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Le blog d'André Boyer

La Bella Gente

27 Février 2011 Publié dans #INTERLUDE

L’actualité me pousse à accroître le rythme de mon blog et à en réduire corrélativement la longueur, pour des raisons évidentes de disponibilité. Dés demain, j’aborderai la question irlandaise dont l’enjeu vous a peut-être échappé et qui est en corrélation avec les événements considérables de Tunisie, d’Egypte et de Libye.

 

Mais ce dimanche, j’ai décidé de faire une pause dans l’analyse des événements dramatiques pour rendre compte du visionnage d’un film qui me paraît très intéressant et subtil, ce qui n’est pas si courant, « LA BELLA GENTE ». 

 la-bella-gente.jpg

Alfredo est architecte et Susanna psychologue, ils ont la cinquantaine. Ils travaillent à Rome. Elle s’occupe des femmes battues. On voit bien que ce sont des personnes cultivées et aux idées généreuses. Ils passent une partie de l’été dans leur maison de campagne, magnifique dans le décor de rêve de la campagne italienne.

Peu après s’être installée dans sa résidence secondaire, Susanna est  choquée par la vue d'une jeune prostituée frappée par un homme au bord de la route, sans doute son mac. Elle décide de sauver cette jeune fille. Ce sera Alfredo qui s’y résout  à contrecœur et par amour pour sa femme. Il enlève la jeune prostituée pour la ramener la jeune à la maison.

Nadja, une jeune ukrainienne de seize ou dix-sept ans, est tout d’abord terrifiée puis se laisse peu à peu apprivoiser. C’est une très jolie adolescente, bien élevée et sensible qui se révèle à Susanna et Alfredo. Intervient alors Giulio leur fils qui tombe sous le charme de Nadja. Il se débarrasse provisoirement de sa copine Flaminia pour « draguer Nadja ». Cette dernière tombe amoureuse de lui…

La suite, il ne me paraît pas très fair-play de vous la raconter, pour ne pas déflorer l’intrigue dans sa totalité.

Je ne suis pas d’accord avec les critiques qui se rabattent sur la critique des personnages, sous prétexte de trouver en eux les archétypes d’une bourgeoisie mesquine, égoïste et hypocrite. Le film me paraît bien plus profond qu’une nieme et vaine dénonciation d’une classe sociale. Comme si les ouvriers ou les pauvres étaient gentils eux, parce qu’ils sont moins à l’aise ou exploités ! C’est une bonne méthode pour se voiler la face ou se donner justement bonne conscience à bon compte. 

Mais revenons  au film :

Tout d’abord c’est un film techniquement parfait, alors que ni le réalisateur ni les acteurs ne sont connus. Comme quoi le professionnalisme n’est pas affaire de montant des cachets, ni au cinéma ni au football. La plupart des films français, fabriqués à la va vite pour encaisser les subventions, n’arrivent pas à sa cheville.

C’est aussi un film tout en sensibilité, en glissements progressifs et en finesse. Il nous conduit à nous interroger sur nos propres sentiments et convictions: soutenir un engagement moral, voilà qui est bien plus difficile qu'un partage matériel. Aider l'autre, n'est-ce pas avant tout s'aider soi-même en s'offrant une occasion de se faire bonne conscience ? Aussi, lorsqu'il faut en arriver aux sacrifices et à l'engagement, est-on capable de poursuivre notre conviction, de surpasser notre lâcheté ?

Le personnage de Susanna l’illustre bien : avoir pour métier l’aide aux femmes battues vous donne meilleure conscience que de gagner de l’argent par la spéculation, mais lorsque Susanna se croit assez forte pour mettre en pratique ses convictions en installant Nadja chez elle, se révèlent les limites de la compassion et des bons sentiments. C’est alors qu’il faut choisir entre l’égoisme et la bonne conscience. Qui peut se vanter d’aller jusqu’au bout de ses convictions ?

Qui n’agit qu’en fonction de ses idées ? jusqu’au bout ? sans faiblir ? Ce film montre les difficultés d’assumer jusqu’au bout une telle démarche, lorsque, forcément, se trouvent confrontés  l’égoïsme et la bonne conscience.

Une piqûre de rappel.

Une histoire universelle, vraiment. 

 

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Mouammar? Dégage!

23 Février 2011 Publié dans #ACTUALITÉ

J’avais prévu d’écrire un blog sur un tout autre sujet, mais j’avoue que je suis fasciné par l’actualité en cours. 

3946467565-le-discours-surrealiste-du-martyr-kadhafi.pngHier soir mardi  23 février, j’ai regardé en direct sur la chaîne AlJazeera, Mouammar Kadhafi parler devant les caméras pour la dernière fois sans doute, dans une sorte de hangar. Il n’était entouré  que de quelques fidèles qui lui ont fait un maigre cortége après que son fils aîné l’ait embrassé à la fin de son allocution. Son fils aîné, il est doudou avec son papa, mais pas avec la populace qu’il est chargé de réprimer  avec ses  avions, ses hélicoptères et ses mercenaires. C’était quand même émouvant cette scène d’amour filial, j’ai failli verser une larme.

Le discours de Mouammar était à mi-chemin entre l’horrible et le pitoyable. Le vieux dictateur avait quelque chose d’un Ceausescu à la dérive dans un palais vide  ou d’un petit Hitler à la recherche d’une apocalypse qui l’engloutirait avec son peuple :  « Je suis un combattant, un révolutionnaire venu du désert, je suis prêt à mourir comme un martyr. »

On se demande de quelle cause il veut être le martyr, Mouammar, sinon de sa propre folie. Je regarde avec un mélange de pitié et, j’avoue, de mépris, ce sinistre pantin vêtu de sa gandourah marron et de son turban dans le décor à moitié en ruine dans lequel il pérore encore :  « Mouammar Kadhafi est un combattant, un révolutionnaire venu du désert, je ne suis pas un président qui se retire. C’est mon pays. Mouammar n’est pas un président qui quitte son poste » hurle t-il pour se rassurer et pour essayer de convaincre le peuple qu’il devra continuer à le subir. C’est sûr que c’est son pays, il a humilié son peuple, il l’a mis en coupe réglée pendant presque un demi-siècle. C’est à lui tout ça, mais voilà c’est fini maintenant et Mouammar n’arrive pas à s’y faire, c’est cela qu’il crie.

Et puis tout d’un coup, il fait très fort : «  Je n’ai pas encore ordonné l’usage de la force ! » Ah oui ? c’est quoi ces mercenaires qui tirent dans le tas, ces hélicoptères qui mitraille la foule, ces avions qui envoient sur elle des missiles ? des amuse gueules ? «  Je n’ai pas encore ordonné de tirer une seule balle! » À ce moment, il délire Mouammar, mais enfin, il a des excuses, toutes ces contrariétés ont dû le chambouler un peu.

Le voilà qui précise encore sa pensée: « Quand je ferai usage de la force, tout brûlera ! » Nous y sommes, Néron est de retour en compagnie d’Hitler, observant le monde entier enflammé par sa folie. En voilà une bonne raison de vivre et de mourir pour un dictateur qui se respecte ! 

Mais il n’a pas perdu tout à fait espoir, Mouammar, il pense qu’il a encore des supporters : « Vous les hommes et les femmes qui aiment Kadhafi… » Il croit qu’il y a eu un jour des gens qui l’aimaient, Mouammar, en tant que dictateur ? C’est bien la folie des hommes politiques de croire qu’on puisse les aimer ! C’est vrai que des millions de personnes ont pleuré à chaudes larmes la mort de Staline, ce monstre. Intéressant au plan psychologique de comprendre ce qu’ils aimaient en Staline ? leur jeunesse qui partait avec lui peut-être? Un jour, certains pleureront  sans doute Mouammar : c’était mieux avec lui, on était tranquille, pas de voleurs et il y avait de l’ordre.

Mais pour l’instant ce n’est pas la question, nous assène encore Mouammar : « Ceux qui aiment Kadhafi, sortez dans la rue, attaquez-les dans leurs tanières ! » C’est fini ce temps-là, mais lui, il y croit encore, il se fait paternel : « les manifestations pacifiques sont une chose, la rébellion armée en est une autre » C’est bien vrai ça, les dirigeants de tous les pays adorent les manifestations  pacifiques, les referenda que l’on contourne, les votes que l’on manipule, mais la rébellion armée, non, ils n'aiment pas du tout parce que ce n’est pas du jeu. 

Pour qu’ils sortent dans la rue ces amoureux tardifs de Kadhafi, Mouammar se rend compte qu’il faut injecter un peu de management : « À partir de ce soir, tous les hommes jeunes doivent former des comités de sécurité populaires, ils doivent porter un brassard vert pour s’identifier.» Alors, si les gens sont sérieux, tout va s’arranger : « Le peuple libyen et la révolution populaire contrôleront la Libye » Amen. Un avenir radieux illimité attend la Libye sous le règne éternel de son guide bien aimé, de ses fils, de ses petits-fils,  de ses arrières petits-fils, le lait des chamelles coulera à flots dans les oasis et le pétrole dans les pipe-lines…

L’allocution était retransmise sur un écran devant des centaines de supporters massés sur la place Verte de Tripoli où avait eu lieu la veille un assassinat de masse, les avions ouvrant le feu sur la foule des protestataires.  Mais Kadhafi ne parlait même pas devant ses supporters. Sans doute avait-il trop peur que l’un d’entre eux ne sorte une arme pour l’abattre. Il parlait seul face à un mur. Tout un symbole.

J’étais fasciné. Un dirigeant révélant dans toute son obscénité ce qu’est vraiment le pouvoir, c’est rarissime. Et puis, le moment est historique parce qu’il ne se produit qu’une fois par génération : le peuple bouscule les dirigeants qu’il a dû subir depuis tant d’années pour les jeter à la poubelle. Ce fut le cas en 1989 en Europe de l’Est puis en URSS, ce fut encore le cas en 1968 pour la France, aujourd’hui c’est le tour des pays arabes.

Je suis fasciné aussi par la révélation des mensonges que nous ont assenés nos dirigeants pendant des décennies nous expliquant que Kadhafi avait changé, tout simplement parce qu’ils voulaient faire tranquillement des affaires avec lui. Aujourd'hui encore, ils le regardent calmement assassiner les gens. Eux qui crient tant contre les terroristes, qui n'ont pas hésité à bombarder la Serbie pendant des semaines, ils n'ont pas un avion, pas un bateau disponible pour menacer le tyran assassin. Ils cherchent leurs mots pour manifester leurs désaccord avec ces méthodes brutales, ils s'inquiètent de la hausse du prix du pétrole et de l'immigration potentielle qui peut en résulter. C'est que Mouammar lui, il faisait en sorte que le pétrole coule et que les immigrés restent en Afrique. Regardez pour finir les déclarations de ce bouffon qui vous[1]représente en Tunisie, Boris Boillon qui trouvait, il y a moins de trois mois,  que ce pauvre Kadhafi avait fait des erreurs comme tout le monde mais qu’il s’était corrigé depuis. En effet, on voit ça, en direct.

Le problème, Boris, c’est que toi et tes semblables faitent payer leurs erreurs à des millions de personnes. Alors, Boris, Mouammar, MAM et tous les autres, dégagez, on se passera de vous. On vous promet que l'on vous pleurera un jour, mais plus tard quand on aura le temps. Pour l'instant, dégagez et vite!

 



[1] Moi en tout cas, il ne me représente pas. 

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Louis XIV ou le pouvoir dans sa majesté

15 Février 2011 Publié dans #HISTOIRE

Richelieu, en exerçant le pouvoir d’une main de fer, a créé  une France où le pouvoir de l’État ne connaissait plus d’opposants. Lorsque Louis XIV s’empara de cet outil, il en  exploita toutes les possibilités jusqu’à épuiser complètement le pays.

louisxiv.JPGLouis XIV voulait exercer le pouvoir, tout le pouvoir et tout de suite. Quelques heures après le décès du Cardinal Mazarin, le 10 mars 1661, jeune roi de vingt-deux ans, il réunit son Conseil. Se tournant vers le Chancelier Séguier, il déclare : « Je vous ai fait assembler avec mes ministres et secrétaires d’État pour vous dire que jusqu’à présent, j’ai bien voulu laisser gouverner mes affaires par feu Monsieur le Cardinal ; il est temps que je les gouverne moi-même. »

Et c’est ainsi que, pendant cinquante-quatre années, de 1661 à 1715, il régna en monarque absolu, exigeant l’obéissance à l’intérieur du royaume et cherchant sans trêve à s’imposer au-dehors. La loi jaillissait directement de sa bouche, transformant la monarchie en une immense administration à ses ordres. Son prestige exigeait la force militaire qu’il nourrissait de l’impôt, toujours plus lourd.

La volonté de grandeur, l’orgueil, le sentiment de puissance sont bien incarnés par le palais de Versailles. Il y donnait le spectacle bien réglé de la vie de cour, révélant à son peuple convié à assister à la représentation, la servilité des courtisans à l’affût des faveurs. Il contrôlait les nominations et les contributions du clergé de France. Il écarta les princes, les cardinaux, les connétables, les surintendants susceptibles de lui porter ombrage pour composer des conseils de commis. Les contraintes financières de la guerre avaient classiquement abouti à l’absolutisme administratif, mais la responsabilité de la guerre fut séparée de celle des finances qui furent laissées à Colbert. Mais ce dernier n’avait aucune  autorité sur l’armée de terre et sur la politique étrangère, au rebours de Richelieu et Mazarin.

Les privilèges des provinces subirent plusieurs atteintes qui renforcèrent l’uniformité dans l’obéissance au prince : certaines perdirent leurs états provinciaux, d’autres virent l’administration financière des terres d’élection s’introduire dans les pays d’états, qui avaient de jure le droit de consentir et de répartir l’impôt. Dans la France de l’Ancien Régime en effet, les pays d’élection soumis à la taille personnelle et à tous les impôts royaux ordinaires s’opposaient aux pays d’états qui conservaient le droit de consentir l’impôt et non de le subir. En 1715, la France rassemblait treize pays d’états et provinces nouvellement annexées. Les dix-huit autres formaient des pays d’élection: les généralités de Paris, Amiens, Soissons, Châlons-sur-Marne, Lyon, Montauban, Bordeaux, Limoges, Poitiers, La Rochelle, Orléans, Tours, Bourges, Moulins, Riom, Rouen, Alençon et Caen. Ces chefs-lieux d’élection sont souvent  devenus des préfectures, tant le quadrillage administratif de l’Ancien Régime s’est révélé durable.

Au nom du Roi, le Conseil, les bureaux à Versailles et les intendants dans les provinces se sont emparés du pouvoir en muselant les institutions provinciales et municipales. Voyant dans l’unité de foi et de doctrine une garantie d’ordre et de stabilité pour son pouvoir, Louis XIV réprima le mouvement janséniste de Port-Royal, et s’opposa au Pape Innocent XI. Le 16 octobre  1685, Louis XIV révoqua l’Édit de Nantes après des années de persécution, dont les tristement célèbres dragonnades qui consistaient à envoyer des régiments de dragons se loger chez les Protestants riches à leurs frais et à convertir de force les populations.

Du coup, le million de protestants français devinrent des criminels s’ils continuaient à pratiquer leur religion. Louis XIV compléta cette répression féroce à l’égard des protestants en déclarant  illégale leur émigration, qui furent malgré tout deux cent mille à fuir la France. Les Provinces-Unies, le Danemark et la Prusse les accueillirent chaleureusement. Ces Protestants immigrés constituaient la preuve vivante de la volonté de puissance hégémonique du royaume de France et de la brutalité du roi.

Voici à ce propos ce qu’écrivit un écrivain anglais, John Evelyn, à propos de cette politique : « La persécution française, sévissant avec la plus extrême barbarie, dépassa même ce que les véritables païens ont conçu, avec la soudaine démolition de toutes leurs églises, le bannissement, l’emprisonnement et l’envoi aux galères de tous les ministres du culte; dépouillant les gens du peuple, leur enlevant leurs enfants ; forçant ces gens à assister à la messe, puis les exécutant comme relaps… »[1] 

 Louis XIV justifiait ses décisions en situant le pouvoir de l’État au-dessus du bonheur de ses sujets, avec la conviction que l’édifice étatique devait être édifié coûte que coûte, y compris au prix du malheur de ses sujets. N’est-ce pas une constante, avec plus ou moins d’énergie, de la politique des gouvernants de la France à travers les âges ?



[1] John Evelyn, Journal, 3 novembre 1685.

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Wikileaks face aux États policiers

10 Février 2011 Publié dans #ACTUALITÉ

Les juges britanniques débattent de l’opportunité d’extrader en Suède Julian Assange, le créateur de Wikileaks. Celle-ci risque d'être le prélude à une autre extradition  vers les Etats-Unis où Julian Assange pourrait encourir la peine de mort pour divulgations de secrets d’État. À ce propos, je vous livre ci-dessous la libre traduction, aussi fidèle que possible, d’extraits de l’article d‘un pacifiste américain publié dernièrement (je ne fournis pas plus de détails à dessein):

wikileaks.jpgLe 16 décembre dernier, j’étais debout dans la neige devant la Maison-Blanche en compagnie des Vétérans Pour la Paix. Moi, je ne suis qu’un vétéran des manifs devant la Maison-Blanche ; J’ai manifesté la première fois en février 1965. À ce moment-là, je distribuais des tracts contre la guerre au Vietnam tout en travaillant encore pour le Département d’Etat et en craignant d’être reconnu. Cinq ans plus tard, je protestais toujours contre la guerre au Vietnam mais je ne travaillais plus pour le Département d’Etat. Puis il y a eu le Cambodge, le Nicaragua et le Salvador. Puis le Panama est devenu une menace contre les Etats-Unis, si bien qu’il est devenu nécessaire de le bombarder. Ensuite il y a eu la première guerre contre l’Irak et les 78 jours consécutifs de bombardements contre la Serbie. Puis l’Irak de nouveau. Puis l’Afghanistan.

Pendant tout ce temps, le bon peuple travailleur de l’Amérique pensait que leur pays oeuvrait pour le bien. Certains pensent encore que nous n’avons jamais déclenché de guerre, et certainement rien qui puisse être qualifié de « guerre d’agression ».

Au cours de cette même journée enneigée du 16 décembre, Julian Assange était libéré de prison à Londres et déclarait aux journalistes qu’il était plus préoccupé par une extradition vers les Etats-Unis que vers la Suède, où il est accusé de crimes « sexuels ». C’est que les Etats-Unis sont devenus la nouvelle Ile du Diable[1]. Un des résidents actuels de cette version moderne de l’Ile du Diable s’appelle Bradley Manning, l’ancien analyste du renseignement US soupçonné d’avoir livré les câbles diplomatiques à Wikileaks. Manning est en détention depuis sept mois, d’abord au Koweït puis dans une base militaire en Virginie. Il risque une peine de prison à perpétuité s’il est jugé coupable.  Actuellement, sans procès, sans jugement, on ne lui autorise qu’un minimum de contacts avec l’extérieur. Il ne dispose que de très peu de lumière. Il n’a pas droit à avoir un oreiller, des draps ou à faire de l’exercice physique. Son sommeil est limité et fréquemment interrompu. Un ami de Bradley  estime que beaucoup de gens sont réticents à faire état de la détérioration physique et mentale de Manning parce qu’ils craignent de subir de la part du gouvernement des Etats-Unis des représailles sous forme de surveillance ou de confiscations d’ordinateurs.

Les Etats-Unis ne sont pas le pire état policier de la planète, mais c’est tout de même un État policier et certainement l’un des plus efficaces de tous les temps. Une étude récente du Washington Post a révélé l’existence de 4.058 organismes « antiterroristes » aux États-Unis, chacun avec ses propres responsabilités et sa propre juridiction.

Si les Etats-Unis réussissaient à mettre la main sur Assange, sous n’importe quel prétexte juridique, cela pourrait bien signifier la fin définitive de sa liberté. Ni les faits qu’on lui reproche, ni ses actions supposées ou réelles, ni même les textes des lois américaines n’auront plus la moindre importance car il n’y a pas de furie plus grande que celle d’un Empire contrarié.

Les documents de Wikileaks ne révéleront peut-être rien qui puisse bouleverser le monde, mais jour après jour ils participent à la lente mais constante érosion de la foi des gens en la pureté des intentions du gouvernement des Etats-Unis, étape indispensable pour surmonter toute une vie d’endoctrinement.

J’ajouterai que le peuple américain a besoin de savoir ce que manigance son gouvernement à travers le monde, parce que son gouvernement se livre à plus d’agressions que tout autre gouvernement, qu’il est continuellement en train de bombarder et d’envoyer des hommes et des femmes pour tuer et se faire tuer. Les Américains ont besoin de savoir ce que leurs dirigeants psychopathes se disent réellement les uns aux autres au sujet de ce bain de sang. Toute bribe d’information pourrait servir comme arme pour empêcher une nouvelle guerre.

Et n’oublions pas non plus que nos glorieux dirigeants nous espionnent en permanence : aucune communication, par téléphone ou courrier électronique, n’est un secret pour eux ; rien dans nos comptes en banque ou dans nos chambres à coucher n’est hors de leur portée s’ils ont envie de savoir.

Nous évoquerons bientôt, en ce qui concerne la France, des conséquences de la loi LOPSSI 2 qui vient d’être adoptée par le Parlement français et qui a été élaborée par Madame Michèle Alliot-Marie.



[1]L'île du Diable est l'une des trois îles du Salut. Elle aurait été baptisée ainsi par les Indiens Galibis qui ont fait de cet îlot rocheux dépourvu de végétation la résidence de l'Iroucan, l'esprit du mal. Elle est longue de 1 200 mètres et large de 400 et elle a servi de bagne pour les prisonniers politiques français et les détenus de droit commun. Parmi les premiers occupants déportés sur l'île, figure Charles Delescluze futur dirigeant de la Commune de Paris. En 1895, la détention d'Alfred Dreyfus lui redonne sa vocation première celle d’un lieu de déportation politique. Ce bagne est fermé en 1946.  

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À regarder le Japon

5 Février 2011 Publié dans #ACTUALITÉ

Prenons un peu de distance avec les événements en cours en Egypte où la machine est lancée sans que l’on sache encore quelle voie elle prendra. Regardons loin à l’Est, là où un pays poursuit sa voie originale, le Japon.

japon.jpgL’image du Japon à l’étranger est celle du déclin. Son PIB  est en effet passé du deuxième au troisième rang mondial en 2010, derrière les Etats-Unis et la Chine. L’attrait pour le Japon décline, des Japonais se rendent en Chine pour faire fortune tandis que l’argent chinois afflue dans l’Archipel nippon. L’expansion chinoise est désormais l’une des plus rapides transformations de l’histoire de l’humanité, mais il reste que pour que les chinois rattrapent le niveau japonais, il faudrait que la Chine maintienne son taux de croissance actuel pendant encore un quart de siècle, puisque le revenu par tête des Chinois ne représente encore en 2010 que 9% de celui des Japonais.

Cette marche forcée de la Chine vers la toute puissance économique n’améliore pas le moral des Japonais qui vivent déjà assez mal la déflation, l’aggravation des inégalités ou la valse des Premiers ministres. La liste des problèmes du Japon est bien connue : vieillissement inéluctable de la population, dette publique énorme, rigidité de l’appareil productif, dépeuplement des campagnes, insuffisance de la couverture sociale…

Pourtant quand on observe la vie quotidienne des Japonais, on voit émerger un autre tableau : l’efficacité et la propreté des transports en commun, le nombre des équipements pour les handicapés, les taxis à la pelle, les supérettes ouvertes 24 heures sur 24, des supérettes où l’on peut, non seulement acheter des produits, mais aussi envoyer des paquets, payer ses quittances ou retirer de l’argent. On voit aussi les stations d’essence où l’on s’empresse autour du client, la multitude et la propreté des toilettes publiques et l’amabilité des commerçants. Des détails que tout cela ? Le Japon réussit aussi à maintenir un des taux de criminalités les plus faibles du monde et c’est toujours  une démocratie solide. Pour renforcer les fondements de cette démocratie, l’Institut Matsushita[1] pour la gestion et le gouvernement (MIGM) a pour ambition de former les dirigeants politiques japonais de demain en permettant à des Japonais non favorisés par la naissance d’accéder au pouvoir. Il ouvre ainsi une nouvelle porte vers la politique dans un pays où il vaut mieux être un bochan, un héritier et si possible aussi un ancien étudiant de l’université Todai(Université publique de Tokyo) pour espérer se faire une place parmi les politiciens en vue.

Le MIGM représente un espoir pour faire évoluer la classe politique au Japon, alors que cette classe politique est perçue comme le point faible du triangle du pouvoir qu’elle forme avec le puissant monde de l’entreprise et la non moins influente administration publique.  

Il faut encore ajouter que le Japon continue à investir dans la Recherche et le Développement auxquels il consacre 3,6% de son PIB contre un peu plus de 2% en France. Le Japon est aussi le pays le plus sobre du monde en matière énergétique. Tout se passe comme si le Japon était en train d’ouvrir une nouvelle voie de développement qui juxtapose et  rassemble deux économies complémentaires : d’un côté, une économie mondialisée qui combine hauts salaires, productivité élevée et croissance et de l’autre coté une économie localisée avec des salaires et une productivité modérées qui permet aux jeunes peu diplômés, aux mères de famille  et aux seniors de trouver un emploi.

En regardant un Japon dont le développement est arrivé à sa maturité, on se demande finalement s’il n’est pas à l’avant-garde des pays développés dans la prise de conscience de la nécessité d’une croissance modeste.

 



[1] L’institut Matsushita a été fondé par Konosuke Matsushita, fondateur de Panasonic. 

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