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Le blog d'André Boyer

Le syndrome guadeloupéen

7 Mars 2009 Publié dans #ACTUALITÉ

Il ne me paraît généralement pas bon d’écrire un article à chaud. Dans le cas guadeloupéen, je pense l’inverse, parce que les tares du système franco guadeloupéen sont provisoirement étalées devant nos yeux, avant qu’on ne les escamote. Regardez bien les différentes couches, vous allez comprendre :

-       Une couche étatique : le 4 février, le LKP avait exposé au secrétaire d'Etat à l'outre-mer, Yves Jego, un cahier de doléances dont la plupart des revendications sont aujourd'hui satisfaites.
Le 8 février au matin, après vingt heures de négociations, un préaccord avait été trouvé entre le patronat et le collectif LKP (qui veut dire Collectif contre l'exploitation outrancière) sur une hausse des bas salaires. Il était prévu que les 80 000 salariés du privé devraient recevoir 200 euros pour les salariés percevant jusqu'à 1,6 fois le SMIC et  3% d’augmentation pour les mieux rémunérés. Le patronat était d’accord à condition que l’Etat mette une centaine de millions d’Euros dans la balance. Mais un peu tard, le Ministre s’apercevait qu’il restait un blocage sur « les modalités techniques et juridiques, ainsi que le montant financier de mise en œuvre d'un accord salarial interprofessionnel ». En d’autres termes, il était désavoué. Le soir, Yves Jego quittait précipitamment l’île, déclarant, bagages à la main, « Mon départ n'est pas un abandon, je fais un saut à Paris et puis je reviendrai avec des propositions concrètes. » Jusqu'ici, il n’est jamais revenu. Prés de quatre semaines plus tard, un discours du Président de la République, l’île bloquée mais des crédits bien plus importants débloqués, l’Etat parvient au même accord, en plus cher.

Première leçon : mépris des gens, incapacité de négocier, gâchis matériel, peur panique de l’émeute, ces gens à la tête de notre Etat sont-ils des responsables à qui vous confieriez sans hésiter votre sort ? Ce sont pourtant eux qui prétendent gérer nos intérêts…

- Une couche démocratique : le Président apparaît, il annonce toute une série de mesures nouvelles en faveur de la population guadeloupéenne, mise en place du revenu supplémentaire temporaire d’activité, revalorisation des actions pour les entreprises et l’emploi, abondement du fonds exceptionnel d’investissement, prime de 200 Euros, service militaire adapté, billets d’avions à prix réduit, revalorisation de l’action logement, mesure de relance du logement social, aide aux intrants et aux extraits, soutien aux personnes âgées et aux personnes handicapées, augmentation de 20% de la prestation de restauration scolaire,   pour un total de 847,9 millions d’Euros (notez la précision illusoire du chiffre). C’est lui qui a décidé ? il n’y a plus de Parlement en France, ou bien il vote automatiquement ce que décide le Président? si c'est la deuxième réponse qui est la bonne, alors qui nous représente, nous les citoyens ? le Président tout seul? Dans ce cas à quoi sert le Parlement ? le Conseil d'Etat ne serait-il pas suffisant? 

Deuxième leçon : si nous l’avions oublié, c’est le moment d’observer à quel point le Parlement français n’est qu’une simple chambre d’enregistrement.

- Une couche sociétale : et maintenant que va t-il se passer ?

Bien sûr le même accord va être étendu aux autres départements d’outre-mer. Des personnes avec de bas salaires vont voir leurs salaires augmenter. Du côté de la métropole, la charge va s’alourdir. Pour payer l’effort qui vient d’être décidé par le chef de l ‘Etat, chaque contribuable français va consacrer en moyenne l’équivalent d’un plein d’essence ou d’un bon repas  annuel. Une générosité obligatoire qui s’ajoute aux 5000 à 8000 Euros (Le chiffre est forcément imprécis, dans la mesure où l’Etat français cache soigneusement le coût budgétaire des DOM) que reçoit chaque année chacun des habitants des îles de la part des contribuables français. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cet argent déversé contribuera à détériorer encore un peu plus la situation des îliens. Tout d’abord l’attractivité de l’île a fortement diminué. Qui a envie de prendre ses vacances au milieu d’un piquet de grève potentiel ? Ensuite les coûts vont augmenter avec l’accroissement des charges, y compris les prix que l’on voulait bloquer. Le nombre de chômeurs aussi, pour les mêmes raisons. La population active en Guadeloupe est de 160000 personnes, dont 50% de fonctionnaires. Les premières estimations prévoient la disparition d’un millier d’entreprises et  de dix mille emplois sur les 80000 emplois du secteur privé. La structure de l’emploi sera d’ici peu la suivante : 50000 employés dans le privé, 40000 fonctionnaires et 30000 chômeurs. 

Troisième leçon : les guadeloupéens représenteront une charge encore plus importante pour la métropole à l’avenir et, oh paradoxe apparent, ils seront encore plus malheureux qu’aujourd’hui.

-       Une couche de prospective : dans la logique actuelle du couple que forme le LKP et l’Etat, il n’y aura bientôt plus que des fonctionnaires, des personnes assistées et quelques commerçants pour les servir. Je suggère que l’on nationalise aussi les commerces pour éviter tout affrontement à l’avenir. L’ennui, c’est que, quelque part, des gens doivent produire des marchandises et des services pour permettre à la Guadeloupe de fonctionner en circuit fermé. Pourquoi faire ? parce que l’ile confèrent aux dirigeants de la République Française un statut de grande puissance. Pas pour leur bien être, ni celle des guadeloupéens, ni celles des citoyens de la métropole.

Quatrième leçon : tant que les citoyens de ce pays accepteront que leurs dirigeants se préoccupent plus du statut de la France que de leur bien être, la situation perdurera…




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