QU'EST CE QUE LE SALAFISME?
14 Mars 2015 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ
On peut définir le salafisme comme une forme islamique de fondamentalisme religieux, dans la mesure où ses adeptes prônent l’application par les musulmans de ce qu’ils voient comme les fondements de l’Islam.
Le salafisme constitue un islamisme politique, puisqu’il vise à prendre le pouvoir et à fonder un État islamique selon une doctrine fondamentaliste. Cet État islamique se donne en effet pour objectif de restaurer les principes originels de la religion, puisés dans un passé mythique.
Tous les salafismes ont une croyance commune, celle qu’il est possible de conjurer la désunion du monde musulman et son effacement face au monde occidental par le rétablissement des principes fondateurs de l’islam. Le retour à l’exemple des « pieux ancêtres » purifierait l’islam de toute contamination par la pensée du dehors et permettrait idéalement de retrouver la gloire du passé où l’islam était la religion d’un empire hégémonique qui s’étendait des Pyrénées à l’Indus.
Renverser l’ordre établi, ses gouvernements impies, ses mœurs dépravées et son mépris des principes de la religion pour restaurer le modèle paradigmatique de l’umma, la communauté musulmane originelle, tels sont donc les mots d’ordre du salafisme contemporain.
Cette exhortation se fonde en premier lieu sur l’imitation du Prophète à partir, non pas du Coran, mais de sa biographie (sīra) et de ses paroles (adīths), établis entre le VIII et le IXe siècle. La sīra été rassemblée par le petit-fils d’un esclave des Quraysh, Ibn Ishāq (mort vers 767), puis profondément remodelée en Égypte par Ibn Hishām (mort vers 834). Quant aux hadiths, ils constituent un matériau dans lequel les salafistes radicaux puisent leur définition de la sharia, la voie, indiquée par Dieu.
Le salafisme réclame l’application à la lettre des règles contenues dans cette source de la Loi, dans lequel les prédicateurs vont puiser des arguments d’autorité pour justifier l’adoption de normes vestimentaires et corporelles comme le voile féminin ou le port de la barbe, ou l’application de châtiments corporels parfois mortels pour l’adultère, le brigandage ou la consommation de vin. La référence au Prophète justifie la prétention à n’appliquer, en matière de loi, que des normes islamiques immuables, laissant de côté l’effort d’interprétation et de réactualisation (ijtihād) et justifie également l’objectif des salafistes de lutter contre le paganisme des temps modernes, suivant ainsi l’exemple du Prophète qui avait aboli la jāhilīya, le paganisme préislamique.
Lorsque les principes précédents ne sont pas respectés, les salafistes sont prompts à accuser d’infidélité (takfīr) les musulmans qui ne se rallient pas à leur cause et à fortiori les populations non musulmanes. Ce fut d’ailleurs sous l’appellation al-takfīr wa‘l-hijra (« excommunication et hégire ») que les premiers groupes radicaux se détachèrent de la confrérie des Frères musulmans, jugée trop modérée, dans l’Égypte des années 1970.
L’exhortation salafiste se fonde en second lieu sur la référence au temps glorieux des califes « bien guidés », parmi lesquels se détache surtout la figure d’Omar ibn al-Khattāb, l’artisan des premières conquêtes de l’islam, pour évoquer l’époque bénie où l’umma était encore unie, forte et conquérante. À ce mythe de l’unité perdue s’opposent la discorde, la désunion politique et religieuse, appelées fitna.
C’est dans l’œuvre du syrien Ibn Taymiyya (mort en 1328) que le salafisme trouve les meilleurs ingrédients pour nourrir sa rhétorique de l’exclusion et du djihad contre les « infidèles » qui menacent l’islam. Témoin d’un temps où le Proche-Orient, à peine libéré de l’emprise des États latins, subissait le choc des invasions mongoles, ce penseur voyait en effet dans la lutte contre toutes les formes d’hérésie et de désunion qui affectaient l’islam la condition nécessaire d’une réaction face au déclin. Parmi ses fatwas, celles qui autorisaient la guerre contre les Musulmans déviants, en particulier contre les Chiites, ou qui s’en prenaient aux Chrétiens, ont fait l’objet d’une utilisation constante de la part des fondamentalistes musulmans.
C’est donc autour d’un projet d’épuration radicale de l’Islam, visant à le débarrasser de tous les éléments étrangers à la doctrine originelle, que se regroupent les salafistes.
À SUIVRE