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Le blog d'André Boyer

LES DÉTOURS DE LA VOLONTÉ DE PUISSANCE

11 Août 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LES DÉTOURS DE LA VOLONTÉ DE PUISSANCE

 

La volonté de puissance des hommes, comme de tous les êtres vivants, voilà l’origine de notre raison de vivre. Et elle utilise tous les artifices pour s’exprimer, lorsqu’elle ne veut pas en convenir.

 

On peut faire semblant de croire que se soumettre à une autorité est le contraire de la volonté de puissance. Or il n’en est rien, car l’on participe ainsi à la puissance dominante, ce qui nous permet de l’utiliser à notre profit pour soumettre plus faible que nous : la tyrannie des petits chefs en est la parfaite illustration.

Le summum de cette supposée soumission consiste à sacrifier sa vie à une idée : se faire exploser en tuant des ennemis permet d’atteindre dans la mort une puissance inaccessible dans la vie. Ce sacrifice renonciateur peut heureusement prendre des formes plus douces, telles que l’abnégation au travail, l’action charitable ou le renoncement à un héritage dont se targuait  Wittgenstein, s’attirant une remarque ironique de Nietzsche :

« En vous immolant, vous vous êtes enivré du sentiment de puissance. Vous vous sacrifiez seulement en apparence, car dans votre pensée, vous jouissez de vous-même comme si vous étiez Dieu » (Aurore, IV, 215).

Nier sa propre volonté de puissance est vain, car  la vie n’est qu’actes et mouvements qui traduisent notre volonté de puissance. Nous ressentons du plaisir quand, après avoir surmonté une résistance, notre puissance augmente et nous éprouvons de la douleur quand notre puissance diminuant, nous cédons face à une résistance.

Comme nous avons besoin d’un ordre au sein du chaos qu’est le monde, afin d'extérioriser la surabondance de force que traduit notre volonté de puissance, nous cherchons à donner un sens aux évènements et aux choses. La connaissance implique l’action, ce qui fait que les subjectivistes ont raison lorsqu’ils avancent que la connaissance neutre n’existe pas, pas plus que les faits en soi, et qu’il n’existe que des interprétations, notre interprétation de la réalité.

Aussi le monde n’est-il pas dénué de sens, contrairement à ce que soutiennent les nihilistes. Au contraire, il fourmille d’une infinité de sens, fournis par tous les êtres vivants qui interprètent la « réalité » à partir de leur propre perspective. Proclamer que la vérité n’existe pas ne signifie pas que l’on prétend qu’il n’existe pas de vérité du tout, mais qu’il n’existe pas de vérité unique, que de multiples vérités sont possibles.

Devenir plus puissant consiste, au lieu de capituler face à la supposée absence de vérité, à élargir notre vision de la vie, à lui donner de nouveaux sens, plus élevés, plus riches, plus nuancés.

Le concept de volonté de puissance permet de distinguer le bon et le mauvais. Est bon, tout ce qui concourt à valoriser la vie. Est mauvais, tout ce qui est faible, raté, malheureux. Nietzsche oppose cette morale à celle qu’invoquent les faibles, qui ont besoin de dire non à l’autre, supposé responsable de leur faiblesse et de leurs souffrances, qu’ils expriment par une violence rentrée contre soi-même, « coupable » de ne pas avoir su se défendre.

Or les faibles ne le sont pas pour l’éternité, car ils disposent d’un moyen pour se libérer du ressentiment destructeur : l’oubli. De l’oubli, dépend en effet notre faculté à digérer nos expériences négatives et donc à faire place à de nouvelles expériences, au lieu de ruminer les anciennes.

Car le ressentiment repose sur l’idée que si quelqu’un nous a fait du mal,  c’est qu’il a agi délibérément contre nous, qu’il n’y a ni hasard ni accident. Ainsi l’agneau devrait reprocher à l’oiseau de proie de l’attaquer, et l’en rendre coupable. Mieux encore, il devrait s’attribuer le mérite d’être un agneau. Le mensonge est  donc de prétendre que la faiblesse résulte du choix de ne pas être fort : la manœuvre consiste à culpabiliser son bourreau victorieux tout en interprétant son propre échec comme une démonstration de grandeur morale.

Le résultat de cette imposture est d’affaiblir encore plus les faibles en les persuadant que leur faiblesse est leur plus grand mérite. Elle les pousse à chercher le secours de la morale et de la métaphysique, pour se venger dans un monde idéal de la défaite qu’ils ont subie dans la réalité.

 

Le besoin compulsif d’un bouc émissaire est certainement le moyen le plus efficace pour ne pas s’occuper de ce que l’on peut améliorer soi-même. 

 

À SUIVRE

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