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Le blog d'André Boyer
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LA RESISTANCE DE LA MARINE ROYALE

7 Octobre 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

LA BATAILLE DU CAP FINISTERRE (1747)

LA BATAILLE DU CAP FINISTERRE (1747)

Durant la guerre de Succession d’Autriche qui se termine en 1748 par le traité d’Aix-La-Chapelle, la Marine Royale résiste bien à une Royal Navy toujours supérieure en nombre.

 

Pendant ce conflit, l’escorte des convois marchands fut une des réussites majeures de la Marine Royale, face au blocus anglais. Sur les quarante-quatre vaisseaux disponibles en mai 1744, Maurepas en déploie vingt-et-un, soit presque la moitié, sous forme de petites escadres dans l’Atlantique ou aux Antilles pour protéger le commerce colonial. De plus, nombre de planteurs ont recours au pavillon neutre néerlandais pour fournir l’Europe, si bien que, ajouté à une politique réussie des convois, le commerce colonial français atteindra, à la fin de la guerre, 60% du trafic du temps de paix.

Il s’y ajoute la guerre de course. Il y aurait eu environ quatre cents armements corsaires qui ont permis d’obtenir mille quatre-cents prises et quatre-cent-cinquante rançons grâce aux corsaires basés en France métropolitaine, soit l'équivalent de deux ans de commerce colonial. À ces chiffres il faut ajouter l’émergence de la course antillaise, qui se développe à partir de Saint-Domingue et de la Martinique. De 1744 à 1747, cinquante corsaires martiniquais saisissent plus de trois-cent-cinquante navires pour 10 millions de livres tournois, permettent le ravitaillement des iles et gênent considérablement le commerce colonial anglais. Les Espagnols, qui pratiquent aussi la course, saisissent environ mille navires.

Finalement, plus de trois-mille-quatre-cents navires anglais seront capturés pendant le conflit pour une valeur minimale de 120 millions de livres tournois, tandis que la course anglaise se révèlera plus décevante : la guerre de course ne fut donc en rien une activité́ marginale durant la guerre de Succession d’Autriche.

En Méditerranée la situation évoluera aussi progressivement en faveur des Français même si les opérations y resteront secondaires. La Royal Navy mouille régulièrement sur les côtes provençales, mais sans pouvoir reprendre le blocus de Toulon levé́ en 1744.

Cette guerre fut donc très décevante pour l'Angleterre, qui ne parvint pas, malgré́ sa supériorité́ navale, à s'emparer des colonies françaises, hormis Louisbourg, et à étouffer son commerce. Mais en 1747, la Royal Navy changera d’amiraux et de stratégie, en mettant en place une nouvelle escadre, le Western Squadron, chargée de surveiller les côtes françaises de l'Atlantique et le port de Brest en particulier, ce qui aboutira à̀ de grandes batailles navales, les batailles du cap Ortegal en mai 1747 et du cap Finisterre en octobre 1747.

La première bataille mit aux prises les six vaisseaux de La Jonquière aux quatorze d'Anson, la seconde les huit vaisseaux de Létanduère aux quatorze de Hawke. Les deux divisions françaises succomberont après des combats acharnés, révélant au passage la qualité́ des nouveaux vaisseaux français de 74 canons alors que les Anglais essuyèrent de lourdes pertes. Ces deux batailles vont cependant avoir des répercussions considérables sur l'organisation de la Royal Navy et finalement, influer fortement sur la préparation du conflit suivant. Côté français, à la suite de ces bataille, Maurepas renforce l'escorte qui passe à huit vaisseaux, dont quatre de force (un 80 canons et trois de 74).

Début 1748, le rapport de force avec la Royal Navy est devenu trop déséquilibré pour être tenable. Avec vingt-trois vaisseaux et frégates pris, coulés ou naufragés, les deux dernières années de la guerre et malgré les lancements. La Marine Royale est passée de soixante-dix-neuf vaisseaux et frégates en 1745 à cinquante en 1748. En outre, vingt-sept vaisseaux sont en très mauvais état ou hors de service et 35000 marins français ont été capturés.

 

La paix d'Aix-la-Chapelle (18 octobre 1748) arriva juste à̀ temps pour empêcher un effondrement de la Marine Royale dont heureusement l'Angleterre n'eut pas conscience.

 

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LA PARTIE D'ÉCHECS BIELORUSSE

2 Octobre 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

LA PARTIE D'ÉCHECS BIELORUSSE

Vu par l’utilisateur distrait des medias d’Europe occidentale, si profondément préoccupé par la circulation erratique du COVID 19, la Biélorussie est prise en tenaille entre ses pulsions démocratiques et l’emprise de Poutine, protecteur de Loukachenko. Or, cette vision est à contre sens du jeu d’échec qui est en cours.

 

Pays du légendaire passage de la Bérézina par Napoléon, couvert de forêts sur prés de la moitié de son territoire, la Biélorussie n’est peuplée que de dix millions d’habitants  sur deux cent mille kms2. Elle est devenue indépendante de l’URSS en 1991, mais les relations avec la Russie restent très étroites.

La Biélorussie, contrairement à la Russie, ne s’est pas lancée dans une réforme économique libérale, si bien que les inégalités de revenus y sont parmi les plus faibles d’Europe. Son système de santé est gratuit et performant, preuve en est le bas taux de mortalité infantile de 2,9 pour 1000 naissances (3,6 en France).

Toutes ces données pour vous faire prendre conscience que tout ne va pas si mal en Biélorussie, mais en revanche, les relations politiques entre l’Europe de l’Ouest et la Biélorussie sont agitées. En gros, derrière les divers contentieux, la Biélorussie apparait comme un régime dictatorial incongru en Europe, et la réélection de Loukachenko après 26 ans de pouvoir, une illustration caricaturale de cet anachronisme.

Aujourd’hui, l’utilisateur distrait des medias d’Europe occidentale pense que cette candidate dont il n’arrive pas encore à retenir le nom, Svetlana Tikhanovskaïa, aujourd’hui refugiée en Lituanie, a obtenu la majorité des voix à l’élection et que le seul obstacle à son accession au pouvoir est Poutine, fidèle soutien du dictateur Loukachenko.

Regardons-y de plus près.

Vous croyez Loukachenko au plus mal avec les Occidentaux? C’est vrai aujourd’hui, mais cela n’a pas été toujours le cas. Mais ce que vous ne savez probablement pas, c’est qu’il est surtout au plus mal avec Poutine.

Car Poutine a été de plus en plus exaspéré par le jeu de balance de Loukachenko entre la Russie et les Occidentaux. Alors qu’il recevait une aide financière considérable de la Russie, il n’a même pas soutenu l’annexion de la Crimée par cette dernière, prétendant même jouer les arbitres entre Kiev et Moscou dans les négociations de paix. Pire encore, il a refusé l’installation d’une nouvelle base militaire russe en Biélorussie en 2019, en appelant à l’Occident afin de défendre son indépendance !

Enfin, avec une belle inconscience, Loukachenko rejeta en février 2020, à quelques mois de l’élection, la création d’une confédération russo-bielorusse, grand projet de Poutine. Ce fut le casus belli qui déclencha la partie d’échec qui s’est organisée contre lui, pilotée par le FSB.

La Russie commença par couper tous les crédits à la Biélorussie. Le prix du pétrole et du gaz russes furent revus à la hausse. Puis la propagande entra dans la danse. NTV, la chaine russe contrôlée par Gazprom, diffusa une enquête à charge contre Loukachenko, intitulée « Le Parrain Batka ».

Le FSB se chargea ensuite d’organiser l’opposition biélorusse, afin de ne pas laisser le champ libre à des opposants antirusses. Viktor Babaryko, qui n’est autre que le représentant de Gazprom en Biélorussie, se présenta contre Loukachenko. Il fut accusé de corruption et arrêté. Puis se présenta un second candidat d’opposition, Valery Tsepkalo, ancien diplomate soviétique qui, pour ne pas être arrêté, se réfugia à Moscou avec sa femme Veronika Tsepkalo, figure de la révolution biélorusse,

C’est alors qu’émergea un troisième candidat, Sergueï Tikhanovski, homme d’affaires de réputation douteuse, propriétaire d’une société de production vidéo qui fait des affaires avec de grandes entreprises russes. Un an avant les élections, il revint en Biélorussie avec une forte somme dont il ne pouvait pas justifier la provenance, puis se lança tout à trac dans une campagne anti Loukachenko sur You Tube, dénonçant la corruption des élites et la misère du peuple. Loukachenko l’ayant fait écarter des candidats pour « violation de l’ordre public », il décida de présenter sa femme à sa place, Svetlana Tikhanoskaïa.

Loukachenko laissa faire. Il la connaissait et savait sa nullité en politique, si bien qu’elle pourrait bien lui servir de faire valoir. Mais il se tira une balle dans le pied avec ses résultats truqués qui transformèrent Svetlana Tikhanoskaïa en héroïne de la démocratie, une héroïne qui dû s’enfuir en Lituanie pour ne pas être arrêtée.

Pendant ce temps se constituait à Minsk un « Conseil de transition » composé de l’élite biélorusse, largement cornaqué par Gazprom, qui veille à ce qu’il n’y ait aucune composante anti russe dans l’opposition.

Pour sa part, Loukachenko quémande désormais l’aide de Poutine, ce qui l’a contraint à redevenir anti occidental et pro russe. Il accepte désormais de réviser la Constitution, ce qui impliquera ipso facto une nouvelle élection.

Quant à Poutine, il a maintenant deux fers au feu. Soit un Loukachenko qui accepte, contraint et forcé, la confédération russo-bielorusse, soit une opposition au pouvoir en Biélorussie qui s’empressera de vendre les pépites industrielles du pays aux oligarques russes.

 

Tel est l’enjeu de l’avenir politique et stratégique de la Biélorussie, loin des rêveries pseudo démocratiques de l’utilisateur distrait des médias d’Europe occidentale.

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ÉMOTIONS

28 Septembre 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

ÉMOTIONS

Nos émotions nous gouvernent-elles ou nous dirigent-elles ?

 

Aristote ne se prononce pas sur cette question, en les définissant dans sa Rhétoriquecomme étant « tous ces sentiments qui changent l’homme en l’entraînant à modifier son jugement et qui sont accompagnés par la souffrance ou le plaisir». Après lui, on lut de multiples définitions qui mettaient plus ou moins l’accent sur l’aspect affectif, situationnel, physiologique, comportemental, motivationnel, perturbateur ou affectif des émotions.

Car on dénombre toutes sortes d’émotions, qu’elles soient positives comme les émotions que l’on ressent, telles que la fierté́ ou la joie que l’on ressent lorsque l’on atteint un but que l’on s’est fixé, négatives lorsqu’une confrontation provoque chez nous la peur ou le dégoût.

La variété des situations génératrices de nos émotions est impressionnante. Une fois que l’on a identifié des émotions universelles, au sens où elles peuvent nous saisir dans de multiples circonstances comme la colère, le dégoût, la peur, la joie, la tristesse ou la surprise, on perçoit qu’il existe des émotions, comme la honte, l’embarras, la culpabilité́ ou la fierté́ qui sont plutôt centrées sur la personne que sur un évènement particulier.

L’énumération des émotions ne s’arrête pas là. Lorsque nous estimons que nous aurions pu éviter un résultat fâcheux en agissant différemment, nous sommes saisis par le regret ou la déception. Naturellement, la comparaison, sinon la confrontation, avec la société qui nous entoure provoque des émotions associées à des jugements moraux, qui peuvent être négatives comme la honte, la gêne, l’envie, la jalousie, la culpabilité́, le mépris, la colère ou le dégoût, mais aussi positives comme la compassion, l’admiration, la gratitude.

Plus spécifiquement, l’acquisition du savoir provoque des émotions telles que l’intérêt, la confusion, la surprise, ou l’admiration et la découverte esthétique suscite parfois la fascination ou le sublime, ce dernier souvent associé à la musique ou à la découverte de la nature.  

Bien sûr à chaque émotion correspond une expression du visage, un ton de voix ou une posture culturelle qui constituent autant de messages destinés à ses interlocuteurs ou à soi-même. Certains considèrent que ces expressions sont l’émotion per se, comme si les pleurs étaient notre affliction, les tremblements étaient notre peur, comme si les réactions de notre cerveau périphérique ne trouvaient pas leur origine dans les messages perçus par notre cerveau central.

Or, la manière dont notre cerveau perçoit une situation est déterminante pour comprendre notre réaction émotionnelle, qu’elle soit ou non expressive, qu’elle se traduise ou non en action ou qu’elle se limite à un ressenti. Si un individu interprète une situation comme une offense contre lui, cela déclenche de la colère, dont les conséquences psychiques ou comportementales sont variables. Quant à savoir pourquoi telle ou telle situation est perçue comme une offense, il faut aller chercher dans l’état psychique d’une personne à l’instant, dans son histoire personnelle ou/et dans sa culture.

Il est certain que les émotions se régulent, par un contrôle sur soi ou par une inhibition. Certains pensent même qu’il est possible, volontairement, de diminuer ou d’augmenter ses émotions, en fonction des interactions avec son environnement, comme, par exemple, de réduire volontairement notre peur de parler en public.

Il reste que l’émotion a un effet positif sur la perception, l’attention ou la mémoire. Elle oriente notre attention vers des stimuli ayant une pertinence affective pour nous, ce qui incite les publicitaires et les politiques à donner un fort contenu émotionnel à leurs messages. Au reste, voter est un acte fondé sur ses valeurs politiques, donc presque exclusivement émotionnel. 

 

Quant à savoir si les émotions nous gouvernent ou si nous les contrôlons d’une manière ou d’une autre, vous me permettrez de vous laisser sur votre faim : je crois finalement que c’était une mauvaise question, car qui est capable de déterminer à quel point il est gouverné par ses émotions ?

 

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LE VIEILLARD SOUS LE PORCHE

21 Septembre 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

LE VIEILLARD SOUS LE PORCHE

Il était temps de quitter Pékin. Nous approchions de la fin juin, la chaleur montait et, de toutes façons, j’avais décidé que j’avais compris ce que je voulais comprendre de la Chine.

 

Bref, deux mois à Pékin c’était beaucoup pour quelqu’un comme moi qui n’avait aucune intention de s’immerger dans la société chinoise. D’ailleurs, les rapports avec mes étudiants étaient restés distants et j’avais fait le tour de la routine des repas à la chinoise, des déplacements en vélo et des efforts de socialisation avec les quelques expatriés que nous rencontrions, français de l’Ambassade plus que des affaires, anglais qui organisaient des joggings hebdomadaires dans Pékin ou italiens affables.

Je quittais Pékin fin juin 1985, avec tout de même un pincement au cœur lorsque je revoyais le petit groupe que nous avions formé à l’École et lorsque je pensais que le décor de ma vie pékinoise allait m’abandonner pour toujours, celui de l’école comme celui de la chambre du Friendship Hotel, sans compter qu’il fallait renoncer à mon vélo Flying Pigeon grâce auquel j’avais pu observer les Chinois de près.

Je me suis embarqué pour Hong Kong, où j’avais prévu une escale de 24 heures avant de prendre l’avion pour Paris et Nice, le Hong-Kong de 1985, où tout a changé depuis : l’atterrissage au ras des toitures, mais depuis l’aéroport a été déplacé. Le désordre, la vie, la liberté d’une ville qui était possession britannique pour douze ans encore.

On y voyait alors des policiers habillés à la britannique. Dans une ville bien plus moderne alors que Pékin, toute chargée de gratte-ciels, on y voyait aussi des tramways verts un peu vermoulus que j’ai utilisés pour passer de Kowloon vers l’ile de Hong Kong.

Je suis descendu du tramway au hasard, et aussitôt, face à moi, dans le renforcement d’une porte, j’ai vu, à deux mètres de moi, un vieux chinois décharné, qui selon tous les signaux que je recevais de lui, était sur le point de mourir, apparemment dans l’indifférence générale.

J’ai décidé qu’il pouvait mourir dans ma propre indifférence aussi. En effet, à l’instant, j’ai pensé, spontanément, sans contrôler ma pensée, sans surmoi, qu’il allait mourir, mais moi non, et que tout était très bien comme ça, dans l’ordre naturel des choses.  

Et puis mon surmoi est revenu me hanter. Comment pouvais je penser comme cela, d’une manière aussi froide, aussi détachée, aussi dure ? J’ai tout de suite trouvé une explication, et en même temps, l’homme étant ainsi fait, je me suis trouvé une excuse : on pourrait disserter longtemps sur les explications-excuses…

J’avais vécu deux mois en immersion dans la société chinoise. Il n’y avait pas de société où le « struggle for life », la lutte pour la vie, le chacun pour soi n’était plus prégnant que dans cette société, une société qui m’avait imprégné. Voilà l’explication de ma cruauté, j’étais tout simplement contaminé par la société chinoise.

Du coup, j’étais rassuré, mon ego était préservé.

En même temps, la comparaison avec l’Afrique, où je résidais encore un an et demi auparavant, m’est venue à l’esprit. Ce n’était pas en Afrique que j’aurais eu cette réaction de rejet. Je me suis souvenu avec émotion des lépreux qui s’introduisaient dans ma 104 pour la nettoyer, avec des chiffons plus noirs que gris, tandis que je prenais un café au Laetitia, en face de la cathédrale, à Dakar.

Les lépreux faisaient partis de la vie sénégalaise. On leur donnait un peu d’argent, on les acceptait, même si on ne les aidait pas vraiment. Les malades, les perdants faisaient partie intégrante de la société sénégalaise, c’était une société inclusive. Mais pas la société chinoise où on éjectait sans ménagement les vaincus, inutiles, nuisibles. Un mourant, c’était fait pour mourir, c’était trop tard pour socialiser avec.

 

Voilà ce que je me suis dit, en m’éloignant piteusement du porche où agonisait un vieillard dans cette rue de Hong Kong. J’avais eu un choc, mais,Dieu merci j’avais pu me rassurer sur ma santé mentale en me défoulant sur la société chinoise.

Il était vraiment temps que je rentre chez moi, en France.

À SUIVRE

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SUR MER, LA GUERRE DE SUCCESSION D'AUTRICHE

17 Septembre 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

PRISE DE MADRAS

PRISE DE MADRAS

La guerre de Succession d’Autriche qui commence en 1744 mobilise une Marine royale préparée à la guerre depuis 1739, par l’appui qu’elle apporte à l’Espagne contre l’Angleterre dans la guerre de l'Oreille de Jenkins.

 

Fleury double le budget de la marine qui passe de 9,4 millions de livres tournois en 1739, à 15,4 millions en 1740, puis 19,3 millions en 1741. On lancera en moyenne huit navires chaque année pendant le conflit, ce qui reste malgré tout modeste par rapport à ce dont dispose la Royal Navy.

La Marine royale dispose en 1744 de cinquante et un vaisseaux et de vingt-sept frégates pour faire face aux cent-vingt vaisseaux anglais, avec comme stratégie d’escorter les convois marchands, de transporter des troupes et de maintenir l'ouverture des lignes maritimes, tout en évitant tout engagement direct avec un ennemi qui dispose de plus de moyens.

En février 1744, une escadre de dix-neuf vaisseaux quitte le Ponant pour protéger le débarquement du prétendant Stuart accompagnée d'une forte armée, mais rebrousse chemin devant Calais à cause du mauvais temps et d’une force anglaise très supérieure. Le même mois, la victoire (22 février 1744) du cap Sicié met fin à vingt-deux mois de blocus anglais et libère l'escadre espagnole refugiée dans Toulon. Une bataille en ligne oppose les vingt-huit vaisseaux franco-espagnols de Court La Bruyère et Navarro aux trente-trois voiles et neuf frégates de Matthew. La victoire laisse trois vaisseaux anglais hors de combat, dont le navire amiral.

Maurepas en profite pour demander une forte hausse des dépenses pour la marine afin de protéger les îles françaises et le commerce colonial: « J’ai trop souvent entendu dire par des ministres étranger que notre marine était trop négligée, qu’il vaudrait mieux que le roi eût 50 000 hommes de moins et cinquante vaisseaux de plus, qu’on ne pourrait imaginer l’effet que cette augmentation de vaisseaux produirait sur les cours étrangères, que se serait le moyen le plus sûr de se faire craindre et respecter, de se procurer des alliés et de prévenir les guerres que l’agrandissement de notre commerce et la faiblesse de nos forces navales nous occasionne. »

Louis XV n’accorda pas tous les crédits demandés, mais il organisa avec les moyens dont disposait la Marine royale une nouvelle tentative de débarquement en Angleterre. Un corps expéditionnaire fut rassemblé sous les ordres du duc de Richelieu pour aller soutenir le prétendant Charles Édouard Stuart qui avait réussi à débarquer en Écosse en 1745. Mais la Royal Navy bloqua la côte française et attaqua les navires de débarquement, obligeant à renoncer au débarquement en mars 1746.

En septembre 1746, la Royal Navy décida de monter un raid de représailles sur Lorient, le grand port de la Compagnie des Indes, mais, surpris par la facilité du débarquement, les Anglais craignirent un piège et rembarquèrent sans avoir rien tenté alors que la côte française était presque sans défense.

En Amérique du Nord, Louisbourg était, selon l’opinion des Anglo-Américains un « pistolet braqué sur le cœur de la Nouvelle-Angleterre ». Ces derniers montèrent donc une expédition pour attaquer la place. 4000 hommes portés par 68 vaisseaux se rassemblèrent à Boston en mars 1745 (4 000 hommes de troupes et des milices), débarquèrent sans encombre et prirent la forteresse en 49 jours, mal défendue par une garnison en révolte.

Cette défaite, qui permit la capture de nombreux vaisseaux marchands et ouvrit les portes de la Nouvelle-France à l’invasion entraina une réaction énergique de Maurepas : il monta l’année suivante une expédition de reconquête avec cinquante-cinq à soixante bâtiments de charge portant 3 500 hommes de troupe escortés par dix vaisseaux, trois frégates et trois navires à bombarde. Il prévoyait même de détruire Boston en représailles.

Cependant à Brest l’on n'avait pas vu de tels armements depuis des décennies on eut de la peine à̀ rassembler rapidement les moyens requis. Aussi l’expédition, confiée au duc d’Anville, partit tard dans la saison, traversa lentement l’Atlantique à cause de vents contraires aux Açores et n’arriva devant Louisbourg qu’à l’automne 1746. Bousculée par les tempêtes, ravagée par les épidémies, il lui fallut rentrer sans avoir combattu. Cette expédition ratée illustre les limites logistiques et sanitaires de l’époque quant à̀ la conservation des aliments frais et à la lutte contre les maladies contagieuses, problème auquel était aussi confrontée la Royal Navy.

Heureusement, l’échec de la tentative de reprise de Louisbourg ne se révéla pas catastrophique car les Anglo-Américains se montrèrent incapables d’exploiter leur succès. Le Canada français restera inviolé́ jusqu’à̀ la fin de la guerre malgré́ l’inertie de son gouverneur.  

Aux Indes, la situation tourna à l'avantage des Français, avec la prise en 1746 de Madras, le « Londres indien ». L'opération fut orchestrée avec brio sur terre par Dupleix et sur mer par La Bourdonnais avec une poignée d'hommes et de navires. Ce dernier réussit à armer une petite escadre de fortune de neuf bâtiments dont un seul, l'Achille (70 canons), était un véritable vaisseau de guerre, les autres entant des bâtiments de la Compagnie des Indes armés en flûte. Il livra une difficile bataille devant Négapatam aux six vaisseaux de guerre de l'Anglais Peyton (juillet 1746) qu’il mit en fuite. Cette victoire donna aux Français le golfe du Bengale, assura la protection de Pondichéry, puis le blocus et la prise de Madras, faiblement défendue par une maigre garnison équipée d'une artillerie obsolète. C'était un coup très dur pour le commerce anglais en Inde. Dupleix écrasa avec 1 000 hommes, dont 300 européens et 700 cipayes, les 10 000 indiens arrivés en renfort à la solde des Anglais.

La victoire fut en partie gâchée par la violente dispute qui opposa Dupleix à La Bourdonnais au sujet du sort de Madras, le premier voulant conserver la ville ou la détruire, le second voulant la rendre contre rançon aux Anglais. La Bourdonnais dut céder et rentrer avec ses vaisseaux sur l'Isle de France alors que Dupleix rasait la ville. Pour venger cette offense, l'amirauté́ anglaise dépêcha une flotte avec 6 000 soldats, alors que Dupleix n'avait plus de soutien naval. En vain. Pondichéry fut copieusement bombardée, mais Dupleix repoussa les assiégeants et Madras resta entre les mains des Français.

 

Dans les Antilles, les Anglais s’emparèrent de quelques petites iles, tandis que la France s’abstenait d’attaquer la Jamaïque qu’elle aurait pu prendre. Tacitement, les belligérants ne souhaitaient pas entreprendre une guerre acharnée aux Antilles à cause des épidémies tropicales qui décimaient souvent les escadres.

 

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OÙ VA L'IRAN?

11 Septembre 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

OÙ VA L'IRAN?

Le 8 mai 2018, Donald Trump se retirait de l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien, le rendant de fait inopérant. Dénonçant l’Iran comme « Le premier État sponsor du terrorisme », le chef de la Maison-Blanche avait promis d'appliquer « le plus haut niveau de sanctions économiques ».

 

Sur ce point, il a tenu parole, mais l’échec de cette politique de pression est patent dans la mesure où elle avait pour objectif de contraindre le régime iranien à négocier un accord plus contraignant que l’accord de 2015. Néanmoins, Trump espère toujours que l’Iran finira par céder, s’il est réélu. En attendant, il a réussi ce que réussissent toujours les États-Unis, c’est-à-dire à rendre la vie plus difficile aux Iraniens.

Il est vrai que la pression américaine sur l’économie iranienne est forte. L'Iran a fini par reconnaitre que les sanctions américaines avaient quasiment tari les revenus pétroliers, encore qu’il s’agisse peut-être d’une déclaration tactique destinée à détourner l’attention des livraisons restantes. Les échanges extérieurs de l’Iran sont très faibles, contribuant fortement à contracter l’économie du pays. La monnaie iranienne, le Rial, a perdu une grande partie de sa valeur, renchérissant les biens et produits importés. Le taux de chômage a augmenté et plusieurs millions d’Iraniens sont tombés dans la pauvreté.

Ces difficultés économiques n’empêchent pas le gouvernement iranien de développer ses technologies militaires, même s’il est freiné par les actions de sabotage principalement menées par Israël. Ainsi ce dernier a probablement détruit en juillet dernier un centre de construction de centrifugeuses pour l’enrichissement de l’uranium, auquel l’Iran a répondu en construisant de nouvelles installations.

En outre, l’Iran a lancé en avril un satellite militaire «Nour» (Lumière» en persan) qui orbite autour de la Terre à 425km d’altitude et il a développé un radar d’une portée de plusieurs milliers de kilomètres adapté aux drones à longue portée et aux missiles balistiques de précision. On peut aussi mentionner l’attaque conduite par les Houthis contre les raffineries saoudiennes qui a démontré la capacité des drones iraniens à se jouer des défenses anti-aériennes mises en place par les États-Unis

Tout récemment, avec 2100 kilogrammes d’uranium, l’Iran a accumulé un stock dix fois supérieur à la limite fixée par l'accord de Vienne signé en 2015, ainsi que l’a constaté l’inspection de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Mais la République islamique a toujours indiqué que, si ses partenaires ne l’aidaient pas à contourner les sanctions américaines, elle reprendrait l'enrichissement d'uranium, de manière toutefois transparente et contrôlée. L’Iran veut ainsi montrer qu'il n'est pas d'accord avec la situation actuelle et qu'il ne se laisse pas faire.

Après l’assassinat, le 3 janvier dernier, du général iranien Qassem Soleimani ordonné par Trump, le conflit se poursuit, essentiellement mené sur l’initiative des États-Unis et la plupart du temps au mépris du droit international. Ainsi, au cours de l’été, les États-Unis ont saisi en pleine mer la cargaison de quatre tankers transportant du pétrole iranien destiné au Venezuela.

Cependant la volonté des États-Unis de s’affranchir de toute règle a eu des effets négatifs, lorsque, à la suite d'une notification des États-Unis à l'ONU visant à rétablir des sanctions internationales contre Téhéran, 13 membres du Conseil de sécurité sur 15, sauf les États-Unis et la République Dominicaine, ont écrit à la présidence indonésienne pour rejeter sa validité, du fait que Washington ne faisait plus partie depuis 2018 de l'accord nucléaire conclu en 2015. Les États-Unis ont essuyé un deuxième échec lorsque le Conseil de Sécurité a également refusé d'enclencher le mécanisme de « snapback » prévu dans l'accord de 2015 destiné à rétablir toutes les sanctions contre l'Iran.

Les États-Unis ont enfin tenté récemment d’ériger un rempart économique et militaire contre l'Iran au Moyen-Orient, en persuadant les Émirats arabes unis de signer un accord avec Israël, qui cache essentiellement un accord défensif contre l’Iran. 

De son côté, l'Iran met en place une stratégie fondée sur l’isolement des Américains sur la scène internationale. Il s’agit de montrer que le régime est capable, à la différence des Américains, de tenir ses engagements et de répondre à un geste positif par un autre. Il s’y ajoute l’incertitude de la prochaine élection américaine. Toute cette bonne volonté, si le candidat démocrate Joe Biden est élu, pourrait aboutir à la fin progressive des sanctions économiques qui asphyxient l'Iran depuis deux ans.

En revanche, si Donald Trump est réélu, les sanctions perdureront. Or le régime ne peut se projeter dans le temps en promettant à la population un chômage permanent, une récession systématique et une politique de restriction des libertés publiques. L’Iran se prépare donc à cette éventualité en réduisant sa dépendance future vis-à-vis des États-Unis pour se rapprocher de la Chine. La signature du Lion-Dragon Deal en 2019, qui promet 400 milliards de dollars d'investissements chinois en Iran sur vingt-cinq ans, va dans cette direction. 

Au final, l’Iran n’a pas accepté de céder aux pressions américaines. Affaibli économiquement, il occupe en revanche une position inexpugnable au Moyen Orient fondée sur l’arc chiite et sur le ressentiment populaire à l'égard des actions américaines. En outre, l’avenir penche plus en sa faveur, du fait de sa population nombreuse et éduquée, que de celle de la coalition arabe dont il ne restera plus grand-chose lorsque l’exploitation du pétrole deviendra moins déterminante pour les revenus de sa population.

 

La politique de Trump, si elle se poursuit aura pour effet de pousser l'Iran vers une alliance avec la Chine. Aussi le pur réalisme commande t-il aux États-Unis de réintégrer pleinement l’Iran dans la communauté internationale. Si la lucidité manque pour y parvenir rapidement, les rapports de force l’imposeront un peu plus tard.

 

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DÉROUTE BRITANNIQUE À CARTHAGÈNE

6 Septembre 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

DÉROUTE BRITANNIQUE À CARTHAGÈNE

La première cible britannique de cette guerre inique fut Portobelo, petit port de la Nouvelle Grenade, actuellement au Panama. Le 1er décembre 1739, six vaisseaux de ligne sous le commandement de l’amiral Edward Vernon écrasèrent une bourgade mal défendue et prise au dépourvu, qui fut ensuite mise à sac. 

 

Les Anglais célébrèrent cette facile victoire sans retenue, tandis que les Espagnols se réorganisaient pour résister aux attaques britanniques : ils mettaient en alerte leurs troupes coloniales, renforçaient les défenses de leurs ports, décentralisaient le transport des métaux et prenaient la route du Sud, par le cap Horn. 

Encouragée par le succès du raid sur Portobelo, la Grande-Bretagne décida d’attaquer les colonies espagnoles du Pacifique, avec pour objectif de capturer le « galion de Manille ». Le commodore George Anson prit la tête d'une flotte composée du navire de ligne HMS Centurion, de quatre frégates, d'un sloop et de deux navires de transport. Après d’extraordinaires difficultés et d’immenses pertes, l’obstination de George Anson fut récompensée. Le 20 juin 1743, il finit par capturer le galion chargé d’argent La Nuestra Señora de Covadonga, et il le ramena triomphalement en Grande Bretagne le 15 juin 1744. 

Mais l’affrontement majeur eut lieu à Carthagène et il se traduisit par une déroute britannique. 

Les Anglais avaient en effet décidé de prendre Carthagène, parce qu’elle constituait, avec Vera-Cruz et La Havane, l'un des trois grands ports d'où̀ étaient exportés les métaux précieux vers l'Espagne. En outre la ville n'était défendue que par six vaisseaux de ligne et 3 300 hommes. Sans lésiner sur les moyens, le gouvernement britannique envoya une expédition dotée de moyens énormes, 186 navires, dont 29 vaisseaux de ligne portant 2 620 canons et 31 000 hommes, marins et hommes de troupe. 

La flotte britannique commença par bombarder Carthagène pendant deux semaines avant de lancer ses vagues d'assaut le 5 avril 1741, utilisant des centaines de chaloupes qui déversèrent sur les plages des assaillants dotés d’artillerie légère. Face à ce déferlement, les Espagnols reculèrent en combattant pied-à-pied, sabordant deux de leurs vaisseaux pour boucher le chenal ce qui brisa l'élan des Britanniques. Une deuxième tentative d'attaque côté́ mer, associée à une attaque de diversion côté terre, échouèrent de même. 

Car Carthagène était défendue par un excellent officier, le commandant Don Blas de Lezo, borgne, manchot et unijambiste. Il avait choisi de pratiquer une défense élastique autour de la ville, comptant sur l’aide de la saison des pluies qui avait justement commencé début avril. Il s’aidait aussi d’un terrain défavorable aux attaquants, du fait de plages basses de sable mou, de marécages et d’une lagune peu profonde.

Le déroulement du siège montra que Don Blas de Lezo ne s’était pas trompé de stratégie. Le temps passant, les Britanniques éprouvèrent de plus en plus de difficultés à̀ approvisionner leurs hommes et à entretenir leurs bateaux. Avec l’arrivée des pluies tropicales, la chaleur, l'humidité́, les moustiques accrurent l'insalubrité́ du camp britannique inondé de trombes d'eau, la boue paralysa l'artillerie et des fantassins lourdement équipés, tandis que les maladies tropicales décimaient leurs troupes. 

Face à̀ une garnison espagnole à l'abri derrière ses remparts, habituée au climat et soudée derrière son chef, le corps expéditionnaire britannique ne tarda pas à̀ offrir le spectacle de vaisseaux mal entretenus ou à l'abandon faute de personnel, d’hommes de troupe affames, malades et démoralisés. Les pertes moyennes du fait du climat et des maladies afférentes atteignirent rapidement trois cents hommes par jour. 

Pour le malheur des Britanniques, il s’ajoutait aux difficultés précédentes un conflit personnel entre l'amiral Vernon et le général Wentworth. Lorsque ce dernier voulut lancer un assaut général contre Carthagène, l'amiral trouva un prétexte pour lui refuser l'appui-feu des canons de ses navires. La désorganisation ajouta à la confusion : un assaut, lancé dans la nuit du 14 avril 1741, échoua parce que les échelles étaient trop courtes, ce qui permit aux assiégés de tirer à bout portant sur la masse des assaillants empêtrés dans les douves au pied des remparts et de faire une sortie pour massacrer tous les survivants. 

Les Britanniques enrageaient d’une aussi forte résistance opposée par une aussi faible garnison. Ils s’obstinèrent à leur habitude, n’aboutissant qu’à accroitre leurs pertes. Lorsque les pluies s'intensifièrent, transformant leur camp en bourbier, ils se replièrent sur leurs bateaux où la promiscuité provoqua un nouvel accroissement du nombre de malades. 

Ce ne fut qu’à la mi-mai 1741, au bout de 67 jours de siège, que l'amiral Vernon et le général Wentworth convinrent que leurs énormes pertes, 18000 hommes sur 31000, montraient qu’ils risquaient d’être totalement décimés à terme. Complètement démoralisées, les troupes britanniques abandonnèrent le siège pour se replier à la Jamaïque. Comble d’humiliation, ils durent se résoudre à détruire cinquante navires qu’ils étaient incapables de ramener avec eux.   

Le plus curieux est, qu’alors que le désastre était presque achevé, la nouvelle d'une écrasante victoire parvint en Grande-Bretagne. La Cour exulta, des médailles commémoratives furent frappées, la presse se répandit en louanges…jusqu’à l’annonce de la catastrophe et d’un nouvel échec de Wenworth dans une tentative de débarquement à Guantanamo (18 juillet 1741).

Les Britanniques tentèrent alors de porter le conflit en Méditerranée, mais ils échouèrent de même, lorsque deux flottes anglaises rassemblées furent vaincues lors de la bataille du cap Sicié en février 1744, par une escadre espagnole appuyée par une escadre française. Ils échouèrent aussi en Floride, qui resta espagnole après diverses tentatives d’invasion. 

Les Britanniques finirent par reconnaitre leur échec face aux troupes espagnoles lors du Traité d'Aix-la-Chapelle en 1748 et jamais au cours du XVIIIe siècle, ils ne parvinrent à conquérir de colonies espagnoles. Mais leur obstination fut récompensée à la fois par des victoires navales contre les flottes franco-espagnoles du cap Saint-Vincent (1797), de la baie d'Algésiras (1801), du cap Finisterre et de Trafalgar (1805) et par la prise de colonies françaises en Inde et au Canada. 

 

Comme l’ont montré les Espagnols, il a donc manqué à la France plus de constance dans sa politique coloniale pour faire face à l’obstination britannique. En tout cas, si Québec avait été défendu par le vieux commandant Don Blas de Lezo, jamais la France n’aurait perdu le Canada. 

 

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LE LUGUBRE ÉNONCÉ DE SIHANOUK

2 Septembre 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

DE GAULLE ET SIHANOUK À PHNOM PENH, LE 1er SEPTEMBRE 1966

DE GAULLE ET SIHANOUK À PHNOM PENH, LE 1er SEPTEMBRE 1966

 

Après mon séjour à Chengdu, fort instructif on l’a vu, je suis retourné à Pékin, pour donner mes cours et les examens. J’ai raconté dans trois billets (« La précision comme arme de guerre », « Une porte doit être ouverte ou fermée » et « Une consommation révélatrice ») quelle était la nature de mes rapports avec les étudiants chinois que je découvrais alors. Il s’y était rajouté, en dehors de mes cours, les diverses expériences que je viens de relater. 

 

Dès lors, ma religion était faite sur ce que les Chinois pensaient de nous, les occidentaux, qu’ils ne distinguaient guère entre eux, européens et américains, en ces années 1985. J’en déduisais les méthodes d’organisation et d’action que nous devions mettre en œuvre face aux Chinois, afin de répondre aux intérêts de la France. 

Une visite japonaise me confirma encore à quel point les Chinois étaient craints et même détestés de leurs voisins, qui avaient eu, il est vrai, une attitude nettement impérialiste à leur égard. 

Je voyais assez souvent le Conseiller Culturel (dont j’ai malheureusement oublié le nom) pour parler de ce projet d’IAE en français auquel il adhérait, mais qu’il voyait bien installé à Wuhan, parce que déjà à cette époque, la France développait avec la Chine des projets industriels, autour de l’automobile. 

De son point de vue, c’était cohérent, mais j’étais hostile à cette implantation à Wuhan, une ville sale, laide, glacée en hiver et brulante en été, éloignée de Pékin de plus de mille kilomètres. Mon argument central pour refuser Wuhan était, qu’à l’époque, la ville était malaisée à atteindre en avion depuis Pékin ; quant au voyage en train, il était interminable, d’où la difficulté d’envoyer des professeurs pour des missions de trois semaines jusqu’à Wuhan. 

Je voulais installer l’IAE à Pékin, mais le conseiller culturel souhaitait diffuser l’action de ses services dans d’autres régions que Pékin, où l’action culturelle française était déjà trop concentrée de son point de vue. Finalement, nous nous mimes d’accord pour Tianjin et l’excellente Université de Nankai qui y était située. Tianjin n’était qu’à un peu plus de 100 kilomètres de Pékin, à l’époque deux heures de train, c’était acceptable pour nos professeurs qui débarquaient à Pékin en avion pour prendre ensuite le train. Du point de vue historique, Tianjin avait en outre un lien avec la France puisque la ville était une ancienne concession française au bord de la Mer Jaune. 

J’acceptais provisoirement ce compromis, me jurant de transférer aussitôt que possible le futur IAE Chine à Pékin, ce que je fis rapidement après le début du programme. 

Rencontrant souvent le conseiller culturel, je fus aussi invité aux manifestations culturelles de l’Ambassade, et, parmi celles-ci, l’une d’entre elles m’a particulièrement impressionné qui était organisée sous l’égide du Prince Norodom Sihanouk, alors en exil en Chine et en Corée du Nord. Dans ce dernier pays, il avait tourné une sorte d’« heroic fantasy » en utilisant sa famille et ses serviteurs comme acteurs, qui était censé se dérouler dans un château moyenâgeux dont il avait reconstitué les décors en Corée du Nord. Le résultat artistique m’a semblé pitoyable, mais le film voulait surtout marquer la volonté de Sihanouk d’être présent coûte que coûte sur la scène mondiale, y compris à l’aide de créations plutôt douteuses m’a paru plus navrantes. 

Ce film, qui durait vingt minutes, ne pouvait pas suffire pour remplir la salle de spectacle des services culturels de l’Ambassade de France à Pékin. Aussi Sihanouk avait-il mis deux autres films au programme. Le premier était le film officiel, réalisé par les cinéastes cambodgiens, de la visite de Sihanouk en Yougoslavie dans les années 1960. Ce n’était qu’apologie de lui-même et du Maréchal Tito, au sein de feu le mouvement des non-alignés. 

Le second était glaçant. Il rendait compte de la visite de De Gaulle au Cambodge où ce dernier avait prononcé, le 1er septembre 1966, son fameux discours de Phnom Penh tout entier consacré à dénoncer la politique américaine en Indochine. On y voyait De Gaulle et Sihanouk bien sûr, mais aussi toute une foule de notables qui venaient saluer le Prince et le Président. Et pour chacun d’eux, ou presque, Sihanouk annonçait de sa voix nasillarde : « il est mort ». En clair, il avait été ensuite tué par les Khmers Rouges. 

 

J’ai encore dans les oreilles sa voix nasillarde qui répétait : « il est mort, il est mort, il est mort… » en montrant presque chaque notable qui apparaissait à l’écran, en guise de pédagogie du génocide cambodgien…

 

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L'OREILLE DE JENKINS

28 Août 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

JENKINS MONTRE SON OREILLE AU PREMIER MINISTRE, WALPOLE

JENKINS MONTRE SON OREILLE AU PREMIER MINISTRE, WALPOLE

Les Anglais ne peuvent pas accepter les succès français dans les colonies, en Inde, aux Antilles et au Canada. Manifestement, ils se préparent à la guerre contre leur seul concurrent, la France coloniale. 

 

La Compagnie des Indes avait un pouvoir important. Elle avait le droit, au nom du roi de France de conclure des traités avec les princes indiens, de battre monnaie et de rendre la justice, en s'appuyant sur une force armée navale et terrestre. Lorient, siège de la Compagnie, bénéficiait de la prospérité́ de celle-ci, mais les autres grands ports atlantiques comme Nantes et Bordeaux voyaient leur trafic s'envoler grâce aux bénéfices du trafic triangulaire entre l'Europe, l'Afrique et les Antilles.

Notamment, l'essor de ces dernières est spectaculaire. Entre 1715 et 1740, on constate à la fois l'augmentation de la population blanche, du nombre d'esclaves, de la production de sucre et du commerce atlantique. À Saint-Domingue, la production de sucre brut décuple entre 1714 et 1742. 

Pendant la même période, le commerce franco-américain connait une croissance moyenne de 22 % l'an, alors que le commerce anglo-américain ne connaît qu'une expansion de 6 % l’an : la France rattrape son retard rapidement sur le Royaume-Uni dans le commerce colonial.

Or, au XVIIIesiècle, la marine française se retrouve seule face à̀ la marine anglaise après l'effacement de la marine néerlandaise. Cette dernière, qui avait mobilisé́ aux côtés de la Royal Navy des flottes de cent vaisseaux contre les escadres de Louis XIV, ne cesse de décliner. Elle n’a plus que trente-trois vaisseaux en 1745, puis vingt-huit en 1760. Les Provinces-Unies ont accepté́ les prétentions anglaises au contrôle militaire des mers, et vivent désormais à l'ombre de leur ancienne rivale. L'Espagne fait de son côté́ un grand effort de réarmement naval, mais la flotte espagnole, peu manœuvrante et mal équipée, n'est guère en mesure d'inquiéter la Navy. La rivalité franco-anglaise sur les mers ne peut qu’engendrer la guerre et c’est ce que prévoit un auteur anonyme en 1734 qui publie un Mémoire sur les moyens de faire la guerre à l'Angleterre d'une manière qui soit avantageuse à la France, ou pour prévenir que le roi d'Angleterre ne nous la déclare. Il observe en effet que si l’Angleterre entretient depuis les traités de paix de 1712-1713 une coûteuse flotte de plus de cent vaisseaux, sans compter les frégates, c’est pour faire la guerre à son seul ennemi potentiel, qui ne peut être que la France.

Cependant, durant les années 1720-1730, les campagnes navales françaises sont limitées à quelques engagements contre les Barbaresques et à quelques démonstrations dans la Baltique, en raison d’une politique très prudente du cardinal de Fleury. En effet, la guerre de Succession de Pologne (1733-1738) force le gouvernement à envoyer dans la Baltique une petite force de neuf vaisseaux et cinq frégates, porteuse de 1 500 hommes de troupe pour appuyer le nouveau roi de Pologne qui vient d’être élu avec le soutien de la France contre le candidat des Russes et des Autrichiens. Mais sous la pression russe, le nouveau roi, Stanislas 1er doit se réfugier à Dantzig puis en France et l’aide de la flotte française restera symbolique. 

La guerre, qui deviendra ensuite la guerre de Succession d’Autriche reprend dés 1739 avec la guerre dite de l’ « Oreille de Jenkins » entre l'Espagne et l'Angleterre. Cette guerre est un pur produit de l’impérialisme anglais. 

Les Espagnols ne pratiquent pas eux-mêmes la traite des Noirs mais achètent un nombre important d’esclaves d’origine africaine pour leurs colonies. Lors du Traité d’Utrecht de 1713, l’asiento pour les colonies espagnoles, à savoir le monopole de la traite des Noirs, a été concédé à la Grande-Bretagne pour une période de trente ans. Par ailleurs, l’importation de marchandises britanniques dans les colonies espagnoles est contingentée, à raison d’un navire britannique de marchandises par an. Or les Anglais organisent la contrebande qui est théoriquement réglementée par le traité de Séville de 1729, selon lequel tout bateau espagnol, même privé, peut inspecter tout bateau de commerce britannique croisant dans les eaux espagnoles. Ce « droit de visite » n’est accepté que du bout des lèvres par les Britanniques. 

Aussi, lorsqu’en 1731, un navire contrebandier britannique, le Rebecca, est arraisonné dans les eaux espagnoles par un navire espagnol et que son capitaine saisit au collet le capitaine britannique, Robert Jenkins et lui tranche une oreille en lui disant : « Porte-la à ton roi, et dis-lui que je lui ferai la même chose si je le vois par ici ! », les Britanniques y voient une humiliation inacceptable pour un sujet britannique, même contrebandier.

Les parlementaires tories n’hésiteront pas, huit ans après l’incident (sic), à faire comparaitre Jenkins devant la Chambre des Communes pour qu’il raconte son histoire et montre le bocal contenant son oreille. On imagine aisément les parlementaires poussant des cris d’indignation, exigeant que l’honneur britannique soit lavé de cet insupportable affront fait à un contrebandier anglais, et sous le coup de l’émotion savamment simulée, obtenant du premier ministre Walpole, pourtant partisan de la paix, de déclarer la guerre à l’Espagne, le 30 octobre 1739. 

 

Les Anglais n’ont jamais eu peur de la plus grossière manipulation pour arriver à leur fin. Le général Colin Powell, brandissant une soi-disant fiole d’anthrax à la tribune des Nations Unies n’est que leur digne successeur. 

 

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LES CONTRAINTES DU LIBAN

22 Août 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

LES CONTRAINTES DU LIBAN

Vous l’avez peut-être remarqué, les experts sont désespérants, car, pour conserver leur crédibilité, aucune solution ne trouve grâce à leurs yeux. Heureusement, les faits leur donnent tort, car des solutions s’imposent toujours, par la vertu de la nécessité. 

 

Les experts conviennent que, bien que les négociations soient enlisées, le Liban finira bien par trouver un accord avec le FMI. Ce dernier injectera alors des devises qui redonneront un peu d’oxygène au pays, car, ajoutent les experts, cet argent, dix ou vingt milliards de dollars, ne réglera pas les problèmes de fond du pays. 

Certes, mais que doit donc faire la Liban pour s’en sortir ? Les experts, d’autant plus impavides qu’ils savent que leurs solutions sont non seulement inapplicables mais pire, inopérantes, vous disent carrément que le Liban doit se réinventer de fond en comble, développer une économie productive, instaurer un système fiscal plus redistributeur, rompre avec un système politique confessionnel complètement vicié. N’en jetez plus. Pouvez-vous me citer un pays, un seul, qui se soit « réinventé de fond en comble » ? Et vous pensez vraiment qu’un système fiscal redistributeur est la solution, juste parce qu’elle est moralement satisfaisante ? 

Oublions les experts justement fatigués de raisonner en rond et regardons de près ce qu’est le Liban. 

Avec dix mille quatre cents km2, le Liban est à peine plus grand que la Corse. Mais alors que la Corse compte, hors les touristes, trois cent trente-cinq mille habitants, le Liban en compte presque vingt fois plus, six millions deux cent mille habitants, dont deux millions deux cent mille réfugiés ! 

Avec les chiffres précédents, vous avez déjà, sans être expert, l’origine du problème libanais, trop d’habitants et surtout trop de réfugiés

Bien sûr, si vous voulez fuir ce problème majeur, vous pouvez toujours vous intéresser à la culture libanaise fondée une société pluriconfessionnelle, qui a donné lieu à un système politique répartissant le pouvoir entre les grandes communautés, maronites, chiites, sunnites, druzes, orthodoxes.  Si vous croyez qu’il faut d’urgence réformer ce système politique ou réduire la puissance du Hezbollah ou lutter contre la corruption, plutôt que, d’urgence obtenir le départ d’un nombre significatif de réfugiés, c’est que vous vous payez de mots ou, qu’au travers de la crise libanaise, vous voulez régler vos comptes avec tel ou tel groupe politico-social. 

Si vous voulez vraiment régler la crise libanaise, essayez donc de régler le problème des réfugiés au Liban. Vous pouvez commencer par verser une allocation de 5000$ par réfugié (la moitié du PNB/ habitant) soit 10 milliards de $ par an. Cela devrait relancer l’économie libanaise avec tous les dommages collatéraux (inflation, transferts d’activité) que cela provoquera.

Mais jusqu’à maintenant, la communauté internationale, par les Nations unies principalement, s’est contentée de verser quelques centaines de millions de dollars pour aider le Liban à faire face à l’afflux de réfugiés. En revanche, hormis quelques exceptions, les pays occidentaux se sont toujours refusés à ouvrir leurs frontières aux réfugiés installés au Liban, si bien que l’aide internationale, tout en étant très insuffisante, a eu pour objectif non déclaré de fixer les réfugiés au Liban.

Or, il suffirait de reconstruire la Syrie pour relancer son économie donc l’économie libanaise et rendre tout le monde heureux. Halte là ! Nos amis américains veillent, avec pour objectif de montrer qu’ils ont toujours la capacité de rendre malheureux les gens qu’ils ont désignés comme leurs ennemis. 

Depuis 2018, les États-Unis, dans leur guerre contre l’Iran et le Hezbollah, leur allié libanais, ne cessent d’accroître leurs pressions sur le Liban. Récemment, Washington, considérant que l’organisation chiite était partie intégrante du gouvernement, s’est fait un devoir d’imposer des sanctions à une partie croissante des autorités politiques libanaises. 

De plus, pour empêcher le Hezbollah –et donc le Liban– de jouer un rôle dans la reconstruction syrienne et de sortir la tête de l’eau par la même occasion, Washington a promulgué une nouvelle loi punitive : le Caesar Act, qui impose des sanctions contre tous particuliers ou entreprises commerçant avec la Syrie. 

Jusqu’à maintenant, la France s’est toujours refusée d’accepter les injonctions américaines de rompre le dialogue avec le Hezbollah. La distinction d’une branche politique et d’une branche militaire au sein du Hezbollah a permis à l’UE et à la France de garder un canal diplomatique avec l’organisation chiite et donc de rester un soutien du Liban, contrairement aux États-Unis, mais les pressions américaines s’intensifient sur Beyrouth, réduisant les marges de manœuvre de la France…

La solution de la crise du Liban ne passe pas, principalement, par des réformes politiques et économiques de la société libanaise. Elle se situe dans la bénévolence de la politique américaine à l’égard de l’Iran et de ses alliés. Or, quand on observe l’obstination bornée des États-Unis à appliquer des sanctions contre Cuba (depuis 1962 !), contre la Corée du Nord, le Venezuela et l’Iran, pour ne citer que les principaux ennemis que les États-Unis se sont auto désignés, il faudrait un véritable renversement de la politique américaine pour que les données économiques au Moyen-Orient s’améliorent. 

 

En attendant que ce renversement de la politique américaine ait lieu, il ne reste qu’à contourner les sanctions américaines pour aider les Libanais à survivre et pas seulement eux : aider aussi les Syriens, les Iraniens et les Yéménites à résister à la pression profondément inhumaine de la politique américaine. 

 

 

PS: En l'honneur d'un Liban plus que jamais meurtri, on ne manquera pas d'écouter (et de voir) cette magnifique chanson de Yasmine Hamdan:

Yasmine Hamdan-Balad

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