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Le blog d'André Boyer
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L'ENJEU DE LA BIODIVERSITÉ

15 Mars 2017 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

En quelques années, la diversité biologique est devenue un des enjeux écologiques majeurs pour la survie de l’humanité.

 

Le terme de biodiversité est apparu après la conférence de Rio en 1992, qui a permis une large ratification de la Convention sur la diversité biologique. Que la vie se manifeste sous des formes très diverses était une donnée déjà connue des hommes des cavernes, lorsqu’ils y peignaient des bisons, des lions ou des antilopes.

Mais cette diversité du vivant apparait désormais comme une donnée fondamentale pour le maintien de la vie sur Terre et en particulier celle de l'espèce humaine.

En effet, depuis que la vie est apparue sur Terre, il y a 3,8 milliards d'années, elle s'est constamment diversifiée pour se transformer. La vie s’est manifestée tout d’abord sous la forme de molécules puis de protocellules dont la caractéristique fondamentale était de pouvoir s'auto répliquer, se transformer et donc se diversifier.

Depuis, de nouvelles espèces n’ont jamais cessé d’apparaître et de disparaître, car les espèces sont aussi mortelles que les individus qui les composent, à ceci prés que l'espérance de vie des espèces se compte en millions d'années alors que celle des individus se mesure en années.

Actuellement, succédant à prés de quatre milliards d’années de mutations, la Terre accueille entre dix et trente millions d'espèces différentes, on ne sait exactement, mais seules 1,7 million d’espèces sont répertoriées et encore pour la plupart d’entre elles, presque rien n'est connu de leur biologie, de leurs caractéristiques fonctionnelles, de leur rôle dans l'écosystème et encore moins de leur utilité potentielle par l'homme.

Cette multiplication des espèces résulte de la variabilité génétique des êtres vivants associée à leur capacité de multiplication. Cette variabilité est bridée par la sélection naturelle liée à leur environnement physique et par les interactions entre les espèces au sein des écosystèmes, sous la forme de processus de compétition, de prédation ou de parasitisme qui font que des  espèces survivent au sein de niches écologiques ou disparaissent.

Par exemple, la niche écologique dont disposent les rhinocéros est en train de disparaître parce qu'ils sont quasiment privés de leur milieu naturel et pourchassés par les hommes pour la valeur que ces derniers à leur corne. L'espèce humaine, quant à elle, n'est pas encore consciente qu'il ne s'agit pas d'un événement anecdotique, mais qu'en les éliminant, elle diminue la biodiversité des mammifères et met en danger sa propre survie.

La biodiversité a en effet une fonction essentielle pour le vivant, qui apparaît  clairement à l’issue de chaque crise d’extinction des espèces puisqu'aussitôt la biodiversité est restaurée afin d'assurer la pérennité du vivant.

L'appauvrissement génétique implique en effet une adaptabilité amoindrie face aux changements de l'environnement, un développement accru des gènes délétères et une diminution des systèmes de défense des individus, notamment immunitaires. C'est ainsi que la diminution de la diversité du vivant menace directement le maintien de la vie sur la Terre.

On l’a constaté avec le processus d’homogénéisation génétique des variétés de plantes initié par l’industrie agronomique qui a exposé ces plantes aux virus, aux champignons et aux insectes, parasites qui gardent, eux, leur capacité d'évolution. À contrario, on a observé que la diversité génétique du riz a accru considérablement sa résistance à la pyriculariose, la principale maladie fongique qui l'affecte.

 

La variabilité génétique d'une espèce constitue donc son assurance vie et celle de l’homme réside dans la diversité des espèces qui l’environne et donc de celle de leur écosystèmes.

 

À SUIVRE

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LA POPULATION DE LOUISBOURG

11 Mars 2017 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

 

Progressivement, l’aspect militaire de la colonie de l'Île-Royale prit le dessus sur la pêche. Louisbourg entretenait l’espoir des Canadiens et encore plus des Acadiens restés dans ce qui s’appelait désormais la Nouvelle-Écosse.

 

Le 2 septembre 1713, lorsque la France prit officiellement possession de l'île du Cap-Breton, un seul Français y habitait en compagnie d'une trentaine de familles Micmacs. Trois mois plus tard, 155 habitants de la colonie de Plaisance (Terre-Neuve) vinrent y trouver refuge. En 1716, on comptait déjà dans l’ile 1500 habitants, des artisans engagés pour la construction de la forteresse, des militaires, des commerçants, des matelots et des fonctionnaires, sans compter 1100 pêcheurs qui n’y résidaient que l'été.

En dehors de la ville fortifiée de Louisbourg, 900 habitants au plus ont résidé sur les côtes est et sud-est. Au total, sans compter les militaires, les pêcheurs et les travailleurs saisonniers, un recensement officiel en 1752 évalue  le nombre d’habitants de l’île à 3500, dont plus de la moitié à Louisbourg même.

Parmi eux, neuf hommes pour une femme. En effet, Louisbourg attirait surtout les hommes célibataires en tant que port et de ville de garnison, avec des problèmes de prostitution, de consommation d'alcool et de jeux.

Les enfants étaient nombreux, puisqu’en 1737 ils représentaient 45% du nombre des civils. Malgré ce pourcentage élevé, le Ministre de la Marine ne s’est jamais préoccupé de construire une école pour eux, alors qu’elles étaient assez répandues au Canada. À Louisbourg, même les enfants des officiers et des gentilshommes savaient à peine lire et écrire.

L’ile avait un problème d’alimentation, car ses terres rocailleuses n'étaient guère propices à la culture. Aussi, les Acadiens qui étaient restés en Nouvelle-Écosse fournissaient-ils en denrées de première nécessité les habitants de Louisbourg tandis que tout le reste était importé de France.

Les militaires représentaient la moitié de la population de l’ile en 1758, soit 3500 hommes. Ils provenaient à l’origine des Compagnies franches de la Marine auxquels s’ajoutèrent à partir de 1755 un bataillon du régiment de Bourgogne, un autre du régiment d’Artois et juste avant le siège de 1758, un bataillon du régiment de Cambis, qui refusera de rendre ses armes lors de la capitulation de 1758. La troupe de fantassins était complétée par deux compagnies d’artilleurs comptant chacun une cinquantaine d’hommes. 

La Marine française employait en outre beaucoup d'hommes, car l'exploitation du port exigeait de nombreux spécialistes, capitaine de port, pilotes, navigateurs, hydrographes et même un astronome. C'est à Louisbourg que l'on construisit en 1734 le premier phare de la Nouvelle-France.

Le clergé était en nombre très réduit à Louisbourg. L'évêque résidait à Québec et il n'y avait même pas d'église paroissiale à Louisbourg, malgré plusieurs projets pour la construire. Mais le commissaire-ordonnateur ne put jamais convaincre les habitants de Louisbourg de payer une taxe pour l'édification de l'église alors que les petites agglomérations avoisinantes en possédaient une.

La ville de Louisbourg comptait cependant un curé et trois ou quatre aumôniers. Ces derniers enseignaient en principe les rudiments de l’écriture et de la lecture en plus du catéchisme. On comptait aussi trois missionnaires français qui se consacraient à l’évangélisation des Micmacs. Deux communautés religieuses, les Frères de la Charité de Saint-Jean-de-Dieu et la Congrégation de Notre-Dame de Montréal étaient présentes. La mission des Frères de la Charité était d'assurer les soins auprès des malades et des infirmes. À l’hôpital du Roy, de 100 lits, cinq ou six frères y soignaient surtout la dysenterie, la variole et le typhus. Les six sœurs de la Congrégation de Notre-Dame, venues du Canada, enseignaient le catéchisme, la lecture, l'écriture et la couture aux jeunes filles. Elles accueillirent au plus une centaine d’élèves.

Mais, contrairement à la situation qui prévalait au Canada, notamment à Québec, à Trois-Rivières et à Montréal, l'Église catholique n'a jamais exercé une influence considérable sur les habitants de Louisbourg.

En sus des militaires, des civils et du clergé, l’île comptait encore trois catégories sociales remarquables, des esclaves et des étrangers et des indiens micmacs. L’île comptait environ deux cent esclaves, 90% d’origine africaine et 10% d’Amérindiens. Ce grand nombre d'esclaves s'explique par le commerce entre l’île et les Antilles. Beaucoup furent ensuite affranchis. De plus, l’île comptait aussi des Basques, des Allemands, des Espagnols, des Suisses, des Irlandais, des Écossais et des Anglais. Les Basques pratiquaient la pêche, les Allemands et les Suisses étaient des mercenaires dans l'armée française. Les Irlandais, les Écossais et des Anglais étaient des catholiques qui avaient fui la répression religieuse pratiquée en Grande-Bretagne.

Tous les étés, l’île accueillait des centaines de pêcheurs, de marins et de marchands qui lui donnait un caractère cosmopolite. On y parlait le français du Roy (la langue administrative) et aussi le basque et le micmac.

De plus, depuis des temps immémoriaux, les deux îles de la colonie abritaient des Micmacs, qui comptait sept nations et environ sept cent personnes dans l'île Royale, qui vivait en harmonie avec les Français. Les missionnaires étaient des intermédiaires incarnant l'alliance à la foi et au roi.

La colonie comprenait deux iles, l'île Royale et l'île Saint-Jean, cette dernière jouant un rôle déterminant dans la survie de la première

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VERS LA FAILLITE DES BANQUES CENTRALES DE LA ZONE EURO

8 Mars 2017 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

Target 2 est en train de rendre insolvables les Banques Centrales des pays de la zone euro.

 

L’acronyme « Target 2 » se réfère à un système de compensation des flux financiers entre pays européens, par l’intermédiaire de l’ajustement des comptes des Banques Centrales nationales de la BCE.

En pratique, les flux de capitaux sont actuellement à sens unique: en empochant un bénéfice, les investisseurs privés vendent à la BCE les obligations italiennes ou portugaises qu’ils possèdent, avant de redéployer le produit de la vente dans des fonds mutuels en Allemagne ou au Luxembourg.

À ce jour, la Banque Centrale italienne doit une somme record de 364 milliards d’euros à la BCE, soit 22 % du PIB italien, un montant qui ne cesse de s’accroitre. En ce qui concerne l’Espagne, les dettes Target 2 de l’Espagne s’élèvent à 328 milliards de dollars, soit 30 % de son PIB, tandis que celles du Portugal et de la Grèce sont de 72 milliards chacune. En face, la Bundesbank a accumulé des crédits Target 2 pour 796 milliards d’euros et le Luxembourg pour 187 milliards, ce qui représente 350 % de son PIB.

Longtemps, la BCE a affirmé que ces déséquilibres Target 2 n’avaient aucune importance dans la mesure où l'union monétaire se perpétuait. Mais le transfert des capitaux en euros des pays du Sud vers le Nord de l’Europe a une signification, celle de la défiance. La même raison explique les différences de taux d’intérêt, avec des taux négatifs de 0,92 % pour les obligations allemandes à deux ans, bien au-dessous des taux d’intérêt des obligations des pays du sud de la zone euro.

Ce mouvement de transfert des dettes du sud au nord de la zone euro n’a été décidé par aucun gouvernement ni aucun parlement, car il ne constitue  que l’effet secondaire du QE (Quantitative Easing) de la BCE.

Le terme de Quantitative Easing, ou d'Assouplissement Quantitatif, désigne un type de politique monétaire dit « non conventionnel » consistant pour une banque centrale à racheter massivement des titres de dettes aux acteurs financiers, notamment des obligations d'entreprise. Cette opération vise à accroître la quantité de monnaie en circulation pour relancer l'économie. Elle a pour effet de gonfler le bilan de la banque centrale et de mettre en danger sa solvabilité si les titres achetés ne sont pas de bonne qualité.

Si une fronde politique déclenchait une crise existentielle de l’euro, les citoyens des pays créditeurs comme des pays débiteurs de la zone euro découvriraient avec effroi les conséquences de ce transfert. On peut supposer qu’il y aurait un nouveau transfert massif de capitaux avant le moment fatidique, poussant les déséquilibres Target 2 de un à un et demi de trillion d’Euros. Selon les experts financiers, la BCE devrait alors, afin de se protéger, couper le robinet à des banques centrales devenues irrémédiablement insolvables.

La réaction en chaîne commencerait par un défaut d’une Banque Centrale du sud du bloc euro envers la BCE, qui en retour aurait du mal à assumer ses obligations Target 2 envers le nord du bloc. De plus, les Banques Centrales d’Allemagne, des Pays-Bas et du Luxembourg perdraient une partie de leurs crédits Target 2 tout en devant légalement rembourser les établissements financiers de leur juridiction.

Le cas le plus spectaculaire serait celui de la Banque Centrale du Luxembourg qui devrait subitement rembourser 350 % de son PIB à des créations privés.

Que l’édifice de l’union économique et monétaire européenne soit bâti sur du sable n’avait aucune importance tant que le projet donnait l’impression d’être insubmersible. Mais dés lors que le doute s’installe, les risques deviennent visibles et du coup tangibles.

Ainsi le transfert du risque privé au secteur public fait courir à la Banque Centrale italienne le risque de la faillite si l’euro se désintègre ou si l’Italie se fait bouter hors de l’union monétaire. Pour que tout soit clair, Mario Draghi a lui-même écrit en janvier 2017 une lettre aux députés européens italiens, les avertissant que la dette devra être « remboursée totalement » si l’Italie sortait de l’euro et restaurait la lire.

La perspective est dés lors la suivante : soit la fin de l’euro redevient une perspective fantaisiste et les capitaux quitteront l’Allemagne, le Luxembourg et les Pays-Bas pour revenir en Grèce, au Portugal, en Espagne ou en Italie attirés par des taux d’intérêts plus élevés, soit la perspective de la fin de l’Euro reste crédible et le mouvement de capitaux du sud vers le nord de la zone euro se poursuivra.

 

 

En d’autres termes, le mécanisme de l’Euro a accru les distorsions financières entre les pays qui composent la zone euro, tandis que leurs économies divergeaient comme le montre leur commerce extérieur, fortement excédentaire pour les uns et tout aussi nettement déficitaires pour les autres.

La suite de l’histoire est évidente.

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LA VALEUR DE LOUISBOURG

3 Mars 2017 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

 

La construction monumentale de Louisbourg n’échappa pas aux détournements de fonds de la part des administrateurs.

 

On employa parfois des matériaux de mauvaise qualité pour la construction. De plus, il fallut importer une bonne partie depuis la France des matériaux tels que le grès, l’ardoise ou le verre. La prévarication et l’éloignement rendirent dispendieux le coût de la construction de la forteresse, qui s’éleva au total à plus de 30 millions de livres. Louis XV s’en plaignait régulièrement : « Est-ce que les rues y sont pavées d'or? Va-t-on voir bientôt poindre ses tours à l'horizon de Paris?»

La forteresse de Louisbourg fut surnommée la Gibraltar de l'Amérique du Nord, parce qu'elle était la plus importante place forte française du Continent nord-américain, avec à la fin prés de quatre cent canons. Cependant les défenses de la ville étaient conçues pour résister à des tirs d'artillerie provenant de vaisseaux de guerre. La partie arrière de la forteresse était vulnérable par voie de terre, encore qu’il y avait une cinquantaine de canons à Port-Toulouse au sud et à Port-Dauphin au nord.

Dés 1725, la nouvelle ville de Louisbourg était devenue l'un des principaux ports de pêche de la Nouvelle-France, si bien qu’un millier d'emplois étaient reliés à la pêche. De nombreux marchands importaient le sel, le vin et les produits manufacturés de France ainsi que le sucre, la mélasse, le rhum, le café et le tabac des Antilles. Louisbourg était alors plus achalandé que Québec. Des navires arrivaient de France, du Canada, de l'Acadie et des Antilles, et des caboteurs de la Nouvelle-Angleterre, mouillaient continuellement dans son port qui accueillait annuellement quelque cent cinquante navires.

En outre, le port de Louisbourg servait de base d'entraînement pour la marine française. Il était également une importante base de ravitaillement et de réparation pour les flibustiers français qui attaquaient les vaisseaux des marchands anglais dans l'Atlantique Nord, car il avait l'immense avantage d'être libre de glace toute l'année et d’être bien protégé.

En somme, Louisbourg était à la fois une forteresse, un poste de pêche à la morue et un vaste comptoir, où la France, le Canada, les Antilles et la Nouvelle-Angleterre échangeaient des marchandises. La France en a en a tiré de grands avantages. Si elle a dépensé 30 millions de livres pour construire Louisbourg, la pêche à la morue à elle seule a rapporté chaque année trois ou quatre fois plus, sans compter le revenu procuré par le passage des navires marchands.

La petite colonie qui gravitait autour de Louisbourg était à ce point rentable que le Canada, par comparaison, paraissaient une dépense inutile, car le marché de la fourrure restait limité

C’est pourquoi le ministère de la Marine accordait énormément d'importance à l'île Royale et au port de Louisbourg. En février 1715, le ministre de la Marine, le comte de Pontchartrain déclarait : « Si la France perdait cette Isle, cela serait irréparable et il faudrait par une suite nécessaire abandonner le reste de l'Amérique septentrionale.»

 

D’un côté, le Canada et la Louisiane empêchaient l'expansion des colonies britanniques en Amérique du Nord, mais le maintien de ces deux colonies françaises dépendait beaucoup de celui de Louisbourg.

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LE CAS ÉTUDE DE CAS

28 Février 2017 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

Après l’épreuve théorique, je pris vaguement conscience que ma prestation avait été au mieux moyenne, au pire médiocre. Je pensais qu’elle risquait d’handicaper mon classement, mais à vrai dire je n’en savais rien et plus de trente six ans plus tard, je n’en sais toujours rien.

 

La troisième et dernière épreuve consistait en une étude de cas portant sur le domaine de spécialité du candidat. Malheureusement, je n’avais pas vraiment de spécialité en Sciences de Gestion. J’avais fait une thèse sur la fiscalité, mais j’y avais traité de stratégie et de finance. Je m’étais intéressé à la théorie de la firme selon l’approche de l’économie industrielle. Enfin, j’avais écrit en marketing, mais en utilisant plutôt mes connaissances mathématiques.

J’hésitais à choisir la stratégie, discipline globale donc dangereuse pour me déclarer finalement spécialiste en marketing, plutôt par défaut que par conviction.

J’allais disposer de huit heures en « loge », en d'autres termes isolé, pour préparer l’épreuve de cas à partir d’un texte d’une vingtaine de pages en moyenne que l’on vous remettait, bourré de statistiques, d’opinions et d’exposés synthétiques plus ou moins utiles. L’épreuve consistait à exposer en une demi heure une solution plutôt que la solution du cas. La différence avec l’épreuve théorique résidait dans un échange de questions-réponses après l'exposé entre le jury et le candidat. Or, l’opinion du jury sur ce dernier se formait largement au cours de la discussion.

Je m’étais préparé à cette toute dernière épreuve de manière originale, on en conviendra. Cette préparation n’avait pas consisté à traiter foule de cas de marketing et à les exposer à mes collègues, mais à écrire un cas que j’avais appelé ÉTUDE DE CAS et que j’avais presque gardé par devers moi. Il commençait ainsi : « En mars 1980, Charles Schola, Assistant à l’IPGUN, Institut de Préparation à la Gestion de l’Université de Nice, s’interroge sur l’utilisation de la méthode des cas ». J’avais choisi Charles Schola comme pseudonyme et l’IPGUN cachait mal l’IAE de Nice.

Dans ce texte de 19 pages que je consacrais au cas ÉTUDE DE CAS, je procédais à toute une série d’interrogations. Cela commençait par la question existentielle suivante :

Pourquoi ne pas traiter de la démarche des études de cas sous la forme d’un cas sur les cas et « présenter un miroir de la réalité que sont censés représenter les cas, à la manière de Lewis Caroll ? »

Les interrogations sur les divers sens d’une étude de cas foisonnaient en effet dans mon article, qui se situait quelque part entre l’essai philosophique et la parodie d’étude de cas, interrogations souvent formulées avec ironie : ainsi, notais-je, les documents rassemblés pour préparer une étude de cas n’étaient-ils pas surtout destinés à égarer l’étudiant pour tester sa sagacité ? Ou bien n’étaient-ils pas artificiellement choisis en fonction du problème que voulait suggérer l’auteur, et in fine sa solution ?

J’en profitais pour décrire de manière satirique comment on se servait des cas dans l’IPGUN depuis mai 1968 : des histoires d’entreprise soi-disant « vraies », un petit côté « histoires racontées par grand-mère avant de s’endormir », une présentation souvent simpliste des comportements qui poussaient les étudiants à proposer le licenciement immédiat des responsables (de l’entreprise et de l’auteur du cas) comme opération préalable avant toute étude sérieuse du cas !

J’observais que "rares parmi les étudiants étaient ceux qui l’avaient lu et que l’animateur lui-même n’avait pas toujours lu le cas récemment". Sport traditionnel à l’université, j’en profitais pour régler perfidement mes comptes avec mes collègues des diverses disciplines de gestion, sans risque puisque j’étais quasiment le seul auteur et lecteur du cas ÉTUDE DE CAS.

En outre, je m’interrogeais sur le « pourquoi » des études de cas, sur la difficulté d’évaluer les connaissances acquises par leur truchement, sur le lien qu’elles étaient censées établir entre les « faits » et la théorie. J’en étais conduit à me demander ce que l’on enseignait vraiment en gestion, question que je me pose encore car, écrivais-je, « la gestion présuppose l’acquisition d’un certain nombre de principes simples qui s’appliquent à des faits compliqués, presque insaisissables ». J’y allais carrément : Qu’est ce que la théorie ? Et tant qu’à s’interroger, qu’est ce donc qu’un fait ?

Du coup, j’observais que « L’enseignement de la gestion hésite entre deux précipices, l’enseignement technique sans conscience et l’effroi philosophique qui paralyse toute action. Les études de cas sont-elles faites pour mettre un pied dans le vide, sans trop de risque ? »

Un peu perdu au milieu de toutes ces interrogations, Charles Schola décidait alors que « la bonne question était, peut-être, désormais : que faire pour réussir une bonne étude de cas ? ». C’était dégourdi en effet de se poser la question puisque Charles, c’est à dire moi, se devait de réussir une bonne étude de cas afin d’obtenir l’Agrégation en Sciences de Gestion !

Suivait toute une série d’analyses, adressées à moi-même, que Charles formulait à propos de deux questions basiques « Qu’est-ce qu’un cas ? » et « Comment bien s’en servir ? » qui concluaient le texte proprement dit, auquel s’ajoutaient tout de même huit annexes…

 

En définitive, je m’étais bien amusé à écrire ce cas ÉTUDE DE CAS. C’était déjà pas mal. Restait à vérifier que cet exercice de défoulement philosophico-humoristico-pratique me soit utile pour réussir la dernière épreuve du concours…

 

PS : Après le Concours, je décidais de soumettre ce document de recherche à la Revue de la FNEGE "Enseignement et Gestion" consacrée à la pédagogie, mais, pour une raison inconnue, il ne fut pas retenu pour publication.

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L'HISTOIRE DE L'ÎLE ROYALE

24 Février 2017 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

L'île-Royale est une colonie française qui a existé de 1713 à 1763. Elle comprenait deux îles, l'île Royale et l'Île Saint-Jean, qui s’appellent aujourd'hui respectivement l’île du Cap-Breton et l’île du Prince-Édouard, faisant toutes deux parties de la province canadienne de la Nouvelle-Écosse.

 

Avant le Traité d’Utrecht en 1713 qui mis fin à la désastreuse guerre de Succession d’Espagne conduite par Louis XIV, la Nouvelle-France comprenait cinq colonies, le Canada, l'Acadie appelée aujourd'hui la Nouvelle-Écosse, la Baie du Nord qui est devenue la baie d'Hudson, Terre-Neuve que la France partageait avec la Grande-Bretagne sous le nom de « Plaisance » et la Louisiane.

Par le Traité d'Utrecht, la Nouvelle-France ne gardait que le Canada, l’île-Royale et la Louisiane. Les colonies de la Nouvelle-France étaient administrées par le secrétaire d'État à la Marine par lequel la France exerçait un contrôle étroit sur ses colonies de l'Amérique du Nord. Ce contrôle lui donnait l’unité nécessaire à la défense de son empire, défense renforcée par l'alliance avec la quasi-totalité des nations amérindiennes du continent. Cette cohésion faisait l’envie des colonies anglaises de la Nouvelle-Angleterre, divisées entre elles.

Le traité d’Utrecht autorisait la France de transporter sa colonie de Plaisance à l'île du Cap-Breton. Le gouvernement français avait l’ambition de faire de Louisbourg la future capitale de la colonie en y construisant une forteresse qui avait l’ambition de constituer en Amérique du Nord l'équivalent de Gibraltar en Méditerranée.

C'est le 16 mars 1713 que le Conseil de la Marine décida d’organiser les pêcheries de l'île du Cap-Breton, d'une superficie de 6350 km². L'île comptait de bons sites comme ports de mer, Port-Dauphin, Baie-des-Espagnols, Baie-de-Miré, Havre-à-l'Anglais et Port-Toulouse. Ce fut le Havre-à l’Anglais qui fut choisit pour l’édification de la forteresse tandis que la capitale de la colonie s’établissait à Port-Dauphin.

L'année 1716 fut entièrement consacrée à installer la nouvelle colonie, avec le transport des canons et le début de la construction des forts et des logements, le rétablissement de la pêche morutière, l’aménagement des grèves, la construction des vigneaux pour le séchage des morues et l’exploration des côtes. En même temps, le gouvernement français autorisait la fondation de la Nouvelle-Orléans et le renforcement des ouvrages de défense de Montréal, de Québec et des Antilles.

En 1719, Philippe d’Orléans ordonna de réunir la capitale Port-Dauphin à la forteresse et d’appeler le nouvel ensemble Louisbourg en l'honneur du défunt roi Louis XIV.

L’administration de la colonie comprenait un gouverneur et un commissaire-ordonnateur et des fonctionnaires responsables de la correspondance officielle, du budget, de l'entrepôt du roi et de l'approvisionnement, ainsi que les juges, les clercs et les huissiers. Cette administration fut transférée de Port-Dauphin à ce petit village de pêcheurs qu'était alors Louisbourg et qui allait rester la capitale de la colonie jusqu'à la prise de la forteresse par les Anglais en 1758. Quant à l'île Saint-Jean toute proche, l'objectif était d'en faire le grenier de Louisbourg, puisque l'île Royale, très rocailleuse, se prêtait mal à l'agriculture.

La construction de la forteresse de Louisbourg se déroula de 1719 à 1743, le gros œuvre étant achevé en 1728. Les défenses de Louisbourg furent conçues et érigées selon les principes de Vauban. L'édification de la forteresse créa de nombreux emplois, puisque deux mille ouvriers y participèrent sous la direction de l'ingénieur militaire français Jean-François de Verville. Celle-ci devait comprendre trois batteries interdépendantes et un bastion de front, en vue de défendre la ville contre les attaques venant du port comme des marécages.

 

Dotée de remparts de pierre et de mortier qui encerclaient la ville, Louisbourg devint la plus grande forteresse d'Amérique du Nord.

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L'UKRAINE AU BORD DU RUBICON

19 Février 2017 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

 

Lors de la rencontre en « Format Normandie » à Munich, l'Allemagne, la France, la Russie et l'Ukraine ont décidé que le régime du cessez-le-feu dans le Donbass débuterait le 20 février 2017.

 

Un cessez-le-feu de plus? L’Ukraine est proche de la rupture, il va donc lui falloir choisir très prochainement entre la guerre hasardeuse et la paix démoralisante.

La situation actuelle a pour fondement un cessez-le-feu appuyé sur le protocole de Minsk, signé le 5 septembre 2014 par les représentants de l'Ukraine, de la Russie, de la République populaire de Donetsk (DNR) et de la République populaire de Lougansk (LNR). Ce cessez le feu a été conforté par les Accords de Minsk II signés le 12 février 2015 entre l'Allemagne, la France, la Russie, selon ce que l’on appelle le « Format Normandie ».

Ces accords prévoyaient notamment un cessez-le-feu, une zone démilitarisée sur la ligne de contact et un dialogue pour la création d'un statut spécial relatif aux régions en conflit de Donetsk et de Lougansk.

Ils n’ont pas été mis en œuvre. Le cessez le feu est régulièrement rompu, le gouvernement ukrainien a massé des forces importantes aux abords des zones rebelles et refuse de dialoguer avec les autorités des Républiques populaires de Donetsk et Lougansk au sujet de leur statut.

Depuis la fin janvier 2017, l’armée ukrainienne a repris les hostilités contre les rebelles afin d’appuyer la demande récente du Président ukrainien Piotr Porochenko auprès d’Angela Merkel de maintenir les sanctions européennes à l'encontre de Moscou jusqu'à la mise en œuvre complète des Accords de Minsk.

L’Ukraine a en effet fait converger depuis le début 2016 infanterie, blindés, artillerie et matériel de logistique. En masse. Voici les données détaillées pour les sceptiques: sur la ligne de front du Donbass, elle dispose de quatre-vingt dix mille hommes, soit les effectifs de la totalité de l’armée de terre Française, avec en première ligne, trois Groupes Tactiques face respectivement à Marioupol, Donetsk et Lougansk et à l’arrière du front, une Réserve opérationnelle.

Chacun de ces Groupes Tactiques dispose d’un effectif d’environ dix sept mille hommes, appuyés par une force blindée d’une centaine de chars d’assaut, de cinq cent véhicules de combat d’infanterie, de quarante Lance-Roquettes Multiples, de deux cent soixante pièces d’artillerie lourde et de mortiers, de trois cent systèmes d’arme antichar et de quatre cent systèmes de défense anti-aérienne. La Réserve opérationnelle dispose d’un nombre de matériels supérieurs à ceux d’un des trois Groupes Tactiques.

Chaque Groupe Tactique est organisé autour de brigades interarmes, auquel s’ajoute une brigade d’artillerie équipée surtout d’obusiers de 152mm, de vingt groupes de forces spéciales et pour l’ensemble du front, d’un groupe aérien de chasseurs bombardiers et d’hélicoptères d’assaut, comprenant neuf Soukhoï 24, quinze Soukhoï 25, dix Mig 29, onze Soukhoï 27 et trois escadrilles d’hélicoptères avec neuf MI8 et huit MI24.

Puisqu’un nouveau cessez le feu est annoncé, le Président ukrainien, Petro Porochenko, va donc devoir choisir. Car entretenir une force d’assaut de près de cent mille hommes pendant des mois sur une ligne de front active sans rien engager de décisif est extrêmement couteux au plan financier et moral. Le pays serait entrainé dans la voie d’un effondrement socio-économique et le régime assuré de l’effondrement.

Pour sauver le régime, Petro Porochenko risque donc d’inventer un prétexte pour attaquer.

Mais, malgré sa supériorité numérique de trois et demi contre un, l’armée ukrainienne ne dispose pas des ressources humaines et logistiques pour livrer un assaut urbain frontal. De plus, il provoquerait d’importantes pertes civiles qui légitimeraient une intervention russe. Il lui faut donc attaquer une ville d’importance stratégique secondaire comme Debalsevo, Dokuchaiesk ou Yasinovataya ou percer le front vers la frontière russe pour isoler les forces rebelles déployées au Sud.

Le but de Petro Porochenko, avec la complicité bienveillante de l’opinion occidentale, serait de provoquer une intervention russe aussitôt utilisée pour dénoncer toute forme de dialogue avec Moscou et, surtout, de sauver le régime ukrainien.

C’est pourquoi il est difficile de croire à ce nième cessez le feu, puisque le régime a besoin d’un conflit avec les rebelles et surtout avec les Russes pour survivre. Déjà, les pays riverains comme la Pologne accueillent des millions d’Ukrainiens qui fuient un pays à la dérive.

 

L’objectif des Allemands de faire de l’Ukraine un réservoir de main d’œuvre particulièrement bon marché est d’ores et déjà en partie réalisé, mais il reste encore à stabiliser le pays en le dotant d’un pouvoir politique légitime et d’un accord de bon voisinage avec la Russie.

Un autre régime donc.

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LA DÉPORTATION DEPUIS LOUISBOURG ET L'ILE SAINT-JEAN

17 Février 2017 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

 

Après la capitulation du 27 juillet 1758, toutes les troupes françaises, y compris le gouverneur et les officiers, furent considérés comme des prisonniers de guerre.

Mais quatre mille civils en outre résidaient dans l’ile Royale. Pour les préserver, Le Gouverneur, le chevalier de Drucourt, s’était résigné à une capitulation humiliante. Le but du général Amherst était d’une brutalité parfaitement adaptée aux buts stratégiques constants des anglo-saxons en Amérique : faire disparaître des territoires conquis tous ceux qui s’opposaient à leur mainmise, les Indiens, les Espagnols et en cette ile, les Français.

Il ordonna à l'amiral Edward Boscawen d'organiser leur déportation massive, qui sera effectuée sur des navires insalubres. Auparavant, le 15 août 1788, les Britanniques embarquèrent sur leurs navires trois mille soldats et officiers de terre, ainsi que deux mille six cent marins et officiers de marine sur des navires de transport. Quatre cent soldats périrent en mer avant d'arriver. Ensuite, trois mille cent Acadiens furent déportés dès l'été 1758, dont plus de mille sept cent cinquante allaient périr par noyade ou par maladie au cours du transport. Certains navires étaient si décrépits qu'ils coulèrent avec tous leurs passagers avant même d'avoir pris la haute mer. Les anciens habitants de Louisbourg qui survécurent à la déportation purent débarquer dans le port de Rochefort, de La Rochelle et de Saint-Malo. Cependant, un groupe de dix familles acadiennes habitant Port Toulouse réussit à fuir vers l’ile Madame où leurs descendants vivent encore aujourd'hui.

Les Anglais s’emparèrent ensuite de l'île Saint-Jean, aujourd’hui Ile du Prince-Edouard, qui se trouvait sans ressources après la chute de Louisbourg. Trois semaines après cette dernière, une troupe de cinq cent soldats britanniques, sous le commandement du lieutenant-colonel Andrew Rollo débarqua à Port-la-Joy pour prendre possession de l'île Saint-Jean.

Le commandant de Port-la-Joy, le major Gabriel Rousseau de Villejouin avait été enjoint par l’ex-Gouverneur de Louisbourg, le Chevalier de Drucourt, par une lettre du 8 septembre 1758 de remettre l'île aux mains des Britanniques. De toute façon, De Villejouin ne disposait plus d'aucun moyen pour subvenir aux besoins de la population. Il se rendit donc avec toute sa garnison, composée de Compagnies Franches de la Marine. Les soldats français furent expédiés comme prisonniers en Angleterre.

Le commandant britannique s’efforça de rassembler les Acadiens de l'île Saint-Jean pour les expulser. Mais ils étaient dix fois plus nombreux que prévus, quatre mille au total, dispersés dans les cinq villages de Port-la-Joy, de Saint-Paul-de-la-Pointe-Prime, de Saint-Louis-du-Nord-Est, de Saint-Pierre-du-Nord et de Malpèque.

Le temps de faire venir des navires supplémentaires, une partie des habitants parvint à se cacher. Trois mille Acadiens furent finalement embarqués en octobre 1758. Douze navires partirent en novembre à destination de Saint-Malo, mais huit seulement atteignirent la France et la moitié des passagers moururent en mer, décimés par une épidémie de variole ou par noyade. De plus, la mauvaise qualité de la nourriture fournie par les Britanniques, «du biscuit pourri et du bœuf salé remplis de vers» avait également provoqués de nombreux décès.

Sur l’ile Saint Jean elle-même, deux cent Acadiens, isolés sur la côte ouest dans le village de Malpègue, ne furent pas déportés en raison de l’arrivée de l’hiver. Puis, lorsque les bateaux britanniques revinrent à l’Ile Saint-Jean au printemps de 1759 pour prendre le reste des habitants, le responsable du territoire, le colonel William Johnson, déclara qu'ils étaient tous partis «pour le Canada». Aussi, les milliers d'Acadiens qui habitent aujourd'hui l'Île-du-Prince-Édouard sont-ils les descendants des familles qui sont restées ou qui y sont revenues après 1764. De plus, un millier d’Acadiens échappèrent à la déportation en se réfugiant en Gaspésie, à Ristigouche et dans ses environs, avec l’aide des indiens Micmacs.

 

Quant aux Français de France, ils ne laissèrent pas tomber les habitants de l'île Royale et de l'île Saint-Jean. Les survivants reçurent des subsides et les officiers, les fonctionnaires, les soldats et les missionnaires perçurent leurs salaires comme à l'accoutumée.

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ALEXANDRE GROTHENDIECK S'ENFUIT

12 Février 2017 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

 

En 1967, Alexandre Grothendieck effectue un voyage au Viêt Nam, avant que le printemps de Prague et  les événements de Mai 68 le poussent à démissionner de l'IHÉS en 1970 pour protester contre son financement partiel par le Ministère de la Défense.

 

Il obtient cependant un poste de professeur associé au Collège de France, évidemment pour y enseigner les mathématiques, mais il se sert de cette tribune pour s’interroger sur la nécessité de continuer à faire de la recherche scientifique !

Du coup, il perd son poste, voyage aux Etats-Unis où il rencontre en 1972 une étudiante en mathématiques, Justine Bumby et divorce. Puis il obtient, en 1973, un poste de professeur à l’université de Montpellier qu'il conserve jusqu'à sa retraite en 1988. Le couple déménage alors dans un village de l'Hérault où  Justine donne naissance à John, aujourd’hui mathématicien aux Etats-Unis à l’université de Rutgers, mais renonce à vivre avec lui.

Pendant toute cette période, il a continué à écrire des ouvrages, non plus de mathématiques pures mais à leur propos : La Longue Marche à travers la théorie de Galois, Esquisse d'un Programme, Les Dérivateurs et une autobiographie d’un millier de pages, Récoltes et Semailles (1985) où il décrit ses trois passions successives, les mathématiques, la quête de « la » femme et la méditation philosophique.

Il poursuit sa démarche contestataire en refusant en 1988 le prix Crafoord, puis se retire dans le petit village de Lasserre en Ariège jusqu'à sa mort à l'hôpital de Saint-Girons en 2014, à l’âge de 86 ans.

Il y aura vécu en ermite, ayant rompu avec le monde entier, à commencer par ses voisins villageois.

Mais, pendant tout ce temps, il a accumulé des «cartons de gribouillis ». En 1991, il confia cinq de ces cartons à un de ses anciens étudiants, Jean Malgoire, vingt mille pages de notes rédigées depuis 1970 !

Toujours en révolte, il écrivit en 2010 pour lui interdire de les publier alors qu’elles venaient d’être entreposées à la faculté de Montpellier. Mais après sa mort, Luc Gomel, responsable du patrimoine de l’université de Montpellier, souhaita les faire classer comme « trésor national » afin de les mettre à la disposition de la communauté scientifique. De leur côté, les enfants d’Alexandre Grothendieck contestèrent  la propriété des cartons à l'université de Montpellier, afin de les récupérer pour les adjoindre aux soixante cinq mille pages d'archives entreposées chez leur père. Car, tardivement touché par la grâce, Alexandre Grothendieck a écrit un testament afin que ses manuscrits soient remis à la Bibliothèque nationale de France et mis à la disposition des chercheurs.

Son œuvre mathématique est en effet immense et reste donc à déchiffrer, même si l’essentiel se trouve dans les Éléments de géométrie algébrique et dans le Séminaire de géométrie algébrique du Bois Marie.

Dans ce billet de blog, il serait chimérique de vouloir décrire son apport fondamental, parce qu’il est impossible d’accéder à l’essence de la recherche mathématique sans comprendre le langage et surtout la logique qui la sous-tend. Jugez en par vous-même : les mathématiciens considèrent qu’il a inventé la théorie de la cohomologie étale qui a permis de nombreuses avancées mathématiques.

Quid est ?  

Laissons tomber pour le moment l’adjectif « étale », mais qu’est ce donc que la cohomologie ? Vous ne serez probablement pas plus avancé en apprenant qu’elle est un outil de la topologie algébrique relatif à une homologie d'une application X à valeurs dans un faisceau.

Car nous voici conduit à définir la topologie algébrique, la notion mathématique d’homologie, celle de faisceau qui nous obligerait à définir un préfaisceau (concept inventé par Grothendieck). Il resterait encore à introduire le caractère étale de sa cohomologie que nous serions depuis longtemps perdu dans le formidable océan des concepts mathématiques entrelacés, affolant jusqu’à mon correcteur d’orthographe...

Finalement, que reste t-il de l’extraordinaire aventure humaine d’Alexandre Grothendieck ?

Un génie.

Un génie des mathématiques.

Un être tourmenté jusqu’au plus profond de lui-même, tentant en vain d’appliquer son extraordinaire capacité d’analyse et son exigence logique à sa propre vie. C’est ainsi qu’il se crut autorisé à refuser toute fonction officielle au nom de sa liberté, ce qui le conduisit en bonne logique à organiser sa disparition par rapport au regard des autres.  

Il est vrai que la passion du raisonnement a pour revers le soliloque absolu, que l’activité intellectuelle corrode le monde réel pour faire de l’abstraction un refuge. Mais un refuge illusoire, car la vie ne se plie pas à l’esprit et se venge par la souffrance.

C’est le prix du génie.  

Portant son regard au delà des misérables réalités empiriques, Alexandre Grothendieck n’a pas su se résigner aux mesquineries, aux compromis, à la médiocrité. S’il avait su s’y astreindre, il n’aurait pas été ce génie qui ne concédait rien à l’a peu prés et qui prétendait contribuer à ordonner l’effroyable chaos de la pensée humaine. 

 

Sa fuite en témoigne, nous révélant à quel point les génies sont fragiles. Il reste qu’il nous a fait cadeau de son œuvre qui reste à explorer, aux bons soins de cette étrange peuplade que constituent les mathématiciens.

 

Post-scriptum : deux ouvrages, celui d’un journaliste et d’un écrivain, viennent de paraître sur sa vie et son œuvre :

Philippe Douroux, Alexandre Grothendieck. Sur les traces du dernier génie des mathématiques, Éd. Allary.

Yan Pradeau, Algèbre, Éd. Allia, 144 p., 7,50 €.

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ALEXANDRE GROTHENDIECK, GÉNIE MATHÉMATIQUE

8 Février 2017 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

 

Avec l’évolution du régime nazi, l’enfant Alexandre Grothendieck est de moins en moins en sécurité dans l’Allemagne nazie. Aussi, les Heydorn qui l’abritent depuis 1934 l’envoient à Paris auprès de ses parents en mai 1939.

 

Malheureusement, les retrouvailles sont de courte durée, car son père est interné au camp du Vernet en Ariège. De leur côté, Hanka et son fils sont emmenés au camp de Rieucros en Lozère et le jeune Alexandre est autorisé à étudier au lycée Chaptal à Mende, qui est proche du camp. Par contre, son père Sacha est déporté le 14 août 1942 du camp de Drancy à Auschwitz où il y meurt.

De 1942 à 1944, Alexandre est caché au Chambon-sur-Lignon dans une maison du Secours suisse aux enfants, tout en étant élève du collège Cévenol où il passe son baccalauréat. À la fin de la guerre, Alexandre retrouve sa mère et s’installe à Meyrargues près de Montpellier. Inscrit en mathématiques à l'université de Montpellier, il n’hésite pas à se consacrer seul à la définition du concept de volume, qui le conduit déjà à redéfinir l'intégrale de Lebesgue.

En 1948, il se rend à Paris avec une lettre de recommandation de son professeur d'analyse, Jacques Soula, au grand mathématicien Élie Cartan. Il frappe aussi à la porte d'André Magnier, inspecteur général de mathématiques et membre de l'Entraide universitaire de France, qui lui accorde une bourse. Le professeur Henri Cartan, le fils d'Élie, l'admet dans ses séminaires à l'École normale supérieure et le dirige vers Jean Dieudonné et Laurent Schwartz à Nancy pour y préparer sa thèse. Ces derniers le testent assez agressivement en lui demandant de réfléchir à la question des normes possibles de produits tensoriels. Ils sont stupéfaits de le voir revenir quelques mois plus tard avec quatorze normes traitées.

Attaché de recherche du CNRS de 1950 à 1953, il choisit un des six articles qu'il rédige pendant cette période, Produits tensoriels topologiques et espaces nucléaires, pour soutenir sa thèse. Il est intronisé par Laurent Schwarz dans le groupe Nicolas Bourbaki, un mathématicien imaginaire sous le nom duquel un groupe de mathématiciens francophones formé en 1935 à Besse en Chandesse (Auvergne) sous l’impulsion d’André Weil, a pour objectif premier de rédiger un traité d'analyse. Constitué ensuite en association, le groupe, sous le nom de N. Bourbaki, propose après 1950 une présentation cohérente des mathématiques appuyée sur la notion de structure, dans une série d'ouvrages intitulés Éléments de mathématiques, une œuvre qui a eu une forte influence sur l’enseignement et l’évolution des mathématiques au XXe siècle.

Alexandre, père d'un enfant, a du mal à trouver un travail. D’une part, sa situation d'apatride l'empêche d'accéder aux emplois de la fonction publique et d’autre part il ne peut pas être naturalisé car il refuse d’accomplir son service militaire, condition nécessaire à la naturalisation. La contestation de l’ordre établi, héritée de ses parents et profondément ancrée en lui.

Pour gagner sa vie, il travaille de 1953 à 1955 comme professeur invité au Brésil puis à l’Université du Kansas et de Chicago. Au cours de cette période, il se tourne vers la géométrie algébrique qu’il révolutionne en lui donnant de nouvelles fondations en collaboration avec Jean-Pierre Serre.

Il revient à Paris en 1956 en tant que maître de recherche du CNRS. C’est alors qu’il met en évidence le lien caché entre les propriétés analytiques et topologiques d'une variété, qui est un système de généralisation de la notion de courbe qui est une variété de dimension 1, d’une surface, variété de dimension 2, et ainsi de suite pour une dimension n. Ainsi, le globe terrestre est un exemple de variété de dimension 2, dans la mesure où il peut être représenté par une collection de cartes géographiques.

En 1957, le décès de sa mère, victime de la tuberculose, le plonge plusieurs mois dans un état dépressif avant de reprendre son travail. Première alerte.

En 1958, il rencontre sa future femme, Mireille, avec laquelle il aura trois enfants. Il est admis dans le nouvel Institut des hautes études scientifiques (IHÉS) consacré à la recherche en physique théorique et en mathématiques et entreprend de construire une théorie de la géométrie algébrique. En collaboration conflictuelle avec Jean Dieudonné, il rédige les quatre premiers chapitres des Éléments de géométrie algébrique, entre 1960 et 1967, ce qui lui vaut l’attribution de la médaille Fields en 1966, qu’il se refuse de recevoir en URSS. Compte tenu de son histoire familiale, on le comprend…

 

Mais le prurit de la contestation le saisit alors définitivement.

 

À SUIVRE

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