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Le blog d'André Boyer

LE CONFINEMENT COMME EXPÉRIENCE DE MILGRAM

15 Juin 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

L'EXPERIENCE DE L'OBEISSANCE

L'EXPERIENCE DE L'OBEISSANCE

Rassurez-vous, je ne vous dirai pas ce que je pense du confinement en France. Je traiterai exclusivement du comportement des Français face à la décision de confinement. 

 

Cependant, réglons au préalable la question de l’opportunité du confinement : c’était peut-être utile, soit pour limiter le nombre de décès provoqués par le Covid 19, soit pour rassurer les Français. Mais dans tous les cas, presque tous les gouvernements, sauf quelques-uns (Suède, Allemagne, Taiwan, Corée), ont dû ordonner le confinement de leurs populations pour ne pas être accusés d’impéritie. Quoi qu'il en soit,  les citoyens étaient en situation de croire que le confinement, auquel les astreignait l'État, était justifié.   

Il en est résulté une expérience proprement extraordinaire que je suis content d’avoir vécue. L’action demandée aux Français était proprement extravagante : s’enfermer chez soi en s’interdisant de sortir prendre l’air, sauf à établir, pour soi-même, des attestations selon des formulaires farfelus : les sept cases du docteur-premier ministre Edouard Philippe passeront sans nul doute à la postérité ! 

On a vu aussi l’intervention d’une cohorte de Diafoirus, prétendant tout savoir de ce qu’il fallait faire pour lutter contre la propagation du virus alors qu’ils n’en savaient rien. 

Enfin on a vu l’empressement des foules à leur obéir, si bien que l’épisode du confinement nous confirme qu’il est extrêmement facile de manipuler et de contrôler une population, ce qui constitue l’objet de ce billet, à partir de l’expérience de psychologie de  Stanley Milgram

Cette expérience s’est déroulée entre 1960 et 1963. Elle a consisté à recruter des sujets acceptant de se prêter à une étude qui portait apparemment sur l'apprentissage. Elle s’est déroulée au sein de Yale University, avec des participants qui étaient des hommes et des femmes de tous milieux et de tous niveaux d’éducation, âgés de 20 à 50 ans.

L'expérience mettait en jeu trois personnages, un élève qui s'efforçait de mémoriser des listes de mots et recevait une décharge électrique en cas d'erreur, un enseignant qui dictait les mots à l'élève, vérifiait les réponses et envoyait la décharge électrique destinée à faire souffrir l'élève et un expérimentateur vêtu d'une blouse grise de technicien, avec toutes les apparences de quelqu’un qui est sûr de son fait et qui représentait l'autorité officielle.

Il ne s’agissait que d’apparences. En réalité, l'expérimentateur et l'élève étaient deux comédiens, ce qu’ignoraient les personnes recrutées comme « enseignantes ». 

L'élève était attaché sur ce qui ressemblait à une chaise électrique. L'enseignant-cobaye recevait la mission de lui faire mémoriser des listes de mots. Il était installé devant un pupitre où une rangée de manettes était censée envoyer des décharges électriques à l'élève. À chaque erreur successive, l'enseignant enclenchait une manette qui était supposée envoyer un choc électrique de puissance croissante à l'apprenant, alors qu’en réalité le choc électrique était fictif. 

Le sujet était prié d'annoncer la tension correspondante avant de l'appliquer. Les réactions aux chocs électriques étaient simulées par l'apprenant, un comédien qui avait reçu les consignes suivantes : 

à partir de 75 V, il gémissait; 

à 120 V, il se plaignait à l'expérimentateur qu'il souffrait; 

à 135 V, il hurlait; 

à 150 V, il suppliait d'être libéré; 

à 270 V, il lançait un cri violent; 

à 300 V, il annonçait qu'il ne répondrait plus. 

Au niveau de 150 volts, la majorité des enseignants-sujets manifestaient des doutes et interrogeaient l'expérimentateur qui était à leur côté. L’expérimentateur était chargé de les rassurer en leur affirmant qu'ils n’étaient pas tenus pour responsables des conséquences. 

Si un sujet hésitait à envoyer la décharge électrique à l’élève, l'expérimentateur avait pour consigne de lui demander d'agir et s’il exprimait le désir d'arrêter l'expérience, l'expérimentateur lui adressait les injonctions suivantes, dans l’ordre :

1. « Veuillez continuer s'il vous plaît. »

2. « L'expérience exige que vous continuiez. »

3. « Il est absolument indispensable que vous continuiez. »

4. « Vous n'avez pas le choix, vous devez continuer. »

Si le sujet maintenait la volonté de s'arrêter après ces quatre interventions, l'expérience était interrompue. Sinon, elle prenait fin quand le sujet avait administré trois décharges maximales (450 volts) à l'aide des manettes intitulées « XXX ». 

À l'issue de chaque expérience, un questionnaire et un entretien avec le cobaye jouant l'enseignant permettait d'écouter les explications qu'il donnait de son comportement. 

Cette expérience a été réalisée avec 636 sujets selon des variantes qui permettent de définir les éléments poussant une personne à obéir à une autorité qu'elle respecte.

La plupart des variantes ont permis de constater un pourcentage d'obéissance proche de 65% pour envoyer une décharge électrique maximale de 405 volts en moyenne, alors que tous les participants s’étaient, à un moment ou à un autre, interrompus pour questionner l'expérimentateur et que beaucoup s’étaient montrés très réticents à envoyer la décharge électrique lors des derniers stades. 

 

Dès lors, qu’est-ce qui peut bien expliquer que les sujets de l’expérience aient massivement obéi à l’autorité, alors que les instructions reçues étaient en contradiction avec leur conscience ? 

 

À SUIVRE

 

PROCHAIN ARTICLE : LES LEÇONS DE L’EXPÉRIENCE DE MILGRAM

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