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Le blog d'André Boyer

CONTRIBUER À LA RÉUSSITE DES ENCG

3 Décembre 2023 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

LE PETIT DERNIER, L'ENCG DE BENI MELLAL (2019)

LE PETIT DERNIER, L'ENCG DE BENI MELLAL (2019)

Nous étions trois « experts » mandatés par la FNEGE pour répondre à la demande du Maroc de créer un objet mixte, à mi-chemin des écoles de commerce et des établissements universitaires.

 

Mais Jean-Pierre Helfer ne put rester plus de deux jours au Maroc, pris par des tâches urgentes et Michel Klein ignorait tout du pays où il venait pour la première fois. Il me laissa donc m’informer et négocier avec la partie marocaine, composée du Ministère du Tourisme, de l’Agriculture et du Commerce Extérieur et du Ministère de l’Enseignement supérieur (on l'appellera par la suite le Ministère pour simplifier) auquel s’ajoutait en arrière-plan le Ministère de l’Intérieur, en raison de l’implantation prévue de l’un des ENCG à Settat.

La Mairie de Settat, à 75 kms de Casablanca, était en effet dirigée par le tout puissant Ministre de l’Intérieur de l’époque, Driss Basri, qui surveillait de très près la création de « son » ENCG qui devait être le premier à ouvrir et le mieux pourvu en personnel et en équipements, par rapport aux deux autres ENCG prévus à Agadir et à Tanger.

Il s’agissait donc d’apprécier les divers rapports de force, à l’intérieur de l’administration marocaine et relativement à nos capacités de recommandation. J’eu la chance de rencontrer en début de mission le Ministre du Tourisme, de l’Agriculture et du Commerce Extérieur, Hassan Abouyoub*, dont le Ministère était impliqué dans le projet et qui se trouvait être l’un de mes anciens élèves au Lycée Lyautey, en 1969-1971.

Le Ministre me prit à part et me demanda s'il avait été un bon élève au Lycée. Il s'agissait d'une entrée en matière délicate, dont les Marocains ont le secret, qui consistait, lui le Ministre, à se placer volontairement dans une position d'humilité vis à vis de la personne qu'il recevait. Je lui répondis franchement que je ne m'en souvenais plus, mais qu'en revanche, je me rappelais très bien de sa timidité d'antan, qu'il avait fort heureusement tout à fait perdue aujourd'hui.

Nos échanges commençaient donc par de l'intimité et de la franchise, ce qui seyait bien aux échanges Maroco-Français. Il est vrai qu'il s'agissait d'un sujet qui demandait une franche amitié, d'autant plus que les enjeux marocains demandaient beaucoup de dextérité pour ne froisser et pour ne léser personne.  

Il s'agissait de moderniser l'enseignement supérieur public de la gestion au Maroc, afin d'offrir aux étudiants peu fortunés une voie vers les métiers de cadres, jusque là trusté par les enfants de la bourgeoisie qui avaient suivi la voie royale, si je puis écrire, des lycées français payants aux écoles marocaines adossées aux grandes écoles de commerce françaises, payantes aussi. Deux exceptions à ce cursus, l'ISCAE à Casablanca et l'université Al Akhawayn à Ifrane, cette dernière en langue anglaise et payante.

Il fallait aussi prendre en compte la résistance des universitaires à Fès et à Rabat, qui voyaient d'un mauvais œil un rééquilibrage des crédits et du pouvoir vers d'autres villes, ainsi que les IUT marocains qui se sentaient à l'écart du mouvement.

Disposant d'une semaine pour prendre la mesure concrète du projet ENCG, nous décidâmes de commencer par visiter le chantier de l'ENCG de Settat, le chantier le plus "chaud" et le plus avancé, de continuer par deux rencontres avec les universitaires de Marrakech et de Fès, les premiers étant partie prenante du projet, les seconds plutôt opposés et de finir par une réunion de synthèse au Ministère, à Rabat, en ayant fait faute de temps, l'impasse de l'ENCG de Tanger dont la conception était moins avancée.

La visite du chantier de Settat fut tout de suite révélatrice, relativement à l'agenda officiel. Nous étions en avril 1993 et le Ministère prévoyait d'ouvrir l'ENCG aux étudiants en septembre 1993. Pour faire bonne mesure, Il souhaitait y accueillir tout de suite deux mille étudiants afin de soulager la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales à Casablanca.

Les deux perspectives, de date et d'effectif, me paraissaient peu réalistes. Pour vérifier la première, je m'évadais d'une réunion pour m'échapper sur le chantier et interroger directement son chef qui me confirma qu'il faudrait encore au moins une année, soit avril 1994 pour l'achever. L'ouverture de l'ENCG de Settat ne pourrait donc pas avoir lieu avant l'automne 1994. Pour les effectifs, je gardais mes arguments en réserve pour une réunion décisive.

Cette réunion eut lieu à Marrakech, deux jours plus tard. Je profitais d'un débat avec les universitaires de Marrakech particulièrement ouverts au projet "ENCG" pour asséner mes informations directes quant à la durée du chantier de Settat, qui contredisaient le plan gouvernemental d'ouverture rapide de l'établissement de Settat et, audaces fortuna juvat, pour remettre en cause le réalisme des prévisions d'effectifs, non pas faute de demande, mais faute de professeurs formés.

Il ne me fut pas très difficile de faire accepter ces deux changements majeurs, septembre 1994 au lieu de septembre 1993 et 200 étudiants par promotion au lieu de 2000 étudiants (sic), parce que nos interlocuteurs n'attendaient que cela, de revenir vers plus de réalisme, mais que ce soient des experts français qui le disent aux responsables politiques et notamment au redouté Ministre de l'Intérieur Driss Basri, plutot qu'eux-mêmes, fonctionnaires d'autorité.

Il fallut aussi, après avoir rencontré les opposants à Fès, obtenir de l'Ambassade de France qu'elle redistribue une partie des crédits destinés aux ENCG à la création de DESS aux universités de Fès et de Rabat, ainsi qu'à la formation de cadres pour les IUT. Nous mîmes aussi en place une formation complète en France pour les trois futurs Directeurs d'ENCG.

À la suite de notre mission, l'effort de lancement des ENCG se poursuivit sans atermoiements. Le premier ENCG à Settat ouvrit en septembre 1994, comme l'ENCG d'Agadir. L'ENCG de Tanger ouvrit en 1995.

Ensuite, le succès de la formule fut tel qu'il en existe aujourd'hui douze, répartis sur tout le territoire Marocain. Et il vous suffit de regarder sur Internet leurs sites, pour constater, compte tenu du nombre d'étudiants et de professeurs ainsi que des qualifications internationales obtenues, que la réussite est effectivement au rendez-vous.

 

Mission accomplie.

 

*Hassan Abouyoub est d’origine berbère, du côté de Tafraout. Après le lycée Lyautey, il a été diplômé de l’EM Lyon Business puis il est successivement  devenu ambassadeur du Maroc en France, ministre du Tourisme, de l’Agriculture et du Commerce Extérieur avant d’être nommé par le Roi Mohammed VI ambassadeur itinérant, ambassadeur en Italie et enfin, depuis 2019, ambassadeur du Maroc en Roumanie et en Moldavie.  

 

À SUIVRE

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