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Le blog d'André Boyer

Echec et mat à Borisov?

15 Mai 2011 Publié dans #HISTOIRE


Pour retarder l’échec et mat, le joueur déplace le roi puis il prend un pion avec la seule tour qui lui reste, mais son adversaire riposte en bloquant tous ses mouvements avec un fou.


berezina7.jpgLe 23 novembre, Napoléon s’établit à Bobr, quelques kilomètres au sud-est  de Borisov pour faire croire à Tchichakov qu’il va passer au sud. Oudinot reprend Borisov, mais Tchichakov fait aussitôt détruire le pont.

Dans la nuit du 23 au 24 novembre, Oudinot fait procéder à des reconnaissances le long de la Berezina de part et d’autre de Borisov. Il trouve un passage au-dessous de la ville qui s’avère peu praticable pour l’artillerie et trois au-dessus, dont celui de Studianka, à 16 kms au nord de Borisov et celui de Wésélowo quatre kilomètres encore plus au nord. C’est le choix de Studianka qui s’impose à Oudinot grâce au passage de la Bérézina qu’a réalisé Corbineau à cet endroit : une de ses patrouilles a remarqué un paysan dont les vêtements étaient mouillés et ce dernier leur a montré l’emplacement du guet, entre Studianka et Brillowo. Les rives ont donc été  reconnues des deux côtés et l’on sait que la rivière y est peu profonde, que les abords sont faciles et que le débouché marécageux est possible grâce à la gelée. Il reste que la colline en face peut permettre à l’ennemi, s’il s’y installe, d’empêcher la traversée.

Le 24 novembre, Napoléon met tous les pontonniers, tous les sapeurs et tous les mineurs qui lui restent aux ordres d’Oudinot pour construire les ponts. Le même jour, il fait brûler la moitié des voitures dont il récupère les chevaux pour l’artillerie, qui seule donne les moyens de tenir les ponts. Faisant feu de tout bois, il forme deux compagnies de cavalerie en rassemblant tous les officiers montés. 

Ces instructions données, Napoléon quitte Bobr pour Losnitza le 24 à 10 heures du matin, se rapprochant encore de Borisov. Dans la Grande Armée, l’angoisse est palpable, car chacun sait que le pont de Borisov est coupé, que Tchichakov empêche le passage de la Bérézina, que Wittgenstein est à droite, si prés que l’on entend le feu de ses canons contre Victor, et que Koutousov, derrière, se rapproche. Chacun conjecture[1] sur les chances de pouvoir sortir vivant de ce guêpier.

Napoléon lui-même ne cache pas son inquiétude lorsqu’il écrit, dans l’instruction qu’il envoie, le 25 novembre à 5 heures du matin : « …Faites donc brûler ; dans 24 heures nous serons peut-être obligés de tout brûler… » Ce matin-là, il va à Borisov où il s’efforce de faire croire, en déployant moult activités visibles, que rien  de sérieux ne se trame à Studianka. Pendant ce temps, il ordonne d’y commencer la construction des ponts dés le soir.  Malheureusement, si on a bien fabriqué une vingtaine de chevalets, le bois utilisé se révèle trop faible, ils sont inutilisables.

Le 26 novembre, Napoléon se rend à 6 heures du matin chez Oudinot à Studianka pour évaluer la situation tactique. Il ne sait pas que la construction n’a pas encore commencé. Sa présence accélère tout.  Il fait passer à la nage quelques cavaliers et, par radeaux, quelques centaines d’hommes qui chassent les cosaques, mais pas les vedettes russes qui courent prévenir Tchichakov de ce qui se trame à Studianka. Quelques canons russes sont foudroyés par le feu des quarante canons disposés par Napoléon pour protéger le passage. On se rassure lorsque les prisonniers interrogés confirment que Tchichakov ne réagit pas, pas encore, puisqu’il est toujours en face de Borisov.

La construction des ponts ne commence que dans la matinée du 26 novembre. Elle comprend deux ponts séparés de 200 mètres, l’un à droite pour les cavaliers et l’infanterie, l’autre à gauche plus solide, pour l’artillerie et les voitures. La longueur des ponts est de 100 mètres, plus que prévu, et la profondeur maximale  est déjà de deux mètres à cause de la crue en cours. En silence, Napoléon assiste à la construction et avec lui toute l’armée. Tous regardent les pontonniers d’Éblé se jeter à l’eau jusqu’à la poitrine, ce qui, chacun le sait et eux les premiers, les condamne à une mort certaine, compte tenu du froid, de leur condition physique et de l’état de la médecine de l ‘époque : ils sacrifient leur vie pour que la Grande Armée vive…

Une Grande Armée, qui, ce matin du 26 novembre, n’est plus composée que de vingt-neuf mille sept cent combattants, dont quatre mille cavaliers, sans compter les traînards. Autour de lui, cent quarante mille Russes l’encerclent.

 

Neuf jours après Krasnoï, ce 26 novembre 1812, à une heure de l’après-midi, le pont de droite, celui réservé aux cavaliers et à l’infanterie, est achevé.



[1] Le général Rapp rapporte : « Ney me prit en particulier, nous sortîmes; il me dit en allemand: « Notre position est inouïe; si Napoléon se tire d’affaire aujourd’hui, il faut qu’il ait le diable au corps. » Nous étions fort inquiets, et il y avait de quoi. Le roi de Naples vint à nous, et n’était pas moins soucieux : « J’ai proposé à Napoléon, nous dit-il, de sauver sa personne, de passer la rivière à quelques lieues d'ici ; j'ai des Polonais qui me répondraient de lui, et le conduiraient à Wilna; mais il repousse cette idée, et ne veut pas en entendre parler. Quant à moi, je ne pense pas que nous puissions échapper. » Nous étions tous les trois du même avis.

 

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