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Le blog d'André Boyer

L'Etat royal menacé par le protestantisme

5 Janvier 2011 Publié dans #HISTOIRE

Contrairement à ce que l’on retient généralement de François 1er, sa magnificence ou la fameuse bataille gagnée de Marignan en 1515, François 1er a été un roi assez catastrophique pour la France et les Français : défait à Pavie en 1525 et prisonnier de Charles Quint, il signe le traité de paix de Madrid le 14 janvier 1526. Il le fait au prix de la vente d’une partie du Trésor du Royaume, du doublement de la taille, du renoncement à ses ambitions territoriales et de la livraison en otage de ses deux garçons aînés, âgés de 9 et 7 ans, qui se morfondront plusieurs années dans une forteresse. Et à peine est-il libéré qu’il relance la guerre contre Charles-Quint en s’alliant avec les Protestants allemands et le sultan Soliman le Magnifique !

Francois_Dubois_001.jpg

Après son décès en 1547, les affaires de la France ne s’arrangent guère, au contraire. C’est l’époque de l’avènement du protestantisme et du combat qu’engagent les rois de France pour le contenir et l’expurger de leur royaume. 

De 1547 à 1610 règnent successivement cinq rois, Henri II, François II, Charles IX, Henri III et Henri IV. Fils de François Ier, Henri II hérite du plus puissant et du plus riche royaume européen, dont la cohésion contraste avec l’hétérogénéité de l’Empire des Habsbourg et la multiplicité des petits États allemands et italiens. Il en profite pour continuer la guerre contre Charles-Quint jusqu'à ce que les troupes française subissent l’écrasante défaite de Saint-Quentin et qu'il soit contraint de signer le traité de Cateau-Cambrésis (1559) qui ferme la porte de l’hégémonie du Royaume de France sur l’Europe pour un siècle.

Pendant ce temps, les nécessités militaires ont entraîné la multiplication, comme d’habitude en France, des impôts et des emprunts onéreux. Le peuple est mécontent, comme toujours et avec raison. Cela deviendra une constante, y compris de nos jours. Le protestantisme a fait son apparition politique en France sous le règne de François Ier avec l’affaire des placards : dans la nuit du 17 octobre 1534, de petites affiches, des « placards » contre la messe catholique furent apposés en plusieurs endroits, y compris sur la porte de la chambre du Roi au château d’Amboise. Le roi s’emporta contre ce qu’il considérait constituer un crime de lèse-majesté et ordonna des persécutions. Des bûchers s’allumèrent, des martyrs y souffrirent la mort.

C’est que les rois de France sentent bien que leur pouvoir est en danger car les Protestants contestent les fondements religieux du pouvoir royal, exigent plus de libertés locales et instillent dans les esprits le dangereux ferment de la liberté des consciences. C’est pourquoi le protestantisme a été combattu par tous les rois de France, y compris Henri IV, et finalement extirpé du royaume par Louis XIV.

Vers 1560, la France comptait environ dix pour cent de protestants que l’on retrouvait plutôt chez les artisans, les bourgeois et les nobles que chez les paysans. De  plus en plus de grandes familles aristocratiques se convertissaient au protestantisme. La tension entre les Catholiques et le pouvoir royal d’une part, les nobles et les bourgeois protestants d’autre part, atteignit son paroxysme en 1562 lorsque se produisit un soulèvement général des Protestants qui prirent le contrôle de nombreuses villes.

C’est le 18 août de la même année que fut déclenché le massacre de la Saint-Barthélemy dont Charles IX accepta officiellement la responsabilité. Ce faisant, il détruisit l’image d’un roi protecteur de l’ensemble de ses sujets et sonna le début des guerres de religion qui durèrent trente ans. C’est alors que se développa la revendication d’un pouvoir local capable de faire front face à l’autorité du roi, que s’organisa une union des provinces protestantes du Midi, que fut publié le « Franco Gallia » de François Hotman qui contestait la « puissance absolue, excessive et infinie » des rois, et que la France bascula dans l’anarchie, partagée qu’elle était entre ligueurs catholiques et forces protestantes.

Finalement, lorsque tous les protagonistes du conflit furent suffisamment épuisés pour aspirer à la paix, Henri IV parvint à se faire sacrer roi en 1594 en abjurant la foi protestante. Il entreprit la reprise en main du royaume en s’appuyant sur les trois forces politiques en présence, le parti protestant, les catholiques royalistes et les catholiques ligueurs qui étaient toutes trois convaincues que la paix devait revenir afin que les affaires reprennent et que seul Henri IV pouvait incarner ce consensus.

Le retour du pouvoir royal, en dehors des mesures de rétablissement des finances, se traduisit aussitôt par l’alourdissement de son emprise sur les richesses du pays. L’administration du royaume envoya systématiquement des commissaires du roi, les ancêtres des intendants : la monarchie centralisatrice s’installa et les paysans furent écrasés de charges. Tandis que le discours idéologique de l’époque distillait l’image du paysan trouvant chaque dimanche sa « poule au pot », l’ambassadeur anglais Carew écrivit en 1609 : « On tient les paysans de France dans une telle sujétion qu’on n’ose pas leur donner des armes [...]. On leur laisse à peine de quoi se nourrir. ». Comme toujours, l’alourdissement de la fiscalité ne permit pas d’obtenir un redressement financier de l’Etat, d’autant plus qu’Henry IV se hâta d’accroître les dépenses militaires.

 

Heureusement pour sa postérité, Henri IV finit par se faire assassiner le 14 mai 1610 au moment où il s’apprêtait à reprendre la guerre contre l’Espagne. L’histoire officielle s’est servi de cet assassinat afin de lui octroyer l’image d’un roi consensuel et martyr plutôt que celle d’un roi guerroyeur et affameur, image qui lui correspondrait plutôt mieux que la précédente.

 

 

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A
<br /> <br /> Merci de me mettre sur la piste d'Henri III! Ce qui est curieux, c'est la manière dont le mérite des Rois tels que François 1er ou Henri IV est fabriqué à notre usage et comment leurs immenses<br /> défauts sont occultés. Ma thèse est que les Rois centralisateurs sont considérés comme de bons rois, parce qu'ils sont les précurseurs de notre système de pouvoir actuel.  <br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> Merci de votre article qui déboulonne enfin François Ier et surtout Henri IV de leurs piédestals où jamais ils auraient dû être placés... Dommage que vous omettiez Henri III, roi fascinant, qui<br /> tenta de rétablir la situation et y parvint quasiment en 1585, avant que les appétits de pouvoir de Navarre et des Guise ne replongent la France dans la guerre civile.<br /> <br /> <br /> <br />
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