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Le blog d'André Boyer

PREMIÈRES DÉCOUVERTES À CHENGDU

11 Juin 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

VIVRE à CHENGDU?

VIVRE à CHENGDU?

Officiellement, ma mission à Chengdu consistait à évaluer l’intérêt d’accorder des bourses à deux étudiants en philosophie chinois, et en réalité à espionner la formation à la gestion organisée à Chengdu par York University (Toronto).

 

L’aventure commença dans l’avion Pékin Chengdu, comme si une malédiction touchait mes voyages en Chine, après les frasques de Datong. 

L’avion était équipé de sièges irrégulièrement installés dans la cabine et comme par hasard, moi qui étais probablement le passager de ce vol qui avait la plus grande taille, j’obtins un siège dans une rangée distante à peine de quelques centimètres de la rangée précédente. Autant dire que je fus quasiment contraint de rester debout tout le long d’un vol qui dura au moins trois heures, mais j’arrivais à Chengdu sain et sauf.

Chengdu est la capitale du Sichuan, une province du centre ouest de la Chine peuplée à l’époque de plus de cinquante millions d’habitants. Le Sichuan était curieusement jumelé avec le Languedoc, vingt fois moins peuplé. Je savais aussi que la cuisine du Sichuan, assez épicée, était l’une des meilleures, ou des moins mauvaises, de la Chine.  

J’ai commencé mon séjour par une visite du modeste centre de formation canadien, qui rassemblait une vingtaine d’étudiants. Première découverte, les professeurs de York University enseignaient en anglais à des étudiants chinois qui ne parlaient pas anglais ! Il leur fallait donc le truchement d’un interprète qui traduisait comme il le pouvait et le voulait. Le résultat était que les professeurs ne savaient pas ce que les étudiants entendaient, apprenaient et comprenaient. J’appris de plus, horreur, que les examens se passaient en Chinois et étaient aussi corrigés par les interprètes. 

J’en conclus que le programme de York University à Sichuan n’était pas sérieux et que mon projet prévoirait une démarche pédagogique inverse, à savoir enseigner en français à des étudiants qui parlaient le français. En français, parce qu’il n’était pas question, à l’époque, de « servir la soupe » aux entreprises américaines en Chine, en leur fournissant des étudiants anglophones formés avec l’argent des contribuables français et que mon objectif consistait à aider les entreprises françaises à s’installer en Chine et personne d’autre. 

Cela signifiait qu’il fallait prévoir une formation sérieuse au français dans notre programme avant d’enseigner la gestion aux Chinois, sachant que ces derniers ne parlaient ni le français, ni l’anglais, contrairement à ce que les anglo-maniaques laissaient croire pour nous obliger à capituler devant la langue anglaise. 

Avant de rencontrer dans l’après midi les étudiants chinois en philosophie et les autorités chinoises, j’ai fait un petit tour dans la ville et j’y ai fait une seconde découverte qui n’avait rien à voir avec mes projets de formation. 

Marchant dans le centre-ville, j’ai aperçu un trou qui donnait sur un tunnel. Je me suis approché et j’ai vu dans le tunnel des marches éclairées par des lampes au plafond qui descendaient vers un lieu indéterminé. 

Personne à l’entrée du trou, ce qui était étrange en Chine. Après avoir un peu hésité, je me suis hasardé à descendre les marches. Le tunnel s’enfonçait profondément, les marches succédaient aux marches, la curiosité me poussait à continuer. J’ai dû descendre sur une profondeur d’au moins cinquante mètres l’escalier tournant sur lequel je m’étais aventuré quand j’ai aperçu, au débouché de l’escalier, une table en bois derrière laquelle était assis un militaire en uniforme et dans son dos la grande porte d’un atelier dans lequel travaillaient, autant que j’ai pu l’apercevoir, des ouvrières sur ce qui m’a semblé être des machines pour le textile. 

Ce fut fugitif. Le militaire, sans vraiment d’hostilité, m’intima l’ordre de remonter. Je m’exécutais aussitôt, m’attendant à me faire intercepter à la sortie du tunnel, mais il n’en fut rien, je pus poursuivre sans encombre ma promenade dans la ville. 

Naturellement cette incursion m’inquiéta. J’avais bien compris que j’avais entrevu une usine souterraine de l’armée et je craignais d’être accusé d’espionnage, surtout lorsque j’entrepris le soir une visite dans la vieille ville de Chengdu et que j’eus une discussion impromptue, en apparence, avec des ouvriers chinois qui m’interpellèrent. 

 

Quelques années plus tard, je rencontrais un transfuge des services de renseignement chinois (c’est ainsi qu’il se présenta) qui souhaitait faire, disait-il, une thèse sous ma direction sur les entreprises contrôlées par l’armée chinoise. Il me confirma que j’avais bien aperçu un atelier de l’armée chinoise, qui, en préparation à une éventuelle guerre atomique, avait doublé la plupart des usines stratégiques des régions côtières chinoises par des usines enterrées à l’intérieur de la Chine, dont Chengdu. Mais, reprenant sans doute sa fuite, ce transfuge disparut rapidement, non sans déclencher, dans mon modeste bureau de l’IAE sur le campus Droit, la visite et la fouille des services de la DST. 

 

La suite de mon bref séjour à Chengdu allait se révéler extraordinairement instructif.

 

À SUIVRE

 

BILLET SUIVANT: LE CONFINEMENT COMME EXPÉRIENCE DE MILGRAM

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