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Le blog d'André Boyer

À la merci des lubies de nos élites

13 Février 2014 Publié dans #HISTOIRE

La doctrine officielle selon laquelle la France, c’est à dire les autorités politiques qui la représente, n’a ménagé aucun effort pour éviter la guerre, qu’elle est injustement agressée et qu’elle est contrainte d’y répondre servira un quart de siècle durant, le temps de justifier la guerre suivante qui en découlera, en 1940.

marne 1914Pendant que l’on mobilise au nom de l’Union Sacrée, les gendarmes exécutent discrètement au bord des chemins les quelques mobilisés qui ont l’audace de s’enfuir et réduit les rares maquis qui se forment, comme dans la Loire.

Du côté de la population, c’est tout d’abord la stupéfaction et l’atterrement.

L’historien Jean-Jacques Becker témoigne par exemple qu’à Aignes (Charente) « la première impression fut, pour tout le monde, une profonde stupéfaction car personne ne croyait la guerre possible». Lui succéda souvent l’abattement: «la consternation, la tristesse, l'angoisse furent fort répandues, bien plus que les sentiments dictés par l'élan patriotique ».

D’autant plus que la proclamation du président Raymond Poincaré, affichée et publiée dans les journaux le 2 août, se voulait faussement rassurante. Derrière cet écran de fumée, le gouvernement comptait  « sur le sang-froid de la noble nation pour qu'elle ne se laisse pas aller à une émotion injustifiée ; il compte sur le patriotisme de tous les Français et sait qu'il n'en est pas un seul qui ne soit prêt à faire son devoir. À cette heure, il n'y a plus de partis, il y a la France éternelle, la France pacifique et résolue. »

Les gens s’auto persuadèrent, pour se rassurer, que la guerre serait courte. Puis ils se laissèrent convaincre par l’argument gouvernemental, sans cesse asséné par les officiels et les journaux, qu’une France forcément pacifique était tenue de  se défendre contre une agression allemande caractérisée.

On partit donc avec la résolution du devoir à accomplir. De toutes façons, le tour était joué, les mobilisés n’avaient pas le  choix.

Que voulaient donc obtenir les élites françaises en acceptant cette guerre ? Barrer la route à une puissance allemande grandissante, en comptant sur la force titanesque de l’allié russe et le soutien anglais qui partageaient la même inquiétude face à l’Allemagne. C’était parti pour la destruction des sociétés européennes et pour la France, un million six cent mille morts (y compris les civils) et quatre millions trois cent mille blessés.

On retiendra ici, que, si la responsabilité de Guillaume II est lourdement engagée dans l’engagement de la guerre, les élites françaises ont pour leur part une forte part de responsabilité dans le massacre de leur propre population, contre la volonté de cette dernière. En effet, ces élites  n’ont pas hésité, alors que deux mois seulement auparavant, la population française s’était prononcée nettement contre la guerre en envoyant une majorité très à gauche au Parlement, à faire le nécessaire pour entrer en belligérance.

On retiendra aussi que c’est un gouvernement de gauche, socialiste et radical, avec un Président du Conseil socialiste, René Viviani, qui en a pris la responsabilité, alors qu’officiellement ce dernier avait été élu sur le programme de l’abrogation du service de trois ans et contre la guerre contre l’Allemagne. Ce n'est pas de 2014 que datent les engagements reniés. On n’oubliera pas non plus que Jean Jaurès, la conscience de la gauche, a opportunément été assassiné quelques heures auparavant.

On retiendra surtout que l’opinion a été presque entièrement manipulée, qu’on lui a caché les prémisses d’une guerre qui l’a prise par surprise et qu’elle ne voulait pas, mais que c’est bien cette population qui en a subi les conséquences les plus terribles. 

Il arrive donc que les élites françaises se trompent, qu’elles agissent contre la volonté exprimée du peuple. Il arrive qu’elles n’hésitent pas à sacrifier les vies d’un million et demi de personnes au nom de leurs convictions.

Tel est, de mon point de vue, la leçon à tirer de l’élection de mai 1914 et des manœuvres en faveur de la guerre en juillet 1914.

Enfin, pour conclure cette série d'articles, la leçon que l’on peut tirer de l’observation des croyances et des agissements des élites 2014, c’est qu’elles ne sont ni plus douées qu'en 1914 pour diriger le peuple sur la voie la moins folle, ni plus respectueuses de la volonté du peuple qu’en 1914.

Elles ont donc toujours la capacité et la volonté de nous sacrifier sur l’autel de leurs lubies….

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