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Le blog d'André Boyer

Une mécanique programmée pour être folle

11 Septembre 2013 Publié dans #HISTOIRE

Comme en 1914, la situation  évolue de jour en jour dans la crise syrienne.  En ce moment, la proposition russe, sur une suggestion américaine, de geler et détruire les armements chimiques, semble de nature à écarter la menace d’explosion du conflit syrien.

Il reste une inconnue majeure : quel est l’objectif du gouvernement américain ? chasser Assad ou mettre fin à la guerre civile ? dans le premier cas, le gouvernement américain est en train de chercher un prétexte pour refuser l’offre russe. Dans le second cas, une conférence internationale sous l’égide de l’ONU est en vue.

Je ne vous dirai pas mon point de vue, il est sans intérêt, mais je vous propose plutôt de parcourir  le déroulement des évenements à partir du 30 juillet 1914, quand le tsar Nicolas II, écoutant ses militaires inquiets de se retrouver à découvert, signe par sécurité l’ordre de mobilisation générale, au lieu d’une mobilisation partielle.

tranchéeLe gouvernement français l’apprend deux heures plus tard ; il ne lui faut que cinquante-cinq minutes pour ordonner la mise en place d’une couverture militaire réduite.

Pour les Allemands, cette mobilisation générale signifie la guerre contre la Russie, donc contre la France, sauf si la Russie annule son ordre de mobilisation.

Il lui faut agir vite pour arrêter la guerre.

Le 31 juillet, l’Allemagne demande à la Russie d’arrêter ses préparatifs dans les douze heures et interroge la France sur sa neutralité en cas de conflit avec la Russie.

La France retire ses troupes de dix kilomètres pour éviter toute provocation.

L’Autriche-Hongrie décrète la mobilisation générale en réponse à celle de la Russie.

Du coup, à 17 h 40, l’ordre de couverture militaire complète est donné en France.

À 19 heures, La Belgique prescrit la mobilisation générale, en réponse à l’ultimatum du 29 juillet.

À 21 h, 40, au café du Croissant, rue Montmartre, Jaurès est assassiné par Raoul Villain, qui sera ensuite acquitté en 1919. 

L’Allemagne, quant à elle, est littéralement prise dans l’engrenage de ses plans militaires.

Si la Russie ne cède pas, il lui faut honorer son alliance avec l’Autriche-Hongrie.

Dès que la guerre sera déclarée, l’Allemagne ne peut pas porter toutes ses armées vers l’Est, en raison de la menace des soixante-quatorze divisions françaises massées sur ses arrières  et alliées aux Russes.

Il lui faut donc attaquer la France, et la France d’abord en raison des lenteurs connues de la mobilisation russe.

Il lui faut aussi attaquer la Belgique pour respecter le plan Schlieffen, au risque de déclencher la belligérance anglaise.

Le plan prévoit une victoire rapide contre la France, comme en 1870. Il sera temps ensuite de négocier avec le Royaume-Uni. Encore faut-il que le plan fonctionne.

Ce ne sera pas le cas.

Le 1er août, la Russie, résignée à la guerre, ne répond pas à l’ultimatum allemand.

La France rétorque qu’elle « fera ce que commanderont ses intérêts ». La répartie a de l’allure, encore que l’alliance franco-russe ne lui offrait pas d’autre choix que la guerre.

À 15 h 45, la France lance l’ordre de mobilisation générale. L’Allemagne fait de même à 17 heures, puis déclare la guerre à la Russie à 19 heures.

Le Royaume-Uni reste dans l’expectative.

À ce moment, le Kaiser s’adresse à son général en chef, Helmut Von Moltke, avec dans ses mots un tenu espoir d’échapper à la catastrophe totale mécaniquement inscrite dans le plan Schieffen :  « Alors, nous marchons avec toute l’armée, dans l’Est uniquement ? ».

Von Moltke, en bon professionnel de la guerre, lui répond : « notre marche de concentration, qui est prévue avec de grandes forces du côté de la France et avec de faibles effectifs du côté de la Russie, doit suivre son cours selon le plan fixé, si nous ne voulons pas tomber dans le désordre le plus total.»

Car, dès lors que les politiciens ont lâché les chiens, la parole n’est plus qu’à la meute.

Le 2 août, les troupes allemandes envahissent le Luxembourg. L’Allemagne remet un ultimatum à la Belgique à 19 heures, exigeant le libre passage des troupes allemandes.

Alors que la flotte française est regroupée en Méditerranée en vertu de l’entente cordiale, le Royaume-Uni informe la France qu’il ne tolérera pas d’actions allemandes contre les côtes françaises.

Le 3 août à 7 heures du matin, la Belgique rejette l’ultimatum allemand.

À 18 heures 40, l’Allemagne déclare la guerre à la France.

Le Royaume-Uni promet son soutien à la Belgique si sa neutralité venait à être violé. 

Le 4 août, l’armée allemande envahit la Belgique.

Le 5 août, la Grande-Bretagne déclare la guerre à l’Allemagne en raison de sa violation de la neutralité de la Belgique.

Le 6 août, l’Autriche déclare la guerre à la Russie.

Le 11 août, la France déclare la guerre à l’Autriche-Hongrie.  

 

Le conflit le plus meurtrier de l’histoire de l’humanité était lancé, en attendant pire. 

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B
<br /> Cher Louis, <br /> <br /> <br /> le fait que je saisisse l'occasion du conflit syrien pour raconter les enchainements qui ont conduit à la guerre de 14 ne signifie pas que je fais un copier-coller entre les deux situations.<br /> <br /> <br /> Mais des leçons sont à en tirer sur les automatismes qui conduisent à des situations que l'on n'a pas voulu au départ.<br /> <br /> <br /> De plus, le but austro allemand de punir la Serbie a conduit à la guerre génerale. Dans le cas de la Syrie, le but de punir ou d'éliminer Assad peut avoir aussi des conséquences<br /> non maitrisées. <br /> <br /> <br /> Merci de tes commentaires, <br /> <br /> <br /> amitiés, <br /> <br /> <br /> André<br />
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L
<br /> Cher André,<br /> <br /> <br /> Je salue ton énergie et je suis autant que toi réservé sur une expédition en Syrie. Cela dit comparaison n'est pas raison. En 1914 les militaires sont les faucons et les politiques suivent.<br />  Ce modèle s'est progressivement inversé. Que les dictateurs soient bellicistes on peut l'analyser et le comprendre. Ce qui est plus troublant c'est que les présidents  élus<br /> démocratiquement le soient ! La société de l'information immédiate n'y est sans doute pas étrangère. Cela dit  Poutine dans la crise syrienne se révèle pour le moment meilleur joueur<br /> d'échec. A méditer. On pourrait développer mais après tout c'est toi le blogueur.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Amitiés. Louis K.<br />
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