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Le blog d'André Boyer

La BNP au pays des Bisounours

2 Août 2014 Publié dans #ACTUALITÉ

Après le Crédit Lyonnais, la BNP vient de perdre une fortune aux Etats-Unis tandis que ses cadres s’en tirent avec quelques égratignures d’amour propre.

Bisounours.jpg

Les responsables de ces bévues, de ces erreurs stratégiques, de ces faux en écriture semblent en effet s'en tirer à bon compte. Certains ont été sanctionnés par la BNP avec des rétrogradations et des réductions de salaire et certains hauts gradés ont été poussés dehors. Mais aucun n’a subi la moindre sanction pénale. Seuls les actionnaires, les employés et les clients de la banque sont censés supporter le poids de leurs méfaits.

Ne vous inquiétez pas, nous répondent-ils, la BNP Paribas est rentable, elle est bien capitalisée et liquide; elle peut payer l'amende sans faire appel aux marchés financiers ou voir ses ratios prudentiels glisser au-dessous des niveaux acceptables.

D’ailleurs la banque a immédiatement acté une charge de 5,8 milliards d’Euros (7,9 milliards de dollars) qui s’ajoute aux 1,1 milliards de dollars qu'elle avait déjà provisionnés et elle va geler le niveau de ses dividendes au niveau de ceux de l'an dernier, pas même le baisser. Le résultat est que le cours de l’action BNP est encore aujourd’hui au-dessus de celui de l’année dernière.

On hésite entre « passez muscade ! » et « tout va très bien, Madame la marquise ! ». 8,9 milliards de $ disparaissent des comptes de la BNP sans aucune conséquence pour personne ? Nous voilà embarqués dans un monde enchanté où la fée BNP serait dotée d’une baguette magique, dont on aimerait qu’elle serve quotidiennement à aider les 63452 entreprises françaises qui ont fait faillite l’année dernière, faute de crédits.

Naturellement, il s’agit d’un leurre. La Banque de France a fait savoir qu’une aussi forte amende appliquée à la grande banque européenne qu’est la BNP pourrait nuire au système financier mondial tout entier. En effet, le plaider coupable de la BNP peut conduire certains pays à lui retirer sa licence bancaire et certains clients à changer de banque. De plus, son exclusion du système de compensation en dollars pour un an sur une grande partie de ses activités, la forçant à effectuer les transactions par l’intermédiaire d'autres banques, est un coup dur pour une banque qui joue un rôle clé dans le commerce international.

Mais il s’agit, maintenant que le mal est fait, de cacher la poussière sous le tapis.

Logiquement et déontologiquement, le gouvernement français et les autorités européennes devraient demander des comptes aux dirigeants de la BNP et les inculper de faux en écritures et de tentatives de fraude. Ils se sont en effet comportés comme de vulgaires tricheurs, comme le présente le rapport américain contresigné par les dirigeants de la BNP (point 22 du rapport des inspecteurs que je joins en annexe et que je vous conseille de parcourir) :

« Pour éviter que ses transactions soient identifiées et bloquées par des banques américaines, BNPP se mit d’accord avec les Entités Sanctionnées dès 2002 et jusqu’en 2007 pour ne pas mentionner leurs noms dans les transactions en dollars US effectuées aux États-Unis. Par exemple : « en raison de l’embargo américain contre le Soudan, veuillez [débiter notre compte en dollars US] sans mentionner notre nom dans votre ordre de paiement » et « transférez la somme de 900 000 dollars US… sans mentionner notre nom – je répète sans mentionner notre nom dans le code d’identification bancaire aux États-Unis ». Ces messages de paiement portaient fréquemment des tampons de salariés de BNPP marqués « ATTENTION: EMBARGO AMÉRICAIN ».

Des dirigeants qui étaient à la fois si peu regardants qu’ils travestissaient les opérations et si stupides qu’ils ont pris le risque de faire perdre 8,9 milliards de $ à la BNP ne devraient plus la diriger. C’est le moins que l’on puisse exiger du Conseil d’Administration de la BNP, comme on doit s’étonner qu’aucun juge ne songe à inculper ces mêmes dirigeants de faux en écritures. On a pourtant condamné Jérôme Kerviel pour ces mêmes dissimulations et des pertes moins importantes au détriment de la Société Générale …

Mais il est bien possible que le régulateur bancaire suisse supplée les autorités françaises. Il a en effet indiqué qu’il allait examiner de plus prés les opérations de Genève de la banque ainsi que les conversations entre les clients et les responsables bancaires cherchant à limiter les dégâts provoqués par leurs actes. Ce ne serait pas la première fois que les autorités suisses osent agir à la place de leurs homologues français…

Il reste que faire semblant de croire que les dirigeants de la BNP sont des victimes innocentes de la vindicte américaine est, à mon avis, une grande faute. Car, en occultant leur responsabilité, on semble vouloir démontrer qu’en France, il suffit d’être du bon côté du manche pour échapper à toute sanction ce qui n’est pas de nature à améliorer le moral des entrepreneurs.

FIN

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