qu’elle ne l’est par le développement de la nature brute. Supposez les bras condamnés au repos en raison de la multiplicité et de la variété des machines : que ferez vous du genre humain désoccupé ? Que ferez vous des passions oisives en même temps que de l’intelligence ? Le labeur cessant, la force disparaît.

Remarquez une contradiction phénoménale : l’état matériel s’améliore, le progrès intellectuel  s’accroit et les nations s’amoindrissent. C’est que nous avons perdu dans l’ordre moral. Si le sens moral se développait en raison du développement de l’intelligence, il y aurait contrepoids, mais il arrive tout le contraire : la perception du bien et du mal s’obscurcit à mesure que l’intelligence s’éclaire. Oui, la société périra : la liberté, qui pouvait sauver le monde, ne marchera pas, faute de s’appuyer à la religion ; l’ordre qui pouvait maintenir la régularité ne s’établira pas solidement, parce que l’anarchie des idées le combat. Et n’allez pas croire, comme quelques uns se le figurent, que si nous sommes mal à présent, le bien renaitra du mal.

La folie du moment est d’arriver à l’unité des peuples et de ne faire qu’un seul homme de l’espèce entière. Que serait une société universelle qui ne serait ni française, ni anglaise, ni espagnole, ni italienne, ni russe, ni turque, ni persane, ni indienne, ni chinoise, ni américaine, ou plutôt qui serait à la fois toutes ces sociétés ? Qu’en résulterait-il pour ses mœurs, ses sciences, ses arts ? Quel serait son langage ? Sous quelle loi unique existerait cette société ? Comment trouver place sur une telle terre ? Il ne resterait qu’à demander à la science le moyen de changer de planète.

Voulez vous faire du gouvernement un propriétaire  unique, distribuant à la communauté devenue mendiante une part mesurée sur le mérite de chaque individu ? Qui jugera des mérites ? Chercherez vous l’édification d’une cité où chaque homme possède un toit, du feu, des vêtements, une nourriture suffisante ? L’inégalité naturelle reparaitra en dépit de vos efforts. Et ne croyez pas que nous nous laissions enlacer par les précautions légales. Le mariage est notoirement une absurde oppression : nous abolissons tout cela. Si le fils tue le père, ce n’est pas le fils qui commet un parricide, c’est le père qui en vivant immole le fils. L’égalité absolue ramènerait non seulement la servitude des corps mais l’esclavage des âmes. Notre volonté, mise en régie, sous la surveillance de tous, verrait nos facultés tomber en désuétude…

À ces maux qu’il pressentait en visionnaire, Chateaubriand proposait déjà en 1797, dans son Essai sur les Révolutions (IIe partie, chapitre LVI), le remède suivant :

Le plus grand malheur des hommes, c’est d‘avoir des lois et un gouvernement. Soyons hommes, c’est à dire libres ; donnons de l’énergie à notre âme, de l’élévation à notre pensée. Mais pour faire tout cela, il faut commencer par cesser de nous passionner pour les institutions humaines, de quelques genres qu’elles soient. Tandis que nous nous berçons ainsi de chimères, le temps vole et la tombe se ferme tout à coup sur nous. Les hommes sortent du néant et y retournent.»

 

Ce texte n’a pas été écrit par un contemporain, mais cent soixante dix sept ans plus tôt que ce billet, le 25 septembre 1841, par un de nos plus célèbres écrivains, Chateaubriand, dans le dernier livre de ses Mémoires d’Outre-Tombe.

Rendons hommage à la clairvoyance et au caractère prophétique de son écrit. Mais puisqu’il a été écrit en 1841, prenons aussi conscience de la permanence des questions qui agitent la surface du monde, la montée en puissance de la Chine, la remise en question de l’autorité, de la religion et de la morale, les inégalités rendues insupportables par les effets de la mondialisation, la disparition du travail du fait de la robotisation, l’impossibilité d’un ordre mondial édifié sur le principe de l’égalité absolue, la tyrannie de l’opinion publique gouvernée par les medias…

 

Or, qui dit permanence, dit vanité des « solutions » envisagées, dit modestie et dit recherche des constantes et des évolutions…

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LES NATIONALISTES DE RETOUR AU QUÉBEC

3 Novembre 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

LES NATIONALISTES DE RETOUR AU QUÉBEC

Le premier octobre dernier, les électeurs ont donné à la Coalition avenir Québec (CAQ) dirigée par François Legault une large majorité des sièges à l’Assemblée nationale du Québec.

 

Avec un taux de participation de 66,45 %, qui est particulièrement faible, la CAQ a obtenu 74 sièges sur 125 avec 37,4 % des voix au scrutin uninominal majoritaire à un tour.

Derrière la CAQ, le Parti Libéral du Québec (PLQ), dirigé par Philippe Couillard qui était au pouvoir, a obtenu 31 sièges avec 24,8 % des voix, ce qui correspond à un étiage très bas de son score électoral habituel.  Le PLQ devient tout de même le seul parti à obtenir le statut de parti d'opposition officiel à l'Assemblée nationale. Pour  sa part, le Parti québécois  (PQ) n’a obtenu que 17,1 % des voix, son score le plus bas depuis sa première élection en 1970, ce qui lui donne 10 sièges. Enfin, Québec solidaire (QS), un parti marqué à gauche comme son nom l’indique, a obtenu 16,1 % et 10 sièges, faisant pratiquement jeu égal avec le PQ.

Voilà le résultat des urnes, qui n’est globalement pas une surprise puisque la CAQ était donnée gagnante depuis des mois par des sondages, un peu inférieurs, il est vrai, à son score réel. À la tête de la CAQ, François Legault, en tant que Premier ministre du Québec, possède des atouts pour rassurer les Québécois face à Justin Trudeau, le Premier Ministre du Canada, au profil de playboy.

Né le 26 mai 1957 à Sainte-Anne-de-Bellevue, à la pointe ouest de l’île de Montréal, ainé de trois enfants et issu d'une famille modeste, il a effectué à HEC Montréal une maitrise en administration des affaires pour devenir comptable agréé. D’abord administrateur de Provigo, une chaine de distribution alimentaire québécoise, puis vérificateur chez Ernst & Young, il est entré chez Quebecair à 29 ans, qui était proche d’être privatisé.

Avec trois associés et un groupe de pilotes de Quebecair qui s’étaient battu pour maintenir l’utilisation du français dans les conversations avec les tours de contrôle, il contribua au lancement d’Air Transat en 1986 dont il était au départ l’un des principaux actionnaires, mais dont il a vendu les actions en 1998, ce qui lui permet aujourd’hui de déclarer un patrimoine de 10 millions de dollars canadiens.    

La même année 1998, Lucien Bouchard (Parti Québécois) l’a choisi comme ministre de l'Industrie, deux ans après que le Parti Québécois ait perdu in extremis le  deuxième référendum sur la souveraineté du  Québec avec 50,58 % de « non ». Il a été ensuite élu député du Parti Québécois en 1998, pour devenir ministre de l’Éducation puis ministre de la Santé.

Progressivement en désaccord avec la direction du Parti Québécois, François Legault recommandant de ne pas proposer à court terme aux électeurs la perspective de l’indépendance du Québec, il a fini par créer son propre parti politique en 2011, la Coalition avenir Québec (CaQ), qui obtint 27% des voix aux élections provinciales de 2012, puis 23% en 2014 et finalement 37% en 2018.  

En regardant son parcours, on comprend bien que François Legault se présente comme un nationaliste réaliste. L’aspect « réaliste » de son programme  se situe dans la priorité  de remettre « l'argent dans le portefeuille des Québécois», de réformer l'éducation afin de repérer les difficultés d'apprentissage dès le plus jeune âge,  de faciliter l'accès aux médecins de famille et de réformer le mode de scrutin.

Mais, lors de cette campagne électorale, il a adopté un discours ouvertement nationaliste, axé sur la défense des valeurs québécoises, proposant notamment une réduction de 20 % de l'immigration au Québec et l'imposition d'un test de valeurs et de français aux immigrés, afin d'attester leur bonne intégration à la société québécoise. S’il refuse toujours de prôner un referendum sur l'indépendance du Québec, il rejette le fédéralisme, proposant mystérieusement une troisième voie qui, par définition, est toujours une fuite pour escamoter le débat.

Déjà, il se heurte au Premier Ministre Libéral du Canada, Justin Trudeau, en faisant état de sa volonté de retirer aux juges et aux fonctionnaires d’autorité le droit au port de signes religieux, il se propose de repousser de 18 à 21 ans l’âge légal pour consommer du cannabis dont l’usage vient d’être autorisé au Canada et il veut l’interdire dans tous les lieux publics.

Prenant connaissance de son programme, la plupart des commentateurs le qualifient de droite ou de nationaliste modéré, soulignant qu’il a renoncé au referendum sur l’indépendance du Québec. À mon avis, ils ne voient pas l’essentiel : le gouvernement de François Legault est nationaliste.

En Europe, on le qualifierait de populiste. Il va se heurter sans cesse avec l’État Fédéral et l’on va alors voir se reformer deux camps au Québec, les mondialistes représentés par le Parti Libéral et Québec Solidaire et les nationalistes représentés par la CAQ et le Parti Québécois. 

 

Pour résumer ma pensée de manière schématique, le Parti Québécois est de retour au pouvoir, sous un autre nom. À suivre…

 

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