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Le blog d'André Boyer

Echec et presque mat

7 Mars 2014 Publié dans #INTERLUDE

Ma manœuvre réussit, un médecin affolé arrive, avec qui je ne parviens pas à communiquer, bien que le sens général de ses observations ne m’échappe pas.

echec-et-mat.jpgArrive un autre médecin, qui avait séjourné en coopération en Algérie et qui m’explique en mauvais français mais en français tout de même, que je dois rester tranquille. Moi, je lui rétorque que, comme tout le monde semble mourir ici, j’estime qu’il est urgent que je quitte la salle avant d’être transformé en cadavre. Dans mon souvenir, ils accédèrent rapidement à ma demande et me transférèrent dans une chambre où se trouvaient trois autres malades.

Sauvé !

C’est à partir du lendemain  que je reçus la visite de Julie et de ma mère. La première avait décidé de rester avec moi à Prague tandis que mon frère et son ami Jean avaient jugé préférable, compte tenu des circonstances, d’interrompre le voyage vers Budapest et de rentrer avec mon véhicule à Nice. La seconde avait été alertée par mon frère et les autorités médicales tchèques, qui estimaient que mes chances de survivre plus de quelques jours étaient faibles et qu’il serait par conséquent bienvenu que ma mère vienne assister à Prague à mes derniers instants sur cette Terre.

Elle avait obtenu instantanément un visa, compte tenu de cette situation dramatique, et sauté dans un avion. Mon père, toujours pessimiste mais nonobstant pratique, lui avait fait quelques recommandations afin d’obtenir que mon cercueil revienne en France et que je sois enterré à Puget-Théniers, ce qui était bien l’essentiel…

Par elles, j’appris ce qui s’était passé. Le médecin, celui qui m’avait fait un lavage de sinus à l’hôpital, avait constaté le lendemain matin que ma température était encore montée, au delà de 40. Il avait décidé, de sa propre initiative apparemment, de pratiquer un trou dans le sinus pour le relier plus directement à mes voies nasales. Plus tard, par le rapport que remettront obligeamment les autorités médicales tchécoslovaques aux médecins français chargés de me suivre, on apprendra qu’il avait ouvert le sinus gauche avant de le gratter pour faire disparaître la racine de l’infection. Mais par maladresse semble t-il, il était passé avec ses instruments au travers de la fine paroi qui sépare le sinus du cerveau et il avait transmis l’infection à ce dernier.

Enfin, j’explique tout cela en termes non médicaux mais le résultat de son intervention de la Saint Sylvestre 1976 fut que ma fièvre, non seulement ne retomba pas, mais commença à frôler les 42. En outre, je fis en cinq jours quatre crises d’épilepsie, une nouveauté pour moi, dont je ne garde naturellement aucun souvenir. Affolés, les médecins, craignant les ennuis que provoquerait le décès d’un des rares touristes français qui se risquait en cet hiver de la contestation à Prague, où Havel venait de lancer sa charte 77, s’agitaient en tous sens pour trouver la cause de la sorte de méningite qui m’assaillait. Ils me transportaient d’hôpital en hôpital, à la recherche des rares appareils d’analyse qui leur permettraient de faire un diagnostic. D’où mon souvenir d’une machine en bois verni, sans doute à l’hôpital du Parti, qui était le moins mal équipé de tous.

C’est pendant cette période qu’ils prévinrent mes parents de mon décès probable et imminent…

Puis au bout de cinq jours, ils décidèrent en désespoir de cause de m’ouvrir le crâne pour observer ce qui s’y passait de visu. Ce faisant, ils firent baisser la pression osmotique et c’est alors, qu’émergeant de ces brumes infernales, je me retrouvais conscient dans la salle de réanimation et entrepris derechef de lire l’opuscule de Michel Jobert.

Malgré tout, je n’étais pas en très bon état.

Deux opérations en cinq jours, dont une du crâne, m’avaient assez fortement secoué malgré la robustesse apparente de ma constitution. J’avais la tête entourée de pansements, j’avais perdu une partie de l’ouïe et plus grave encore de la mémoire et je n’avais plus aucune capacité de concentration. C’était au point que, lorsque quelques jours plus tard, Julie, qui ne savait pas vraiment jouer aux échecs, me battit, j’en fut atterré au delà du raisonnable; il fallut le lendemain que je parvienne à la mettre échec et mat pour que je retrouve un minimum de confiance dans mes capacités intellectuelles. 

De leur côté, quelles que soient mes angoisses sur le fonctionnement de mon cerveau, les médecins ne me lâchaient pas les baskets. De quatre heures du matin à minuit, ils se succédaient avec d’innombrables infirmières qui me piquaient de toutes parts et me faisaient avaler forces pilules.

J’avais encore changé de chambre, mes trois autres compagnons de chambrée étant tous décédés en quelques jours d’un mal de ventre qui semblaient provenir de leur profession de mineur. Je me souviens qu’ils n’avaient droit quasiment à aucune nourriture et que je leur passais subrepticement la tranche de jambon dont j’avais bénéficié et que je ne parvenais pas à avaler.

 

Pour le reste du séjour à l’hôpital Charles, je me suis retrouvé seul dans une chambre, sans doute pour épargner la vie d’autres malades ! 

À SUIVRE...

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