Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog d'André Boyer

ENVAHIR L'ANGLETERRE, UNE EXTRAVAGANCE?

14 Mars 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

LE COMTE D'ORVILLIERS APRÉS LA BATAILLE D'OUESSANT

LE COMTE D'ORVILLIERS APRÉS LA BATAILLE D'OUESSANT

D’Estaing revient à Brest et Toulon entre octobre et décembre 1779. Le bilan de sa campagne, quoique contesté, n’est cependant pas négligeable.

 

Les pertes infligées à l’Angleterre par sa flotte ne sont pas  négligeables: six frégates, détruites ou brulées, douze corvettes détruites, dix navires de guerre, quatre corsaires et cent six navires de commerce capturés. En outre, l’Espagne, constatant la bonne tenue de la Marine Royale, décide logiquement d’entrer en guerre contre l’Angleterre en 1779.

Cette entrée en guerre de l'Espagne s’accompagne aussitôt d’une divergence d’objectif entre les deux alliés. Madrid veut débarquer en Angleterre tandis que les Français renâclent, alors même que  les Anglais ont dispersé leurs escadres sur toutes les mers, ce qui rend possible une invasion franco-espagnole sur les côtes britanniques qui permettrait de conclure la guerre rapidement.

Ce refus français provient d’une erreur stratégique profonde du roi et de Vergennes qui n’ont pas pris conscience que l’Angleterre est le seul ennemi irréconciliable de la France, ce qui les conduit invoquer la nécessité de préserver « l’équilibre européen », en d’autres termes à préserver la puissance anglaise.

Vergennes déclare ainsi à son secrétaire : « Je pourrais annihiler l’Angleterre, que je m’en garderai comme la plus grande extravagance » ! Une « extravagance » qui aurait assuré la prééminence séculaire de la France sur l’Angleterre et la récupération de l’Inde et du Canada. Le monde aurait été durablement changé, jusqu’à aujourd’hui, par cette « extravagance ». Une convention d'alliance est toutefois signée entre la France et l’Espagne le 12 avril 1779 en vue d’un débarquement en Angleterre, alors que les désirs du roi et de son ministre consistent à ne pas respecter cette convention !

A Versailles, il existe en outre une profonde méfiance vis-à-vis de la marine espagnole qui comprend  soixante-quatre vaisseaux en bois de cèdre de La Havane, très solides mais très lourds,  donc lents et peu manœuvrants, avec des gréements fragiles et une artillerie composée de pièces de plus faible calibre que les navires français et anglais. De plus, nombre de ces canons s'enrayent au bout de quelques dizaines de coups et les officiers comme les matelots manquent d'entrainement.

La France s’est engagée à aider les Espagnols à reconquérir Gibraltar, Minorque et la Floride. Les Espagnols insistent pour commencer l’invasion de l’Angleterre. Le plan prévoit que les deux flottes doivent se rejoindre au large de la Corogne pour tromper l’ennemi,  puis forcer le passage dans la Manche et couvrir le départ d’une armada de 400 navires de charges portant 40 000 hommes, avec chevaux et artillerie au départ du Havre et de Saint-Malo, avec un débarquement prévu dans l’île de Wight.

Les opérations devaient commencer à la mi-mai, mais il y a comme toujours de nombreux aléas. La jonction des deux flottes ne s’opère que le 22 juillet, la coordination s’avère logiquement difficile. Au large d’Ouessant, la situation sanitaire de l’escadre française se dégrade.  Du coup, Versailles change de plan et donne ordre à l’amiral d'Orvilliers de se porter sur les côtes de Cornouailles, le débarquement devant se faire à̀ Falmouth. Le 16 aout, la flotte franco-espagnole mouille enfin devant les côtes anglaises. L’amiral anglais Charles Hardy n’a que trente-sept vaisseaux à opposer aux soixante-six vaisseaux franco-espagnols et se contente d’harceler la flotte combinée avant de se replier dans la baie de Plymouth.

Alors que la Manche est libre, l’état sanitaire de la flotte française s’aggrave :  sur les 28 000 hommes embarqués, on déplore 8 000 malades. D'Orvilliers, affecté par la mort de son fils emporté par l’épidémie, est remplacé par son second, le comte du Chaffault.

 

Entre-temps, l’escadre espagnole, épuisée, s’est repliée sur ses ports et le 11 septembre, les vaisseaux français doivent se résoudre à rentrer sur Brest à leur tour, avec des équipages exsangues qui n’ont pas combattu pendant trois mois de vaines manœuvres.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article