Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog d'André Boyer

Travailler dans une entreprise francaise

15 Décembre 2011 Publié dans #ACTUALITÉ


Certains disent que les employés français sont fainéants, d’autres qu’ils sont particulièrement productifs. Ce qui ne va pas, à coup sûr, ce sont les rapports hiérarchiques qui expliquent nombre de dysfonctionnements dans les entreprises et les administrations.

Parachute.jpegChaque année, Sophie de Menton organise un événement appelé « J’aime ma boîte » à Paris. Son principe consiste à combattre l’idée reçue que les Français n’aiment pas leur travail. Le malheur, c’est que cette manifestation tombe souvent à plat : En 2007, une grève nationale a interrompu la fête et en 2009 une série de suicides chez France Télécom a gâté l'ambiance. Les sondages contredisent aussi le volontariste « J’aime ma boîte », puisque l’un d’entre eux nous indique que cette année seulement 64% des personnes interrogées déclarent indiquer qu’elles « aiment leur boîte », contre 79% en 2005.

Nous avons d’autre part une bonne indication du rapport frondeur des employés français avec leur entreprise lorsque nous apprenons que des employés de GDF-Suez ont recouvert les fenêtres de leurs bureaux du siège social de leur entreprise avec de grands panneaux couverts de Post-it qui représentaient Tintin. C’est ce qui a incité les employés de banque de la Société Générale, dont le siège se trouve en face de celui de GDF-Suez à la Défense, à répliquer par une image d'Astérix et Obélix qui s’étalait sur six étages. Les patrons de ces deux entreprises n’ont pas vraiment apprécié... 

Peut-on en conclure que les employés français sont simplement  des paresseux ? Le  livre polémique « Absolument Dé-bor-dée! » décrit comment les fonctionnaires des collectivités locales essaient d’en faire le moins possible. Un autre livre, intitulé  « Bonjour Paresse » écrit par l’économiste Corinne Maier, explique comment cette dernière est parvenue à ne rien faire du tout au sein d’EDF, tout en étant un cadre bien rémunéré.

Ces deux livres laissent plutôt penser que les employés français sont moins fainéants que mal gérés. Au plan de leur rapport au travail, il semble au contraire, selon un rapport récent publié  par le Forum économique mondial, que les Français aient une éthique de travail beaucoup plus élevée que celle des Américains, des Britanniques ou des Néerlandais.

De plus, les employés français sont en général satisfaits de leur travail, tout en exprimant un profond mécontentement quant à la manière dont ils sont gérés dans leurs entreprises ou administrations. Selon une étude de 2010 publiée par BVA, un tiers seulement des travailleurs français déclarent qu'ils ont des relations amicales avec leurs supérieurs hiérarchiques, contre les deux tiers des employés américains, britanniques et allemands.

Cela provient sans doute des méthodes particulières de management des entreprises françaises. La grande majorité des dirigeants de grandes entreprises proviennent en effet de quelques grandes écoles, comme Polytechnique, l’ENA ou HEC. Leurs diplômés sont souvent « parachutés » à la tête des grands groupes français. Par exemple, Air France KLM a annoncé le mois dernier l’arrivée, on devrait plutôt écrire le parachutage, d’un nouveau directeur général, Alexandre de Juniac, arrivant de la Lune ou plus exactement de l’ex-cabinet de Christine Lagarde, l’ancienne ministre des Finances et pas du tout du sérail de l’entreprise.  

Certes, l’entrée dans les grandes écoles s’effectue à l’issue d’un concours difficile, mais la récompense en est exorbitante : toute sa vie, on est « sorti » de Polytechnique, ce qui vous donne des droits imprescriptibles à diriger vos prochains dans les administrations et les grandes entreprises françaises. Il arrive couramment que des concurrents pour un poste se jettent à la figure leurs classements respectifs à l’entrée de leur école, classement intervenu des dizaines d’années auparavant, comme c’est intervenu récemment dans une grande banque française par un cadre supérieur évincé d’un poste qui contestait la nomination de son rival au motif que son classement au concours d’entrée à Polytechnique était meilleur que celui de son rival !

C’est cette fermeture que dénonce l’économiste Thomas Philippon dans « Le Capitalisme d'Héritiers » (2007). Pour lui, trop de grandes entreprises françaises sont dirigées par les élites  issues des grandes écoles plutôt que par des cadres promus en interne en raison de leur efficacité au travail. Si, pour les entreprises familiales françaises, on y ajoute que les possibilités de promotion  sont bloquées par les membres de la famille, on observe en France un manque global de mobilité ascendante qui participe fortement  à l'insatisfaction constatée des cadres français. Une étude de la TNS Sofres (2007) a ainsi montré que la France se distinguait des autres grandes économies par le manque d’implication vis-à-vis de l’entreprise de ses cadres intermédiaires comme de ses employés. Ces mauvaises relations entre les managers et les employés peuvent avoir un effet important sur la productivité.

En effet, les entreprises françaises sont fortement hiérarchisées et ne connaissent guère la notion d’« empowerment». De plus, il s’est produit récemment un changement négatif dans le management des entreprises françaises puisqu’un diplômé de grande école aurait travaillé dans la production avant de rejoindre le siège, il y a seulement quinze ans. Maintenant, beaucoup viennent au siège à partir de la finance ou de la stratégie.

Il existe cependant des exceptions, comme celle de Danone qui s’efforce de promouvoir les cadres en se fondant uniquement sur leur compétence ou celle d’Alcatel-Lucent qui encourage le télétravail, ce qui est encore rare en France car il implique de faire confiance aux employés.

Il reste aux dirigeants français issus des Grandes Écoles à se faire hara-kiri en promouvant les cadres issus du rang… 

À partir d’un article de « The Economist » du 19 novembre 2011

Alexandre Begougne de Juniac est né le 10 novembre 1962 à Neuilly-sur-Seine.

Formation :

École Polytechnique (entrée en 1981).

ENA (1988, promotion « Michel de Montaigne »)

Parcours professionnel :

Auditeur au Conseil d’État (1988, 26 ans)

Maître des Requêtes (juillet 1991, 29 ans)

Conseiller technique (1993-1994, 31 ans) puis directeur adjoint, chargé des questions relatives à la communication au cabinet de Nicolas Sarkozy au ministère du Budget.

Diverses fonctions de direction au sein de Thomson SA (1995) et de Thalès 1998-2009). 

Directeur de cabinet (2009-2011, 47 ans) de Christine Lagarde, ministre de l'Économie, de l'Industrie et de l'Emploi.

Directeur général d'Air France-KLM et président-directeur général d'Air France (octobre 2011, 49 ans).

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article