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Le blog d'André Boyer

OÙ VA L'IRAN?

11 Septembre 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

OÙ VA L'IRAN?

Le 8 mai 2018, Donald Trump se retirait de l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien, le rendant de fait inopérant. Dénonçant l’Iran comme « Le premier État sponsor du terrorisme », le chef de la Maison-Blanche avait promis d'appliquer « le plus haut niveau de sanctions économiques ».

 

Sur ce point, il a tenu parole, mais l’échec de cette politique de pression est patent dans la mesure où elle avait pour objectif de contraindre le régime iranien à négocier un accord plus contraignant que l’accord de 2015. Néanmoins, Trump espère toujours que l’Iran finira par céder, s’il est réélu. En attendant, il a réussi ce que réussissent toujours les États-Unis, c’est-à-dire à rendre la vie plus difficile aux Iraniens.

Il est vrai que la pression américaine sur l’économie iranienne est forte. L'Iran a fini par reconnaitre que les sanctions américaines avaient quasiment tari les revenus pétroliers, encore qu’il s’agisse peut-être d’une déclaration tactique destinée à détourner l’attention des livraisons restantes. Les échanges extérieurs de l’Iran sont très faibles, contribuant fortement à contracter l’économie du pays. La monnaie iranienne, le Rial, a perdu une grande partie de sa valeur, renchérissant les biens et produits importés. Le taux de chômage a augmenté et plusieurs millions d’Iraniens sont tombés dans la pauvreté.

Ces difficultés économiques n’empêchent pas le gouvernement iranien de développer ses technologies militaires, même s’il est freiné par les actions de sabotage principalement menées par Israël. Ainsi ce dernier a probablement détruit en juillet dernier un centre de construction de centrifugeuses pour l’enrichissement de l’uranium, auquel l’Iran a répondu en construisant de nouvelles installations.

En outre, l’Iran a lancé en avril un satellite militaire «Nour» (Lumière» en persan) qui orbite autour de la Terre à 425km d’altitude et il a développé un radar d’une portée de plusieurs milliers de kilomètres adapté aux drones à longue portée et aux missiles balistiques de précision. On peut aussi mentionner l’attaque conduite par les Houthis contre les raffineries saoudiennes qui a démontré la capacité des drones iraniens à se jouer des défenses anti-aériennes mises en place par les États-Unis

Tout récemment, avec 2100 kilogrammes d’uranium, l’Iran a accumulé un stock dix fois supérieur à la limite fixée par l'accord de Vienne signé en 2015, ainsi que l’a constaté l’inspection de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Mais la République islamique a toujours indiqué que, si ses partenaires ne l’aidaient pas à contourner les sanctions américaines, elle reprendrait l'enrichissement d'uranium, de manière toutefois transparente et contrôlée. L’Iran veut ainsi montrer qu'il n'est pas d'accord avec la situation actuelle et qu'il ne se laisse pas faire.

Après l’assassinat, le 3 janvier dernier, du général iranien Qassem Soleimani ordonné par Trump, le conflit se poursuit, essentiellement mené sur l’initiative des États-Unis et la plupart du temps au mépris du droit international. Ainsi, au cours de l’été, les États-Unis ont saisi en pleine mer la cargaison de quatre tankers transportant du pétrole iranien destiné au Venezuela.

Cependant la volonté des États-Unis de s’affranchir de toute règle a eu des effets négatifs, lorsque, à la suite d'une notification des États-Unis à l'ONU visant à rétablir des sanctions internationales contre Téhéran, 13 membres du Conseil de sécurité sur 15, sauf les États-Unis et la République Dominicaine, ont écrit à la présidence indonésienne pour rejeter sa validité, du fait que Washington ne faisait plus partie depuis 2018 de l'accord nucléaire conclu en 2015. Les États-Unis ont essuyé un deuxième échec lorsque le Conseil de Sécurité a également refusé d'enclencher le mécanisme de « snapback » prévu dans l'accord de 2015 destiné à rétablir toutes les sanctions contre l'Iran.

Les États-Unis ont enfin tenté récemment d’ériger un rempart économique et militaire contre l'Iran au Moyen-Orient, en persuadant les Émirats arabes unis de signer un accord avec Israël, qui cache essentiellement un accord défensif contre l’Iran. 

De son côté, l'Iran met en place une stratégie fondée sur l’isolement des Américains sur la scène internationale. Il s’agit de montrer que le régime est capable, à la différence des Américains, de tenir ses engagements et de répondre à un geste positif par un autre. Il s’y ajoute l’incertitude de la prochaine élection américaine. Toute cette bonne volonté, si le candidat démocrate Joe Biden est élu, pourrait aboutir à la fin progressive des sanctions économiques qui asphyxient l'Iran depuis deux ans.

En revanche, si Donald Trump est réélu, les sanctions perdureront. Or le régime ne peut se projeter dans le temps en promettant à la population un chômage permanent, une récession systématique et une politique de restriction des libertés publiques. L’Iran se prépare donc à cette éventualité en réduisant sa dépendance future vis-à-vis des États-Unis pour se rapprocher de la Chine. La signature du Lion-Dragon Deal en 2019, qui promet 400 milliards de dollars d'investissements chinois en Iran sur vingt-cinq ans, va dans cette direction. 

Au final, l’Iran n’a pas accepté de céder aux pressions américaines. Affaibli économiquement, il occupe en revanche une position inexpugnable au Moyen Orient fondée sur l’arc chiite et sur le ressentiment populaire à l'égard des actions américaines. En outre, l’avenir penche plus en sa faveur, du fait de sa population nombreuse et éduquée, que de celle de la coalition arabe dont il ne restera plus grand-chose lorsque l’exploitation du pétrole deviendra moins déterminante pour les revenus de sa population.

 

La politique de Trump, si elle se poursuit aura pour effet de pousser l'Iran vers une alliance avec la Chine. Aussi le pur réalisme commande t-il aux États-Unis de réintégrer pleinement l’Iran dans la communauté internationale. Si la lucidité manque pour y parvenir rapidement, les rapports de force l’imposeront un peu plus tard.

 

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