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Le blog d'André Boyer

LE DEVOIR D'ÊTRE LIBRE

3 Février 2024 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LE DEVOIR D'ÊTRE LIBRE

Ce mal politique qu'est la servitude a de fortes conséquences, car il corrompt la vie sociale et les structures socio politiques du pays soumis à la tyrannie.

 

La Boétie décrit le tyran, qui veut "compter sa volonté pour raison", entouré par un essaim malfaisant, car il voit dans la structure sociale de la tyrannie "le ressort et le secret de la domination".

Le mal politique se répand par strates. Cinq ou six ambitieux, ancrés auprès du despote, se font directement complices de ses méfaits ; ces six contaminent bientôt six cents personnes dociles et intéressées, et celles-là six mille qui, flattées d'obtenir le gouvernement des provinces ou le maniement des deniers, tiennent pour le tyran, de proche en proche, tout le pays en servage.

Le pouvoir de la tyrannie ne dépend donc pas tant du prestige du tyran que de l'inertie morale de tous ceux qui se laissent séduire par six mille tyranneaux mus par l'ambition. On les voit, dépourvus de probité, cupides jusqu'à la turpitude, "le visage riant et le cœur transi", complices actifs d'un régime qui sème le désastre. Ainsi la perfidie du tyran consiste-t-elle à "asservir les sujets les uns par les moyens des autres".

Devant le "gros populas" abêti, voilà le tyran qui s'égale à son Dieu et les rois de France qui se déclarent de "droit divin", comme ose l'écrire La Boétie.

Mais voilà aussi le tyran qui doit se garder de tous ceux qui le gardent. Le voilà condamné à mort, du fait des ambitions et des veuleries qu'il a laissé s'installer sous lui.

Cependant La Boétie ne voit pas dans le meurtre du tyran le remède à la tyrannie. Même si elle pourrait apparaitre comme le juste châtiment des méfaits du tyran, elle ne serait pas une délivrance. Un tyrannicide n’est que pure violence contre le sommet d’une pyramide de tyranneaux dont l’un d’entre eux sera toujours prêt à prendre la place et la servitude risque fort de s’accentuer encore.

Pour La Boétie, il n’y a de justice que dans la paix, et il n’y a de paix que dans la légalité. Si le régime est mauvais, il faut le réformer dans les seules voies du droit. Ce principe, il le respectera toute sa vie. 

Pas de violence. La liberté du peuple est à chercher dans le pacte tacite qui le lie au prince. Il suffit de délier ce pacte : « que le peuple ne consente à sa servitude ; il ne faut pas lui ôter rien, mais ne lui donner rien ». La résistance passive restaure la valeur du politique : « soyez résolus de ne le servir plus, et vous voilà libre ».

La Boétie n’écrit pas un manifeste républicain ou anarchiste. Il s’appuie, avec deux siècles d'avance par rapport aux Lumières, sur une idée contractuelle du politique qui octroie des pouvoirs au prince pourvu qu'il respecte les devoirs qu’il a vis-à-vis de ce peuple qui lui a accordé sa confiance.

Quant au peuple, il a, en même temps, le droit et le devoir de faire respecter le contrat qui le lie au prince : « nous ne sommes pas nés seulement en possession de notre franchise, mais avec affectation de la défendre ».

Malheureusement, l'homme a une propension à la passivité qui doit être secouée. Pour cela, il faut l'éclairer par une prise de conscience et un effort critique, non l' ensevelir sous des monceaux de propagande.

La Boétie n'est donc pas un quelconque utopiste qui dénonce la tyrannie. Il soutient qu'il faut éduquer le peuple autant que les princes. Car la libération du peuple, loin de passer par la révolte violente, nait dans la résistance passive du plus grand nombre, assistée par la diplomatie des gens sages.

Son Discours prépare à l'avènement de la citoyenneté et exprime la confiance que place La Boétie en la nature humaine et l'importance du devoir confié à l'homme, au sein de l'État, de préserver sa nature originaire: l'humanité est une valeur que tout homme, sous peine de se nier en demeurant passivement dans les chaines, doit vouloir et savoir défendre.

La Boétie est cet esprit libre qui, l'un des premiers, proclame qu'il est grand temps de lever l'hypothèque des totalitarismes qui condamnent les peuples à une servitude nihiliste.

 

Il est le premier des Modernes.  

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