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Le blog d'André Boyer

L'indignation l'emporte sur la repression

16 Janvier 2011 Publié dans #ACTUALITÉ

Ce qui vient de se passer en Tunisie est un événement du même ordre que celui qui s’est déroulé en 1989 et qui a abouti à la chute du Mur de Berlin. On ne sait pas encore s’il restera localisé et sans lendemain ou s’il provoquera une onde de choc qui touchera les régimes similaires comme la chute du Mur de Berlin a provoqué un changement majeur en Europe.

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Le 7 octobre 1989 à Berlin, le gouvernement est-allemand célèbre le 40e anniversaire de la RDA sur fond de manifestations. À Postdam et à Karl-Marx-Stadt (Chemnitz), les forces de l'ordre interviennent avec violence contre les manifestations.

Le 18 octobre, le chef d'État est-allemand, Erich Honecker démissionne « pour raison de santé ». Egon Krenz lui succède.

Le 21 octobre, les manifestations touchent l'ensemble du pays. La police intervient avec une rare violence.

Le 31 octobre, Margot Honecker, l'épouse de l'ancien chef d'État, démissionne de son poste de ministre de l'Enseignement.

Le 4 novembre, un million de personnes descendent dans la rue, dont la moitié à Berlin-Est.

Le 8 novembre, la tête du parti SED démissionne collectivement.

Le 9 novembre, Günter Schabowski, membre du Politburo, annonce que tous les citoyens de la RDA peuvent quitter le pays. Nombre de Berlinois se ruent aussitôt vers les postes frontières. Dépassés, les gardes-frontières pratiquent des ouvertures dans le mur de Berlin.

Un mois à peine s’est écoulé et la RDA s’est effondrée. La suite de l’histoire, c’est la fin du communisme d’État et l’Europe actuelle.

 

Le 17 décembre 2011 à Sidi Bouzid, une ville de 40.000 habitants au centre de la Tunisie, Mohamed Bouazizi, diplômé et chômeur, vend sans autorisation des fruits et légumes sur le marché. Sa marchandise est confisquée. Il plaide en vain sa cause auprès des autorités. Désespéré, il s'immole par le feu devant la préfecture.

Le 18 décembre, un sit-in est organisé devant la préfecture. La police disperse la manifestation à coups de gaz lacrymogènes et de matraques. Tout le week-end, de violents affrontements opposent forces de l'ordre et jeunes manifestants. Les premières arrestations ont lieu.

Le 20 décembre, des  manifestations de soutien aux protestataires de Sidi Bouzid ont lieu  à Meknassi, à Sidi Ali Ben Aoun, à Menzel Bouzaiane.

Le 24 décembre, la police tire sur des manifestants à Menzel Bouzaiane, à 60 kms de Sidi Bouzid. Bilan: deux morts.

Les 25 et 26 décembre ont lieu les premières manifestations de diplômés chômeurs à Tunis.

Le 28 décembre a lieu un rassemblement de solidarité des avocats. De son côté, le Président Ben Ali déclare qu’il comprend «la difficulté engendrée par la situation de chômage», mais il dénonce une «instrumentalisation politique». Il décide de limoger le ministre de la Communication.

Du 3 au 7 janvier, les manifestations se poursuivent. Elles gagnent Thala, Bizerte, Sfax, Kairouan, Meknessi, Regueb, Souk Jedid, Ben Gardane, Medenine, Siliana et même Sousse. La répression s’amplifie.

Le 4 janvier, Mohamed Bouazizi, à l'origine de la révolte, meurt de ses blessures.

Les 8, 9 et 10 janvier, un week-end sanglant se déroule, en particulier à Kasserine, Thala et Regueb. Les autorités font état de 21 morts, d’autres sources affirment qu'il y en a eu plus de 50, rien qu'à Kasserine. Les vidéos des massacres et des tirs à balles réelles passent de plus en plus sur Internet, notamment sur les réseaux sociaux.

Le 10 janvier, Ben Ali promet la création de 300.000 emplois supplémentaires et dénonce des «actes terroristes» perpétrés par des «voyous cagoulés».

Le 11 janvier, la ville de Tunis est gagnée par les affrontements, de même que les villes côtières et touristiques telles que Sfax ou Sousse. Les manifestations se poursuivent ailleurs dans le pays. Le régime ordonne la fermeture des écoles et des universités «jusqu'à nouvel ordre».

Le 12 janvier, le ministre de l'Intérieur est limogé et une commission d'enquête sur la corruption est créée. Des affrontements ont lieu dans la banlieue tunisienne. Le couvre-feu est déclaré à Tunis, ce qui n’empêche pas les affrontements qui font huit morts.

Le 13 janvier, dans une dernière allocution télévisée, le Président Ben Ali s'engage à quitter le pouvoir en 2014. Il ordonne la fin des tirs à balles réelles contre les manifestants, promet la «liberté totale» d'information et l’accès à Internet. Mais les manifestants réclament désormais le départ du Président. On déplore treize morts à Tunis et deux à Kairouan. La station balnéaire d'Hammamet est touchée par des destructions et des pillages.

Le 14 janvier, dans la matinée, de nouvelles manifestations ont lieu partout dans le pays, avec un slogan: «Ben Ali dehors». À Tunis, un  cortège de 5000 personnes est violemment dispersé à Tunis.

Vers 16h, le gouvernement est limogé et des élections anticipées, d'ici six mois, sont annoncées.

À 17h, l'état d'urgence est décrété dans tout le pays, les rassemblements publics interdits, le couvre-feu instauré. Les tirs à balle réelle sont de nouveaux autorisés. L'espace aérien est fermé.

À 18h50, le Premier ministre Mohammed Ghannouchi annonce à la télévision qu'il assure l'intérim de la présidence en remplacement de Zine El Abidine Ben Ali « temporairement empêché », mais qui a concrètement pris la fuite à bord de son avion pour être hébergé en Arabie Saoudite.

Après un mois d'émeutes et de manifestations réprimées violemment, faisant de nombreux morts, le régime Ben Ali a chuté.

Le 15 janvier, Le Conseil constitutionnel déclare qu’il y a  une "vacance définitive du pouvoir", ce qui équivaut à  écarter officiellement Ben Ali de la présidence du pays. Conformément à la Constitution Tunisienne, désigne  le Président de la Chambre des députés, Foued Mebazaa, en tant que Président de la République par intérim. Des élections seront organisées  dans les deux prochains mois.

Le 16 janvier, le Premier Ministre sortant, Mohammed Ghannouchi  reste en place et consulte pour former un nouveau gouvernement et réformer les institutions….

Les Tunisiens en janvier 2011, à l’instar des Allemands de l’Est en octobre 1989, ont changé la donne. Dans les deux cas, la privation de la liberté individuelle est devenue collectivement insupportable.

L’histoire est en marche, les régimes égyptiens, iraniens ou algériens sont menacés par la même indignation, le cynisme des politiciens français est sur la place publique. 

Une phase rarissime de vérité est devant nous.

 

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