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Le blog d'André Boyer
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L'AFFAIRE PIERUCCI ET LA VENTE D'ALSTOM À GE

16 Juin 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

FREDERIC PIERUCCI, LE CADRE PIÉGÉ

FREDERIC PIERUCCI, LE CADRE PIÉGÉ

 

En avril 2013, arrivant d’Asie Frédéric Pierucci, directeur monde de la division chaudière d’Alstom, est arrêté à la sortie de son avion à l’aéroport JFK de New York. 

 

Il se retrouve à Wyatt Detention Facility, passant des hôtels quatre étoiles à une prison de haute sécurité, avec les chaînes aux chevilles et aux poignets,  dans la promiscuité avec des barons de la drogue et les truands de la finance, avec des soins de santé défaillants, des avocats qui jouent contre lui du fait du lâchage de son entreprise et bien sûr, la séparation avec sa femme et ses quatre enfants, qui luttent depuis Singapour pour l’aider à sortir  de ce piège.  

J’ai déjà décrit une situation analogue au sujet de mon beau-frère, piégé d’une manière analogue par la « Justice » américaine en 2007-2008,  dans trois articles intitulés « Le gibier », « le convict » et « l’exfiltré » écrits en octobre 2013.

Il s’agit d’une tactique d’intimidation courante des autorités américaines vis-à-vis des individus, des entreprises et des États étrangers, aujourd’hui popularisée par le Président Donald Trump qui, chaque semaine, menace l’un ou l’autre de ses interlocuteurs jusqu’à ce que ce dernier accepte de consentir à passer des accords favorables aux États-Unis.  

Fréderic Pierucci raconte dans son livre, Le piège américain, que son premier interlocuteur, David Novick, procureur fédéral dans le Connecticut, lui propose de « faire des choses pour eux et contre Alstom et sa direction ». Le procureur reconnaissait que Frédéric Pierucci « n’était pas décisionnaire mais était au courant de tout ce qui se passait ». En d’autres termes, un lampiste, qui n’allait pas accepter de payer pour la direction d’Alstom, la vraie fautive. Car ce que voulait le Département de la Justice (DoJ) « c’était de poursuivre la direction générale d’Alstom et notamment son PDG, M. Kron ».

Appliquant les consignes d’Alstom, Pierucci refusa de coopérer dans le sens demandé par le Procureur, tout en étant convaincu qu’en retour, douce illusion, sa direction allait voler à son secours. 

Il décida donc de plaider non coupable et en réponse le procureur sortit le gros bâton. Théoriquement, Pierucci avait bien le droit de plaider non coupable, mais il risquait alors une peine de 125 ans de prison (pourquoi pas mille années?). Quelle était donc l’énorme faute que lui reprochait la justice américaine ? D’avoir été, dix ans auparavant, l’un des treize cadres d’Alstom qui avait donné leur aval, par leur signature au bas d’un document que détenait le DoJ, pour recruter un consultant, en clair un intermédiaire, afin de faciliter une vente d’Alstom en Indonésie, pour un montant de 118 millions de dollars. Or ce consultant avait versé des commissions à des élus indonésiens qui avaient ensuite témoigné devant le DoJ. Cela suffisait pour que l’on puisse accuser Pierucci aux États-Unis d’être l’un des responsables de ce délit commis par des Français aux dépens des Indonésiens, mais payé en dollars, ce qui suffisait pour que le DoJ, avec un cynisme confondant, procède à son arrestation, à peine le pied posé sur le sol américain. 

Au cours de ses différentes auditions, Pierucci comprit que son emprisonnement avait pour but de mettre la pression sur la direction afin qu’elle coopère. Il comprit progressivement qu’Alstom allait plaider coupable et qu’il lui fallait faire de même, ce qui lui permit, après 14 mois de prison et en pleine période de vente d’Alstom, d’être mis en liberté conditionnelle jusqu’à son jugement en 2017. Il fut alors remis en prison pour 12 mois de prison supplémentaires, histoire de montrer que sa condamnation n’avait rien à voir, bien sûr, avec l’achat d’Alstom par GE, qui avait eu lieu entretemps.  

Dans l’affaire Pierucci, tout se passe comme si les Américains avaient monté cette affaire pour faire peur au PDG d’Alstom et l’obliger à vendre l’entreprise à GE. Il existe d’ailleurs un indicateur décisif de la collusion entre le DoJ et GE : alors que les juges exigent normalement le paiement de l’amende dans les dix jours qui suivent la validation de l’accord entre le « criminel » repenti et le DoJ, dans le cas d’Alstom, les juges ont attendu onze mois pour exiger le paiement de l’amende, le temps que les autorités européennes eussent approuvé la vente. Il est fort probable que, si GE n'était pas parvenu à acheter Alstom, les juges auraient fortement accru l’amende et inculpé Patrick Kron. 

Kron avait donc un intérêt personnel à la transaction, puisqu’elle lui a permis d’éviter une inculpation aux États-Unis et de recevoir en outre 6,5 millions d’Euros de bonus pour ses services à la tête d’Alstom. 

Il me semble donc que l’on peut tirer deux leçons de l’achat d’Alstom par GE : 

- Les Etats-Unis, sans qu’il faille distinguer l’administration, la justice et les entreprises puisqu’elles agissent de concert, utilisent avec un mélange spécifique de cynisme et de bonne conscience tous les moyens à leur disposition, et ils sont nombreux et puissants, pour s’emparer des entreprises qu’ils convoitent. 

- La France, en revanche, défend ses intérêts avec faiblesse, légèreté et sans coordination.

 

Mais, si l’État français renonce à protéger ses acquis pour se placer à la remorque des intérêts américains, il ne nous reste plus qu’à nous demander où nous conduisent donc les Etats-Unis par le licol ?

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LA VENTE D'ALSTOM ET SES CONSÉQUENCES

11 Juin 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

LE TURBO ALTERNATEUR ARABELLE

LE TURBO ALTERNATEUR ARABELLE

Le 23 février 2015, la Commission européenne ouvre une enquête sur le rachat de la branche « énergie » d'Alstom par General Electric, en raison d’éventuels problèmes de concurrence. 

 

Cela ne fait pas l’affaire des vingt et un dirigeants d’Alstom qui doivent percevoir un bonus additionnel de 30 millions d'euros dont 4 millions d'euros pour le seul Patrick Kron, sous réserve de la conclusion effective de la vente, donc de l’accord de la Commission Européenne que, miraculeusement, ils obtiennent très rapidement. 

Il reste à s’interroger sur les conditions dans lesquelles cette vente a eu lieu. 

Tout d’abord, la vente s'est faite en catimini. Patrick Kron est allé négocier sans en informer son comité exécutif ni son conseil d'administration, ni l’État. Elle n’est devenue publique qu’en raison des révélations de Bloomberg.

Ensuite, l'action du Département de la Justice américain contre Alstom pour des faits de corruption a, semble-t-il, joué un rôle déterminant dans cette cession à General Electric. 

Enfin, la négociation ne pouvait pas être à l’avantage d’Alstom, car ce dernier se trouvait dans une situation difficile. D’une part, il y avait, au moment de la négociation, un effondrement des ventes des turbines à gaz et d’autre part Bouygues exerçait une forte pression sur le management pour sortir de l’actionnariat d’Alstom où il était principalement entré pour remplacer l'Etat et répondre aux exigences de la Commission européenne. 

Vendre Alstom était une solution facile pour sortir de ces problèmes. Mais, c’était faire peu de cas de l’importance de la branche énergie d’Alstom, qui avait été financée par la collectivité nationale, au travers des  crédits publics, de la Coface, des marchés publics privilégiés ou des commandes d'EDF. En outre, Arabelle, le grand turbo alternateur, avait été développé grâce aux efforts de la collectivité nationale et c’était GE qui allait en hériter. Le turbo-alternateur, qui transforme la chaleur des réacteurs nucléaires en électricité, avait été développé par Alstom avec l’aide de son grand client EDF et des laboratoires publics français, en particulier le Commissariat à l’Energie Atomique (CEA). 

Cette adaptation au nucléaire d’une technique dont l’origine provient des centrales charbon avait demandé des années d’efforts de milliers d’ingénieurs et de techniciens, avec un savoir-faire incontestable puisque 40% des centrales nucléaires en fonctionnement dans le monde utilisent « Arabelle »Ces machines sont à la pointe de la technique, allant de 900 Mégawatts à 1900 Mégawatts avec une sortie en 50 ou 60 Hertz. Ce sont des merveilles avec une architecture unique et novatrice et leur mise au point a été et est toujours l’objet d’un soin minutieux.

Mais il semble, comme souvent dans ce type de négociations, que l’affaire était jouée d’avance en faveur de GE, parce que Patrick Kron était déterminé à vendre tout Alstom Power, y compris Arabelle, un Alstom Power qui représentait 70% de l'activité du groupe, tout en espérant pour que GE paierait l'amende de 772 millions de dollars réclamée par le Département de la Justice américain. Ce qui évidemment n’a pas eu lieu, car le Foreign Corrupt Practices Act a été, comme toujours, un outil parfait pour affaiblir les concurrents étrangers et accessoirement récupérer des amendes prohibitives au profit du contribuable américain. 

Comme toutes les transactions en dollars transitent par les Etats-Unis, ces derniers font en sorte de dénicher des opérations illégales effectuées en dollars, puis somment les entreprises étrangères fautives de collaborer avec le Department of Justice (DoJ), sous peine d’être interdites d’activité, non seulement aux Etats-Unis mais sur une bonne partie de la planète qui, elle-même, est soumise à des sanctions si elle n’applique pas les injonctions du DoJ.

C’est ainsi qu’Alstom, après avoir été racheté par GE, a dû payer une forte amende pour un délit commis en Indonésie, comme auparavant la BNP avait dû débourser neuf milliards de dollars en application de la même extraterritorialité du droit pratiqué aux États-Unis. 

Au total, l’affaire Alstom a été une affaire de rapports de force et de volonté politique. L'Etat aurait pu exclure Arabelle, la partie nucléaire des accords et tout ce qui relève de la Défense de la vente d'Alstom. Mais il n’en a pas été question, si bien que GE contrôle désormais la politique d'exportation française dans le domaine de l’énergie comme dans celui la défense, puisque le groupe américain détient désormais le monopole de la fabrication des turbines de la flotte de guerre française.

 

À cette catastrophe économique et stratégique, s'ajoute l’aspect le plus sordide, l’affaire Pierucci.  

 

À SUIVRE

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L'ÉQUIVOQUE VENTE D'ALSTOM

6 Juin 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

SOUS MARIN NUCLÉAIRE ÉQUIPÉ D'UNE TURBINE ALSTOM

SOUS MARIN NUCLÉAIRE ÉQUIPÉ D'UNE TURBINE ALSTOM

 

General Electric a acheté la branche énergie d'Alstom. Cinq ans plus tard, il licencie mille employés sur son site de Belfort dans le cadre d’un triple scandale qui résulte de l’intolérable pression américaine, de l’absence vertigineuse d’une stratégie d’État et de l’insupportable légèreté de ses dirigeants.  

 

Pour tirer les fils de cet écheveau, tout en ne prenant en compte que les principaux changements de structure, il est nécessaire de revenir sur l’histoire compliquée de cette entreprise, faite d’achats, de ventes et de découpages de périmètres d’activité.

À l'origine Als-Thom résulte de la fusion en septembre 1928, il y a presque un siècle, d'une partie de la SACM, spécialiste de la construction de locomotives, et de la CFTH, société́ franco-américaine spécialiste des équipements de traction électrique ferroviaire et de la construction électro mécanique. L’entreprise passe sous le contrôle de la Compagnie Générale d’Electricité (CGE) en 1969, tandis que, pour sa part, Alsthom acquiert les Chantiers de l'Atlantique en 1976 et en profite pour changer de nom, une manie chez Alstom, pour devenir Alsthom Atlantique.

Commencent ensuite les grandes manœuvres internationales. En 1989, Alsthom fusionne avec la branche GEC Power Systems du groupe britannique General Electric Company et devient, sous le nom de GEC Alsthom, une coentreprise paritaire franco-britannique. Déjà General Electric (GE) apparait dans l’actionnariat, avec Alcatel. En 1998, GEC et Alcatel décident de vendre en bourse 52 % du capital de GEC Alsthom. La nouvelle société́ devient indépendante et en profite pour changer de nom et s’appeler Alstom, sans h.

Il ne s’est pas écoulé deux ans, en 2000, que resurgit GE à qui Alstom vend la totalité́ de son activité́ turbines à gaz, pour laquelle elle avait des accords de licence avec GE. Grosse erreur stratégique déja, d’après les spécialistes. Un an plus tard, en 2001, Alcatel et Marconi qui avaient conservé ensemble 48% des actions d’Alstom, les vendent, tout en ayant récupéré auparavant un dividende exceptionnel et sans doute exorbitant, qui met en difficulté Alstom, déjà pénalisé par les difficultés de ses turbines à gaz de grande puissance. 

Alstom subit alors une grave crise financière, mais à l’époque l’État, en la personne de Francis Mer, un ministre de l’Économie sérieux, comprend le rôle stratégique d’Alstom en matière industrielle et intervient. Alstom est financièrement sauvé, mais le pire de ses tribulations reste à venir, du fait des décisions de Patrick Kron, PDG d’Alstom de 2003 à 2016. En 2014, Patrick Tron « décide » (on va voir dans quelles circonstances) de vendre la branche énergie d'Alstom à GE, tandis qu’Alstom se repliera sur ses activités de transport, qui ne représentaient guère, à cette date, qu'un tiers des activités du groupe.

Patatras, une dépêche de Bloomberg révélant, le 23 avril 2014, les négociations entre Patrick Kron et Jeffrey Immelt, le PDG de General Electric, en vue du rachat partiel d'Alstom par General Electric pour un montant de 13 milliards de dollars, met le feu aux poudres.  

Quatre jours plus tard, une offre alternative est présentée par Siemens pour acquérir les activités énergétiques d'Alstom, contre une partie des activités ferroviaires de Siemens. Les actionnaires d’Alstom rejettent cette proposition et acceptent au contraire l’offre de GE, qui entre-temps est montée à 16,9 milliards de dollars

Pour sa part, le gouvernement français s'oppose à̀ l'offre de General Electric, craignant sa mainmise sur les activités nucléaires françaises. Il publie le 16 mai 2014 un décret permettant d’opposer un veto sur les investissements étrangers qui portent atteinte aux intérêtstratégiques de la France. 

Puis les évènements s’accélèrent : le 16 juin, Siemens et Mitsubishi Heavy Industries émettent une nouvelle offre commune de rachat qui est encore rejetée par Alstom. Le 19 juin 2014, General Electric améliore son offre initiale et le lendemain, malgré une nouvelle enchère de Siemens et Mitsubishi, le gouvernement français se déclare favorable à l’offre de GE, tout en se proposant d’en devenir partie prenante avec le rachat, qui n’aura jamais lieu, des 20% d’actions détenues par Bouygues. Officiellement, il faudra attendre le 4 novembre 2014 pour que le Ministre de l'Économie de l’époque, Emmanuel Macron, autorise l’achat d’Alstom par GE. 

L’accord est validé par l’AG d’Alstom le 19 décembre 2014. C’est alors qu’apparait une facette sordide de l’affaire. Trois jours après, Alstom, plaidant coupable dans une affaire de corruption portant sur un marché de 118 millions de dollars en Indonésie, signe un accord avec le Département de la Justice (DoJ) des États-Unis, selon lequel il accepte de payer une amende de 772 millions de dollars ! 

 

L’affaire Alstom commence, et elle n’est pas près d’être close, du fait des circonstances de la « négociation » entre GE et Alstom et de ses importantes conséquences stratégiques. 

 

À suivre

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LE DUC DE LÉVIS SE PRÉPARE AU COMBAT

1 Juin 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

LE DUC DE LÈVIS

LE DUC DE LÈVIS

 

La mort de Montcalm entrainait l’attribution du commandement des troupes françaises de la Nouvelle-France à Lévis, qui inaugura la charge qui lui incombait en partant immédiatement pour Québec, qu’il rejoignit le 17 septembre 1759. 

 

Il y trouva une armée française démoralisée, bivouaquant sur la rivière Jacques-Cartier. En apprenant ce qui s’était passé, il devint blême de rage. Jamais, déclara-t-il avec colère, il n’avait vu un désordre pareil ! Avec raison de mon point de vue, Il imputa à Montcalm, qui avait ordonné d'attaquer avant d'avoir réuni toutes ses forces, la responsabilité de la défaite et de la débandade qui s’en était suivie, juste au moment où le commandement français estimait qu’il allait terminer glorieusement la campagne de 1759 !

Il se mit alors au travail en vue de restaurer l’ordre dans les troupes, de renforcer Québec avant qu’elle ne dût capituler et de préparer une attaque contre le camp britannique. Mais il était déjà trop tard pour Québec, puisque le 18 septembre 1759, Ramezay capitulait. Il ne restait plus qu’à maintenir une position défensive sur la rivière Jacques-Cartier et à envoyer le reste de l’armée à ses quartiers d’hiver. 

Les derniers navires de la flotte britannique étant partis en octobre, les navires français qui restaient descendirent le fleuve et gagnèrent la France, sollicitant l’envoi de renforts en hommes et en matériel à envoyer dès l’ouverture de la navigation, avant le retour de la flotte britannique. Sans ces renforts, il paraissait improbable à Levis, sauf si un traité de paix était signé au printemps, d’empêcher la conquête de la colonie.

Pendant l’hiver, Lévis et Vaudreuil firent des plans pour tenter de repousser les assauts que la colonie ne manquerait pas de subir au printemps 1760. Ils pensaient tous deux que la seule chance de l’emporter était de commencer par reprendre Québec, afin de transférer le plus tôt possible la quasi-totalité de l’armée de la Nouvelle-France sur des positions défensives sur le lac Champlain ou sur le haut Saint-Laurent, selon que l’une ou l’autre voie d’invasion serait choisie la première par les troupes ennemies. Ils espéraient, grâce à la rapidité des communications offertes par les voies fluviales, défaire une après l’autre les armées d’invasion.

Tout dépendait d’une première réussite à Québec et de l’arrivée des renforts de France.

En attendant, à la fin du mois de novembre 1759, au moment même où la bataille perdue des Cardinaux décidait du sort de la Nouvelle-FranceLévis donnait des ordres aux commandants de bataillon pour renforcer la discipline, pour compléter les équipements et pour veiller à ce que les soldats aient toujours huit jours de ration de réserve, afin qu’ils soient prêts à marcher au premier signe. Il donna également des ordres pour renforcer l’entente entre l’armée régulière et la milice, milice que Montcalm, obtu, méprisait.  

Pendant l’hiver, Lévis entretint une correspondance polie avec Murray, commandant des sept mille cinq cent hommes de troupe britanniques qui tenaient Québec, au sujet des blessés et des prisonniers, ce qui n’empêcha pas la guerre de continuer, les détachements de la Nouvelle-France harcelant la garnison britannique et la privant de ravitaillement. Il reste que les pires ennemis des Britanniques furent le froid et le scorbut, si bien qu’au printemps la garnison de Murray était tombée de sept mille cinq cent à quatre mille hommes valides.

 

Puis l’attaque de Québec vint. Le 20 avril 1760, avant que le fleuve ne fût libéré de ses glaces, Lévis quitta Montréal avec une armée de 7 000 hommes, dont 3 000 miliciens. Il leur fallut huit jours d’une marche très difficile dans la neige fondante et la boue pour rejoindre Québec.

 

À SUIVRE

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LA FAMILLE TC*

27 Mai 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

LA FAMILLE TC*

 

Le département TC* était et reste toujours une grande famille avec ses enseignants, son administration, ses étudiants et ses anciens. 

 

Installé dans un bâtiment à part dans un IUT positionné à l’ouest de la ville de Nice, le cœur du département TC se situe au dernier étage, où se trouve son administration et ses bureaux, les salles de cours occupant les étages inférieurs. Aucun symbole dans cette organisation de l’espace, je suppose.   

Les promotions de cent cinquante étudiants à l’époque ont progressivement été complétées par des programmes spécifiques qui ont accru les effectifs. Tous ont droit à deux années d’études ou à leur équivalent et bientôt, n’en doutez pas, à trois ans. 

Les candidats ne manquent pas pour cette formation courte, qui ouvre vers les nombreux emplois du commerce ou vers la poursuite des études à l’université et dans les écoles de commerce. Tous frais débarqués des lycées, ils deviennent  rapidement des étudiants attachants. Naturellement, ils manquent plus d’esprit de discipline que d'enthousiasme juvénile, l’un et l’autre cachant les profondes angoisses de cette période de la vie pendant laquelle il faut à la fois choisir et s’affirmer, alors que l’on ne sait rien, en dehors de la famille et de l’école. Depuis que j’ai péniblement traversé cette phase de mon existence, je n’ai jamais oublié que vingt ans est l’une des périodes les plus incommodes de la vie. 

Nombre de mes collègues de TC sont restés des amis, et certains sont en outre mes anciens étudiants en doctorat. Le métier de Chef de Département est une sorte d’apostolat laïque qu’accepte volontiers d’accomplir un de ces collègues, pour lesquels ne comptent ni le temps ni les ennuis et qui ne reçoivent qu’une rémunération symbolique. Les éternels critiques des Cafés de Commerce devraient regarder de plus prés ce qui se passe dans l’administration lorsque l’on fait appel au dévouement de  ses fonctionnaires, qui, d’après eux, ne pensent qu’à tirer au flan. Ils devraient observer l’abnégation de secrétaires payées au smic, chroniquement trop peu nombreuses et toujours surchargées de tâches de plus en plus complexes. Ils devraient aussi regarder les statistiques des arrêts de travail des enseignants de l’IUT, ridiculement faibles. Pour ma part, vous me direz que j’ai eu de la chance, en quarante et un de carrière, je n’en ai demandé qu’un seul. 

Ces collègues sont, soit détachés des lycées, soit issus du recrutement universitaire. Ils coopèrent sans difficulté, même si les premiers ont des services plus lourds que les seconds. Lorsque j’enseignais en TC, la famille des enseignants était naturellement composée de personnalités diverses, penchant qui vers l’art, qui vers la psychologie mais aussi vers le bricolage ou le sport. On pouvait discuter de tout dans la salle de réunion du département ! 

Notre chef de Département hélas aujourd’hui disparu, Tony Tschaeglé, un ami de longue date à qui j’avais confié un temps l’Université du Troisième Age, était un écrivain et un humaniste. Il avait une vision extraordinairement positive des étudiants de notre département et ces derniers le lui rendaient au centuple, car il était littéralement adulé. J’avoue que je ne partageais pas tout à fait son enthousiasme, mais les faits ont montré l’impact de sa force de conviction, car il a réussi à transformer des étudiants parfois proches de la délinquance en chefs d’entreprise conquérants et responsables. Sur ce point encore, je vois bien avec le recul qu’il avait raison. 

 

Vous le voyez, j’entrais un peu à reculons dans le département TC, mais je me laissais progressivement séduire par la forte  dynamique qui en émergeait, au point de me laisser tenter par une candidature à la direction de l’IUT… 

 

*TC : Département Techniques de Commercialisation

 

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LE PRIMATE COMMUNICANT

22 Mai 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LE PRIMATE COMMUNICANT

Le jeune Primate constitue un pôle d'attraction pour tous les individus, en particulier pour les femelles, dont la présence lui permet de surmonter le traumatisme de sa séparation avec la mère.

         

En effet, la réponse du jeune Primate à cette séparation révèle l’intensité de la relation : à une première phase de protestation succède une deuxième phase de désespoir qui se traduit par un repliement sur soi. Mais toutes ces réponses sont bien moins intenses lorsque l’enfant Primate s’est attaché entretemps à une autre femelle adulte ou même à un mâle adulte.

Les interactions entre les jeunes et les mâles adultes constituent un complément des soins maternels et ne débutent que lorsque la mère, qui avait assuré jusque-là seule les soins au jeune pendant une année, commence à le rejeter.

Il s’y ajoute les jeux entre jeunes Primates. Pour les jeunes mâles, il s’agit de s’initier à des jeux de contact tandis que les jeunes femelles se livrent à des jeux de fuite. Par la nature de ces interactions, le jeune Primate s’initie aux premières ébauches de son comportement sexuel; ils servent aussi d’outils d’une socialisation qui conduit à des protocultures : l’observation permet ainsi aux jeunes chimpanzés d’apprendre à pêcher les fourmis et les termites ou à construire des nids de repos. 

Plus généralementon distingue chez les Primates deux types de communication, une communication différée et une communication interactive. Dans la première, il n'y a pas d'interactions, l'émission et le processus de communication utilisent essentiellement le mode olfactif et sonore. C’est ainsi que l'imprégnation de l'environnement par des marques odorantes facilite l'orientation spatiale et l'individualisation du domaine vital.

Dans la seconde, on trouve un processus d'échange et une individualisation de l'émetteur. Le marquage olfactif est souvent associé à des vocalisations puissantes qui constituent une sorte de proclamation de l'occupation d'une zone par un groupe social donné. 

Les vocalisations sont émises spontanément ou en réponse à des cris émis par d’autres groupes. Les duos bisexués signalent aux autres membres de la population que la zone est occupée par un couple constitué; les chants en solos des mâles célibataires sont destinés à attirer de jeunes femelles adultes ; enfin, les cris d'alarme sont organisés en séquences stéréotypées. 

À courte distance, le signal sonore est complémentaire d’autres signaux, les gestes et les mimiques faciales représentant le mode communicatif essentiel, puis, au contact, le toucher et l'olfactif renforçant la communication. 

Les gestes sont en général très peu stéréotypés. Les mimiques faciales représentent des combinaisons complexes entre la fixation du regard, les mouvements des sourcils, des paupières, des oreilles plus ou moins plaquées contre les tempes, du scalp et des lèvres. Plus précisément, la fixation visuelle et l'ouverture de la bouche représentent une menace qui est souvent renforcée par une posture « prêt à bondir » et un type vocal particulier. Inversement, le contact tactile affectif, commun à la quasi-totalité des Primates, se traduit souvent par l’épouillage d’un autre Primate. 

Les cris des Primates sont généralement des signaux. On a constaté que des vervets qui entendent l'alarme correspondant à la présence d’un léopard courent dans les arbres; lorsqu’ils entendent l'alarme de l’arrivée d’un aigle, ils fuient sous un couvert, sortent de l'arbre et regardent en l'air; enfin, entendant l'alarme de l’irruption d’un serpent, ils regardent vers le sol. 

Chez beaucoup de Primates, la succession des cris paraît répondre à des règles, encore que rien ne permet d'affirmer que ces règles soient de même nature que celles qui gouvernent le langage humain. Cependant, on peut considérer que les dialectes vocaux constituent un élément d’une quasi-culture, un autre élément important étant l'utilisation d'outils. On a ainsi pu observer des capucins ouvrir des noix de palmier en les calant dans de petites cavités adéquates de rochers, ces derniers jouant le rôle de l'enclume, avant de les frapper avec des pierres. 

 

Au travers de ces comportements de Primates, on retrouve de nombreuses facettes des façons de faire humaines. En perfectionnant les cultures des Primates, l’homme s’est élevé au-dessus de toutes les catégories de Primates, qu’il a en même temps éliminé avec constance par la suppression de leur habitat, jusqu’à  quasiment devenir aujourd’hui le dernier Primate.

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LA GUERRE DU KARABAGH

17 Mai 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

LA GUERRE DU KARABAGH

 

Deux observations ont attiré mon attention sur  le Karabagh, la fête du 9 mai qui commémore la prise de Chouchi en 1992 et notre parcours du nord au sud de l’Arménie au sein de paysages pittoresques, mais presque abandonnés. 

 

J’ai cru comprendre que, derrière les cartes postales et les sourires, une étrange tension régnait en Arménie, face au mont Ararat qui surplombe Erevan, du fait du Karabagh et de toute la menace implicite qu’il contient pour l’avenir.  

Si vous le voulez, vous pouvez visiter le Haut-Karabagh depuis l’Arménie, même si notre prudent ministère des Affaires Étrangères vous le déconseille. L’altitude y est modérée, le climat doux et l’on n’y rencontre que cent cinquante mille habitants, tous arméniens. En effet, à côté de l’Arménie, on trouve une République du Haut-Karabagh qui lui est intimement liée. Elle ne couvre officiellement que 4400 km2, mais les troupes arméniennes occupent 11430 kmde l’Azerbaïdjan pour la protéger, soit 13% de son territoire, qui s’ajoutent aux 29800 kmde l’Arménie. 

Une très violente guerre de six années s’y est déroulée entre février 1988 et mai 1994, qui s’est provisoirement terminée par un cessez-le-feu favorable à l'Arménie. Une guerre dont, comme moi sans doute, vous avez vaguement entendu parler et qui est le résultat direct de l’éclatement de l’URSS. 

Dès son indépendance, l’Azerbaïdjan a refusé toute autonomie au Haut-Karabagh (pensez à ce qui se passe dans le Donbass ukrainien). Les Azeris voulaient oublier que, déjà en 1918, les Arméniens réclamaient le rattachement du Haut-Karabagh à l’Arménie. Soixante-dix ans plus tard, rien n’était oublié et le conflit a repris, plus violent que jamais lorsque les Arméniens ont demandé le rattachement du Haut-Karabagh à l'Arménie, le 26 février 1988. 

La guerre a commencé à Soumgaït, petite ville proche de Bakou lorsque des réfugiés azéris ont accusé les Arméniens d’avoir commis des atrocités au Karabagh, ce qui a provoqué un pogrom anti arménien. Puis un terrible tremblement de terre a eu lieu en décembre 1988 en Arménie, faisant vingt-cinq mille morts qui calmèrent tout le monde, tandis que, souterrainement, le conflit interethnique s’enkystait, faisant fuir Arméniens et Azéris. Chacun s’arma, profitant de stocks volés à l’armée soviétique, tandis que la diaspora arménienne faisait livrer des armes et des munitions. 

À peine l'Union soviétique s'était-elle éteinte le 31 décembre 1991, que le conflit explosait à grande échelle. Quarante mille hommes se sont affrontés de chaque côté. Tous avaient servi dans l’Armée rouge, mais les Arméniens avaient plus d’expérience que les Azéris, dont l’Armée rouge s'était méfié. 

La seule connexion terrestre entre l'Arménie et le Karabagh est l'étroit Corridor de Latchin. Les troupes arméniennes, aidées d’un régiment russe, attaquaient le 26 février 1992 la petite ville de Khodjaly qui servait de base d’artillerie pour les Azéris, qu’ils prirent facilement. Hélas, ils se laissaient aller à massacrer plusieurs centaines de civils azéris en cours d’évacuation. Puis, le 8 mai 1992, les soldats arméniens, accompagnés de tanks et d'hélicoptères, assiégeaient la citadelle de Chouchi. Les combats furent d’une extrême violence, des centaines d'hommes tombèrent des deux côtés et la citadelle succomba le lendemain. Depuis, tous les 9 mai, on célèbre en Arménie cette victoire déterminante et nous y avons assisté cette année.  

Tandis que la Turquie menaçait d’intervenir et qu’un bataillon tchétchène appuyait les azéris, les troupes arméniennes poursuivaient leur offensive pour s’emparer de Lachin, le 18 mai, au sein de l'étroit corridor reliant l'Arménie au Karabagh. Une voie d'accès terrestre était désormais ouverte entre l'Arménie et le Karabagh.

Mais les Azéris ne se laissaient pas faire. Le 12 juin, ils  contre-attaquaient et reprenaient la moitié nord du Karabagh. Tout était à refaire pour l’Arménie, qui se refusait néanmoins à toute proposition de conciliation.  Que l’hiver 1992 fut rude pour l’Arménie, à bout de souffle ! C’est alors que la diaspora lui fit livrer des provisions, la Communauté européenne lui apporta des fonds et l’Iran lui fournit de l’énergie. Pourtant, du côté de l’Azerbaïdjan, cela n’allait pas mieux : la production pétrolière s’effondrait, du fait du vieillissement de l’équipement, des sabotages arméniens et du refus des compagnies pétrolières occidentales d’investir. 

En mars 1993, les troupes arméniennes repassèrent à l’offensive. Elles y perdirent leur chef charismatique, Melkonian, mais elles reprirent la quasi totalité du Karabagh et s’emparèrent en prime d’une région située hors du Karabagh, ce qui provoqua des protestations internationales.  

En Azerbaïdjan, le Président Aliev était confronté à un effondrement militaire. Il tenta, sans succès, de trouver un compromis avec le gouvernement du Karabagh. Furieusement anti-arméniens, les Turcs massaient des troupes sur la frontière (à deux pas d’Erevan) au début de septembre 1993, mais les troupes russes leur firent face. En 2019, elles y sont toujours.  

Au début de janvier 1994, les forces azéris, renforcées par mille cinq cent moudjahidins afghans et des renforts pakistanais et tchétchènes auxquels se joignirent quelques mercenaires américains, reprirent l’offensive. En face, l’Arménie répondit par une mobilisation totale. C’est alors qu’eurent lieu les combats les plus sanglants de la guerre, que des brigades azéris furent isolées, encerclées, massacrées, perdant cinq mille hommes dans la bataille. Menant une guerre fratricide, l’aviation azérie, pilotée par des mercenaires russes et ukrainiens domina le ciel, jusqu’à ce que l’armée russe officielle organise la défense anti aérienne arménienne. 

Désormais, après six années de combats intenses, les deux parties étaient  prêtes pour un cessez-le-feu. L'Azerbaïdjan avait épuisé presque toutes ses forces vives et les Arméniens, tout en déclarant que la route vers Bakou leur était ouverte, limitaient prudemment leurs opérations au Karabagh et aux régions adjacentes. Le 16 mai 1994, les dirigeants de l'Arménie, de l'Azerbaïdjan, du Karabagh et de la Russie se rencontraient à Moscou afin de conclure une trêve qui permettait une cessation effective des hostilités.

Depuis cette date, toutes les tentatives de conciliation ont échoué et des incidents, plus ou moins graves, ont lieu régulièrement. 15 000 hommes sont morts dans les combats, 400 000 Arméniens ont fui l'Azerbaïdjan et  800 000 Azéris ont été déplacés. L’armée arménienne compte aujourd’hui soixante mille hommes : comparativement, c’est comme si l’armée française maintenait en permanence un million deux cent mille hommes sous les drapeaux, alors qu’elle en a presque cinq fois moins. 

 

En regardant le mont Ararat qui n’arrivait pas à émerger de sa couronne de nuages, je songeais que l’impossible accord avec les azéris demeurait accroché comme des nuées autour du futur de l’Arménie…

 

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ARMÉNIE

12 Mai 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

TABLEAU D'UNE PARTIE DU LAC SEVAN

TABLEAU D'UNE PARTIE DU LAC SEVAN

Avec des amis, je viens d’effectuer un voyage d’une semaine en Arménie. C’est l’occasion de jeter un regard sur ce pays.  

 

Petit pays de 29800 km2 (trois fois et demi la superficie de la Corse), peuplé d’environ trois millions d’habitants, citadelle montagneuse perchée au sud du Caucase, l’Arménie est entourée par la Turquie à l'ouest, la Géorgie au nord, l'Azerbaïdjan à l'est et l'Iran au sud. La frontière est fermée avec la Turquie et un état de guerre larvée subsiste avec l’Azerbaïdjan. 

Pour comprendre l’Arménie, il faut relier sa population à sa religion, sa géographie et son histoire. Située en Asie,l’Arménie est l’une des plus anciennes civilisations du monde et le berceau du christianisme, puisqu’elle fut la première société à l’adopter en 301 après J.C. 

Au premier siècle, le territoire de l’Arménie était dix fois plus étendu qu’aujourd’hui, mais, confrontés aux empires byzantin et perse, envahis par les turcs seldjoukides, transférés sur la côte méditerranéenne entre le onzième et le quatorzième siècle dans le royaume de Cilicie, les Arméniens ont eu du mal, c’est le moins que l’on puisse écrire, à garder leur indépendance et leurs territoires. Pendant quatre siècles, du XVIeau XIXesiècle, le plateau arménien fut sous contrôle des empires ottomans et iraniens jusqu’à ce que sa partie orientale soit intégrée à l’empire russe, tandis que la partie occidentale restait aux mains de l’empire ottoman. 

La société arménienne fournit une leçon à toutes les sociétés humaines.  Malgré toutes les vicissitudes qu’ils ont subies, les Arméniens ont toujours conservé leur civilisation, regroupés autour de leur religion construite autour de l’Église apostolique arménienne et de leur langue adossée à un alphabet de trente-huit lettres créé au début du Vesiècle. 

La guerre de 1914 fut une catastrophe pour les Arméniens situés dans l’empire ottoman. Déjà, entre 1894 et 1896, les Turcs massacrèrent entre cent et trois cent mille Arméniens vivant en Arménie occidentale. Puis, le 24 avril 1915, le gouvernement des Jeunes-Turcs décida d’en finir avec la minorité arménienne vivant dans l’actuelle Turquie. Dans ce but, il organisa la déportation et le massacre d’environ un million et demi d'Arméniens sur les deux millions d’Arméniens vivant sur son sol. 

Les Arméniens restés en Turquie durent se convertir à l’Islam pour avoir la vie sauve et disparurent en tant que société distincte de la société turque. Leurs descendants sont évalués aujourd’hui à trois millions, vivant sur le sol turc. 

Un débat ridicule subsiste sur la qualification que l’on peut donner à ce massacre, génocide ou « incidents armés », mais le fait qui subsiste, autre leçon à tirer de l’expérience arménienne, est qu’il est pour le moins difficile de cohabiter avec une société qui considère que vous n’avez pas le droit de vivre si vous n’épousez pas entièrement les us, coutumes et religion de cette dernière.  

Lorsque la Russie impériale s’est effondrée à partir de 1917, l’Arménie orientale s’est constituée en république indépendante jusqu’à ce qu’elle soit attaquée et battue par les troupes de Kemal Atatürk, ce qui la contraignit à accepter de devenir, le 29 novembre 1920, la République Soviétique d'Arménie. Pendant la période soviétique, même si la pratique religieuse fut réprimée et si Staline rattacha la région du Haut-Karabagh à l’Azerbaïdjan, la société arménienne resta préservée.

Après l’éclatement de l’URSS, l’Arménie accéda à l’indépendance le 21 septembre 1991, tandis que le Haut Karabakh (11400 km2, 150000 habitants) déclarait son indépendance, provoquant une guerre ouverte entre l’Arménie et l'Azerbaïdjan entre février 1988 et mai 1994, jusqu’à un cessez le feu, qui n’empêche pas la continuation d’une guerre larvée (voir mon prochain billet). 

On ne peut pas oublier ce contexte en visitant l’Arménie, un pays chrétien à 100%, où le souvenir du génocide est présent dans toutes les têtes, couvert de monastères, presque dépeuplé en dehors de la ville d’Erevan, les hommes ayant fui les campagnes pour travailler à l’étranger. 

Une population souriante, accueillante à des touristes où les Russes dominent, avec des Français et des Allemands assez nombreux, une population qui offre les ressources de son histoire religieuse comme de sa gastronomie, à Erevan comme dans ses montagnes couvertes d’arbres fruitiers irrigués par d’importantes ressources en eau, avec au centre du pays, le lac Sevan, réserve d’eau suspendue, qui représente 5% de la surface du pays. 

 

En territoire turc, à quelques dizaines de kilomètres seulement d’Erevan, symbole de l’Arménie chrétienne, derrière un rideau de troupes arméniennes et russes installées dans des miradors le long de la frontière, le mont Ararat, ce sommet de 5165 mètres ou vint s’échouer l’Arche de Noé, étale sa splendeur  avec effronterie…

 

 

À SUIVRE

 

LE MONT ARARAT DANS LES NUAGES

LE MONT ARARAT DANS LES NUAGES

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L'HISTOIRE DU DUC DE LÉVIS

7 Mai 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

L'HISTOIRE DU DUC DE LÉVIS

 

François Lévis, duc de Lévis, né le 20 août 1719 au château d’Ajac, près de Limoux et décédé le 26 novembre 1787 à Arras, membre pauvre d’une des plus vieilles familles de la noblesse française, entre comme cadet dans l’armée à l’âge de 16 ans.

 

Il était pauvre, mais il était cependant le cousin du duc de Lévis-Mirepoix, futur maréchal de France, ce qui lui permet d’obtenir, le 25 mars 1735, une commission de lieutenant en second dans le régiment de la Marine. Il sert ensuite comme lieutenant alors pendant la guerre de la Succession de Pologne et, à l’âge de 17 ans, il est élevé au grade de capitaine. 

En 1741, il servit dans le corps auxiliaire français au sein de l’armée bavaroise qui envahit la Bohême pendant la guerre de la Succession d’Autriche, participa à la prise puis à la défense de Prague et à la désastreuse retraite de 1742. 

C’est ainsi que, le 19 février 1743, il traversa le Rhin pour rentrer en France avec 73 hommes, restes de quatre régiments en lambeaux, libérés au cours d’un échange de prisonniers. La même année, il se battait  déjà en Allemagne. 

En 1746, son régiment rallia l’armée d’Italie, dans laquelle il servit, avec le grade d’aide-major général des logis au sein du corps commandé par son cousin. Comme officier, Lévis s’était fait une solide réputation de bravoure et de compétence, mais il ne disposait pas des ressources financières qui lui eussent permis d’avoir son propre régiment. Aussi, quand on décida, en 1756, d’envoyer des renforts et un nouvel état-major, sous les ordres du marquis de Montcalm à l’armée du Canada, Lévis accepta-t-il le poste de commandant en second des troupes régulières françaises avec le grade de brigadier. Il était le numéro trois dans l’ordre hiérarchique, après Vaudreuil et Montcalm. 

Il arriva à Québec, venant de Brest, le 31 mai 1756. Pendant que Vaudreuil et Montcalm préparaient la campagne d’Oswego, Lévis prit le  commandement à la frontière du lac George, où il prit les dispositions nécessaires pour repousser une attaque contre le fort Carillon. Il passa l’été à envoyer des partis, formés d’Indiens et de Canadiens, ravager les établissements frontaliers américains, de façon à les obliger à y laisser des effectifs et à faire des prisonniers afin de connaitre les intentions de l’ennemi.

À l’été de 1757, Lévis organisa le train d’artillerie de siège et les transports par eau en vue de l’attaque du fort William Henry. Il prit ensuite le commandement de l’avant-garde. À l’arrivée de Montcalm à la tête du lac Saint-Sacrement, avec l’artillerie de siège, Lévis et ses 3 000 hommes avaient déjà investi le fort. Après neuf jours de siège, la garnison se rendit. 

Alors que l’année 1758 vit l’arrivée de grands renforts de soldats réguliers venus de Grande-Bretagne, qui allaient attaquer Louisbourg, l’île Royale puis Québec, les forts français des lacs Champlain et Ontario ainsi que le fort Duquesne sur l’Ohio, Vaudreuil tenta de briser cette stratégie. Il donna à Lévis le commandement de trois mille hommes, dont quatre cent des meilleures troupes régulières françaises, quatre cent hommes des troupes de la Marine et le reste formé de miliciens canadiens et d’alliés indiens. 

Lévis reçut l’ordre d’avancer jusqu’au pays des Agniers et de les forcer, si possible, à se joindre à lui dans une expédition contre les établissements britanniques de la Mohawk et de l’Hudson. Forcer les Agniers, la nation iroquoise la plus favorable aux Britanniques, à combattre du côté des Français eût été un dur coup porté aux Anglo-Américains. Il s’agissait aussi d’empêcher la reconstruction et le réarmement de Chouaguen et du réseau des forts qui servaient à son approvisionnement. En outre, une poussée en direction de Schenectady et d’Albany eût anéanti les projets ennemis contre les positions françaises sur le lac Champlain et permis à Montcalm de manœuvrer, avec le gros des troupes françaises, contre les Anglo-Américains du lac Saint-Sacrement.

Ce plan hardi ne put être mis à exécution, car l’on apprit que les Britanniques et les Américains préparaient une attaque contre le fort Carillon avec une armée évaluée, dans un premier temps à vingt-cinq mille hommes. Lévis et quatre cent de ses hommes d’élite prirent les devants et se dirigèrent en hâte sur Carillon. Ils y arrivèrent le 7 juillet, pour trouver la garnison française, trois mille cinq cent  hommes, en train de terminer un retranchement de troncs d’arbre et des abattis au sommet de la pente, en avant du fort. 

Quand les Britanniques, sous les ordres de James Abercromby, attaquèrent, le lendemain, Lévis commandait le flanc droit, qui était à découvert. Heureusement pour les Français, les Britanniques ne tentèrent pas de le contourner, mais la bataille fit rage jusqu’au coucher du soleil. Les colonnes britanniques subirent des pertes écrasantes, mais continuèrent à se reformer et à attaquer encore et encore. Après cette victoire, le ressentiment de Montcalm à l’endroit de Vaudreuil éclata en un conflit ouvert et Vaudreuil adressa au ministre de la Marine un plaidoyer pour que la demande de rappel faite par Montcalm fût acceptée et pour que Lévis fût nommé pour lui succéder au commandement des troupes régulières françaises. 

Malheureusement pour le Canada, cette requête fut rejetée, mais Lévis fut promu maréchal de camp et il se retira dans ses quartiers d’hiver, à Montréal.  

Au milieu de mai 1759, on s’attendait à une nouvelle attaque de la part des Britanniques. Lévis exprima encore la confiance qu’il avait que les Français s’en tireraient, pourvu qu’ils fissent une guerre de manœuvres et ne s’enfermassent point dans les postes fortifiés, contrairement à l’avis de Montcalm. Heureusement, les plans de Lévis furent adoptés autour de Québec. La rive de Beauport fut fortifiée, de la rivière Saint-Charles à la rivière Montmorency, et les lignes de défense furent poussées vers le haut de cette dernière, quand on découvrit qu’elle pouvait être passée à gué au-dessus de la chute et les positions françaises prises à revers. 

Lévis reçut le commandement de ce flanc gauche, et quand, le 31 juillet, Wolfe lança une attaque de grande envergure à la Montmorency, il fut repoussé avec de lourdes pertes.

À la suite de la prise du fort Niagara à la fin du mois de juillet 1759, il apparut clairement que les Britanniques risquaient de pousser vers  Montréal à partir du lac Ontario, Lévis et 800 hommes furent envoyés de Québec pour parer à cette menace. Lévis quitta Québec le 9 août. 

S’il avait été présent à Québec, Levis se serait surement opposé à l’attaque en colonne, organisée par Montcalm de manière irréfléchie le 13 septembre, contre les lignes britanniques disposées sur les plaines d’Abraham

 

Dès qu’il apprit la mort de Montcalm, Lévis brisa les scellés de ses ordres secrets pour prendre le commandement de troupes de la Nouvelle-France. 

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UN PIÈTRE RETOUR

2 Mai 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

UN PIÈTRE RETOUR

En effet, quelle ne fut pas ma surprise, lors de mon second cours en TC* ! 

 

Je donnais un cours de marketing approfondi aux étudiants de seconde année, répartis en six groupes, et le premier cours s’était assez bien passé, le temps de faire les présentations.

On m’avait recommandé d’être très pratique, car ces étudiants étaient destinés à « entrer dans la vie active » dés la fin de l’année. 

« Surtout ne pas leur encombrer la tête avec des idées générales » me disait-on, mais comme je sentais une pointe de mépris dans ce genre de recommandation, comme une proportion croissante d’entre eux, au grand dam des puristes de l’IUT, souhaitait continuer leurs études, qui à l’Université, qui dans une École de Commerce, comme je ne croyais pas que la théorie pouvait provoquer le moindre dégât dans leurs cerveaux et comme, pardonnez moi cette trop longue phrase, j’étais de toutes façons incapable de donner un cours sans théoriser, eh bien, je me mis à théoriser. 

Je donnais le cours et ses exercices afférents chaque semaine, le même six fois de suite aux six groupes. Dés la deuxième semaine, je sentis que la magie de mon verbe n’opérait plus guère. Cela dépendait des groupes et des personnalités qui les composaient, mais, en général, mes cours se perdaient dans un brouhaha peu propice au débat intellectuel, car il était assez clair que les conversations des étudiants ne semblaient guère porter sur les questions théoriques que mon cours prétendait soulever. 

Même si j’avais donné des cours en France trois ans auparavant, j’avais oublié le contexte. À Dakar, Yaoundé, Abidjan, Nouakchott, je parlais, avec un micro le plus souvent, à des auditoires qui allaient de cinquante à mille deux cent personnes et je parvenais toujours à me faire entendre et ici, chez moi à Nice, je ne pouvais pas capter l’attention d’une trentaine d’étudiants ! 

Quelque chose ne collait pas.

Je l’avoue, avant de remettre en cause le contenu de mes cours ou ma technique d’enseignement, j’ai plutôt incriminé les étudiants eux-mêmes et l’ambiance du département TC, que je jugeais trop laxiste. Alors, la troisième semaine, je me suis armé d’un magnétophone et j’ai enregistré les bavardages. 

Naturellement, cela n’a pas beaucoup plu à mes auditeurs dissipés. On les entend sur la bande d’enregistrement : 

« Qu’est ce que vous faites, Monsieur ? » « Je vous enregistre » « Vous n’avez pas le droit, Monsieur ! » « Mais si j’ai le droit… » « Et pourquoi vous nous enregistrez ? » Et moi de répondre, avec quelque perversité : « C’est pour faire entendre à vos futurs employeurs à quel point vous êtes attentifs en cours… »

Après cet échange, j’eus droit à quelques minutes de silence, pas plus, puis ils oublièrent l’incident pour reprendre leurs conversations. 

Mais j’ai fait pire. 

Plutôt que de me taire sur ce chahut qui enveloppait mes cours, ce que font généralement les collègues un peu honteux de ce manque d’autorité, j’ai fait écouter ces enregistrements à tous ceux qui voulaient bien les entendre, le chef du département TC en premier, les autres professeurs du département qui n’étaient guère étonnés, le Directeur de l’IUT (moi, persifleur : « vous voyez comment ca se passe en TC »), le Directeur de l’IAE qui prenait un air faussement désolé (« de mon temps, cela ne se passait pas comme ça… »), le Président de l’Université et même, par hasard, le Recteur de l’académie. J’y ai ajouté mes amis et quelques hommes politiques, mais j’ai évité les chefs d’entreprise pour ne pas porter atteinte aux intérêts de mes étudiants, par une sorte d’ultime réflexe de solidarité avec eux. 

Èvidemment, par de multiples canaux, tout cela est revenu au chef du département TC. Il a compris le danger et il a convoqué les étudiants de deuxième année, leur a expliqué que j’étais sans doute un peu dérangé sur le plan mental, peut-être par ces trois années passées en Afrique, et qu’il valait mieux, dans leur propre intérêt bien compris et dans l’intérêt du département, qu'au moins dans mon cours, ils fassent l’effort de se taire. 

Et rapidement l’ambiance a changé, une sorte de silence superficiel, semi hostile, semi perplexe, s’est mis à planer sur mes cours. 

Et moi, tout gonflé de ma piteuse victoire, je me suis enfin décidé à m’interroger sur mes cours, sur mes rapports avec les étudiants et sur leurs attentes, si bien qu’au bout de quelques semaines, mes étudiants et moi, nous étions content de nous retrouver et nous avions tous oublié ce minable incident…

 

Car le département TC de l’IUT de Nice, c’était, et c’est toujours, une famille dans laquelle chacun était heureux d’apporter sa pierre…

 

*TC: Le Département Techniques de Commercialisation, présent dans presque tous les IUT.

 

À SUIVRE

 

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