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Le blog d'André Boyer

FAIRE COURS À TIMISOARA

16 Mars 2024 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

FLEURS, JARDIN ET CATHÉDRALE À TIMISOARA

FLEURS, JARDIN ET CATHÉDRALE À TIMISOARA

 

Pendant cette période strasbourgeoise, J’ai enseigné ailleurs qu’à Hanoi : Durant trois années successives, de 1995 à 1997, j’ai donné un cours de marketing sur une durée de deux semaines à l’Université de Timisoara.

 

Il y avait un accord entre, je ne sais plus trop qui, la FNEGE ou l’IAE de Nice, avec l’Université de Timisoara dans l’extrême ouest de la Roumanie aux abords de la Hongrie et de la Serbie. Belgrade se trouve à 150 kms de là et Budapest à 280 kms de Timisoara. Aussi la population de la ville est-elle d’origine hongroise et serbe plus que roumaine et la ville a été longtemps revendiquée par la Hongrie.

En effet, la ville a été créé par des Hongrois et elle resta hongroise cinq siècles avant d’être conquise par les Ottomans en 1552. Mais deux siècles plus tard, en 1716, elle fut reconquise par les troupes autrichiennes du prince Eugene de Savoie et elle devint ensuite une grande ville industrielle de l’empire Austro-Hongrois jusqu’à l’éclatement de l’empire en 1918. Elle fut alors rattachée à la Roumanie, une décision contestée par la Hongrie.

La période autrichienne est tout à fait visible dans l’architecture de la ville, notamment avec celle de son Opéra.

La Brasserie locale est bien représentative de l’histoire de la ville : en 1718, le prince Eugène de Savoie fit construire à Timisoara une brasserie destinée à la garnison autrichienne.  En 1890, un grave incendie permit de la rénover et d’en faire l’une des plus modernes du monde et elle le resta en devenant l’une des premières unités de fabrication de bière dans le monde à automatiser complètement sa ligne de production. Rachetée finalement par le groupe japonais Asahi, la bière Timisoareana est restée, malgré toutes ces mutations, une bière excellente et je puis en témoigner.  

Sur de nombreux plans, Timisoara a été un pionnier de l’industrialisation :  le 12 novembre 1884, elle a été la première ville d'Europe dont les rues étaient éclairées par 731 ampoules électriques et l’une des premières villes dotées d'un tramway électrique (1899)

Mais dans l’histoire récente, la ville est devenue aussi emblématique de l’utilisation de la désinformation pour renverser un régime politique, en l'occurrence branlant.
Le 16 décembre 1989, Timisoara a été la première ville de Roumanie à se révolter contre le régime de Ceausescu. Les forces armées ouvrirent le feu sur les manifestants et les agents de la Securitate opérèrent des centaines d'arrestations. Le lundi 18 décembre, la rumeur se répandit qu’environ 40 cadavres avaient été transportés hors de la ville par des camions frigorifiques. Le mardi 19 décembre, des comités décidèrent l'arrêt complet du travail dans les grandes entreprises de la ville. Le lendemain, un comité des représentants ne parvint pas à s’accorder avec les représentants du Premier Ministre et les manifestants se regroupèrent autour de l'Opéra.
C’est alors que la situation bascula. L'armée reçut de nouveau l'ordre d'ouvrir le feu sur les insurgés, mais certains officiers refusèrent d'obtempérer et se rangèrent du côté des manifestants qui déclarèrent que Timisoara devenait la première « ville libre » de Roumanie. 

Le 21 décembre, une proclamation était lue par les représentants du Front démocratique roumain, demandant, entre autres, l'abolition du régime et des élections libres. À Bucarest, le régime s’effondra le lendemain 22 décembre et le couple Ceausescu, en fuite, était exécuté le 25 décembre à la suite d’un procès sommaire.

Les médias occidentaux mentionnaient plus de mille morts à Timisoara, alors qu’il n’y avait eu « que » 93 morts. Pour conforter ces chiffres falsifiés qui justifiaient la chute du régime, des images de cadavres furent abondamment diffusées dans le monde entier, alors qu’il s’agissait de montages assez grossiers. Lorsque la supercherie fut officiellement démasquée en février 1990, le nom de Timisoara resta associé aux manipulations dont les médias sont à la fois les dupes et les relais.

Timisoara est une jolie ville de deux cent cinquante mille habitants qui offre un contraste saisissant entre d’une part un centre riant grâce à son parc couvert de roses qui entoure la rivière Timis et d’autre part une banlieue assez tristement industrielle.

Dans un bâtiment universitaire proche du parc, j’enseignais le marketing à des étudiants à l’époque francophones et qui doivent l’être beaucoup moins aujourd’hui.  La matière se prêtait bien à cette période de changement qui voyait la Roumanie basculer rapidement d’une économie socialiste à une économie de marché. On voyait ainsi tous les endroits susceptibles de recevoir du public, bars, auberges, magasins, se peupler rapidement de distributeurs rouges vendant du Coca-Cola.

On vit aussi le dimanche après-midi, un groupe rock s’installer en face de l’Opéra, sur la place de la Victoire, qui n’était qu’un prétexte pour attirer la foule et lui distribuer des échantillons de cigarettes Marlboro. Comme souvent, les Italiens avaient largement précédé les Français sur le marché de la Roumanie de l’Ouest : plus de 2000 entreprises italiennes avaient ouvert des filiales à Timisoara contre 20 françaises !

Dans mon souvenir, Timisoara offrait un séjour agréable dans une atmosphère calme. Mais calme en surface seulement, car le trafic de voitures volées y prospérait au point qu’il s’affichait dans de petites annonces apposées sur un mur du restaurant où je déjeunais.

Calme, à condition de ne pas se frotter aux familles tsiganes qui y étaient (bien) installées. L’une d’elles, le trouvant à son goût, se mit en tête d’acheter le bâtiment qui abritait le centre culturel français à Timisoara qu’elle se proposait d’expulser et il fallut toute l’amicale pression de l’Ambassade de France sur les autorités roumaines pour les dissuader. Il m’arriva aussi de visiter une maison construite par une autre famille tsigane où j’eus la surprise de découvrir que toutes les dimensions avaient été multipliées par 1,5, en particulier les portes, les fenêtres et les lits ! Avoir tout plus gros que les autres ! Quel curieux rapport au monde !

 

Timisoara, une ville dont je n'ai conservé que de bons souvenirs, de ses habitants pique-niquant au bord de la rivière jusqu'aux étudiants francophones et attentifs en passant par des collègues de l’Université de l’Ouest à Timisoara avec qui j'entretiens encore aujourd'hui d'amicales relations...

 

À SUIVRE

 

 

 

 

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