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Le blog d'André Boyer
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De la thèse à l'agrégation

22 Août 2014 Publié dans #INTERLUDE

Dans le récit de mes activités professionnelles de 1969 à 1980, il me reste à écrire la manière dont je suis finalement devenu professeur en Sciences de Gestion en mai 1980, après avoir mené à son terme l’écriture d’une thèse dans cette discipline.

These.jpgFin août 1972, je démissionne de la Mobil Oil pour rejoindre l’Université de Nice  le 1er octobre 1972. Pendant le mois de septembre 1972, nous nous rendons en famille à Göteborg où j’essaie naïvement, en fréquentant son université, de trouver un sujet de thèse qui serait tombé du ciel ou d’une étagère ou d’une soudaine inspiration.

Évidemment, aucun sujet ne m’inspire sur le coup, mais j’y puise en revanche l’idée de créer une Université du Troisieme Age (voir mes quatre blogs sur « L’invention de l’Université du troisième âge » du 1er mai 2012, « La création de l’Université du troisième âge », 13 mai 2012, « Les premiers pas d’une université du troisième âge », 17 décembre 2012, « U3 en majesté », 21 avril 2013).

Arrivé à Nice, je rencontre aussitôt mon directeur de thèse, Jean-Claude Dischamps, qui détient une idée précise sur le sujet de ma thèse et sur la manière de m’occuper les six mois suivants par le truchement de la campagne électorale qu’il s’apprête à mener pour être élu député.

Je reviendrai ultérieurement en détail sur cette période particulière, par son intensité, par les faits qui se sont déroulés et par ses conséquences sur mon apprentissage de la vie. Il me suffit d’écrire ici qu’elle ne m’a pas permis d’avancer ma thèse avant avril 1973, et encore pas tout à fait, car j’avais beaucoup de cours à effectuer, afin de rattraper les cours que je n’avais pas pu donner au premier trimestre 1972. 

Alors que ce serait presque impensable aujourd’hui, c’est mon directeur de thèse qui m’a donné le sujet de la thèse. J’aurai pu surement discuter le sujet, mais je n’ai pas osé tant ses connaissances et son autorité m’en imposaient. Or le sujet qu’il me proposait sur la fiscalité et la croissance des entreprises ne me plaisait pas particulièrement, car j’avais envie, confusément, de traiter un sujet de management. Mais lequel précisément, je ne savais pas. C’est pourquoi je fis confiance à son choix qui me semblait dicté par l’expérience et par sa propre thèse qui portait sur « Les comportements économiques et les distorsions fiscales ». Je me disais logiquement qu’il pourrait mieux m’encadrer s’il connaissait le sujet.

Dans les faits, l’avancement de la thèse ne s’est pas passé comme prévu, trente-trois ans d’expérience de direction de thèses me permettant d’ajouter aujourd’hui : « comme d’habitude ».

Ce n’est pas que l’assistance de mon Directeur de thèse m’ait manqué. Bien au contraire, il m’a soutenu avec une fidélité inébranlable. Mais après tout, il avait écrit une thèse d’économie et moi je devais produire une thèse en gestion. J’ai mis longtemps à comprendre la différence entre les deux, si bien que ma thèse exprime mes hésitations entre une logique tournée vers la collectivité et celle qui privilégie l’entreprise et sa maximisation du profit.

Plus concrètement, mon directeur de thèse était Président de l’Université de Nice quand j’ai commencé la thèse. Il était très occupé mais il était physiquement proche à l’heure où Internet n’existait pas encore. Puis, après avoir présidé l’université jusqu’au 31 octobre 1974, il devint Directeur de l’Enseignement Supérieur (c’est à lui que l’on doit la création du concours d’agrégation en Sciences de Gestion) puis Recteur à Clermont. Bref, il s’éloigna.

Cette séparation géographique avec celui qui était à la fois mon Directeur de thèse et mon mentor ne fut pas une bonne nouvelle. Je perdis son soutien moral et matériel local. S’il me laissait provisoirement son magnifique bureau et la responsabilité de son laboratoire avec deux collaboratrices que j’étais censé encadrer, il activa en revanche un sentiment de jalousie qui n’était pas totalement injustifié, j’en conviens, mais que je subis durement alors que je n’étais plus protégé par sa présence. Et puis il me fallut me résigner à écrire ma thèse tout seul, sauf au moment où, à mi parcours, mon Directeur de thèse provoqua chez moi une salutaire réaction.

Avec un an de retard, en septembre 1973, je commençais sérieusement à réfléchir à la signification de ma thèse. En effet, pour rattraper le temps perdu, Jean-Claude Dischamps, dans le cadre d’un accord interuniversitaire, avait obtenu que je passe le semestre d’automne (fall semester) d’août à décembre 1973 à la State University of New York at Albany, S.U.N.Y.A) où je pourrai tranquillement m’y consacrer.

 

C’était en effet le cadre et le moment rêvé pour démarrer rapidement ma thèse. Le sort en a décidé autrement.

 

(À suivre)

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L'Indonésie, vous connaissez?

16 Août 2014 Publié dans #ACTUALITÉ


Vous devriez.

 Indonesie.jpg

Pour ma part, j’ai créé en 1996, des programmes de gestion en langue française à Djakarta, aventure sur laquelle je reviendrai dans des blogs ultérieurs. Aussi suis-je surpris par le peu d’importance accordé à l’Indonésie dans l’actualité française, alors que ce pays va bientôt dépasser le PIB de la France et vient d’élire un nouveau Président de la République au suffrage universel, Joko Widodo, surnommé Jokowi, adulé par les medias, donc susceptible de toutes les déceptions.

L’Indonésie est négligée dans l’actualité française alors qu’elle rassemble deux cent cinquante millions de personnes, ce qui en fait le quatrième pays du monde, loin après la Chine et l’Inde et un peu au-dessous des Etats-Unis.

L’Indonésie est aussi le premier pays à majorité musulmane du monde et pourtant on en entend beaucoup moins parler qu’un micro État comme le Qatar et ses deux millions d’habitants. 

L’Indonésie possède pourtant des caractéristiques géographiques qui méritent une attention particulière puisque le pays est composé de 13466 îles, dont quatre grandes, Java, Sumatra, Kalimatan (la partie indonésienne de Bornéo et la Nouvelle-Guinée. De plus, le point culminant de l’Indonésie, Puncak Jaya, est plus haut que le Mont Blanc (4810 mètres) de 74 mètres.

Pour nous français, l’Indonésie est intéressante par son organisation territoriale. Afin de lutter contre les tendances à l’éclatement de ses quarante provinces, l’État centralisé indonésien a donné des pouvoirs étendus aux échelons administratifs inférieurs à la province, les kapubaten (les départements)  et les kota(les villes) qui sont presque au nombre de cinq cents: ils ne risquent pas de demander l’indépendance ! On devrait y songer en France avant d’agrandir les provinces et de supprimer les départements…

La République d’Indonésie est toute récente. Elle est née le 17 août 1945, lorsque Soekarno et Hatta proclamèrent l’indépendance des Indes néerlandaises. Depuis l’Antiquité,l'Indonésie est un carrefour maritime qui rassemble un réseau d'Etats portuaires qui commercent entre eux ainsi qu’avec l'Inde et la Chine, leur vendant notamment des clous de girofle. Le VIIIe siècle voit le développement de la riziculture et l’établissement de dynasties hindouistes, respectueuses de l'autonomie des villages et constructrices de temples comme celui de Borobudur.

Puis des marchands musulmans abordent l’archipel, des princes se convertissent à l'islam pour s'intégrer à leur réseau commercial. Progressivement s’installent des royaumes fondés souvent par des Chinois musulmans. Après les Portugais, la Compagnie néerlandaise des Indes orientales obtient en 1602 le monopole des activités commerciales et coloniales en Indonésie, expulsant les Portugais de l’Indonésie, à l’exception  du Timor oriental.

La Compagnie parvient à contrôler le commerce d'épices dans l'archipel, jusqu’à ce qu’elle fasse faillite en 1800. L’Etat néerlandais est alors contraint de prendre le contrôle direct de l’Indonésie, confirmé en 1824 par l’accord des Britanniques. C’est alors que les Hollandais mettent en place le cultuurstelsel, un système d'agriculture forcée orienté vers les cultures commerciales qui oblige les paysans indonésiens à travailler soixante jours par an pour le gouvernement. Il poursuit par ailleurs la conquête de Sumatra, de Bornéo, des Petites îles de la Sonde et de Bali pour former les Indes néerlandaises qui constituent aujourd’hui l’Indonésie, à l’exception d’un cinquième de Bornéo et de la Papouasie-Nouvelle-Guinée.

L'invasion, puis l’occupation, d’une partie de l’Indonésie en 1942 par les Japonais encourage le mouvement pour l'indépendance. Deux jours après la reddition du Japon, le 17 août 1945, Soekarno et Mohammad Hatta proclament l'indépendance du pays et deviennent respectivement le premier président et le premier vice-président du pays, tandis que les Pays-Bas tentent en vain de rétablir leur pouvoir puisque le 27 décembre 1949 voit la création de la République des États-Unis d'Indonésie plus ou moins reconnue par les Pays-Bas.

Soekarno prend alors le pouvoir. Après les premières élections parlementaires en 1955, il dissout l'assemblée constituante pour établir un régime autoritaire qui doit composer avec les forces militaires et le parti communiste indonésien. En 1965, Soekarno organise, par l’entremise de l’armée dirigée par le général Soeharto, une violente répression contre le parti communiste qui fait cinq cent mille à un million de morts. Un an plus tard Soeharto éjecte Soekarno du pouvoir pour exercer un pouvoir dictatorial qui se prolonge jusqu’en mai 1998. Les émeutes de Jakarta le chassent alors du pouvoir.

En 1999, se tiennent les premières élections démocratiques d'Indonésie depuis 1955 qui voient la victoire d'Abdurrahman Wahid, rapidement destitué en 2001, à la fois pour des raisons de santé et des soupçons de corruption. Il est remplacé par sa vice-présidente, Megawati Soekarnoputri, qui se trouve être la fille de Soekarno. La constitution est amendée pour permettre la première élection présidentielle au suffrage direct qui élit Susilo Bambang Yudhoyono en octobre 2004, ancien officier et membre du Parti Démocrate, avec 61 % des voix au deuxième tour face à la présidente sortante Megawati Soekarnoputri. Il est réélu en juin 2009.

L’élection suivante a eu lieu le mardi 22 juillet  dernier. Le gouverneur de Jakarta, Joko Widodo, a remporté l'élection au second tour, avec 53,15 % des voix contre l'ex-général Prabowo Subianto. Joko Widodo, surnommé Jokowi, est perçu par les medias comme un homme du peuple, ce qui leur vaut la dangereuse faveur des medias mondiaux.

Cela vaut la peine de s’intéresser à l’Indonésie, ne serait-ce que parce que l’Indonésie est aujourd’hui la dixième puissance économique mondiale, juste après la France et la Grande-Bretagne et avant l’Italie et le Mexique. À l’avenir, il ne lui faudra sans doute que quelques années, avec une croissance de son PIB de 6% par an, pour que l’Indonésie entre dans le club des cinq premières puissances mondiales.

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Un héros démocratique ou un traître à la République?

9 Août 2014 Publié dans #HISTOIRE

 

Comment, perdant les élections, le Directoire transforme un héros en traître

Pichegru.jpg

Les élections d’avril 1797 furent une catastrophe pour les Conventionnels. À peine onze d’entre eux furent réélus, sur deux cent seize députés, au point que les Républicains n'avaient la majorité que dans dix départements. Le corps législatif élut deux royalistes, Pichegru et Barbé-Marbois aux présidences respectives des Cinq-Cents et des Anciens. Au sein du Directoire, Barthélemy et Carnot s’opposaient désormais au trio de gauche, Barras, La Révellière-Lépeaux et Reubel.

La nouvelle majorité avait pour programme de révoquer les lois révolutionnaires et de limiter la dilapidation des finances en attendant de pouvoir restaurer la royauté qui ne manquerait pas de s’imposer légalement après le prochain renouvellement par tiers des Conseils !

Or, il n’était pas aisé pour les trois Directeurs de gauche de s’opposer à la volonté des assemblées, d’autant plus que la Constitution leur ôtait d’importantes prérogatives, en particulier financières.

La révélation des négociations de Pichegru avec le Prince de Condé fut, dans ce contexte une aubaine pour les trois Directeurs, qui préparaient de leur côté un coup d’État contre les Conseils.

Qui était Pichegru ? il représente dans l’histoire officielle de la France républicaines l’image d’un traître, tandis que Robespierre, Barras ou Bonaparte en seraient les héros, selon la règle d’or qui veut que l’histoire soit écrite par les vainqueurs.

Jean-Charles Pichegru (1761-1804) fait partie de ces talents révélés par la Révolution. Fils de petit cultivateurs, repéré par ses professeurs religieux, il devient répétiteur de mathématiques à l’école militaire de Brienne, puis s’engage dans le régiment d’artillerie de Metz comme simple soldat, participe à la guerre d’Indépendance des Etats-Unis et devient sergent-major avant la Révolution.

Républicain, il se fait élire lieutenant-colonel d’un bataillon de volontaires du Gard, monte rapidement en grade jusqu’à devenir en 1793 général en chef de l’armée du Rhin, où il inflige plusieurs défaites aux Autrichiens et aux Prussiens. Général en chef de l’armée du Nord, il conquiert la Hollande, en particulier en s’emparant de la flotte ennemie grâce à sa cavalerie (1794-1795). Il est alors chargé de l’armée du Rhin et Moselle (1795-1796) qui traverse le fleuve pour s’emparer de la place forte de Mannheim. C’est alors qu’il prend contact avec Condé qui lui promet monts et merveilles s’il aide les royalistes à restaurer Louis XVIII.

En 1795 encore, il réprime l’insurrection des sans-culottes à Paris du 1er avril 1795. Ce fait d’arme lui vaut le titre de Sauveur de la Patrie et d’être nommé général en chef des armées du Rhin, du Nord et de Sambre-et-Meuse. Pichegru est alors le véritable héros de la République.  

Mais ses revers sur le Rhin attisent les soupçons de royalisme contre lui. On lui retire son commandement, mais sa popularité persistante lui vaut d’être élu en mars 1797 député au Conseil des Cinq-Cents par les monarchistes du Jura. Il s’impose au sein du Conseil comme le chef de l’opposition royaliste, ce qui lui permet de devenir le Président de ce même Conseil des Cinq-Cents.

Lorsque le Directoire organise le coup d’État du 18 fructidor 1796, ses contacts avec les immigrés sont présentés comme une « conspiration ». Le Directoire en profite pour faire arrêter, non seulement Pichegru, mais tous les dirigeants du parti royaliste qu’il fait déporter en Guyane, dans les déserts de Sinnamary.

Mais Pichegru réussit à s’en évader et à rejoindre Londres après de multiples péripéties. En 1804, il conspire avec Cadoudal et Moreau pour enlever Bonaparte, ce qui aurait fait perdre à l’histoire plusieurs pages glorieuses, mais évité bien des drames. Trahi par « l’ami » qui l’héberge, il est arrêté le 28 février 1804 après s’être énergiquement défendu. Six jours plus tard, il est retrouvé étranglé dans sa prison du Temple, officiellement suicidé. Quel destin !

On notera avec quelle facilité les perdants sont qualifiés de traître et avec quel aplomb le Directoire, comme la plupart des dirigeants politiques, refuse le résultat du suffrage universel lorsqu’il ne leur est pas favorable. Une leçon à retenir par ceux qui croient que des élections peuvent changer la donne politique en France…

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La BNP au pays des Bisounours

2 Août 2014 Publié dans #ACTUALITÉ

Après le Crédit Lyonnais, la BNP vient de perdre une fortune aux Etats-Unis tandis que ses cadres s’en tirent avec quelques égratignures d’amour propre.

Bisounours.jpg

Les responsables de ces bévues, de ces erreurs stratégiques, de ces faux en écriture semblent en effet s'en tirer à bon compte. Certains ont été sanctionnés par la BNP avec des rétrogradations et des réductions de salaire et certains hauts gradés ont été poussés dehors. Mais aucun n’a subi la moindre sanction pénale. Seuls les actionnaires, les employés et les clients de la banque sont censés supporter le poids de leurs méfaits.

Ne vous inquiétez pas, nous répondent-ils, la BNP Paribas est rentable, elle est bien capitalisée et liquide; elle peut payer l'amende sans faire appel aux marchés financiers ou voir ses ratios prudentiels glisser au-dessous des niveaux acceptables.

D’ailleurs la banque a immédiatement acté une charge de 5,8 milliards d’Euros (7,9 milliards de dollars) qui s’ajoute aux 1,1 milliards de dollars qu'elle avait déjà provisionnés et elle va geler le niveau de ses dividendes au niveau de ceux de l'an dernier, pas même le baisser. Le résultat est que le cours de l’action BNP est encore aujourd’hui au-dessus de celui de l’année dernière.

On hésite entre « passez muscade ! » et « tout va très bien, Madame la marquise ! ». 8,9 milliards de $ disparaissent des comptes de la BNP sans aucune conséquence pour personne ? Nous voilà embarqués dans un monde enchanté où la fée BNP serait dotée d’une baguette magique, dont on aimerait qu’elle serve quotidiennement à aider les 63452 entreprises françaises qui ont fait faillite l’année dernière, faute de crédits.

Naturellement, il s’agit d’un leurre. La Banque de France a fait savoir qu’une aussi forte amende appliquée à la grande banque européenne qu’est la BNP pourrait nuire au système financier mondial tout entier. En effet, le plaider coupable de la BNP peut conduire certains pays à lui retirer sa licence bancaire et certains clients à changer de banque. De plus, son exclusion du système de compensation en dollars pour un an sur une grande partie de ses activités, la forçant à effectuer les transactions par l’intermédiaire d'autres banques, est un coup dur pour une banque qui joue un rôle clé dans le commerce international.

Mais il s’agit, maintenant que le mal est fait, de cacher la poussière sous le tapis.

Logiquement et déontologiquement, le gouvernement français et les autorités européennes devraient demander des comptes aux dirigeants de la BNP et les inculper de faux en écritures et de tentatives de fraude. Ils se sont en effet comportés comme de vulgaires tricheurs, comme le présente le rapport américain contresigné par les dirigeants de la BNP (point 22 du rapport des inspecteurs que je joins en annexe et que je vous conseille de parcourir) :

« Pour éviter que ses transactions soient identifiées et bloquées par des banques américaines, BNPP se mit d’accord avec les Entités Sanctionnées dès 2002 et jusqu’en 2007 pour ne pas mentionner leurs noms dans les transactions en dollars US effectuées aux États-Unis. Par exemple : « en raison de l’embargo américain contre le Soudan, veuillez [débiter notre compte en dollars US] sans mentionner notre nom dans votre ordre de paiement » et « transférez la somme de 900 000 dollars US… sans mentionner notre nom – je répète sans mentionner notre nom dans le code d’identification bancaire aux États-Unis ». Ces messages de paiement portaient fréquemment des tampons de salariés de BNPP marqués « ATTENTION: EMBARGO AMÉRICAIN ».

Des dirigeants qui étaient à la fois si peu regardants qu’ils travestissaient les opérations et si stupides qu’ils ont pris le risque de faire perdre 8,9 milliards de $ à la BNP ne devraient plus la diriger. C’est le moins que l’on puisse exiger du Conseil d’Administration de la BNP, comme on doit s’étonner qu’aucun juge ne songe à inculper ces mêmes dirigeants de faux en écritures. On a pourtant condamné Jérôme Kerviel pour ces mêmes dissimulations et des pertes moins importantes au détriment de la Société Générale …

Mais il est bien possible que le régulateur bancaire suisse supplée les autorités françaises. Il a en effet indiqué qu’il allait examiner de plus prés les opérations de Genève de la banque ainsi que les conversations entre les clients et les responsables bancaires cherchant à limiter les dégâts provoqués par leurs actes. Ce ne serait pas la première fois que les autorités suisses osent agir à la place de leurs homologues français…

Il reste que faire semblant de croire que les dirigeants de la BNP sont des victimes innocentes de la vindicte américaine est, à mon avis, une grande faute. Car, en occultant leur responsabilité, on semble vouloir démontrer qu’en France, il suffit d’être du bon côté du manche pour échapper à toute sanction ce qui n’est pas de nature à améliorer le moral des entrepreneurs.

FIN

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La BNP victime d'un racket?

29 Juillet 2014 Publié dans #ACTUALITÉ

S’il est difficile d’avoir de la sympathie pour les tentatives de dissimulation de la BNP, on peut s’interroger sur les méthodes du système juridique américain, qui ressemble de plus en plus à une entreprise d’extorsion de fonds.

Benjamin-Lawsky.jpg 

La BNP se défend en faisant valoir qu'elle n'a enfreint aucune loi européenne, ni française, en commerçant avec le Soudan. Il est vrai aussi que les opérations sous-jacentes n'avaient rien à voir avec les Etats-Unis, mais comme, elles étaient libellées en dollars, la BNP a été contrainte de les compenser à New York, ce qui a fourni un angle d’attaque aux juristes américains.

Dès lors, la BNP a dû faire face à un système sauvage de poursuite des banques fautives qui est tout sauf équitable. Non seulement les bourreaux de la BNP, avec à leur tête Benjamin Lawsky (photo ci-jointe), l’ambitieux régulateur bancaire de New York, étaient plus ou moins en mesure de dicter leurs conditions, mais ils avaient de plus une forte motivation à obtenir l'amende la plus forte possible.

En effet, le DFS s’est distribué en partie à lui-même les sommes attribuées, j’allais écrire extorquées. M. Lawsky obtient ainsi deux milliards de dollars de la BNP, quatre fois plus que son budget annuel, des sommes qu’il est allé puiser dans les caisses en grande partie françaises de la BNP pour les déposer triomphalement dans les coffres vides de l'État de New York.

De plus, dans la procédure américaine, on ne trouve aucun processus de contrôle ni de possibilité de faire appel. Les dirigeants de la BNP ne peuvent même pas critiquer publiquement l’offre qu'ils sont contraints d’accepter. Aucune jurisprudence n’est invoquée pour justifier l’oukase du DFS et aucune donnée ne permet d’évaluer la proportionnalité de la peine appliquée à la BNP.

Ce système judiciaire plus proche du racket que de la justice permet du coup à la BNP, et à ses dirigeants, de se présenter comme des victimes. L’énormité de la somme demandée oblige à s’interroger sur la proportionnalité des peines, les obligations des entreprises traitant avec des régimes répréhensibles et le caractère raisonnable d’une politique nationale qui impose sa politique étrangère par l'intermédiaire du système financier international et de sa monnaie dominante.

Cette affaire est en effet exemplaire du comportement des Etats-Unis n’hésitant pas à jeter tout leur poids financier dans la balance, à utiliser la menace de retirer l'accès à son marché et à sa monnaie pour forcer les acteurs à respecter ses propres priorités. En exploitant trop fortement leur autorité sur les transactions libellées en dollars, les régulateurs américains accroissent les incitations des banques internationales à mettre en place un système de paiements basé sur une autre monnaie.

En France, on évoque du coup un autre contentieux franco-américain, comme l’alliance entre General Motor et PSA, qui a obligé Peugeot, alors que GM ne détenait que 7% des actions de Peugeot, à renoncer à vendre 457000 voitures par an en Iran, soit 13% de ses ventes mondiales annuelles. L’origine des difficultés de PSA ne se situe pas ailleurs que dans ce diktat américain. On fait aussi l’addition pour constater que l’amende est équivalente à verser 100 Euros par français au Trésor américain, même si la BNP n’est plus une entreprise 100% française.

Beaucoup de commentateurs en concluent que les Etats-Unis jouent un jeu dangereux en utilisant à fond le privilège de posséder la monnaie de réserve mondiale.

 

Mais tous ces discours sur la brutalité de la justice américaine obèrent la question de la responsabilité des individus dans la criminalité d’une entreprise comme la BNP…

 

(À SUIVRE)

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Le Big Stick appliqué à la BNP

25 Juillet 2014 Publié dans #ACTUALITÉ

Il a fallu attendre 2010 pour que la BNP cesse de travailler avec Cuba et fin 2012 avec l'Iran. Ces longs retards à réagir ont sans aucun doute attisé la colère des contrôleurs américains et contribué à accroître le montant de l'amende.

 

big-stick.jpegAu début de 2014, lorsque les négociateurs de la BNP se sont réunis avec les régulateurs, un accord de poursuite différée, qui l’aurait autorisé à remplir les exigences du DFS durant une période déterminée pour aboutir à l’abandon des charges, n’était plus sur la table de négociation. L’administration américaine avait pourtant offert un tel accord à HSBC en 2012, mais elle n’a proposé à la BNP que le choix entre plaider coupable ou demander à passer devant un tribunal.

Finalement cette affaire, comme beaucoup d’autres aux Etats-Unis (voir mon blog « Le gibier » du 20 octobre 2013), ne sera pas plaidée devant un tribunal. Car, même si son cas avait été plus défendable, la BNP n’aurait pas eu d’autre choix que de plaider coupable et de négocier un règlement puisqu’une défaite devant un tribunal américain aurait sans doute signifié la perte de sa licence bancaire américaine et sa condamnation à mort en tant que grande banque internationale, sans compter des poursuites pénales engagées contre les banquiers eux-mêmes.

Rappelons de quoi était accusée la BNP : avoir réalisé des opérations secrètes avec le Soudan, l’Iran et Cuba, alors que les Etats-Unis interdisaient toute transaction financière pour les banques utilisant le dollar américain et que la plupart des banques respectaient cet interdit.

Trois facteurs semblent expliquer l’importance de la peine infligée à la BNP, le caractère délibéré de l’infraction, le désir de réfuter toute accusation de laxisme vis-à-vis des banques et la volonté du gouvernement américain d’intégrer l’outil financier dans sa politique étrangère.

Tout d’abord, l’enquête montre clairement que la BNP a sciemment poursuivi ses opérations interdites et a cherché à brouiller les pistes, alors que les autorités américaines s’attendaient à ce que les responsables de la BNP avouent leurs fautes, coopèrent et restructurent l’entreprise pour s’assurer que les infractions ne se reproduiraient pas. Pire, la BNP a laissé se produire de nouvelles infractions, une fois que les premières eut  été détectées.

Ensuite, la BNP a joué de malchance. Elle est tombée entre les mains des enquêteurs du DFS au moment même où les procureurs américains étaient accusés de traiter les banques avec trop d’indulgence. 

Enfin l’affaire de la BNP intervient à une époque où les États-Unis ne veulent pas, ou ne peuvent pas, utiliser leur puissance militaire pour soutenir leurs objectifs de politique étrangère. Ils cherchent un pouvoir de substitution en se servant de leur puissance financière, comme ils le font en imposant des sanctions à la Russie dans le cadre de la crise ukrainienne.

Or, il suffirait que quelques banques contournent les sanctions imposées par les États-Unis pour rendre l’arsenal financier américain inopérant, alors qu’il est difficile de détecter quelles sont les banques qui ne respectent pas les règles et de connaître dans quelle mesure elles ne les respectent pas.

Par conséquent, lorsqu’une banque fautive est démasquée, les autorités de contrôle frappent particulièrement fort pour dissuader les autres banques de prendre le risque de frauder. 

Ainsi, si les financiers et l’opinion publique européenne jugent l’amende infligée à la BNP excessive, tant mieux, puisque c’est l’objectif : faire peur aux contrevenants potentiels.

 

Or, si l’on se place exclusivement du point de vue américain, l’emploi du gros bâton ne risque t-il pas de provoquer des effets négatifs bien supérieurs aux effets positifs attendus, comme les Etats-Unis l’ont souvent expérimenté dans leur politique étrangère ?

 

(À SUIVRE)

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Le scalp de la BNP

21 Juillet 2014 Publié dans #ACTUALITÉ

La Cour Fédérale des Etats-Unis, District de New York Sud, a rendu son « Exposé des faits » (que je tiens à votre disposition en pdf) et le représentant de la BNP, George Dirani, a reconnu cet exposé « véritable et exact ». En foi de quoi, la BNP a accepté de payer la somme de 8,9 milliards de dollars (6,5 milliards d’Euros)  

 georges-chodron-de-courcel-bnp.jpg

Quels jugements porter sur cette décision de notre point de vue ? Plus précisément, comment juger le comportement de la BNP ? Quelles sont les justifications de la décision américaine ? Comment apprécier l’attitude des responsables français ? Quelles sont les conséquences de cette décision ?


Le 30 juin 2014, les procureurs et les régulateurs ont annoncé les sanctions qu'ils imposaient à BNP Paribas, première banque française, une fois que cette dernière ait accepté de plaider coupable face aux accusations américaines de s’être soustraite à l’interdiction américaine de commercer avec le Soudan, Cuba et l'Iran tout en cherchant à falsifier ses dossiers pour échapper aux poursuites.

Ces sanctions s’élèvent non seulement à une amende de 8,9 milliards de dollars, mais aussi la suspension du droit à effectuer certaines opérations en dollars et le licenciement de douze cadres de la BNP.

À elle seule, l’amende est supérieure aux bénéfices de BNP en 2013. D’autres banques, américaines celles-là, ont subi des amendes plus lourdes. La Bank of America a été sanctionnée à trois reprises, en février 2012, janvier 2013 et mars 2014 par des amendes de respectivement 11,8, 11,6 et 9,3 milliards de dollars pour des accusations portant sur des saisies immobilières, des ré achats d’hypothèques et des créances hypothécaires et la JP Morgan Chase a reçu l’amende unitaire la plus forte, de 13 milliards de dollars en octobre 2013, pour des accusations relatives à des créances hypothécaires.

On peut se poser la question d’évaluer la sanction appropriée pour une entreprise qui encourage un génocide.

Pour la Justice américaine, cela mérite une année de profits et le licenciement de quelques cadres. La BNP a en effet reconnu avoir aidé le gouvernement soudanais à vendre du pétrole en violation des sanctions américaines contre le Soudan, en utilisant, contrainte et forcée par l’utilisation du dollar comme monnaie de transaction, la chambre de compensation de New York. Elle s’est livrée à ces profitables transactions au moment même où des milices soutenues par le gouvernement Soudanais massacraient des civils par dizaines de milliers au Darfour. Au lendemain de la crise du Darfour, en 2006, la branche suisse de la BNP détenait près de la moitié des actifs en devises du Soudan, dont le Président est devenu par la suite le premier Chef d’État en exercice à être accusé de crimes de guerre par la Cour pénale internationale.

Mais la BNP, toute occupée à compter ses dollars, ne voulait pas le savoir.

La BNP a dissimulé un total de 190 milliards de dollars de transactions libellées en dollars entre 2002 et 2012, selon le département des services financiers de New York (DFS), qui comprend également des transactions impliquant Cuba et l'Iran. Pour dissimuler l’origine des transactions, la BNP a enlevé les informations d'identification des documents et ré acheminé les paiements au travers d’un réseau de banques satellites.  Les courriels internes montrent que nombre de cadres supérieurs de la banque étaient au courant de ces opérations qui suscitaient chez eux un certain malaise, dont on ne sait s’il provenait de leur peur d’être pris la main dans le sac ou de l’immoralité des opérations qu’ils couvraient.

En 2005, par exemple, un courriel d'un responsable interne de la conformité des opérations de la Banque s’inquiétait de l’utilisation d’un réseau de banques arabes utilisé par BNP pour contourner l'embargo contre le Soudan. Selon le DFS, ces inquiétudes étaient ignorées par la Direction de la banque, y compris par Georges Chodron de Courcel, le directeur de l'exploitation de la banque. Ce dernier a « autorisé des transactions illlicites de manière continue » (source DFS).

Il est vrai que les enjeux financiers étaient importants, puisqu’en 2006 les lettres de crédit de la filiale de la BNP étaient équivalentes à 25% des exportations du Soudan.Cela explique sans pourquoi il a fallu attendre 2007 pour que Baudouin Prot, le directeur executif de la BNP de l’époque, se résigne à donner officiellement l’ordre de mettre fin à ces opérations, mais sans se donner la peine de vérifier que nombre de ses subordonnés ne lui obéissaient pas !

Pour finir, le curriculum vitae de Georges Chodron de Courcel mérite que l’on s’y arrête. J’ai mis sa photo en illustration de ce blog. Il est le cousin de Bernadette Chirac et fait partie de la famille des industriels Chodron, ennoblie par Napoleon III. Agé de 64 ans, il a été déchargé « à sa demande », le 30 juin 2014, de ses fonctions de Directeur Général Délégué de la BNP et prendra sa retraite le 1er octobre 2014.

Pure langue de bois, puisqu’il ne part qu’à la demande de la DFS, et inutile de lui souhaiter une bonne retraite puisqu’il reste administrateur de Bouygues, Alsthom, FFP, Nexans, Compagnie nationale à portefeuille, Groupe Bruxelles Lambert, BNL, également censeur de Safran, de Scor, d’Exane et en outre membre du Conseil de surveillance de Lagardère.


Espérons quel sa « retraite » de la Direction Générale de la BNP lui permettra de faire mieux bénéficier de son expérience réglementaire et éthique l’ensemble de ces importants groupes français…

(À suivre)

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L'âge de l'anxiété

16 Juillet 2014 Publié dans #PHILOSOPHIE

 

« L’âge de l’anxiété » est une expression passe partout. Elle est utilisée pour caractériser la période actuelle, la conscience que nous avons de tout ce qui est dangereux dans le monde moderne : la dégradation de notre environnement, l’énergie nucléaire, le fondamentalisme religieux, les menaces qui pèsent sur notre vie privée, la drogue, la violence, le terrorisme.

anxiety.jpgL’expression « âge de l’anxiété » est largement utilisée depuis la dernière guerre mondiale et elle apparaît dans de nombreux articles et ouvrages sur des domaines aussi variés que  la science, la politique ou la sexualité. Mais pour celui qui a lutté contre l’anxiété depuis longtemps, cette expression n’apparaît pas justifiée .

En effet, du  point de vue de celle ou de celui qui en souffre, l’anxiété est toujours et absolument personnelle. C’est une expérience de vie qui modifie la manière dont quelqu’un pense, ressent ou agit. C’est une petite chose monstrueuse qui est capable de vous paralyser lorsque vous hésitez entre une sauce au fromage bleu et une vinaigrette à mettre sur votre salade, dans la mesure où ce choix vous paraît tout d’un coup vital.  Cette angoisse là n’a manifestement rien à voir avec notre temps.

Pourtant, il est indéniable que nous nous trouvons à une époque où un nombre important et croissant de personnes souffrent d’anxiété. Aux Etats-Unis, l’Institut National de la Santé Mentale estime que l’anxièté affecte désormais 18 pour cent de la population, soit quarante millions de personnes. Par comparaison, les troubles de l'humeur, principalement la dépression et la maladie bipolaire, affectent 9,5 pour cent de la population. Cela fait de l’anxiété le mal le plus frequent en matière psychiatrique et l’un de ceux qui entrainent le plus de prescriptions médicales : l’anxiété est un grand et profitable marché.

Il reste que ce n’est pas parce que cette dernière est souvent diagnostiquée et soignée à l’aide de plus en plus de médicaments que nous pouvons en conclure que nous sommes plus anxieux que nos ancêtres. C’est peut être tout simplement que nous sommes mieux soignés et que nous sommes, en tant qu'individus et du point de vue culturel, plus conscients qu’autrefois de la tendance de notre cerveau à échapper à tout contrôle.

Car les époques antérieures ont souvent été plus anxiogènes que la nôtre. L'Europe du XIVe siècle, par exemple, a connu des famines dévastatrices, des vagues de pillages, des révoltes paysannes, des conflits religieux et pour finir la peste qui a décimé la moitié de la population européenne en quatre ans. Les faits ont montré que ces évenements ont entraîné une anxiété de masse telle que « plus on savait, moins le monde avait de sens ».

Il est difficile d'imaginer que nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation aussi grave. Pourtant, il y a un aspect de l'anxiété que nous possédons plus que nos ancêtres : la conscience de soi. Autrefois, aussi anxieux qu’ils l’étaient, nos ainés ne considéraient pas l’anxiété comme un état. L'anxiété est apparue, en tant que concept psychiatrique cohérent, au début du vingtième siècle, lorsque Freud a mis en évidence l’anxiété comme le point central de l’état mental des personnes. Ce sont ses analyses qui ont engendré ensuite une recherche de plus en plus frénetique sur le concept et sur les explications possibles de l’anxiété.

Cela ne signifie cependant pas que la période actuelle se caractérise par sa tranquillité et qu’elle n’est susceptible en rien d’engendrer l’anxiété.  Mais cela signifie que nous ne devons pas être prisonniers de nos incertitudes, car l'un des traits dominants de l'anxiété est la récursivité. L’anxiété commence en effet avec un souci tout simple qui fait que, plus l’on se concentre sur lui, plus il prend de l’importance et plus l’on s’en inquiète.

Aussi l’un des exercices les plus simples et les plus efficaces que l’on puisse demander à notre esprit est de lui apprendre à lâcher prise.

 Mais si vous commencez à croire que l'anxiété est une fatalité, en donnant  crédit au battage médiatique qui cherche à vous faire croire que la période actuelle est particulièrement anxiogène, vous allez perdre la bataille avant même de l’avoir commencé! 

 

 

 

 

 

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Le Directoire se débat

12 Juillet 2014 Publié dans #HISTOIRE

Je poursuis dans ce blog la présentation des membres du Directoire, avec les portraits de Carnot et Le Tourneur.

Franc GerminalLazare Carnot (1753-1823) est le fils d’un avocat. Militaire, il fréquente Robespierre. Chaud partisan de la Révolution, il est élu à la Législative et à la Convention où il siège à gauche. Il vote la mort de Louis XVI, mais se tient à l’écart des Jacobins. Membre du Directoire, il prend l’initiative des poursuites contre Babeuf et ses amis, les traque avec acharnement, organise la provocation du camp de Grenelle et les fait exécuter. Il se rapproche des royalistes, ce qui l’oblige à s’enfuir lors du coup d’État de Fructidor. Il continuera cependant sa carrière d’organisateur sous le Consulat et l’Empire. Ses fils et petits fils seront également des hommes politiques et des scientifiques importants.

Le Tourneur ou Letourneur (1751-1817) est capitaine quand il est élu par le département de la Manche à la Législative. Réélu à la Convention, il vote la mort de Louis XVI, mais est hostile à Robespierre. Proche de Carnot, il s’occupe de la marine avant d’être éliminé du Directoire par le tirage au sort, le 20 mai 1797. Il sera ensuite préfet de Bonaparte et Conseiller à la Cour des Comptes.

Lorsque l’on observe la composition politique du Directoire, on en conclue que le nouveau régime était dirigé par les mêmes hommes et confronté aux mêmes problèmes que la Convention thermidorienne : son défi primordial consistait à essayer de mettre un terme à la Révolution, en se gardant à gauche des Jacobins et à droite des Royalistes.

Dans les premiers mois du Directoire, la liberté de la presse et la liberté religieuse furent respectées. Les importations de denrées améliorèrent les approvisionnements dans les villes, non sans aggraver la situation financière de l’État. Le problème économique principal restait l'inflation, ce qui décida le Directoire à supprimer l'assignat. Une loi autorisa la création de mandats territoriaux qui pouvaient être échangés contre des assignats et permettaient d'acquérir les biens nationaux à des conditions très favorables. Ceux qui saisirent l’aubaine purent acquérir des biens nationaux avec des billets sans valeur. Ils devinrent par conséquent des adversaires résolus du retour des immigrés.

À partir du 21 mars 1796, le franc eut seul un cours légal, fixé à cinq grammes d'argent. À l'inflation succéda la déflation; les artisans se retrouvèrent au chômage et le Directoire ne parvenait plus à payer les fonctionnaires. Il dut céder des propriétés nationales comme le célèbre diamant de la Couronne « le Régent », vendre des biens nationaux aux enchères, et se trouva dans l'obligation d'emprunter au dey d'Alger, à des commerçants de Hambourg ou à des financiers véreux. Il trouvera la solution à ses mécomptes financiers par le prélèvement  de fortes contributions de guerre sur les pays conquis, ce qui eut pour effet de rendre les politiques dépendants des généraux.

Le Directoire dut aussi faire face à l’extrême gauche. Babeuf, reprenant le discours des Enragés, faisait une critique radicale de la famille, de la religion et de la propriété. Lorsqu’il fonda un comité insurrectionnel, il fut arrêté et exécuté.

Il fallait aussi se résoudre à mettre fin à la guerre, qui plaisait aux généraux, mais pas à l’opinion publique. La Convention avait conclu la paix avec la Prusse, la Hollande et l'Espagne. Restaient l'Autriche et l'Angleterre, qui refusaient de voir la rive gauche du Rhin sous possession française. Pour obtenir une paix favorable, Carnot proposa de lancer une manœuvre de diversion en Italie du Nord, tout en menaçant Vienne avec deux armées, sur le Rhin et le Danube. Grâce au génie militaire de Bonaparte qui, avec peu de soldats et de moyens, obtint des victoires stratégiquement déterminantes, la diversion italienne se transforma en victoire décisive, pendant que les armées françaises piétinaient sur le Rhin avant de reprendre leur offensive, au moment où Bonaparte menaçait Vienne par son débouché depuis la péninsule Italienne.

Le 17 octobre 1797, Le traité de Campo-Formio était signé avec une immense joie. Il donnait à la France les Pays-Bas, la frontière sur le Rhin, la place forte de Mayence et les îles Ioniennes, tandis que l'Autriche recevait une partie de la Vénétie, l'Istrie et la Dalmatie et reconnaissait la république Cisalpine.

Mais il avait été signé directement par Bonaparte, avec une audace qui inquiétait les Directeurs.

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Les splendeurs de l'Aude

8 Juillet 2014 Publié dans #INTERLUDE

 

La semaine dernière, j’ai consacré trois jours à l’Aude, en compagnie et grâce à mes amis Yann, Edgar et Jean-Pierre. Ce dernier avait établi un programme qui mêlait artistiquement la visite des vignobles, la gastronomie, l’art et accessoirement le sport.

ALET.jpgOn devrait visiter chaque département français de cette manière, car tous le méritent. Ainsi que vous le savez, l’Aude a pour préfecture Carcassonne et comme nous connaissions la ville tous quatre, nous l’avons négligé sauf pour honorer l’un de ses restaurants, ce qui a donné le ton au périple.

Ce dernier a véritablement commencé le lendemain, lorsque nous avons visité un domaine viticole de l’Aude. Ces vignobles n’ont vraiment connu le succès qu’à partir de celui de la blanquette de Limoux qui, à moins que je ne me trompe, a mis à son tour en valeur les vins de Corbières, du Minervois et des côtes de Malpeyres.

Recherchant à équilibrer les vignobles avec la culture, nous n’avons pas hésité à visiter la vieille abbaye de Saint-Hilaire, qui remonte au IXe siècle. Ses moines ont élaboré en 1531 la technique de vinification de la blanquette dite de Limoux qui a été copiée par Dom Pérignon, un moine d’Hautvilliers, pour connaître le triomphe avec le champagne. Nous avons ensuite estimé que nos efforts culturels méritaient d’être récompensés par un repas bucolique au sein du village fortifié de Pieusse.

Pour mieux le digérer, nous avons trouvé rien de mieux que de nous élancer dans une marche épuisante de plusieurs kilomètres qui m’a fait penser aux exploits stupides des athlètes d’Ironman, la nage et le vélo en moins. Épuisés, moi du moins, par une telle débauche d’énergie, nous avons trouvé néanmoins la force de visiter un nouveau domaine vinicole avant de nous réfugier à Alet-les-bains dans un pittoresque hôtel qui se trouve au sein même de l’ancien évêché.

Curieuse ville qu’Alet-les-bains, fortifiée et presque abandonnée, avec quelques résurgences de vie, une exposition ici, un musée là, un casino ailleurs. Le soir, nous nous sommes arrachés à ses langueurs mortelles pour plonger dans l’agitation fébrile de Limoux au travers de l’un de ses restaurants, fort habile dans son organisation et avisé dans ses discours.

Le lendemain, un fort périple automobile nous attendait qui a commencé par le chemin cathare conduisant aux pentes escarpées qui entourent le môle arrondi de Montségur, leur dernier refuge, à ces pauvres cathares.

Après ces émotions historiques, il ne nous restait plus qu’à plonger dans l’exotisme le plus débridé en allant déjeuner dans un restaurant afghan à Puivert, un village endormi où l’on ne se serait pas attendu un tel dépaysement gustatif. Mais nous y avons tout de même trouvé un Afghan, embastillé en cuisine. 

Traversant ensuite les paysages désertiques qui séparent l’Aude des Pyrénées Orientales, nous avons vu les montagnes changer brusquement d’aspect, les sommets dénudés, surmontés de roches, succédant aux pentes couvertes de forêts auxquelles nous avait accoutumé la riante Aude. Nous sentions que la Méditerranée étendait son influence sur les panoramas qui s’offraient à nous, jusqu’à ce que nous nous arrêtions à Maury, aux vignobles gorgés de soleil. Bien sûr, une cave nous y attendait, l’une des plus fournies et des plus prometteuses de notre périple.

Après nous en être régalé, il fallut nous résoudre à faire demi-tour pour rejoindre Quillan, où les deux visages de la ville, qui n’étaient autres que les deux visages du département, voire de la France tout entière, nous attendaient.

Certes Quillan détenait un trésor, sa charcuterie. Pas que…Traversant le centre ville, nous voulurent pénétrer dans la boutique d’une antiquaire, mais que nenni ! Il était 17 heures cinq et la préposée aux antiquités n’avait pas cinq minutes de plus à perdre pour réaliser une vente éventuelle : « je ferme, Monsieur, vous n’avez pas compris ? ». Dans cette ville qui se meurt de la perte de son industrie, le Formica, on n’a pas de temps à perdre avec les clients ! Le travail fait peur, cinq minutes supplémentaires consacrées à garder une boutique ouverte font horreur !

Lorsque nous confièrent cette anecdote à un limonadier de Quillan, adepte du jeu à XIII entre amateurs gérés par des bénévoles, il nous asséna cette pensée définitive qui nous laissa coi : « L’avenir, Monsieur, il est ce que l’on en a fait… ». Pas « ce que l’on en fait », notez la nuance, « ce que l’on en a fait » : le futur jaillit directement du passé.

À Quillan, dans l’Aude et dans toute la France, qu’est-ce que l’on en a fait de l’avenir ? Est-ce que l’on s’en est vraiment occupé de l’avenir ? Alors, l’avenir, il se construit tout seul, autour des usines vides, des marchands désinvoltes ou désabusés et du tourisme. Heureusement, il reste le tourisme, ultime espoir. Suffira t-il à faire vivre ces villes et ces campagnes, avec l’aide de la vigne, des fonctionnaires, des retraités et des chômeurs indemnisés ? Car des industries, il n’en reste rien, absolument rien.

Ruminant cette grave pensée, nous sommes retournés à l’ancien évêché d’Alet. Devant le jardin romantique qui entoure ses ruines grandioses, nous avons diné, servis par une stagiaire ukrainienne. Cela nous montrait que l’Aude s’internationalisait de diverses manières, avec, du côté de la demande, des Anglais et des Hollandais attirés par les prix bas de l’immobilier et du côté de l’offre, des employés de toutes nationalités. Est ce que le tourisme permettra de sauver l’hôtel au charme unique où nous nous trouvions, plombé par son isolement et les exigences des normes ?

Enfin le dernier jour nous nous sommes replié sur Limoux, capitale de la partie de l’Aude que nous visitions, puisque nous avions passé ces quelques jours à tourner autour de la ville. Le marché remplissait ses rues et ses parkings, offrant fruits, fromages, charcuterie et divers artisanats provenant d’Aude ou de Chine, on ne sait. Ce jour là, la ville jouait à être prospère, mais on sentait bien, au nombre d’étals et de clients, que le cœur n’y était pas.

Observant les vignes à Brugairolles, prés de Limoux, qui entouraient une belle demeure surmontée d’un restaurant, je me disais que le métier de vigneron présentait de nombreux attraits, vivre entouré de la nature, travailler en sortant de chez soi, fabriquer un produit de la vigne à la bouteille en maitrisant tout le cycle de production et offrir un produit « noble ». Mais, à observer les vignerons, il ne semblait pas que la rentabilité de ce métier soit si facilement accessible que cela. Acheter un vignoble, vivre heureux et mourir ruiné assis sur un capital immobilier que l’on se refuserait jusqu’au bout à céder, était-ce cela le destin des vignerons ?

Parcourant la route de Limoux à Revel et sa magnifique place du marché, en passant par Castelnaudary, transformé en ville dortoir toulousaine, je me disais mélancoliquement combien l’Aude et la France étaient belles, dans leur agonie.

 

Je me disais enfin quelle chance j’avais eu de faire ce beau périple avec d’excellents compagnons…

 

 

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