L'insondable mystère cosmique
Nous pensons donc avoir percé le secret fondamental de l’Univers, ce système énergétique qui nous a fait naître, vivre, et qui nous fera disparaître, nous les êtres vivants. Las, de nouveaux mystères surgissent : il semblerait que l’on ait identifié des quarks, qui seraient des particules plus fondamentales que l’hydrogène. Découvrirons-nous jamais, au travers d’accélérateurs de particules de plus en plus puissants, la dernière particule fondamentale du cosmos ? Pourrons-nous comprendre un jour pourquoi la matière première de l’Univers s’est créée lors du Big Bang, il y a dix milliards d’années, à supposer que ce soit vrai ? Et finirons nous par comprendre comment la matière et l’antimatière se sont alors séparées ?
Car où est passée l’antimatière ? Mais où est-elle passée ? Nous n’arrêtons pas de découvrir que la nature nous a caché des objets toujours un peu plus incroyables que ceux que nous avions découvert la veille. Les quasars, par exemple, qui sont des objets tellement compacts et dotés d’une telle énergie qu’aucune loi ordinaire de la physique ne s’y applique. Et les pulsars ? Ils ont l’air apparemment moins mystérieux, car ils ne sont que des résidus extrêmement denses d’explosions d’étoiles. Mais dans ces pulsars, les forces nucléaires s’opposent à l’accroissement permanent de leur densité déjà considérable. Nous croyons savoir pourquoi : c’est parce que les forces gravitationnelles dominent tellement les forces nucléaires dans une très grosse étoile, qu’à force de se consumer l’étoile se trouve réduite à presque rien. Seule subsiste finalement la gravitation qui aspire toute la matière vers elle, dans un immense trou noir. Qui sait si notre Univers tout entier n’est pas tout simplement le Trou Noir d’un autre type d’Univers que l’on serait incapable de concevoir, du fond de ce trou …
Et, nous, les pauvres petits êtres humains, nous devons faire face, armés de notre seule conscience, à cet Univers immense, grondant, absolument inhumain. Que faisons-nous là? Quel est le sens de notre présence ? Est-ce que cela a un sens de se poser la question du sens de notre présence ici-bas, alors que tout ce que nous cherchons à comprendre ou à construire semble dénué de sens dans ce contexte surhumain, inhumain, infernal ?
Eh bien, il nous faut trouver la force de nous détourner de ce vertige qui nous saisit pour observer de plus près Gaïa, notre planétoïde. Ah, après ce ciel noir, nous sommes bien heureux de nous retrouver les pieds sur Terre ! Heureusement que nous avons cette mince croûte couverte d’êtres vivants, qui la façonne ou qui la ronge, c’est selon.
L'alibi de l'idéologie républicaine
Dans un article daté du 29 octobre 2009 et intitulé « L’idéologie de l’oligarchie française » je soulignais que les discours incantatoires autour de l’idéologie républicaine présentant la France comme la patrie des droits de l’homme face à d’imparfaits pays étrangers, n’est que le moyen central de l’oligarchie française pour éviter de reconnaître que l’organisation du pays doit être fortement, sinon fondamentalement, remise en cause.
Par définition, la pensée officielle pose que les principes de la République sont excellents, que ses institutions sont exemplaires et ses services publics des modèles d’égalité. Bien sûr, à la marge, il faut les ajuster en fonction de l’évolution du monde, rien de plus.
À ce titre, la question de l’éducation nationale est édifiante car s’il est une institution qui est choyée par la République, c’est bien celle-là puisqu’elle y consacre des sommes considérables et qu’elle y investit toute sa foi idéologique.À partir du principe d’éducation généralisée et gratuit, il paraît naturel d’accroître la durée des études obligatoires afin de mieux former les élèves. Les changements technologiques impliquent en effet des employés ouverts aux idées générales afin de pouvoir changer de profession au cours de la vie professionnelle. Cependant la réaction des élèves ne se révèle pas à la mesure des ambitions de l’État républicain. Ils apprennent peu, une proportion importante d’entre eux ne sait toujours pas lire et écrire à l’issue de l’école primaire, et ils s’obstinent à perturber ou à sécher les cours.
Que faire ? Rien, répond l’oligarchie en place. Donner des diplômes à chacun. Accorder l’égalité de traitement en faisant fi des différences d’aptitudes. Pas de réformes donc qui risqueraient d’être à la fois antirépublicaines et dangereuses pour le gouvernement en place. Qui a seulement évoqué l’idée de réduire la durée obligatoire de l’enseignement ? Qui serait assez fou pour demander aux maîtres d’école une obligation de résultat en matière de lecture et d’écriture de leurs élèves ? Impossible. Partout se dressent des organisations dépassées qui ne sont maintenues que pour la commodité des bénéficiaires du statu quo, au premier rang desquels se trouvent ses organisateurs, hauts fonctionnaires résignés à l’échec, syndicalistes entretenus par les dysfonctionnements du système.
L’exemple de l’éducation permet de prendre conscience de la remarquable rigidité idéologique de la République Française. Elle se manifeste dans d’autres domaines : on se souviendra de l’incroyable émerveillement des medias lorsque François Mitterrand, après avoir nationalisé la fine fleur de l’industrie française et provoqué trois dévaluations en trois ans, fit savoir qu’il avait finalement compris que le dirigisme autoritaire de l’économie par l’État n’avait plus lieu d’être. Le fait que cette évidence, connue de tous depuis toujours, ait pu être officiellement prise en compte par la plus haute autorité de la République fut considéré comme un exploit, un changement idéologique majeur dont François Mitterrand est toujours crédité un quart de siècle plus tard.
Un autre exemple est celui du débat sur la laïcité. La France est un pays de tradition catholique. Mais la France officielle de ce début du XXIe siècle revendique sa laïcité comme si le principe philosophique de la raison au-dessus de la religion qui l’inspire depuis la Révolution avait trouvé son épilogue avec les lois de 1905, qui clôturaient trente années de guerilla contre l’enracinement institutionnel de l’Église catholique dans la société française. Puisque l’État français est officiellement laïque, le voilà contraint de livrer un combat frontal contre la religion musulmane. Comme dans les autres pays européens, il serait plus simple de poser pour base que la société d’origine est de tradition catholique et de donner à la religion musulmane un espace d’expression à la mesure du nombre de ses pratiquants. Mais comment financer des mosquées alors qu’il est interdit d’en faire autant pour l’Église catholique ?
On ne peut donc que s’ébaudir devant l’immense capacité de résistance des dirigeants français, fondée sur l’inexpugnable « idéologie républicaine » capable de nier ou d’ignorer les faits les plus patents, considérés comme des données inéluctables par le reste du monde.
C’est elle qui explique aussi bien le remarquable décalage entre l’idéologie officielle et les faits de société à l’intérieur du pays que l’image surréaliste que donne la France à l’étranger lorsqu’elle s’obstine, toujours au nom de son idéologie, à donner la leçon au reste du monde.
Au coeur de la mêlée des forces stellaires
Le 18 octobre dernier, je publiais un article intitulé « Terre » au sein duquel je concluais en m’interrogeant sur la signification de cet Univers qui surgit au creux de la nuit, de ce cosmos illuminé d’incendies inconcevables et d’abîmes insondables…
Les scientifiques se sont efforcés de rechercher cette explication et ils ont longtemps espéré qu’ils réussiraient à percer le secret de l’Univers. Ils n’ont abouti, et c’est déjà beaucoup, qu’à proposer une série d’explications successives, qui ont mis l’accent sur plusieurs phénomènes partiels et complémentaires.
Ils ont d’abord cru que c’était la gravitation, celle là même qui nous évite d’être aspirés par l’espace infini, qui pouvait expliquer la mécanique céleste. Puis les physiciens ont cru percer le grand secret du monde en résolvant celui du Soleil, grâce auquel nous restons en vie : ce Soleil n’était finalement qu’un gros réacteur nucléaire. Les mêmes ont ensuite compris que nous étions les hôtes d’un monde fondamentalement électrique. Car chaque atome, avec son nuage composé de légers électrons qui neutralisent la charge du noyau, n’est qu’un système électrique. Ils ont été conforté dans leur conviction d’avoir enfin découvert avec les atomes le grand secret du monde par la mise en évidence de l’importance des électrons qui définissent les propriétés chimiques de la matière selon le niveau de leurs orbites et leur plus ou moins grande capacité à en changer. Et comme en outre, les forces qui interagissent entre les électrons et entre les amas d’atomes déterminent la forme gazeuse, liquide ou solide que prend la matière, comme les sauts d’électrons déterminent la couleur de la matière, comme les radiations électromagnétiques provoquées par les mouvements saccadés des électrons génèrent non seulement la lumière mais aussi ses contreparties invisibles, les ondes radioélectriques, infrarouges, ultraviolettes comme les rayons X, on pouvait penser que l’essentiel du secret du monde avait été percé.
Ils nous alors montré que toute la mécanique du monde pouvait être contenu dans le phénomène d’entropie. Ils ont vu en effet que toutes les forces de l’Univers se neutralisent, que l’énergie ne cesse de passer d’une forme à une autre, que la lumière se transforme en énergie chimique dans le feuillage de l’arbre qui finit par donner par réaction chimique notre charbon et notre pétrole quotidien grâce auxquels nous faisons tourner les turbines. Mais finalement l’eau cesse de s’écouler, la lumière finit par être absorbée, l’énergie disparaît, définitivement capturée par les mouvements aléatoires des atomes et par ces molécules que nous appelons « chaleur ».
Ce qui a ramené les scientifiques à la question du Soleil. Il leur a été facile de montrer que la vie périrait très rapidement sur la Terre s’il n’y avait pas un apport incessant d’énergie solaire. Seulement, vu de Sirius, le Soleil n’est qu’une étoile moyenne située dans les faubourgs d’une galaxie ordinaire peuplée de cent milliards d’étoiles, tandis qu’au loin d’autres galaxies dérivent comme de grands vaisseaux dans le silence électromagnétique de l’Univers.
Or ce silence cache le grand champ de bataille céleste entre les forces gravitationnelles et les forces nucléaires. Dans l’immense sinon infini Univers, il arrive toujours quelque part qu’un champ de gravité improbable parvienne soudain à rassembler assez d’hydrogène gazeux pour déclencher une première réaction nucléaire. Quelques instants suffisent alors pour qu’une étoile naisse, secouée par une houle d’explosions atomiques qui la dégrade inexorablement, malgré la résistance désespérée de ses forces gravitationnelles. Et ils en ont conclu que notre Soleil, oui sa Majesté notre Soleil lui-même, ne pourra pas échapper à cette logique inscrite dans l’airain des lois universelles, une logique qui fera qu’il finira par exploser et dévorer la Terre.
Et c’est ainsi que la recherche des principes qui gouvernent le Monde a conduit les scientifiques à nous signifier notre inéluctable disparition. Pour nous consoler, ils n’ont rien d’autre à nous proposer que d’imaginer les moyens de fuir la Terre avant qu’elle n’explose, et d’envoyer au moins deux d’entre nous, une femme et un homme en âge de procréer, pour recommencer l’aventure humaine sur une autre planète. C’est du moins ce que nous racontent les livres de science-fiction pour que nous dormions tranquilles.
Bonne nuit donc, lecteurs de ce blog.
Retour de Prague
Hier soir, je suis revenu de Prague, où j’étais allé donner un cours de marketing pendant une semaine. Cela explique mon silence pendant tout ce temps car j’étais trop pris pour écrire les deux blogs par semaine que je me suis fixé. Mais j’en ai tiré quelques leçons.
Pour commencer, Prague a une longue histoire commune avec moi. J’ai tout expliqué dans mon blog du 27 septembre dernier, intitulé « À propos de Vladimir ». Vous savez donc qu’avec Hana Machkova nous avons créé un institut, il y a bientôt 20 ans, appelé Institut Franco Tchèque de Gestion (IFTG), où j’ai longtemps enseigné. Puis mon ami Ali Idrissi m’a excellemment relayé pendant trois ans. Cette année, Hana, pour des raisons familiales, m’a demandé de revenir faire cours, et me voilà de retour. Ce qui m’a frappé, en trois ans, c’est la modernisation continue de la ville de Prague et puisque j’y ai passé une semaine entière, celle de son Université d’Économie (Vysoká škola ekonomická, VŠE en abréviation), qui rassemble environ 16000 étudiants dans cinq Facultés. L’IFTG est l’un des centres de formation de VŠE, doté de trois bureaux et d’une salle de cours, pour une trentaine d’étudiants.
VŠE est un établissement qui est de la taille de l’Université Paris Dauphine. Le modernisme et la fonctionnalité des locaux est inimaginable en France : salles de cours fermées par des cartes magnétiques, vidéo et rétroprojection dans toutes les salles de cours, climatisation, petites cuisines pour les étudiants, vestiaires et casiers à leur disposition, quatre restaurants au choix et un restaurant réservé aux enseignants, Wi-Fi permettant l’accès à Internet dans toutes les universités du pays, horaires étendus des bibliothèques, administration disponible, service d’entretien impeccable ….Bref, on croit rêver quand on a l’habitude de travailler dans des locaux qui se détériorent lentement depuis un demi-siècle, encadré par une administration habituée à freiner la moindre initiative par peur d’être débordée.
Une fois de plus, comme chaque fois que je vais à l’étranger, mais c’est plus frappant à Prague qu’ailleurs, je suis impressionné par l’écart en notre défaveur qui s’accroît inexorablement entre notre système de formation et celui de pays que nous nous obstinons à croire en retard sur nous. L’aveuglement de nos dirigeants et enseignants, largement partagé par l’opinion, est à mon avis volontaire, car faute de nous améliorer il ne reste guère d’autre solution que de s’illusionner. « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts » proclamait le 10 septembre 1939, Paul Reynaud. Huit mois après cette affirmation présomptueuse, l’armée française subissait la pire défaite de son histoire.
Nous savons pourtant parfaitement la raison fondamentale de notre retard croissant : c’est que nous ne croyons plus, collectivement, à notre système de formation. Nous envoyons nos enfants à l’école maternelle avec confiance, à l’école primaire avec inquiétude, au collège avec angoisse, au lycée avec résignation. Puis nous faisons semblant de nous inquiéter de leur résultat au Baccalauréat alors que tous les candidats réussissent, ou peu s’en faut. Nous essayons ensuite d’éviter de les inscrire à l’université où nous savons qu’ils sont abandonnés à eux-mêmes et dont les débouchés sont incertains. S’ils poursuivent leurs études plus de deux ans au-delà du Baccalauréat, nous préférons qu’ils aillent dans des écoles d’ingénieur ou des écoles de commerce. Dans ce dernier cas, nous sommes prêts à débourser 20000 à 30000 Euros pour bénéficier de leur réseau d’anciens qui permettra à notre progéniture de trouver un travail, même si ces écoles ne dispensent quasiment pas de formation pendant les quatre années que dure leur scolarité.
Nous croyons donc qu’un carnet de chèques et la capacité de nos rejetons à fabriquer des « pompes » remplacent le travail, l’apprentissage des techniques et la réflexion scientifique. Après cela, il ne faut pas s‘étonner que personne ne veuille sérieusement investir dans nos établissements de formation qui ne sont fondamentalement que de longues garderies. Comme cette démission de toute une société vis-à-vis de son système d’éducation est récente, il reste à en mesurer les conséquences pour les prochaines décennies, dont la plus grave risque d’être le manque de confiance en soi de toute une génération.
Pour terminer par un exemple vécu, j’ai reçu pendant mon séjour à Prague le mail d’un de mes sympathiques étudiants qui s’estimait en droit de marchander la note que j’avais attribué à sa copie. Voici les principaux extraits de ce qu’il m’écrit :
« j'ai eu 13,8/20 de moyenne générale... il me manque donc 12 points sur 1200 (1%) pour avoir la mention bien. Je veux bien que la mention ne soit pas essentielle dans le monde du travail, mais j'ai fait mon max, surtout cet été pour l'avoir.
Je suis extrêmement déçu et surpris par ma note de management, (…) je pensais avoir bien plus que le 12 que j'ai eu... Je ne vous demande pas de pouvoir consulter ma copie, mais pourriez-vous y rejeter un petit coup d'oeil? j'ai vraiment bossé pour cette mention, et la rater de si peu me déçoit vraiment... »
Ainsi, puisqu’il estimait avoir travaillé, il avait droit à la mention bien, il suffisait juste que le professeur sollicité change sa note pour lui faire plaisir. Pourquoi l’en priver ?
Je me trouvais à VŠE quand j’ai reçu ce mail qui m’a fait comprendre toute la distance entre une société où l’on croit encore à l’enseignement et au savoir qu’il faut acquérir et celle où l’on pense que la mention bien est un droit.