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Le blog d'André Boyer
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CHANGEMENT FORCÉ DE PARADIGME

9 Septembre 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

CHANGEMENT FORCÉ DE PARADIGME

Dans mes deux billets précédents, j’ai relaté l’incident qui m’avait conduit à boxer un étudiant, mais, au cours de mon activité en TC au sein de l’IUT de Nice, j’ai vécu d’autres évènements marquants, moins dramatiques mais finalement plus lourds de conséquences.

 

L’un de ces évènements a entrainé un changement complet dans mon enseignement, ses objectifs et ses méthodes. Lorsque l’on enseigne, on s’appuie volontiers, au moins en début de carrière, sur les manuels et en particulier sur les manuels qui ont du succès, qui donnent le ton. En Marketing, le « Kotler » est, sans doute encore aujourd’hui, le manuel le plus connu, d’où sa 19eédition dans sa traduction française. 

Que proclamaient le « Kotler » et les nombreux manuels qui s’alignaient sur lui ? Que le marketing était une science qui visait à répondre aux besoins du consommateur, ce qui semblait, à priori, un bon objectif. Il en résultait que, si l’on constatait des abus, des déviations, des contre-sens dans son application, il s’agissait d’erreurs qui traduisaient une vision erronée du marketing, de nature à provoquer  la défiance du consommateur, le rejet des pratiques de marketing erronées et le retour quasi automatique, grâce aux mécanismes du marché, vers des actions conformes aux principes du marketing.

Par conséquent, si dans mon cours, je ne niais pas qu’il existât, dans la pratique, des vendeurs indélicats, des publicités trompeuses, des produits dangereux, je prétendais montrer qu’il s’agissait d’erreurs, de manquements à éliminer pour faire émerger le diamant du marketing pur. 

Mon but était donc d’enseigner aux étudiants ce qu’il fallait faire pour pratiquer ce «vrai» marketing. Or, un jour, en octobre 1985, alors que je présentais l’introduction de mon cours de marketing selon l’approche précédente, j’ai demandé aux étudiants de choisir un thème, parmi une dizaine proposés, à partir duquel ils devraient montrer la différence entre le « vrai » marketing et le marketing perverti pratiqué ici et là.  

Parmi les thèmes proposés, j’avais choisi la consommation de drogue, qui ne pouvait à l’évidence pas être encouragée par une action marketing, puisqu’elle portait atteinte à la santé de ses consommateurs, à l’ordre public et, de ce fait, était interdite par la loi.

Un groupe de trois étudiants avait choisi ce sujet. Soucieux de s’appuyer sur le terrain pour développer leur analyse, ils se rendirent dans leur lycée d’origine (que je ne nommerai pas ici) où ils interrogèrent les lycéens sur leur éventuelle consommation de drogue, ainsi que le pourquoi et le comment de cette pratique.

La semaine suivante, ils me firent part, durant le cours, des résultats de leur enquête. J’appris que 80% des lycéens interrogés affirmaient avoir consommé au moins une fois de la drogue (chiffre considérable, peut-être gonflé) et que 20% d’entre eux en consommaient régulièrement. Pour ces derniers, ils avaient même obtenu leurs dépenses mensuelles, 100 euros en moyenne. 

Et le marketing dans tout cela ? Mes étudiants enquêteurs ne s’étaient pas dégonflés. Ils avaient approché les trafiquants installés dans les bistrots proches du lycée, en attente des clients. À la satisfaction de mes étudiants et à mon effroi, ils avaient été bien accueillis par ces trafiquants, qui avaient convenu qu’un soutien marketing serait le bienvenu dans leurs affaires, les consommateurs se révélant incapable d’apprécier les différentes qualités de drogue mises sur le marché et par conséquent regrettablement infidèles ! 

Mieux informer les consommateurs sur la qualité du produit, mieux connaitre le consommateur, segmenter le marché semblaient à ces trafiquants des actions logiques à mener et à rationaliser ! Ils étaient tout à fait ouverts, d’après mes étudiants, à des conseils marketing de ma part et ces derniers tout disposés à effectuer une étude de marché pour ces trafiquants ! C’est tout juste s’ils n’envisageaient pas d’effectuer auprès d’eux leur stage de fin d’étude… 

Bien sûr, j’ai saisi immédiatement leur travail, que j’ai détruit, et je leur ai indiqué que, sur cette voie, nous nous dirigions tout droit vers la prison. 

L’incident clos, cette affaire restait un Waterloo intellectuel pour moi. Il n’était pas trop grave que les étudiants aient pris le contrepied de ce que j’affirmais, mais il ne s’agissait pas d’une défaite locale : par leur action et par la réaction des trafiquants, ils avaient démontré que j’avais tort, fondamentalement tort, que le marketing pouvait parfaitement s’appliquer à la drogue, même si elle portait préjudice au consommateur, même si sa consommation était interdite. 

Ce fut une onde de choc qui m’atteignit lentement et profondément. Je commençais par remettre en cause le caractère scientifique du marketing, puis, lorsque je revins à l’IAE, j’écrivis un article intitulé « Un marketing sans paradigme* » qui fit l’objet d’un dossier spécial dans une revue. J’y avançais que le marketing n’avait pas de fondement scientifique stable, ce qui me conduisit progressivement à une conception opposée à celle du Kotler,en posant que le marketing n’était qu’un outil destiné à manipuler le consommateur. 

Commencer le cours par cette affirmation, c’était une approche violente du marketing, dont nombre de mes étudiants se rappellent encore. Or paradoxalement, cette approche m’a libéré en me permettant de dire, d’écrire, de montrer, sinon de proprement démontrer, ce qu’était le marketing, d’obtenir plus d’écoute, de discussion et d’échange avec mes étudiants sur ce qu’était la pratique marketing, chacun restant libre de l’utiliser selon son éthique et de le théoriser à sa manière.  

 

On peut en conclure que mes trois étudiants aventureux de TC avaient réussi, grâce à leur naïveté révélatrice, à faire progresser mon enseignement, contre la doxa délivrée par les manuels de marketing : la réalité avait eu raison de la doctrine, grâce à eux…

 

*Un Marketing sans paradigme, Revue Française de Gestion, Octobre 1999, pp 64-80.

À SUIVRE

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UNE VISION NOIRE DE L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

1 Septembre 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

UNE VISION NOIRE DE L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Les forêts sont devenues l’ultime refuge de ce qu’il reste d’hommes libres et non transformés, où les armes les plus rudimentaires, les vieux calibres 12 avec les petits plombs à pigeon, sont les plus efficaces pour se protéger des essaims tueurs.

 

Globalement, les résistants ont mis au point un système de défense assez efficace grâce à l’action d’une équipe scientifique libre, qui a réussi à percer plusieurs des systèmes de la GIA, la Grande Intelligence Artificielle. La guerre dure déjà depuis sept ans, une guerre à mort entre les hommes améliorés et connectés, appelés les surhommeset les hommes libres et non transformés, appelés les surnuméraires.

Car, dès que la GIA a pris le pouvoir, elle a tout de suite perçu que la principale menace pour l’écosystème planétaire était le nombre trop élevé d’hommes. Or, en 2030, les GAFA, qui investissaient des milliards dans les technologies de l’IA, ont commencé à déployer les premières techniques dites de la vie éternelle. 

La GIA prévoyait qu’au maximum cinq cent millions de surhommes immortels pourraient être supportés par la Terre. Encore fallait-il, pour assurer la soutenabilité des ressources nécessaires à la vie de la caste des surhommes, protéger l’environnement. Cette protection permit à ceux qui ne faisaient pas partie de la caste, les surnuméraires, de trouver refuge dans les forêts, tandis que les surhommes se livraient cyniquement au génocide des surnuméraires, comme les hommes s’étaient auparavant livrés au génocide des espèces animales, sacrifiées au nom de leur supériorité et de leurs plaisirs. Il en résulta, en quelques années, la perte d’environ sept milliards d’êtres humains!

Cependant, la GIA avait calculé qu’il fallait épargner une centaine de millions d’individus non améliorés pour disposer d’une réserve chromosomique nécessaire à la survie et à la réparation des surhommes. Les hommes réfugiés dans la forêt faisaient partie de la réserve déterminée par la GIA. Ils avaient, pour le moment, échappés à son contrôle.  

Devant un petit groupe d’entre eux, le vieil homme, qui était l'un de leurs chefs, prononça un discours si mémorable qu’aucun des surnuméraires présents ne l’a oublié : 

« Nous avons été massacrés, nous avons été prélevés, nous avons été utilisés pour les expérimentations scientifiques de la GIA. Nous avons été la matière première des transhumanistes. Mais nous avons survécu. Vous avez survécu. Nous avons lutté pour que l’humanité ne s’éteigne pas, pour que l’humanité ne meure pas. Nous avons refusé de disparaître sans combattre.

Aujourd’hui, je suis venu vous dire, à vous, les quelques milliers de survivants ici présents, que nous venons de tuer d’un coup les cinq cent millions d’améliorés et de connectés. Ils ont été éradiqués en une fraction de seconde. Notre section scientifique, après des années de recherche, a réussi à trouver une porte d’entrée. Nous n’avons pas affronté frontalement les drones de la GIA. Nous avons, par une opération de commando, détruit la GIA par un virus informatique instillé dans plusieurs de ses unités centrales. Hélas, il nous a fallu engager pour cela nos deux mille meilleurs combattants dans cette bataille et très peu ont survécu !

Il reste que nous avons tué cinq cent millions d’êtres humains, même s’ils se croyaient des surhommes, même si c’étaient des criminels responsables du génocide de sept milliards d’êtres humains ! C’est pourquoi nous n’avons pas vraiment remporté de   victoire, car l’on ne fonde rien de bon sur un massacre, et vous aurez largement le temps de le découvrir ! 

Que les plus anciens se souviennent ! Lorsque nous avons laissé dire « qu’ils coûtent un pognon de dingue et que cela ne sert à rien », quand nous avons laissé dire que nous étions des « gens qui ne sont rien », des « illettrés », un ministre voulait même calculer combien chacun de nous coûtait et combien il rapportait, en ces temps-là, par lâcheté, par naïveté, par facilité, nous avons accepté d’être déshumanisés, déshumanisés par les discours, déshumanisés par le chômage, déshumanisés par la précarité, par les machines, par la mondialisation, déshumanisés par la mise en concurrence de tous avec chacun, déshumanisés par les haines et les communautarismes, jusqu'à ce que nous acceptions, hélas, d’être déshumanisés par les techniques de sélection et d’amélioration. Techniques auxquelles, évidemment, seuls les « élus » eurent droit !

C’est parce que nous avons accepté toutes ces déshumanisations que nous avons accepté de devenir des surnuméraires !

Cette guerre contre l’humanité nous a mené de la richesse de sept milliards d’individus, de talents, de potentiels, à une poignée d’une centaine de millions de survivants. Aujourd’hui, nous pleurons tous nos morts et demain sera le premier jour d’une nouvelle humanité qui ne devra jamais oublier à quel point chaque vie est précieuse, demain devra être le premier jour d’une humanité sans vanité et qui choisira en toutes choses l’amour de la vie ! 

Notre funeste histoire montre que l’homme ne peut pas être amélioré par sa connexion avec l’intelligence artificielle. Tout ceci n’est que chimère. Il n’y a d’amélioration de l’homme que dans le cheminement vers la sagesse et dans l’amour, pour encore plus d’humanité ! »

Puis le peuple des surnuméraires prit le chemin des villes vides qu’ils ne purent remplir.

À nouveau la Terre redevint trop grande pour eux et à nouveau, ils crurent que l’espace dont ils disposaient était illimité. L’humanité ne fut qu’un temps sage et pacifiée, le temps que les actions héroïques des combattants surnuméraires ne deviennent plus que des paragraphes dans les manuels d’histoire informatisés.  

 

Et tout recommença, encore, et encore jusqu’à la fin des temps…

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CROISIÈRES

28 Août 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

SYMPHONY OF THE SEAS

SYMPHONY OF THE SEAS

Le navire s’éloigne lentement du quai dans un bouillonnement d’écume. Le voilà qui manœuvre, puis se place face au large. Nous regardons la côte s’éloigner, et avec elle nos problèmes quotidiens, emportés par le souffle du grand large. 

 

La température fraîchit, il est temps de rentrer. Nous parcourons les ponts, au milieu d’une foule mi-affairée, mi-avachie, entourée d’employés omniprésents. Les magasins, les bars, les restaurants et les services sont ouverts. Manifestement, tout est fait pour que nous nous immergions, l’espace de quelques jours, dans un espace clos qui nous emporte, physiquement et psychiquement, ailleurs. 

Certes, effectuer une croisière n’est pas un projet très original, car nous sommes de plus en plus nombreux à nous évader par ce moyen. En effet, on évalue le nombre de croisiéristes à vingt-huit millions de personnes en 2018, qui montent sur des navires de plus en plus grands, même s’ils n’atteignent pas forcément la taille du champion provisoire, le Symphony of the Seas, lancé à Saint-Nazaire en 2018, qui mesure 362 mètres de long. Une telle longueur lui permet d’embarquer d’un coup 6300 passagers et 2300 membres d’équipage, les premiers disposant pour se distraire et les seconds pour y travailler de trente bars, vingt restaurants, onze piscines, deux spas, deux théâtres, un casino, une patinoire, et j’en passe…

Vingt restaurants…Il y a incontestablement un côté « grande bouffe » dans les croisières qui se traduit par des cuisines gigantesques, et des réserves gargantuesques pour une traversée, dont des dizaines de milliers de bouteilles de vin, des produits frais stockés dans d’immenses chambres réfrigérées et de congélation. 

Nous fuyons notre quotidien, mais ces espaces de consommation que sont les navires de croisière ne plaisent pas à tout le monde, à commencer par les riverains des ports où ils font escale, d’autant plus qu’ils laissent tourner en permanence leurs moteurs diésel qui utilisent du fuel lourd, peu onéreux et non taxé. 

Aussi, quand on apprend qu’en Méditerranée, cette mer fermée sillonnée en tous sens par les bateaux de croisières, la teneur en soufre autorisée pour les carburants maritimes est actuellement de 1,5 %, soit mille cinq cent fois (vous avez bien lu 1500) plus que la limite tolérée dans les diesel des véhicules terrestres, il y a de quoi s’indigner. 

Ce problème n’a pas échappé aux autorités publiques : depuis 2015, les navires de croisière doivent utiliser dans les ports un carburant qui ne compte que 0,1 % de soufre, soit "seulement" dix fois plus polluant que le gazole des voitures diesel. L’ennui, c’est qu’un navire à quai qui utilise ses moteurs produit aussi des rejets de particules fines dans l'atmosphère, équivalents de 10.000 à 30.000 véhicules, et lorsqu'il navigue, il pollue cinq à six fois plus.

Il existe pour le moment quelques ports qui obligent les navires à quai à se brancher au réseau électrique local, comme Göteborg, Los Angeles ou Vancouver, et cette solution s’étendra sûrement à d’autres ports à l’avenir. Une autre solution plus radicale à la pollution engendrée par les navires en général, et pas seulement par les navires de croisière, consiste à remplacer les moteurs alimentés au fuel lourd par des moteurs au GNL (gaz naturel liquéfié́), qui réduirait de 85 % les émissions d’oxydes d'azote, supprimerait les émissions d'oxyde de soufre et l'essentiel des particules fines.

Je ne voudrais pas vous gâcher le plaisir de la croisière que vous projetiez de faire, mais il faut convenir que, selon une étude de Transport et Environnement publiée en juin 2019, la pollution générée par les paquebots de croisière est significative : les quarante-sept paquebots du leader mondial des croisières, Carnival Corporation, rejettent à eux seuls dix fois plus de dioxyde de soufre que les 260 millions de voitures de tourisme qui parcourent l'Europe. Ce problème a incité l'Organisation maritime internationale (OMI) à contraindre, dès l’année prochaine, tous les bateaux à utiliser un fioul affichant un taux de soufre trois fois inférieur à l’actuel. Il y a donc du progrès en vue. 

Si, d’un côté, la pollution par navire devrait se réduire, d’un autre côté le nombre de navires de croisière s’accroit sans cesse. En dix ans, de 2009 à 2019, le nombre de croisiéristes a presque doublé passant de 17,8 millions à 30 millions de personnes. Les chantiers navals ont reçu des commandes pour cent soixante-quatorze navires de croisières supplémentaires, à livrer au cours des huit prochaines années, soit une capacité hôtelière de deux cent soixante-dix mille lits supplémentaires.

Ne nous acharnons pas plus longtemps sur les croisières, car ce n’est pas seulement le nombre de croisiéristes qui s’accroit, mais le tourisme mondial dans son ensemble. En dix ans, le nombre de touristes dans le monde s’est accru de presque 50%, passant de neuf cent millions à un milliard trois cent millions en 2008 à plus d’un milliard quatre cent millions en 2018.  

Et bien sûr, si le tourisme a toutes sortes d’avantages, ceux de distraire les êtres humains et de créer des emplois, il a aussi toutes sortes d’inconvénients, dont celui de provoquer de nombreuses nuisances pour les habitants des régions visitées. Il suffit à cet égard de mentionner l’imprévisible désordre provoqué par l’extension d’Airbnb dans les immeubles, désormais visités en permanence par des inconnus de passage, ou la détérioration de sites fragiles comme le Machu Picchu au Pérou.

Il s'y ajoute surtout la consommation d'énergie et la pollution qu'engendre le tourisme, du fait des déplacements massifs en bateau, en avion ou de tout autre moyen de transport motorisé, qui remettent en cause sa légitimité, au sens où l'activité touristique n’est nullement vitale pour la survie de l’humanité. 

Bientôt, au lieu de s’extasier sur votre voyage au bout du monde, on vous fera honte d’avoir contribué à détruire la planète pour votre petit plaisir, et on peut donc imaginer qu’un jour, chaque citoyen se verra doté d’un quota de kilomètres à parcourir, au-delà duquel il se verra contraint de payer une surtaxe pour ses déplacements, s’il ne se retrouve pas purement et simplement interdit d’utiliser avion ou bateau, à la chinoise…

 

En attendant, profitez-en bien…

 

 

 

 

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LA BATAILLE NAVALE DE NEUVILLE

23 Août 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

L'ATALANTE AU PRISE AVEC DEUX FRÉGATES ANGLAISES

L'ATALANTE AU PRISE AVEC DEUX FRÉGATES ANGLAISES

 

Levis ne savait pas que la Marine Royale n’avait plus, provisoirement, les moyens de disputer les mers à la Navy. 

 

Il fut donc déçu de voir apparaitre le 9 mai 1760 devant Québec un navire britannique. Mais il ne se découragea pas, attendant toujours l’apparition de navires français chargés de renforts. Il ouvrit le feu sur Québec avec son artillerie le 11 mai à partir de Beauport. Puis, le 15 mai, trois autres vaisseaux britanniques furent en vue. Le 16 mai, ces trois vaisseaux cherchent à détruire les frégates françaises qui soutiennent le siège. 

Levis ne s’obstine pas, il lève le siège et fait retraite vers l’ouest.  Pendant ce temps, une bataille navale, la bataille de Neuville, oppose quatre navires français et les vaisseaux anglais qui viennent d’arriver en face de Québec. 

Ces quatre navires commandés par Jean Vauquelin, deux frégates, l’Atalante et la Pomone, ainsi que deux flûtes, la Pie et la Marie, avaient hiverné près de Sorel. Au printemps de 1760, elles avaient transporté les munitions de l'armée à proximité de Québec, afin de hâter la marche des troupes. Peu après la victoire de Sainte-Foy, les navires s'étaient ancrés à proximité de Québec pour participer au siège. 

Lorsque le premier navire anglais, la frégate Lowestoft, arrive le 9 mai 1760, son capitaine, Deane, prend conscience de la précarité de la position de Murray, Lévis poursuivant activement le siège de Québec. Il décide d’envoyer à la nuit un sloop armé, le Racehorse, à la rencontre du reste de la flotte anglaise, qui n'est pas au courant de la situation.  

Les deux navires britanniques qui arrivent le 15 mai, le Vanguard, un navire de ligne, commandé par Robert Swanton et la frégate Diana commandé par le capitaine Schomberg, se préparent visiblement à attaquer les navires et les troupes françaises. Aussi, le 16 mai, Levis lève le siège pour sauver le matériel de l'armée tandis que l’Atalante et la Pomone appareillent. Les trois navires anglais leur donnent la chasse, mais la Pomone, prise sous un coup de vent, s'échoue à l'Anse-au-Foulon. Vauquelin, voyant que l’ennemi rattrape rapidement l’Atalante et les petits bâtiments, ordonne à ces derniers d'aller s'échouer dans l'entrée de la rivière du Cap-Rouge où ils seront récupérés le lendemain. 

Le Vanguard concentre ses coups contre les retranchements et les équipements de l'armée à Anse-au-Foulon. Les deux autres navires continuent à poursuivre l’Atalante, qui canonne en retraitant et dont la seule perspective est de se saborder assez près du rivage pour sauver l'équipage. Deux endroits sont désignés par le pilote, Portneuf à cinq lieues et Pointe-aux-Trembles, deux lieues en avant. Vauquelin opine pour le second site, sachant qu'il sera rejoint bien avant Portneuf et qu’aller plus loin reviendrait à indiquer aux navires anglais le chenal à suivre. 

L’Atalante est donc lancé à la Côte par Vauquelin, près du moulin de la Pointe-aux-Trembles. Les deux frégates anglaises se placent à demi-portée de canon et tirent 850 coups de canon au total sur la carcasse de l’Atalante, dont les artilleurs répliquent, tandis que Vauquelin prépare l'évacuation des marins. L'eau qui monte dans le navire rend inutilisables les quatre derniers barils de poudre et les hommes en sont réduits à s'armer de mousquets. Comme l'eau continue de monter dans la cale pour atteindre huit pieds et que la frégate penche sur le côté́, le plat-bord au niveau de l'eau, Vauquelin décide d'abattre le mâde misaine afin de rétablir l’horizontalité du bateau. 

Les Anglais continuent de canonner les marins qui débarquent et lorsqu'ils constatent que l’Atalante ne tire plus depuis longtemps, ils envoient des chaloupes à bord où ils trouvent encore onze personnes, dont six marins. Vauquelin fut fait prisonnier avec les sieurs Sabourin et Thomas, lieutenants, Deshaix, enseigne, Chaumillon, écrivain, et le sieur Bossens, aumônier. Ils furent conduits à̀ bord du Diana et du Lowestoff

L’Atalante, avec ses vingt deux canons, finit par couler et le Lowestoff, endommagé et pris dans une tempête de vent, chassa sur son ancre et coula non loin de l’Atalante le 18 mai, si bien que les passagers et l'équipage durent être transféré́s sur le Diana.

 

Désormais, la Marine Royale n’avait pratiquement plus de navires à opposer à la British Navy entre Québec et Montréal. 

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KRISTIAN PALDA ET MOI

18 Août 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

KRISTIAN ET MOI AU THOLONET, NOVEMBRE 1999

KRISTIAN ET MOI AU THOLONET, NOVEMBRE 1999

 

Kristian Palda est décédé à Kingston le vendredi 26 juillet 2019. J’avais toujours juré d’aller assister à son enterrement, coûte que coûte. Pourtant au dernier moment, pour toutes sortes de bonnes raisons, j’ai dû y renoncer.

 

J’ai rencontré Kristian en 1974. J’étais assistant à l’IAE de Nice. Je le saluais par politesse, tout en me demandant qui il était. Quand j’ai lu son curriculum vitae en main, j’étais stupéfait que personne ne s’intéresse à lui à l’Université.  

Nous sympathisâmes rapidement. 

Apprenant que j’avais une formation en mathématiques, Kristian prétendit que je pouvais l’aider pour achever un article. Je ne crois pas qu’il avait vraiment besoin de moi, mais qu’il cherchait à m’aider. Il m’a ainsi permis de publier deux articles en anglais avant la soutenance de ma thèse, qui ont certainement contribué à la réussite de la première épreuve du concours d’agrégation en Sciences de Gestion.

Ma deuxième rencontre avec Kristian et sa femme Isabelle eut lieu à Prague. Ils s’y trouvaient pendant les vacances de Noel 1976, en même temps que mon frère, ma compagne, un ami et moi. La ville était grise, le froid intense et j’avais une forte fièvre. Kristian me permit de rencontrer un médecin tchèque, avant que mes problèmes médicaux ne prennent un tour plus complexe, qui me retint dans les hôpitaux tchèques pendant trois semaines. 

Nous restâmes en contact ensuite, nous nous vîmes souvent en France, puis, après le concours d’agrégation et mon séjour au Sénégal, nous repriment notre collaboration qui me permit de publier un article en 1985, avec Kristian Palda et Brian Ratchford comme co-auteurs, dans la prestigieuse revue Research In Marketing

Kristian m’a attiré vers de nouveaux chemins de recherche, que ce soit la relation entre la R&D et l’efficacité économique et surtout la problématique du Public Choice. Il s’est même intéressé, reliant sa passion pour l’histoire à son travail sur les choix publics, aux Cahiers de Doléances écrits à l’aube de la Révolution Française, pour saisir l’orientation et mesurer l’intensité des vœux adressés par les citoyens à leurs gouvernants. 

Pour donner un exemple de l’ampleur de son apport, je me souviens de mon passage à Kingston un gris après-midi d’octobre. J’errais dans les sous-sols de la bibliothèque de Queen’s en quête de documentation pour l’une de mes doctorantes et j’y croisais Kristian par hasard. Informé de ma recherche, il m’indiqua qu’il possédait toute l’information sur le sujet, m’entraina dans son bureau, photocopia les documents afférents  et, à mon retour à Nice, ma doctorante se retrouva avec toutes les données nécessaires pour rédiger la partie théorique de sa thèse.  

Grâce à lui, je fus à trois reprises professeur invité du séminaire doctoral de Queen’s pendant les étés 1987,1988 et 1990. C’était fort intéressant du point de vue scientifique, mais je voudrais invoquer surtout mes impressions sur la vie que nous partagions avec Kristian à Kingston. J’étais logé à quelques centaines de mètres de la maison d’Isabelle et de Kristian, une magnifique maison de pierre qu’il occupait encore en ce début d’été 2019. Pour moi, c’était la maison rêvée, emplie de livres, de tableaux, ouvrant sur une véranda donnant sur le jardin. Nous nous tenions dans la véranda, où nous avons passé des heures en discussion, qui ne s’achevaient jamais sans une nouvelle perspective scientifique ou historique. 

Kristian, c’était, à mes yeux, la vie rêvée de professeur,  dans une petite ville tranquille aux rues bordées de jolies maisons et à quelques centaines de mètres de l’université où il se rendait à pied à travers un parc peuplé de hérissons…

De fait, juillet à Kingston, au bord du lac Ontario, c’était le paradis. Je travaillais, je faisais du sport, je rencontrais Kristian, Isabelle, leurs deux enfants Filip et Valérie, nous échangions des idées, des projets, le monde ne pouvait rien contre nous. Le soir je rejoignais mon logis, une maison en bois, sans me rendre tout à fait compte que cet accomplissement, ce bonheur, ne pouvaient être qu’éphémères. Du moins je ne l’ai jamais oublié… 

À sa retraite, nous avons plus que jamais continué à nous voir et à échanger, souvent en famille, à Kingston, à Toronto, à Montréal, à Aix, à Clermont, à Strasbourg, à Prague. Je parcourais le Canada, seul ou en famille, de Vancouver à l’ouest à Churchill, en passant toujours par Kingston. La famille Palda faisait partie de mon univers, j’ai partagé ses espoirs, ses inquiétudes, ses difficultés et ses peines. Isabelle a disparu, puis Filip. Kristian est resté seul dans sa maison, veillé par sa fille Valérie. 

Je l’ai rencontré pour la dernière fois l’année dernière, fin avril 2018. J’ai passé quelques jours à Kingston et j’allais le visiter tous les après-midis, veillant à ne pas trop le fatiguer. Il était content de me voir, de parler en français, d’échanger des idées, il avait l’esprit toujours aussi clair, vif, perçant. 

Je voyais bien que, si la maison et Kristian étaient toujours là, la vie ne se conjuguait plus au futur, le passé nous pesait trop, avec ses drames et son bonheur envolé. Nous savions tous deux que rien ne pourrait y changer quoi que ce soit, ni nos pensées, ni nos paroles, ni notre communion. Je me souviens de mon pincement au cœur lorsque je l’ai quitté le dernier jour, sur le pas de sa porte. 

Par Valérie, je sais qu’en ce mois de juillet 2019, il a fêté le mariage de son petit-fils, qui se prénomme aussi Kristian, quelques jours avant qu’il ne trébuche, se fasse un hématome à la tête qui s’est accompagné d’une hémorragie interne. Il n’a survécu que cinq jours à sa chute. 

 

Je m’en veux de ne pas avoir assisté à ton enterrement, Kristian. Je vais aller sur ta tombe, là-bas à Kingston. Sur ta tombe et celle d’Isabelle et de Filip. J’y réaffirmerais que la vie est un passage de témoins. Que tu m’en as transmis une multitude et des plus importants. Que je me suis efforcé de les retransmettre à mon tour et que je continuerai à le faire jusque vienne mon tour de me taire, pour laisser à d’autres le soin de prendre le relais…

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LE PROFESSEUR KRISTIAN PALDA

13 Août 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #CULTURE

LE PROFESSEUR KRISTIAN PALDA (1928-2019)

LE PROFESSEUR KRISTIAN PALDA (1928-2019)

J’ai eu beaucoup de mal à écrire sur Kristian Palda, dont je me sens tout simplement orphelin.

 

Vous trouverez facilement une biographie de Kristian Palda, mais, tout de même, il me faut commencer par sa carrière, avant de présenter l’ami et l’homme profond qu’il était. 

Étudiant à Prague en 1949, Kristian est issu d’une famille d’industriels en cristallerie. Lorsqu’il est prévenu par ses camarades de son arrestation imminente en raison de sa filiation capitaliste par le régime communiste, il s’enfuit de la Tchécoslovaquie communiste et rejoint l’Italie où se trouve une partie de sa famille. Puis il se réfugie aux États-Unis et au Canada où il rencontre sa femme Isabelle, poursuit ses études tout en faisant de petits boulots. 

En 1956, c’est un étudiant brillant qui obtient un Bachelor en Commerce à Queen’s (Kingston, Ontario), puisqu’il peut poursuivre son cursus à l’Université de Chicago jusqu’à un MBA deux ans plus tard et un PhD. en 1963. 

Ce n’est pas n’importe quelle thèse qu’il soutient, Il a obtenu d’être encadré par George Stigler, futur Prix Nobel d’économie et la thèse qu’il soutient alors fait faire un bond remarquable à la recherche, en appliquant les outils de l’économétrie au marketing et à la publicité. 

Kristian Palda a été le premier chercheur à mesurer les effets de la publicité sur le chiffre d’affaires d’un produit, en l’occurrence pharmaceutique, fabriqué par l'entreprise Lydia Pinkham.

Le travail de Kristian Palda est devenu un classique, l’un des plus cités en marketing et le nombre des chercheurs qui ont utilisé les données qu’il a fournies est tel qu’il a donné lieu à un champ de recherche spécifique, les Lydiametrics. 

À la suite de ce succès remarquable, Kristian Palda a continué ses recherches sur la théorie de la hiérarchie des effets de la publicité. Il a alors enseigné à HEC Montréal et à SUNYB (Buffalo), est devenu full professor à Claremont Graduate University (Californie) jusqu’à ce qu’il retourne à Queen’s en 1970. 

Kristian était un économiste, le marketing ne l’intéressait que comme champ d’application. Fondamentalement, il était très méfiant vis-à-vis des interventions de l’État dans le domaine économique. Il faut dire que l’expérience tchécoslovaque et l’École des économistes de Chicago le poussaient dans cette attitude et le conduisaient à s’interroger sur la rationalité des choix publics. Dès 1975, il a étudié les effets de la publicité électorale sur les résultats électoraux, et avec sa capacité d’analyse, il a publié dans les meilleures revues pour devenir rapidement l’un des auteurs de référence sur le sujet.  

Puis il s’est lancé dans l’étude des relations entre la R&D et la performance économique d’un pays. En écrivant pour le Fraser Institute, il en a fait un sujet de réflexion pour l’ensemble du Canada, apparaissant pour la première fois dans les débats publics au sein des médias.

C’est alors qu’il obtenait le Queen’s Prize for Excellence in Research en 1987. C’était la période où il fut le plus actif au plan scientifique, alternant son travail au Canada, aux États-Unis, en France et en Belgique.

Après vingt-quatre années d’activité, il prit sa retraite en 1995 tout en continuant ses activités scientifiques. C’est ainsi qu’il présida l’European Public Choice Society, dont il organisa la conférence annuelle à Prague en 1997, en présence du Président du gouvernement tchèque, Vaclav Klaus. 

En 1998, il publia dans la revue Public Choice un article magnifique, souvent cité, co-écrit avec son fils Filip, également docteur de l’Université de Chicago, intitulé The impact of campaign expenditures on political competition in the French legislative elections of 1993.

Ensuite Kristian laissa son fils Filip (1962-2017), auquel j’ai consacré un billet (http://andreboyer.over-blog.com/2017/09/filip-palda-mon-ami-envole.html), continuer, étendre et faire connaitre la démarche qu’il avait initiée dans le domaine du Public Choice, si bien que l’on peut les associer tous les deux dans leur apport scientifique remarquable qui a permis d’éclairer des choix publics souvent nébuleux.  

 

Je ne m’avance pas beaucoup en prédisant une longue postérité à leurs travaux, mais je n’irai pas plus loin dans ce bref rappel de l’activité scientifique de Kristian Palda, pour consacrer un prochain billet à l’homme que j’ai connu. 

 

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L'EAU À BOIRE

11 Août 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

L'EAU À BOIRE

Comme l’eau constitue environ 65% du corps humain, soit 45 litres dans une personne de 70 kilogrammes, il est aisé de comprendre qu’il est nécessaire de boire, pour garder constante cette proportion, 1,5 à 2 litres d’eau par jour.

 

Dans ce billet, boire signifie boire de l’eau, que ce soit de l’eau fournie par le circuit de distribution ou de l’eau en bouteille.

En France, l’eau du robinet est très contrôlée : sa potabilité est évaluée par plus de soixante critères établis en fonction du risque subi par les populations les plus vulnérables, tels que les nourrissons ou les femmes enceintes. Aussi la pollution par les nitrates et les pesticides est-elle très rare et le plomb n’est-il présent que dans certains bâtiments anciens.

Selon les régions, l’eau du robinet est plus ou moins chlorée afin de détruire les bactéries qui pourraient s’y trouver, mais, quelles que soient les régions, la quantité de chlore contenue dans cette eau est trop faible pour avoir un effet sur notre santé. Il arrive aussi que le calcaire donne un goût désagréable à l’eau, mais sans qu’il présente le moindre danger pour la santé.

Aussi, l’eau du robinet est-elle un produit alimentaire sans danger pour 95,6% des consommateurs. Les 4,4% restants, qui sont menacés par une qualité insuffisante de l’eau distribuée, sont situés dans des villages de quelques régions françaises, plus particulièrement dans le Loiret, la Seine-et-Marne, l’Yonne, l’Aube, la Marne, le Pas-de-Calais et la Somme. 

En outre, l’utilisation de systèmes de filtrages pour obtenir une eau de meilleure qualité est contestée par l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSES). En effet, cette dernière relève que les cartouches de filtration sont souvent des nids à microbes.

On peut donc se passer de l’eau en bouteille, qui a des caractéristiques différentes de l’eau du robinet, notamment parce qu'elles ne subissent aucun traitement, puisqu’elles sont réputées naturellement potables. 

Mais il faut distinguer, parmi les eaux en bouteille, les eaux de source et les eaux minérales :

  • Les eaux de source sont soumises à la même réglementation que l’eau du robinet. Elles doivent donc remplir tous les critères de potabilité, y compris contenir la même quantité de minéraux que l’eau du robinet. Elles ne subissent aucun traitement et sont donc plus pures que celle du robinet, ce qui fait qu’elles remplacent aisément  l’eau du robinet dans les régions polluées, ou quand cette dernière a un goût de chlore trop prononcé.
  • Les eaux minérales sont soumises à des normes spécifiques et peuvent atteindre de fortes teneurs en minéraux, qui ne sont pas tolérées pour l’eau du robinet. Aussi le principal élément à prendre en compte dans le choix d’une bouteille d’eau minérale est la quantité de résidus à sec qu’elle contient, à savoir la quantité restante de minéraux, sodium, magnésium, sulfate, calcium, une fois que l’eau s'est évaporée. 

Contrairement à notre intuition, une bonne eau est une eau peu minéralisée, car une consommation excessive de minéraux peut être néfaste pour l’organisme. Idéalement, le résidu à sec d’une bouteille d’eau minérale doit ainsi être inférieur à 100mg/l, sans compter que, même à ce niveau de résidu à sec, les eaux minérales sont souvent trop riches en sodium ou en d’autres minéraux. 

D'autant plus qu'il faut savoir que les carences en minéraux, comme en calcium et en magnésium, ne peuvent pas être restaurées par la consommation d’eau minérale, compte tenu de la faible capacité d’assimilation du corps humain pour les minéraux présents dans ces eaux. 

Enfin, dans toutes les eaux qui sont conservées dans des bouteilles en plastique, qu’elles soient de source ou minérales, on trouve des particules de plastiques qui se sont d’autant plus volontiers détachées de la bouteille que cette dernière a été exposée à la chaleur et la lumière.

On peut donc s’interroger, du point de vue individuel, sur la rationalité de choisir de consommer de l’eau en bouteille, qui est, sauf lieux bien identifiés, au mieux équivalente du point de vue sanitaire à l’eau du robinet, une eau qui est au moins cent fois plus chère que l’eau du robinet (0,0035 euros le litre en moyenne en France), qu’il faut transporter péniblement et qu'il faut stocker dans de bonnes conditions. 

Finalement, quand on se place du point de vue collectif, la production d’eau en bouteille est très énergivore:

Entre le transport des matières premières, le processus de fabrication et l’acheminement vers les grandes surfaces, on obtient un bilan de 8kg de COrejetés par litre d’eau en bouteille mise à disposition du consommateur, soit autant qu’une voiture qui parcourt 50 kilomètres. En outre, cette production d’eau est polluante, car, une fois bues, les bouteilles finissent soit dans la nature, soit dans une décharge, soit dans un incinérateur, les deux premières entrainant la libération de toxines  dans le sol que nous cultivons et dans l’air que nous respirons. Quand, au mieux, les bouteilles finissent dans un incinérateur, il faut encore utiliser une quantité d’énergie non négligeable pour les recycler.

 

L’eau en bouteille est donc un produit, et disons-le, un abus de la société de consommation, qui n’apporte généralement aucun avantage à l’être humain, avec des effets fortement négatifs sur l’environnement : une société responsable devrait donc veiller à décourager les consommateurs de l'utiliser et non l'encourager par la publicité.

 

Je vous laisse conclure…

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ROBOT OU TRAVAIL HUMAIN?

7 Août 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

ROBOT OU TRAVAIL HUMAIN?

ROBOT OU TRAVAIL HUMAIN ?

 

Dans le billet précédent, j’ai expliqué en quoi un système industriel fondé sur la robotique nécessitait une grande quantité d’énergie et de métaux souvent rares, ces deux facteurs de production se trouvant limités par l’écologie de notre planète et par la quantité de matières premières disponibles. Ces deux contraintes ont des effets sur le coût comparé d’une production assurée, soit par les robots, soit par les hommes. 

 

Le coût énergétique des robots n’est pas totalement ignoré dans les calculs industrielsmais la comparaison avec le coût du travail humain n’a pas encore été systématiquement analysée. 

Le fonctionnement d’une entreprise implique de calculer ses coûts et ses revenus. Nous avons choisi un exemple, que l’on ne peut pas généraliser, de calcul du cash-flow généré par l’introduction d’un robot qui couterait 250000$. Le calcul montre que les économies engendrées par le remplacement des ouvriers par le robot, entraine une augmentation appréciable du cash-flow, grâce à une faible augmentation du coût de l’énergie, 2% par an. 

Source : https://www.robotics.org/content-detail.cfm/Industrial-Robotics-Industry-Insights/Calculating-Your-ROI-for-Robotic-Automation-Cost-vs-Cash-Flow/content_id/5285

 

Face à la consommation d’énergie générée par les robots qui comprend celle qui est engendrée par leur fabrication, celle qui provient de leur activité physique et de la transmission des informations qui leur sont nécessaires, les êtres humains consomment à peu prés la même quantité d’énergie, l’équivalent d’une ampoule de 100 à 150 watts, qu’ils travaillent ou qu’ils ne travaillent pas, ce qui signifie que le coût marginal du travail humain en termes d’énergie est quasiment nul. 

 

Or l’usage croissant des robots entraine un accroissement du coût de l’énergie et des matières premières rares, ce qui provoquera à terme un arbitrage de plus en plus favorable au recours à l’activité humaine dans le processus de production. 

 

FIN

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LES LIMITES PHYSIQUES DE LA ROBOTIQUE

30 Juillet 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LES LIMITES PHYSIQUES DE LA ROBOTIQUE

L’humanité se trouve, pour le demi-siècle à venir, devant un dilemme. Soit accroitre sans cesse sa consommation d’énergie et donc son empreinte écologique, soit trouver les moyens de la réduire. Le développement de la robotique est une donnée importante de ce choix.   

 

Pour les dix ou quinze années qui viennent, l’inertie de l’économie mondiale pousse dans le sens d’une augmentation de la consommation d’énergie. La logique de la concurrence entre les producteurs d’énergies fossiles a entrainé la mise en exploitation du gaz et du pétrole de schiste. Il en résulte que les réserves mondiales de pétrole ont augmenté, permettant désormais de répondre à une cinquantaine d’années de consommation (BP 2017). Du coup, le prix du pétrole baisse et son remplacement par des énergies moins polluantes s’en trouve freiné : selon les prévisions (WEO, 2017), la demande de pétrole en 2040 devrait encore être de 105 millions de barils par jour.

Il en résulte que l’on s’attend à un accroissement continu des gaz à effet de serre, ce qui va provoquer un réchauffement global supérieur à 2oC du climat de la Terre. On ne sait pas encore prévoir quand les problèmes liés aux ressources en eau, à la production agricole, à la survie et l'épanouissement de la biosphère naturelle pourraient devenir critiques, d’autant plus que l’évolution du climat peut provoquer de brusques ruptures, comme le réchauffement du pergélisol de la zone subpolaire qui risque de libérer de fortes quantités de méthane susceptibles d’accélérer encore le réchauffement climatique ou comme un ralentissement voire une déviation du Gulf Stream qui affecterait le climat de l'Atlantique nord.

Mais même si le climat ne réagit que lentement aux perturbations provoquées par la croissance économique, la perspective de tels changements est de nature à bouleverser les choix technologiques et économiques de l’humanité. La réduction des émissions de COcontraindra à limiter la consommation d’énergie fossile et donc d’énergie tout court, qui ne peut être obtenue que par une augmentation du prix de l’énergie ou par son rationnement. 

Il est donc probable que, même après une courte période de stabilisation des prix, jusque vers la fin des années 2020, le coût de l’énergie devrait augmenter sensiblement, ce qui affecterait le coût de fabrication et d’utilisation des robots. 

En effet, les robots consomment de l’énergie électrique, en raison de leur action mécanique et des moyens d’information dont ils disposent pour communiquer avec les hommes, pour recueillir des informations sur leur environnement et pour organiser leurs actions.

Si la quantité d’électricité consommée par les robots est difficile à isoler, la consommation électrique nécessaire pour faire fonctionner l’ensemble du système sur lequel sont adossés les robots, composé de terminaux, d’équipements de transmission et de centres de données, dégage une grande quantité de chaleur. On évalue que la seule électricité consommée par les échanges de données représente 10% de l’électricité mondiale (Mills M. P., 2013). 

Des progrès techniques pour réduire la consommation énergétique sont en cours, mais ces gains sont largement contrebalancés par l’accroissement rapide des données échangées et stockées. En effet, selon Data Age 2025 (Reinsel D. and al., 2017), la quantité de données échangées en 2025 devrait être dix fois supérieures à celles échangées en 2016 et le développement des big data, indispensables à «l’intelligence» des robots, est un facteur important de la croissance des échanges de données.

En outre, les calculateurs et les batteries des robots font appel à des métaux rares, tels que le platine pour les piles à hydrogène et le néodyme dopé au dysprosium pour les aimants (Zhou, 2017). Les batteries utilisent également divers matériaux rares, tels que le gallium, le sélénium, l'indium, le cadmium et le tellure pour les panneaux solaires. Dans les ordinateurs des robots, des dizaines de métaux différents sont utilisés, dont certains sont rares ou/et chers comme l'or, l'argent, le cuivre, le lithium, le cobalt, l'étain, le gallium, l'indium, le germanium, le tantale, le ruthénium, le tellure, l'antimoine et le palladium.

C’est pourquoi le secteur informatique représente une part importante de la consommation minière mondiale : 6 % du cuivre, 10 % de l’or et du palladium, 20 % de l’argent, 35 % de l’étain et du cobalt, 60 % du tantale, 80 % de l’indium (Zhou, 2017), d’autant plus que la récupération de ces métaux dans les déchets électroniques s’avère malaisée, car les métaux y sont trop mélangés et trop dispersés pour être recyclés. 

 

Ainsi les besoins en énergie et les besoins en métaux se renforcent mutuellement et le système industriel fondé sur la robotique puise dans un stock limité de ressources en énergie et en métaux.  

 

Références:

BP Statistical Review of Energy (June 2017), retrieved from

https://www.bp.com/content/dam/bp/en/corporate/pdf/energy-economics/statistical-review-2017/bp-statistical-review-of-world-energy-2017-full-report.pdf

Mills, M. P. (2013), The Cloud Begins With Coal, Big Data, Big Networks, Big Infrastructure and Big Power: an overview of the electricity used by the global digital ecosystem, retrieved from https://www.tech-pundit.com/wp-content/uploads/2013/07/Cloud_Begins_With_Coal.pdf.

Reinsel, D., Gantz, J.,&Rydning, J. (2017), Data Age 2025: The Evolution of Data to Life-Critical Don’t Focus on Big Data; Focus on the Data That’s BigIDC White Paper, retrieved from https://www.seagate.com/files/www-content/our-story/trends/files/Seagate-WP-DataAge2025-March-2017.pdf

WEO (2017), World Energy Outlook 2017, Executive Summary, retrieved from  https://www.iea.org/Textbase/npsum/weo2017SUM.pdf

 Zhou, B., Li, Z., & Chen, C. (2017),Global Potential of Rare Earth Resources and Rare Earth Demand from Clean Technologies, Minerals, 7(11), 203. doi:10.3390/min7110203

 

À SUIVRE

 

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CONTRÔLER LES CHINOIS, VASTE PROGRAMME

25 Juillet 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

CONTRÔLER LES CHINOIS, VASTE PROGRAMME

Le peuple chinois est actuellement dirigé par Xi Jinping, un dirigeant qui est fermement opposé aux Droits de l’Homme en tant que valeur universelle et plus concrètement au modèle démocratique occidental.

 

Dans cette logique, il est compréhensible que Xi Ping ait fait abolir la limitation à deux quinquennats qui était imposée jusqu’alors aux Présidents de la République Populaire de Chine, ce qui lui permet de rester Président aussi longtemps qu’il aura la confiance du PCC. 

Mais la Chine reste un pays structurellement instable. Le pacte actuel repose sur une hyper croissance économique, qui, par définition, ne peut pas durer. En dehors de quelques centaines de milliardaires et de quelques dizaines de millions de riches, les bonnes relations entre trois classes sociales chinoises sont fortement liées au taux de croissance : la classe moyenne urbaine qui rassemble 150 à 400 millions de Chinois, les migrants ruraux, 280 millions de personnes qui subissent un apartheid social et 600 millions de paysans qui s’efforcent de survivre dans les campagnes. 

Les tensions qui en résultent s’expriment sur la blogosphère, par conséquent surveillée de près par le pouvoir. C’est pourquoi le China Wide Web a été construit comme un intranet, ce qui lui permet de s’isoler du reste du monde ou de couper l’accès à une partie du territoire en cas de problèmes. De nombreux sites occidentaux ont été ainsi rendus inaccessibles, comme Facebook ou Google. Quant aux internautes chinois récalcitrants, ils sont repérés par des délateurs qui y sont fortement incités par des primes importantes. 

Le choix du libéralisme économique est au cœur des problèmes de contrôle de la société chinoise par le pouvoir. Ce libéralisme économique a donné des espaces d’action à la classe moyenne, comme la possibilité de créer son entreprise, de choisir son emploi, d’étudier et de faire des affaires ou du tourisme à l’étranger. 

C’est une grande différence avec le hukou, ce document d’enregistrement qui liait chaque chinois à une unité de travail et qui lui permettait de recevoir un logement, d'avoir accès aux soins de santé et à l’école. Mais le hukou est aujourd’hui en voie de disparition et les agents chargés de l'encadrer sont de moins en moins efficaces. Il faut donc trouver des solutions de remplacement pour surveiller la population, à l’aide des nouvelles technologies. 

Les autorités chinoises s’y emploient activement. Il paraît que l’on trouve désormais 270 millions de caméras en Chine, soit une pour cinq habitants, situées plus particulièrement dans les gares, les aéroports, les transports en commun, les rues, les parcs, les universités, les hôpitaux, mais aussi dans toutes les entreprises. Les projets Skynet et Sharp Eyes, initiés par le Ministère de la Sécurité Publique, ont respectivement pour objectif de reconnaître n’importe qui, n’importe où en Chine, et d’utiliser les objets connectés, comme les smartphones ou les télévisions, pour observer les habitants, chinois ou étrangers. Des centaines de start-ups développent toutes sortes d’objets connectés qui sont autant de capteurs de données personnelles permettant de contrôler la société. Aujourd’hui, quatre cent millions de personnes, un tiers de la population, sont déjà répertoriées dans des banques de données qui permettent de les identifier en trois secondes à l’aide des caméras. 

Les initiatives se multiplient pour développer la surveillance des habitants: dans cinq provinces, la police utilise des drones camouflés en oiseaux pour suivre des suspects ; une entreprise de nettoyage de Nankin suit en temps réel les déplacements de ses employés grâce à des traceurs GPS ; les ouvriers de la manufacture Chongheng Electric de Hangzhou revêtent pour travailler un corset et un casque qui captent les ondes de leur cerveau et leur corps, afin de connaitre leurs émotions; une application de WeChat sait géolocaliser les personnes endettées qui sont signalées dans votre smartphone qui se met à clignoter, avec le nom et le numéro de carte d’identité de la personne endettée dès que la personne endettée s’approche de vous. 

Le pouvoir chinois cherche ainsi, par tous les moyens techniques dont il dispose, à organiser un système de contrôle social adapté aux évolutions rapides qui caractérisent le pays. L’idée de doter chaque personne ou entreprise présentes en Chine, quelle que soit leur nationalité, d’un crédit social est l’une des pierres angulaires de ce projet de contrôle. 

Depuis 2014, soixante-dix projets pilotes ont été lancés jusqu'à ce que soit retenu le modèle de la ville de Rongcheng, qui devrait être généralisé très prochainement, à partir de janvier 2020. Chacun se verra doté de bonus et de malus en fonction de critères définis au niveau local et national. Pour rendre effectif le crédit social universel, au niveau de la Chine, tous les acteurs du numérique, depuis les plateformes de commerce en ligne jusqu’aux réseaux sociaux, ont l’obligation de transférer aux agences étatiques les métadonnées qu'ils ont accumulées. Le Ministère de la Sécurité Publique y ajoute les données biométriques de chaque citoyen chinois. 

La notation n’est pas encore généralisée, mais déjà dans les zones où elle est expérimentée, six millions de personnes se sont retrouvées interdites de prendre l’avion en raison de leurs « méfaits sociaux », et ce n’est évidemment que le début des listes noires que va probablement générer le système des crédits sociaux. 

Avec ce crédit social, on peut dénoncer l’apparition d’un monstrueux Big Brother, mais le pays a toujours eu une tradition de contrôle social étroit, comme en témoigne le hukou, qui est un système bien plus contraignant que le crédit social. 

En France, ce système est inimaginable, pour le moment. Encore que l'on a mis en place depuis plusieurs années, à l'aide du couple radar-ordinateur, un système qui aboutit à priver de permis de conduire cent mille personnes tous les ans, un système qui pourrait être appliqué à d'autres dérives que la conduite automobile, à partir des données accumulées de toutes parts.  

 

Je n’ose imaginer quels moyens mettrait en oeuvre la République Française, si elle devait gérer un milliard trois cent millions d'habitants...

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