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Le blog d'André Boyer

HANOÏ ET SES SURPRISES

14 Février 2024 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

HANOÏ ET SES SURPRISES

Cette mission au CFVFG à Hanoi en 1994 fut pleine d’enseignements dans des domaines très divers.

 

Ce fut en effet une mission mémorable, par les informations glanées et les personnes rencontrées.  Le CFVFG, c'était le Centre Franco Vietnamien de Formation à la Gestion, financé par la France à Hanoi et dont la gestion avait été confiée à la CCIP (Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris).

Le CFVFG était situé non loin du centre d'Hanoi et j’habitais un peu à l'extérieur de la ville, dans une caserne, oui, une caserne où était logé le régiment de défense aérienne de Hanoi, dont les officiers arrondissaient leurs fins de mois en louant leur chambre à des personnes de passage comme moi.  

Ce logement militaire était le résultat des bons soins de mon ami Michel Herland, directeur du CFVG qui avait ainsi trouvé de me faire faire des économies sur les frais de logement. Je me souviens que la chambrée était tout à fait confortable, sauf qu'il y avait, de ci de là, des petites planchettes pour éviter de patauger dans l'eau qui recouvrait le plancher de la pièce. Entrer dans le lit les pieds secs était par conséquent un exercice complexe.

J'avais été recruté comme vacataire pour deux semaines et demie afin d'enseigner les Techniques Quantitative de Gestion (TQG) à un groupe d'une vingtaine d'étudiants vietnamiens parlant un français limité. Au début des cours, les étudiants semblaient tout ignorer de la logique statistique que j'étais chargé de leur enseigner. Le premier jour me laissa perplexe sur la meilleure manière de faire entrer cette logique dans leur esprit, mais, au bout de quinze jours, toute inquiétude était dissipée, certaines étudiantes étant littéralement passée de 1 ou 2/20 pour les premiers exercices à 18 à 20/20 pour les derniers.

Jamais je n'avais vu des étudiants progresser aussi vite dans la compréhension des concepts probabilistes que certaines de ces étudiantes dont l'intelligence et la volonté d'apprendre m'étonnaient, au vrai sens du terme. C'était tout le contraire de mes étudiants à Pékin, qui refusaient carrément d'y adhérer par un réflexe culturel défensif, qui n'était peut-être qu'un prétexte à une simple paresse intellectuelle.

Hors de l'enseignement, j'avais des échanges intéressants et je me promenais dans Hanoï, une ville qui me fascinait pour la deuxième fois. La ville avait totalement changé en cinq ans, l’intervalle de mes deux visites. En 1989, c’était une ville encore imprégnée des souvenirs de la colonisation française ; cinq après, ces souvenirs étaient quasiment effacés par les travaux permanents et quasiment frénétiques qui y étaient menés.

En une nuit, une rue entière pouvait être goudronnée et ouverte à la circulation. Des immeubles impressionnants s’élevaient au milieu de quartiers où les maisons ne dépassaient pas deux à cinq étages. Vous vous souvenez peut-être que j’avais rencontré en 1989, le responsable du CNRS vietnamien (voir Hanoï et la nostalgie, 16 mars 2022). J’avais écrit ceci :

Plus tard, je pris doublement ma revanche de la rebuffade de l’ambassadeur et en attendant je profitais de mon inaction forcée pour rencontrer le responsable d’une réplique vietnamienne de notre CNRS. Il vint me chercher sur une motocyclette pour me conduire dans une sorte de ferme mal reliée à l’électricité, qui constituait la totalité de son centre de recherche dans les circonstances incertaines de l’époque. Nous convînmes de coopérer et lorsque je revins à Hanoï quelques années plus tard, il eut la fierté de me recevoir dans un bureau luxueux tout en haut d’un immeuble de 15 étages ! Le monde changeait.

En effet, Hanoï était partie prenante d'un monde qui changeait. Mais on y rencontrait des personnes qui ne changeaient pas, comme Chirac et Kouchner. Chirac était alors maire de Paris et leader de l’opposition. À l'époque, Kouchner était l'apôtre du droit d'ingérence à Médecins sans Frontière, et il y était assez contesté parce qu'il cherchait les coups médiatiques.

Je rencontrais Chirac pendant un de mes cours. Chirac visitait le CFVDG au moment où je donnais mon cours de TQG. Il entra dans la salle, accompagné du directeur du CFVDG et de deux gardes du corps. Je lui donnais tout de suite la parole et il fit aussitôt ce qu'il savait faire, un discours politique, comme s'il voulait convaincre mes étudiants de voter pour lui! 

Cela produisit une impression bizarre d'autant plus qu'il semblait être dans un état second, comme s'il était sous l'emprise de la drogue. Cette impression fut confirmée lorsque je le rencontrai à nouveau le soir à l'Ambassade de France. Il était accompagné de Bernard Kouchner, grand partisan droit d'ingérence et de la médiatisation de ses propres actions qui y faisait grand bruit, si bien que l'on ne voyait que lui.

L'Ambassade de France avait ceci de particulier qu'elle avait été détruite "par erreur" au moyen de bombardements américains après le discours de De Gaulle à Phnom Penh en 1966, critique à l'égard de la politique américaine. Reconstruite, l'Ambassade avait des allures de bunker.

 

De cette mission d'enseignement, j'en retirais une impression très favorable sur les étudiants vietnamiens capables d'apprendre en quelques jours ce qui demandait des mois à d'autres, la conviction qu'Hanoï et le Viêt-Nam avec lui étaient lancés à fond dans l'aventure de la modernité et la confirmation de la dangereuse superficialité de nos hommes politiques...

 

À SUIVRE

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