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Le blog d'André Boyer
Articles récents

Quand la Chine se déglinguera...

11 Février 2009 Publié dans #ACTUALITÉ


Lorsque j’ai séjourné en Chine la première fois en 1984, assez longtemps pour humer l’atmosphère, lorsque j’ai vu le décalage considérable entre la soif de développement, de consommation et de bien-être et le niveau de vie de la population rurale et urbaine, lorsque j’ai perçu l‘orgueil humilié des chinois, j’en ai aisément déduit que la Chine était à l’aube d’un puissant démarrage économique. Il était facile de prévoir que la Chine avait vocation à devenir l’une des toutes premières puissances du monde, peut-être la toute première. Il suffisait que les nouveaux mandarins qui dirigeaient le pays d’une main ferme et habile ouvrent les portes de la modernité. Or ces derniers n’avaient guère d’autre choix que de plonger avec prudence la Chine dans le grand bain de la mondialisation, à moins de régner sur une Chine en constante ébullition. Le chemin qui mène jusqu’à la Chine de 2008 était donc tout tracé.

Lorsque j’ai dû me rendre à Pékin en juin 1989 pour sauver l’école de gestion que nous venions de créer avec la FNEGE, il m’est paru tout aussi évident que la libération politique ne signifiait pas forcément l’abandon du pouvoir par le Parti Communiste Chinois au profit d’on ne sait quelle nouvelle classe politique. C’est ce que croyaient pourtant de naïfs analystes abusés par de faciles analogies avec la chute de l’URSS. C’est que la chute du PCC aurait entraîné la désintégration de la Chine, et ce n’est pas la piqûre d’épingle de la place Tian’anmen qui aurait pu déstabiliser la bureaucratie au pouvoir.

Néanmoins, les taux de croissance colossaux de la production chinoise atteints ces dernières années m’ont surpris. Je sais bien qu’ils s’expliquent par la capacité de l’appareil de production chinois, rapidement équipé en machines et robots du monde entier et alimenté par une main d’œuvre aussi inépuisable que frugale à offrir les produits que le monde entier attendait à des prix considérablement inférieurs à ses concurrents. Ainsi la Chine procurait un pouvoir d’achat supplémentaire à ses clients par des prix bas, tout en faisant disparaître ses concurrents. La fin du processus aurait été atteint lorsque la Chine, en position dominante sur la scène de l’économie mondiale, se serait accaparée de l’essentiel de la plus value que lui dispute encore les importateurs puis se serait vu contrainte d’accorder des prêts à ses clients affaiblis pour qu’ils puissent lui acheter.

Mais j’avoue que je n’ai jamais cru à un tel scénario de la Chine montant jusqu’au ciel, tant son histoire alterne les périodes de remarquable réussite et de descente aux enfers. Depuis le début de l’histoire de la Chine contemporaine du moyen empire égyptien, l’Empire chinois a naturellement connu des hauts et des bas. Tantôt l’Empire se concentre, tantôt il  se fragmente. C’est la révolte contre les envahisseurs étrangers, les Mongols qui met en selle en 1368 la dynastie Ming, celle du voyage en Afrique et du petit paysan propriétaire. À cette époque, la Chine était le pays techniquement le plus avancé du monde. Mais elle ne résista pas à l’implosion plus de trois siècles. À nouveau, les nomades mandchoues installèrent la dynastie Qing, contemporaine de Louis XIV, et ce sont eux  qui s’emparèrent du Xinjiang, du Tibet, de la Mongolie et de Taiwan. La grande Chine a moins de quatre siècles d’existence.  Du milieu du XIXe siècle à la mort de Mao Tsé-toung en 1976, la Chine  a connu une longue période d’agitation sociale, de stagnation économique, une croissance démographique explosive et l’ingérence  des puissances occidentales puis de celle du Japon.

Depuis 1979, la Chine est entrée dans l’ère du socialisme de marché avec le succès que l’on sait. Combien de temps ? Le fait nouveau est que sa prospérité dépend désormais de ses échanges avec l’étranger, provoquant des mouvements économiques et sociaux très brutaux. 210 millions de paysans sont devenus des mingong, des ouvriers migrants qui envoient une bonne partie de leurs salaires à la campagne. En ce début 2009, 40 millions d’entre eux, touchés par les fermetures d’usines dans le sud du pays, viennent de regagner leurs villages d’origine. Le revenu annuel des 800 millions de ruraux ne dépasse pas 500 € par an. Il est cinq fois inférieur à celui des habitants des villes et il va encore se réduire. Quand on visite les petits villages de la Chine de l’intérieur, on découvre des retraités qui dépendent entièrement de leurs enfants partis travailler à la ville, puisqu’ils n’ont aucune retraite. Si les enfants sont mis au chômage…

Pour relancer une production agricole qui régresse et des paysans qui n’hésitent plus à manifester leur mécontentement, le gouvernement envisage désormais  d’octroyer aux paysans la quasi-propriété des terres qu’ils cultivent. Ce serait une révolution. Mais le gouvernement central ne contrôle plus le rythme des changements, c’est l’évolution de la demande mondiale qui en décide  désormais, c’est elle qui détermine le nombre de travailleurs nécessaires dans l’industrie, la survie de la paysannerie et le revenu de chaque chinois. Et il n’y a pas d’amortisseurs à la crise, ni indemnités de chômage, ni retraites ou presque, ni aides de gouvernements locaux déficients.

Que ceux qui croyaient autrefois la Chine incapable de croître et qui la croient  aujourd’hui invulnérable à la crise ouvrent les yeux : la Chine entre dans un univers inconnu, celui de la dépendance. Dans la tradition historique chinoise, elle commence par s’y fracasser avant d’en émerger plus unie contre les barbares et de reprendre sa marche en avant. Mais elle commence par s'y fracasser...

 

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De la Peste au principe de réalité

8 Février 2009 Publié dans #PHILOSOPHIE

La Peste, une crise extrême pour la société européenne.

Imaginez la France réduite en quelques dizaines d’années à 32 millions d’habitants. Les rues seraient vides, les campagnes désertes, les cimetières partout. Les survivants effarés se partageraient les dépouilles. On chercherait en vain de la main d’œuvre. Et l’on prierait partout  pour que la crise s’arrête enfin tandis que des flambées brutales épidémiques lanceraient au hasard leurs féroces flammèches au sein de la foule accablée.  Pourtant au milieu du XIVeme siècle la crise finit par s’arrêter à force de précautions. La croissance reprend, les enfants emplissent à nouveau de leur vitalité un monde abasourdi. Tellement abasourdi qu’un choc moral répond en retour au cataclysme de la Peste, un choc qui annonce les bouleversements de la Réforme et de la Renaissance.

À partir du XVe siècle, Les Européens et, à l’autre bout du monde, les Chinois, s’agitent chacun de leur côté. Les Européens s’efforcent d’accroître leur espace d’action, ce qui correspond bien à leur culture missionnaire et conquérante tandis que les Chinois, qui tournent comme toujours leurs regards vers eux-mêmes, s’affairent à mettre au point le système  complexe des rizières.

En Europe, les échanges s’accroissent entre les lettrés. Le surgissement de l’imprimerie, comme aujourd’hui celui d’Internet, modifie la donne. L’imprimerie est inventée autour de 1450 en Rhénanie. Gutenberg met au point les techniques qui permettront de mettre l’écrit à la disposition des quatre cent mille européens capables de lire en latin. Presque instantanément, les livres se multiplient et s’échangent.

Le Moyen Âge commence par s’emparer de l’acquis culturel laissé par les générations précédentes.C’est ainsi que le latin et les philosophes grecs, en particulier Aristote, deviennent à la mode.  Puis la révolution scientifique élargit le cercle de la pensée au-delà du culte du savoir antique. Comme l’expriment bien les neuf cents thèses de Pic de La Mirandole, les érudits prennent progressivement conscience de la nécessité de dépasser les textes anciens et de donner une place centrale à la notion de réalité. C’est ainsi qu’en Italie on se passionne pour la peinture réaliste de Giotto Di Bondone qui montre des misérables soignés par les franciscains. Derrière la création artistique surgit une nouvelle vision du monde, qui deviendra celle du monde moderne.  

En donnant à voir la « réalité », la peinture prépare la révolution scientifique.

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Les porte-voix de l'oligarchie

7 Février 2009 Publié dans #HISTOIRE

 

Hier soir, nous avons écouté notre Président de la République face à quelques journalistes « triés sur le volet » comme on dit  des graines sur un tamis. Nous sommes habitués à ces grands messes convenues pendant lesquelles nos chefs font ce qu’ils appelent de la « pédagogie », c’est à dire qu’ils essaient de nous convaincre que leur décisions sont bonnes,qu’in fine, nous avons eu raison de les élire et que nous aurons bientôt toutes les raisons de les réelire. Tout cela est bel et bon, il est naturel que les hommes au pouvoir essaient de nous endoctriner et de nous convaincre de les y garder. C’est le jeu. Mais quel est le rôle des journalistes dans tout cela ? Sont-ils les honnêtes courtiers, intermédiaires entre le pouvoir et les citoyens ? Que nenni. Je commence aujourd’hui une série d’articles pour vous montrer à quel point ils ne sont que les porte voix de l’oligarchie et qu’il ne peut pas en être autrement, comme vous allez hélas le constater avec moi.

Il suffit d’allumer la radio ou la TV. Aussitôt, on vous fait la morale non seulement dans les bulletins d’information mais dans les moindres émissions de variété. On ne sait pas trop si les employés des medias sont des anges, convaincus d’agir pour le bien de l’humanité et le vôtre, minable auditeur paumé dans vos délires, où s’ils ont ordre de transmettre les consignes d’en haut. Enfin, il vous suffit d’appuyer sur le bouton pour bénéficier de leurs leçons. Écoutez-les :

Il y a d’un côté des pauvres, des sans-abri, des  sans-papiers, des homosexuels discriminés, des locataires que l’on veut expulser, des personnes licenciées de leurs emplois, de l’autre côté des types qui écrasent les piétons avec leurs grosses voitures, des gens qui fuient les impôts, des patrons qui délocalisent, des commerçants qui vendent des produits avariés, des racistes bouffis de haine recuite. Les premiers subissent l’injustice, ils méritent notre soutien moral et financier, les seconds sont odieux, ils encourent notre désapprobation, notre juste colère et des sanctions financières et pénales. Et chaque fois, miracle, aussitôt interviewés, nos hommes politiques abondent dans le même sens. Bien sûr, ils sont du côté des pauvres, des malheureux, des déshérités, et pas du tout de celui des riches, des exploiteurs, des égoïstes. Tous font assaut de bons sentiments. On croirait que ces journalistes et ces hommes politiques se sont arrachés quelques instants à leur sainte vie tout entière dévouée à améliorer le sort de leurs prochains afin de faire savoir à leurs concitoyens qu’ils étaient bien à leur côté, qu’ils soutiennent sans réserve face à leurs immenses difficultés dont ils viennent juste de prendre conscience grâce au travail des journalistes prompts à traquer l’injustice, à dénoncer les délits, et à défendre la veuve et l’orphelin…

Oh, mais il ne faut pas croire que les journalistes les croient sur parole ! Non, ces derniers se font les interprètes de leurs concitoyens anxieux, qui attendent des actes. Mais heureusement, nos hommes politiques ne se font pas prier. Ils nous annoncent aussitôt, s’ils sont au pouvoir, qu’ils vont modifier la loi afin de créer de nouvelles prestations pour secourir les malheureux et renforcer les sanctions contre les exploiteurs. Et s’ils appartiennent à l’opposition, ils sont encore plus à l’aise pour expliquer que tous ces problèmes résultent de la mauvaise politique du gouvernement en place, mais que dés qu’eux seront au pouvoir, ils prendront les mesures qui…

Un conte de fées. Exceptés les enfants de tous âges qui veulent bien croire encore au Père Noël, plus personne ne prête foi à ces bavardages. Les citoyens ne croient ni les journalistes ni les hommes politiques, les enquêtes d’opinion qu’ils commandent et les élections le démontrent surabondamment. Les journalistes ne croient pas les hommes politiques et inversement. Plus personne ne croit que quiconque y croit. Comment pourrait-on encore dénicher des dupes ? Les privilèges dont bénéficient les uns, le cynisme des autres ont depuis longtemps décrédibilisé les discours martelés à l’envi dans les medias.

On fait semblant de s’inquiéter de la perte de confiance dans la finance, l’économie ; la société, alors que l’hypocrisie trône, souveraine au milieu des ondes qui submergent nos sens. 

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La croissance européenne, la multiplication des échanges, la Peste

5 Février 2009 Publié dans #PHILOSOPHIE

Le fil du progrès matériel se noue, ou plutôt se renoue, sur la confiance insufflée par la spiritualité  religieuse qui caractérise le Moyen Âge européen. Au XIIe siècle, on observe une forte croissance de la population mondiale, qui passe de trois cents millions d’habitants à quatre cents millions en cent années.

Le rythme des innovations s’accélère : on invente le gouvernail et la boussole, on atèle les chevaux. Les paysans réussissent à doubler les rendements, grâce au joug frontal des bœufs, aux colliers d’épaule du cheval et à la multiplication des moulins à eau et à vent. Les villages deviennent des bourgs, les villes se développent, artisanales, commerçantes, autour du vaisseau de pierre de la cathédrale. Elles se peuplent d’immigrants, et débordent hors les vieilles fortifications. Les hommes réussissent à vivre plus vieux.

Sous l’influence de l’Église, la famille étroite nucléaire et matrimoniale domine désormais en Europe. L’âge de plus en plus tardif du mariage paysan joue un rôle de régulateur démographique. Tout se passe comme si, après toutes ces épreuves, les hommes étaient à nouveau redevenus maîtres et responsables d’eux-mêmes, comme au temps de l’âge d’or.

À partir du XIIe siècle aussi, le papier de chiffon parvient en Europe venant de Chine. Les écoliers peuvent s’initier à cette langue inconnue qu’est le latin médiéval, seule langue alors écrite en Europe. L’Université multiplie les copies, « l’exemplaire » que l’on recopie en rond autour d’un pupitre. C’est le temps où les hommes cherchent l’information dans les vieux livres, avant que la Scholastique n’ébauche les prémisses d’une science indépendante. À côté de ces latins, d’autres commencent à écrire en langue germanique, franque, anglaise ou toscane pour aboutir à la prose. Un enchaînement de débats, d’études et de progrès se met en mouvement. Dans toute l’Europe, les échanges se multiplient, qui seront aussi les vecteurs de la peste.

Puis soudain, la peste surgit.

L’année 1348 est celle du plus grand cataclysme de l’histoire de l’humanité. La peste provoque une baisse de moitié de la population européenne, une perte qu’il faudra plus d’un siècle pour effacer.

Au XIVe siècle, la peste est la conséquence d’échanges accrus entre l’Europe et l’Asie, qui résultait de la paix mongole. Tout part du lac Baïkal vers 1338. Au cœur de l’empire mongol, des rats cohabitent de trop près avec des hommes privés d’eau. La peste surgit. Elle accompagne les caravanes, atteint Samarcande puis touche l’Iran vers 1346. En Crimée, les Mongols font le siège d’une ville contrôlée par Gênes. Ils transmettent la peste aux bateaux génois, qui la portent à Marseille en 1347 où elle y prend la forme pulmonaire. Dès lors elle élimine toute vie sur son passage. Il faut vivre en ermite pour y échapper. Petit à petit des contre-mesures sont prises, en contraignant les zones contaminées à l’isolement des et en organisant la protection des ports.

Le progrès matériel, le développement des échanges et la diffusion de la peste qui en résulte. Au-delà des parallèles faciles, l’histoire nous montre les conséquences vraies, celles qui se sont vraiment déroulées, du développement de l’humanité, un développement régulé par les crises, voire les catastrophes, et non par la sagesse des hommes qui n'émerge qu'après. 

C'est pourquoi après les crises, toujours la croissance reprend. Question de temps.

 

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Le New Deal, un modèle pour Obama? un modèle de quoi?

2 Février 2009 Publié dans #ACTUALITÉ

N'oublions pas, c'est aux États-Unis que les événements économiques sérieux se passent, pas en France. Et la-bas, les critiques fusent. Obama s’apprête à lancer mille, voire deux mille, milliards de dollars dans l’économie américaine. Vieilles recettes, lancent ses adversaires, qui étaient valables au temps du New Deal mais qui ne sont plus valables  aujourd’hui.

Cela laisse croire que le New Deal  aurait réussi à l’époque, mais l’histoire montre qu'il n’a pas eu un impact très positif sur l’économie américaine, malgré l’avalanche de mesures volontaristes, de subventions et d’impôts qu’il a lancé entre 1933 et 1935.

Alors Obama, même échec programmé ? Jetons un coup d’œil dans le rétroviseur…

Le 4 mars 1933, Franklin Roosevelt devient Président des Etats-Unis d’Amérique. La situation est autrement plus noire qu’aujourd’hui, mais il est vrai que Roosevelt est élu quatre années après le krach de 1929 et que les efforts de Herbert Hoover pour enrayer la baisse des salaires et des prix comme pour relancer le crédit ont échoué. Le chômage est monté, entre 1929 et 1933, de 5% à 37% de la population active. La situation à laquelle doit faire face Barack Obama est plutôt celle d'Herbert Hoover un an après son élection que celle dont hérite Roosevelt.  Ce dernier est élu triomphalement contre Hoover sur la base de son fameux New Deal, fondé sur une juste répartition des richesses et la chasse à la spéculation. Il dispose de la majorité au Congrès pour son parti, le parti démocrate naturellement. Le 9 mars, cinq jours après son élection, il présente son Emergency Banking Act qui consiste à accorder des prêts fédéraux aux banques et indemniser à 85% les déposants des banques qui ont fait faillite. Il suspend aussi l’étalon or, ce qui entraîne la dévaluation compétitive du dollar par rapport aux monnaies européennes, l’allégement du poids de la dette et la baisse des taux d’intérêt. Il fait voter le National Industrial Recovery qui incite les industriels à s’entendre (oui à s’entendre !) pour remonter les prix et arrêter en conséquence la déflation. En compensation de prix plus élevés, les syndicats sont autorisés à négocier des conventions collectives, un salaire minimum est créé et la durée de travail est plafonnée à 40 heures. Pour l’agriculture, il lance l’Agricultural Adjustement Act qui vise à redresser les prix des produits agricoles en subventionnant, entre autres, la destruction de cultures. Enfin, pour lutter directement contre le chômage, il lance des grands travaux d’infrastructure, dont le plus connu est la Tennesse Valley Authority. Le programme d’Obama s’inspire, dans son état d’esprit plus que dans sa lettre, des mesures prises par Roosevelt pour relancer l’activité bancaire et économique.

À l’époque, en 1933-1935, les résultats de tous ces efforts ne se révèlent pas probants sur le plan économique. Les prix montent mais les coûts de production aussi. Les conflits avec les syndicats sont très violents. La destruction des cultures par les propriétaires terriens provoque l’exode des métayers, « les raisins de la colère ». La politique interventionniste de Roosevelt suscite l’opposition des libéraux et des partisans de l’autonomie des États fédérés et la Cour Suprême des Etats-Unis, dominée par ces derniers, annule finalement en 1935 l’essentiel des mesures du New Deal.

Roosevelt se lance alors dans un second New Deal, à dominante plus sociale qu’économique. Il fait voter le Wagner Act sur les relations du travail et le Social Security Act qui crée un système de retraite par répartition pour les plus pauvres. Grâce à ce programme social, il est réélu en 1936. Mais l’économie retombe en récession en 1937. Le chômage, qui avait régressé entre 1933 et 1937 de 37% à 21 % de la population active, remonte à 27% en 1938. Rappelons nous, il était à 5% neufs ans plus tôt. Le réarmement, la guerre et le départ de 15 millions d’hommes sur les deux front auront définitivement raison de la crise. Le taux de chômage ne retrouve les 5% qu'en 1946, 17 années après le début de la crise et après trois années de guerre. 

Et durant tout ce processus, la politique du New Deal a eu des effets économiques discutables, en tout cas très insuffisants pour inverser la tendance, mais des effets sociaux positifs sur la population la plus menacée.

On verra si celle d’Obama suivra le même chemin, en espérant naturellement qu’il pourra se passer de s'engager dans une troisième guerre mondiale pour mettre  fin au chômage. Mais avant de céder au catastrophisme, n’oublions pas que la situation  actuelle est plus comparable à celle de 1929 qu'à celle de 1933, si l’on s’en rapporte au simple indice du nombre des chômeurs. Obama a quatre ans d'avance sur le New Deal. Le processus de descente aux enfers qu'a vécu l'Amérique de Hoover est à peine entamé. 

De quoi ne pas trop céder à la sinistrose, en attendant que les faits rendent leur verdict. 

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L'ancrage spirituel du renouveau, une leçon éternelle

31 Janvier 2009 Publié dans #PHILOSOPHIE

Des populations désemparées, qui ont perdu leurs points de repère. La situation ne date pas d’aujourd’hui, puisque l’histoire nous décrit l’adaptation progressive des hommes aux situations auxquelles ils doivent faire face. Aujourd’hui la crise, hier des peuples qui ne savent plus comment s’organiser alors que le monde est balayé par des vagues de peuples qui détruisent, pillent, mais n’ont aucun modèle à proposer. C’est alors que l’Église….

À la chute de l’Empire Romain, l’Église se trouve mêlée à un tissu social et politique complètement bouleversé. Elle prêche désormais à des peuples désemparés, ayant perdu leurs anciennes références païennes. Dès quatre cent trente après JC, Saint Augustin avait donné l’exemple d’un évêque priant, écrivant, enseignant et visitant les réfugiés dans Hippone assiégée par les Vandales.

Une nouvelle Église monastique et missionnaire émerge, à l’image de l’église irlandaise. Saint Benoît rend la lecture obligatoire dans son ordre monastique. L’Église enseigne la morale du Décalogue, auquel elle ajoute un message de force pour rassurer une population inquiète : Dieu est tout puissant, il protège son peuple. Le Christianisme exorcise l’angoisse, notamment par le symbole du cimetière associé à l’Église. Dans la nécropole proche de la maison de Dieu, les morts chrétiens partagent avec les vivants l’attente de la Résurrection. L’Église offre également un enseignement qui maintient les règles de vie en société au sein d’une population éclatée et traumatisée. À chacun, elle fournit des raisons d’espérer.

Au XIe siècle enfin, le danger collectif s’éloigne ; les raisons de vivre et de croire dépendent plus de ses actes personnels que des aléas de la guerre, de la famine et des maladies. Il faut désormais que l’homme se sente responsable de ses actes. L’Église se consacre à arracher les âmes au désespoir et à l’absurde. La Croix cesse d’être le signe de la gloire de Dieu, elle devient, ou redevient, le symbole du martyre du Christ. Le christianisme s’attaque au drame humain fondamental, celui de devoir assumer la certitude de sa propre mort, en glorifiant la mort du Christ sur le Croix, et elle relie la qualité des actes accomplis au cours de la vie avec la perspective de la mort inéluctable, mais acceptée et glorifiée. 

Dès lors, le fil du progrès matériel peut se renouer….

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La manifestation et l'oligarchie

29 Janvier 2009 Publié dans #ACTUALITÉ

Aujourd’hui il y a eu beaucoup de manifestations. Certains pensent qu’elles sont inutiles, ce ne sont pas elles qui vont résoudre la crise, et nuisibles, parce qu’elles perturbent la vie du pays et qu’elles créent beaucoup de difficultés pour les gens qui vont travailler. Ceux qui manifestent ne sont pas de cet avis. Ils crient leur colère, leur frustration et leur peur.

Colère de voir que les « riches » reçoivent des aides. Comment faire autrement leur rétorque le gouvernement ? Vous préférez que nous laissions les banques faire faillite et que le système financier dans son ensemble s’effondre ? D’ailleurs, tous les gouvernements ont fait de même dans le monde. Frustration d’être sans défense contre une situation qui leur échappe. Sur ce point, personne n’ose leur dire qu’ils ont choisi de ne pas prendre de risque en devenant salariés pour ne pas tomber dans un débat sans fin sur l’absence de choix réel qu'offre la société d’aujourd’hui. Peur de perdre son emploi ou au mieux de voir son niveau de vie menacé et sur ce point non plus personne ne répond parce qu’il n’y a rien à répondre, parce que ce n’est que trop vrai.

En désespoir de cause, les opposants aux manifestations ajoutent que les Français sont les seuls qui manifestent dans le monde. Ce n’est pas tout à fait exact si l’on songe à l’Espagne par exemple, mais il est vrai qu’il y a une spécificité française à faire grève et surtout à manifester.
Pourquoi donc ? Parce que les Français sont bizarres, qu’ils ont une culture spéciale consistant entre autres à manifester à tout bout de champ ? Je n’en crois rien. C’est tout simplement parce qu’ils n’ont pas d’autre moyen de se faire entendre de l’oligarchie. Alors ils descendent dans la rue, avec le vague espoir de se faire entendre, la certitude minimale de se défouler en défilant et le sentiment rassurant de ne pas être isolés puisqu’ils se retrouvent des milliers à faire de même. La fête, la chaleur humaine, la possibilité de crier des slogans hostiles à des gens dont on est convaincu qu’ils ne vous écoutent pas mais qui, face à la foule qui gronde, rembarrent leur morgue et se terrent dans les palais de la République au moins pour quelques heures, avant de reprendre les commandes du petit écran.

C’est que l’exclusivité du pouvoir que s’attribue l’oligarchie a de dangereuses conséquences pour la société française. Elle secrète un sentiment d’exclusion qui n’est pas limité aux banlieues : toute la société française est évincée par cercles concentriques du pouvoir. En temps ordinaire, faute de pouvoir accéder à d’autres fonctions, chacun élève des barrières, se claquemure dans son statut afin de préserver ce qu’il a obtenu parfois de haute lutte, parfois par piston. Tout est fermé, protégé, barricadé, pour éviter la concurrence. Du sommet de l’État jusqu’au plus modeste Rmiste, le mot d’ordre est à la défense des positions acquises. Observez comment depuis 1945, aucun pouvoir, de droite ou de gauche, n’a osé remettre en cause le pouvoir de la même CGT sur le comité d’entreprise d’EDF. C’est qu’en retour le pouvoir attend de la CGT la non remise en cause du statu quo social. Donnant, donnant.

Mais lorsque la pression est trop forte, on se retrouve pour quelques heures « tous ensemble » pour se donner l’illusion, au moins une après-midi, d’être tous solidaires face aux « gros ». Alors on  peut crier sa frustration devant le mur infranchissable que dresse devant soi une oligarchie verrouillée à double tour, une oligarchie qui s’offre alors le luxe chic de quelques frissons de peur et même de se mêler au peuple et plus fort encore, de faire semblant de crier avec lui . Puis les vulgaires, les croquants, les manants, ces malappris, ces pedzouilles, parmi lesquels se sont glissées quelques canailles, reprennent vaille que vaille le chemin de leurs petites niches douillettes, en espérant que le message est correctement passé la-haut: pas touche aux avantages acquis, compris ?


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Autour de l'an Mil, les ferments de renouveau

27 Janvier 2009 Publié dans #PHILOSOPHIE

Nous reprenons, après ces regards sur l’actualité, notre observation sur la marche du monde.

L’Empire Romain a disparu en Europe occidentale. Il n’y a plus d’organisation centralisée, ni de modèle. Seule l’Église offre une façon de voir le monde à laquelle s’accroche la partie de la population européenne qui a été romanisée. Après l’Empire Romain, dont personne n’oublie qu’il se survécut dans l’Empire Byzantin, sans oublier la continuité de la civilisation chinoise et des civilisations amérindiennes, il ne fait aucun doute qu’une autre période de l’histoire des civilisations commençait.

Les terreurs qui accompagnent le changement de millénaire symbolisent bien le changement de mentalité qui s’opérait dans une Europe qui se reconstruisait sur les décombres de l’Empire Romain. La croissance démographique va s’y accélérer progressivement ; elle s’accompagnera de la jonction, de gré et de force, entre l’Europe et le reste du monde. 

En l’an Mil, la Cité antique est morte étouffée, le monde romain est déchu. Aucune structure ne l’a remplacé, laissant l’impression d’un piétinement, d’un échec, d’un recul. En mille ans, la population mondiale a légèrement diminué, passant de 250 à 220 millions d’habitants. La régression collective se traduit par l’affaiblissement du langage, et en particulier de l’écrit. Seules, isolées, l’Irlande et la Grande-Bretagne parviennent à conserver un latin non abâtardi.

Du fond de l’effondrement de l’Empire apparaissent des indices de renouveau. La coupure des réseaux de communication a plongé les campagnes dans une léthargie réparatrice. La reconstruction sociale de l’Europe s’effectue autour des trois liens de vassalité, de seigneurie et de fief, élaborés entre le VIe et le XIIIe siècle.  L’Eglise y appose le sceau de la transcendance.

Toute la problématique de l’Europe post-romaine est centrée sur le besoin de protection. Le lien seigneurial s’est imposé comme un substitut à celui de la famille étendue. Le seigneur attend la fidélité et le service tandis que le vassal sollicite la protection. Le roi ajoute l’impôt à l’hommage et au fief, en échange d’une paix élargie. L’Eglise limite la violence comme moyen de règlement des conflits en la bornant aux combats entre les chevaliers et leurs auxiliaires. C’est elle qui va offrir, de fait, les réponses qu’attendent des populations désemparées…

 

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Imaginer un Barrack Obama français...

25 Janvier 2009 Publié dans #ACTUALITÉ

J’ai présenté dans le blog du 19 janvier dernier les carrières comparées de Barack  Obama et de Jacques Chirac, en insistant sur l’opposition de leurs deux parcours. Mais, alors que j’ai détaillé la carrière de Jacques Chirac, je n’ai quasiment rien dit de celle d’Obama, me contentant de qualifier sa carrière de « celle  d’un noir américain issu d’un milieu assez modeste, sans appui politique particulier et n’appartenant pas à « l’élite » américaine ».  Il est temps de donner plus de détails en invitant mes lecteurs français à essayer d’imaginer la carrière qu’aurait pu faire un « Obama français » dans des circonstances analogues.

Barack Hussein Obama est né le 4 août 1961à Honolulu (Hawaii) de parents étudiants. Son père, Barack Obama Sr., est kenyan et sa mère, Ann Dunham, vient du Kansas avec des origines irlandaises, écossaises et cherokees. Ses parents se séparent alors qu'il n'a que deux ans et Barak Jr. ne reverra son père qu'une seule fois avant le décès de ce dernier en 1971. Sa mère s'est entre-temps remariée avec un étudiant indonésien ; la famille s'installe à Jakarta en 1967 où naîtra Maya, la demi-soeur de Barack. Quatre ans plus tard, Barack  retourne à Hawaii chez ses grands-parents maternels pour faire ses études. Après le lycée à Honolulu, il étudie deux ans à Los Angeles à l'Occidental College puis à l’université Columbia à New York, une des meilleures universités américaines, dont il sort diplômé en science politique et relations internationales en 1983. C’est indiscutablement un étudiant brillant qui arrive sur le marché du travail en tant qu’analyste financier avant de choisir de travailler comme animateur social dans le South Side, le  quartier noir de Chicago, pour aider les églises à organiser des programmes de formation pour les résidents de ces quartiers pauvres. On peut difficilement imaginer un travailleur social devenir président de la République en France…

Jusqu'en 1987, il arpente le South Side pour aider les résidents à s'organiser dans la défense de leurs intérêts, pour obtenir le désamiantage des logement sociaux et l'ouverture de bureaux d'embauche. Il se rapproche alors de la Trinity United Church of Christ. Il quitte ensuite Chicago durant trois ans afin d’étudier le droit à Harvard Law School à Cambridge où il côtoie l’élite intellectuelle des Etats-Unis. À l'été de 1989, son charisme impressionne aussi  bien Michelle Robinson, avocate associée chez Fidley and Austin, le cabinet d'avocats où il fait son stage que ses collègues de la prestigieuse revue de droit Harvard Law Review dont il devient le premier rédacteur en chef afro africain. Il sort de Harvard Law School diplômé magna cum laude en 1990. Il revient alors à Chicago pour devenir entrer dans un cabinet juridique spécialisé dans la défense des droits civiques tout en enseignant le droit constitutionnel à l'université. Le 18 octobre 1992, il se marie avec Michelle Robinson à l'église de la Trinity United Church of Christ. Le couple aura deux filles, Malia Ann et Natasha, nées respectivement en 1999 et 2001.

En 1996, Barack Obama réussit à se faire élire sénateur de l’Illinois en tant que représentant de la circonscription du South Side de Chicago. En 2000, il ne parvient pas à se faire désigner candidat à la Chambre des représentants des Etats-Unis lors des primaires démocrates, mais quatre ans plus tard il récidive au Sénat, saisissant l’occasion de la retraite du Sénateur démocrate sortant. Son charisme joue à plein, puisqu’il est élu Sénateur le 2 novembre 2004 avec plus de 70% des voix face à son adversaire républicain, devenant le seul homme de couleur à siéger au Sénat. Son charisme et sa couleur jouent désormais ensemble en sa faveur et il devient à la mode. À partir de ce moment, son ascension aurait aussi été possible en France.

Lors d'une collecte de fonds pour les primaires démocrates en 2004, il rencontre John Kerry, qui lui demande d'intervenir durant la Convention démocrate de Boston. Le 27 juillet 2004, il prononce un discours programme qui enflamme les délégués du parti démocrate. La large couverture offerte par les médias nationaux lui ouvre la voie de la célébrité et le décide à briguer l’investiture du parti, investiture qu’il obtient le 28 août 2008 au terme d'une élection primaire longuement disputée avec Hillary Clinton. Il est élu, comme chacun le sait, par 53% des voix le 4 novembre 2008, avec un taux de participation exceptionnellement élevé de 66% des électeurs inscrits.

La suite de cette élection reste à écrire. Mais ce qui devrait troubler un citoyen français, c’est la possibilité offerte par le système américain à un Barak Obama issu d’une famille modeste et nullement représentative de l’Amérique profonde d’émerger depuis Hawaï. C’est celle de pouvoir progresser rapidement à partir une fonction d’animateur social jusqu’à une brillante carrière de juriste et d’être propulsé par  les électeurs de l’Illinois d’un poste équivalent à celui de conseiller régional à celui de Sénateur et de candidat à la Présidence des Etats-Unis. Même s’il est aussi avocat, s’il n’est pas non plus représentatif du Français moyen et s’il possède d’indéniables qualités personnelles, il a fallu beaucoup plus de fées sur le berceau de Nicolas Sarkozy pour qu’il soit élu Président de la République Française…

Bien sûr, vous ne croyez pas au fond de vous à un conte de fée aussi charmant, concernant Barrack Obama. Et vous avez raison. Nous en reparlerons dans quelques jours. Retenez juste un nom: Brezjinski. 

 

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L'affaire Battisti/Bruni

23 Janvier 2009 Publié dans #HISTOIRE

Très récemment, nous avons appris que le gouvernement brésilien avait accordé l’asile politique à Cesare Battisti. Les médias français ont mentionné l’affaire brièvement, mais l’opinion, la presse et la classe politique italienne se sont enflammées. L’affaire Battisti menace de devenir un incident diplomatique entre l’Italie, le Brésil et la France. Carla Bruni risque d’être poursuivie par les tribunaux italiens pour avoir œuvré afin de soustraire un condamné à la justice italienne.

Que s’est-il passé et surtout pourquoi un tel acharnement à soutenir Cesare Battisti de la part des cercles les plus élevés de la nomenklatura française ?

Rappelons nous les faits qui fondent cette affaire. Cesare Battisti, un ancien dirigeant du Mouvement des Prolétaires Armés pour le Communisme (PAC),   a été condamné pour quatre meurtres. Il a été jugé et condamné en mars 1993 à la réclusion à perpétuité par contumace lors de trois procès par la Cour d’Assise de Milan. L’absence de l’accusé au procès ne l’a cependant pas empêché, selon la loi italienne, d’être défendu par des avocats qui ont deux fois interjeté appel. Les Cours d’Appel ont confirmé les jugements rendus en première instance. Avant que ne commencent ses assassinats, Cesare Battisti avait déjà purgé une peine de prison pour des délits de droit commun. Caché à Paris, il est devenu gardien d’immeuble et surtout auteur de romans policiers, ce qui l’a introduit auprès de Fred Vargas, l’écrivaine bien connue de romans policiers.

C’est alors que François Mitterrand, pour se donner l’image d’un homme de gauche et de cœur, décide un jour de protéger les terroristes italiens réfugiés en France. Le 20 avril 1985 au congrès de la Ligue des Droits de l’Homme, il fait la déclaration suivante : « Prenons le cas des Italiens : sur quelque trois cents qui ont participé à des actions terroristes avant 1981, plus d’une centaine sont venus en France, ont rompu avec la machine infernale, le proclament et ont abordé une deuxième phase de leur vie. J’ai dit au gouvernement italien que ces Italiens étaient à l’abri de toute sanction par voie d’extradition… » .

On notera l’extraordinaire mépris de la loi professée par l’ex-avocat Mitterrand, alors Président de la République Française : « j’ai dit ». Ce « j’ai dit » suffira pour protéger Cesare Battisti : il avait été adoubé par le Président de la République, il faisait désormais partie de l’oligarchie, sa personne était sacrée. L’avocat Jean-Pierre Mignard, conseil de Mitterrand pour les réfugiés italiens, affirmera : « il s’agit d’une politique de l’État, qui a engagé la République, plusieurs ministres, les services de la justice, de la police, sous les gouvernements Mauroy, Fabius, Chirac, Rocard, Cresson, Bérégovoy, Balladur, Juppé, Jospin. Soit deux présidents de la République, trois septennats et neuf Premiers ministres. » Alors, peu importe la loi, pensez donc !

Entre-temps, l’Italie a demandé l’extradition de Battisti dés 1991. Les arguties juridiques commencent en France, toutes en faveur de Cesare Battisti. La Chambre d’accusation française refuse l’extradition au motif qu’elle est fondée sur des mandats d’arrêt et non sur une condamnation définitive. Cette dernière arrive finalement et le Garde des Sceaux demande au Parquet Général de Paris l’arrestation de Battisti, qu’il n’obtient pas. En février 2004, Battisti est finalement arrêté, puis remis en liberté sous contrôle judiciaire. Le 30 juin 2004, il comparait libre devant la Cour d’Appel de Paris qui ordonne son extradition. Battisti fait appel devant la Cour de Cassation, qui rejette son pourvoi. Du coup, il décide de se cacher jusqu’à ce qu’on le retrouve au Brésil où il est finalement arrêté, dans l’attente de son extradition. Entre-temps on n’avait pas consacré de gros efforts en France pour le retrouver.

Avec la recommandation de Nicolas Sarkozy, Fred Vargas s’adresse à Ignacio Lula da Silva Lula, le président du Brésil, puis comme cela ne suffit pas, Carla Bruni  intervient elle-même auprès du Chef de l'Etat brésilien. On imagine que l’affaire a été définitivement bouclée lors du voyage au Brésil du couple Sarkozy à la fin de l’année 2008 et le gouvernement brésilien, qui le détenait depuis mars 2007, a soudainement accordé « l’asile politique » à Cesare Battisti, comme si ce dernier était persécuté par une dictature !

La popularité de Carla Bruni  dans les cercles de l’oligarchie française en sort  heureusement renforcée. En outre, Elle a démontré aussi qu’elle était capable d’influencer son mari, assez pour qu’il accepte d’en subir les effets négatifs sur les relations avec l’Italie et d’en payer le prix auprès du Brésil, sans doute sous la forme de transferts technologiques.  Il faut convenir que cela vaut le coup, tant l’affaire Battisti suscite de passions au sein de nos élites. Alors il vaut mieux se fâcher avec l’Italie et céder au Brésil plutôt qu’être boudé par des gens que l’on fréquente quotidiennement.

Car ils sont furieusement entichés de ce terroriste romantique, nos oligarques ! Souvenons-nous : lorsque la Cour d’Appel de Paris demande l’extradition de Cesare Battisti, le 30 juin 2004, c’est un tollé général. Libération a raconté la scène : Jacques Bravo, le maire du XIe arrondissement est décomposé.  Fred Vargas est en larmes ; il faut dire qu’elle a écrit un livre pour défendre Battisti. Guy Bedos déclare que « le gouvernement vient de se déshonorer en faisant ce cadeau à Berlusconi ». Dominique Grange et Lola Lafon chantent, le poing levé. Un peu à l’écart, Philippe Sollers et Bernard Henry Levy s’indignent. Ils sortent du Théâtre de l’Oeuvre où les personnes citées s’étaient réunies avec, en autres, Danielle Mitterrand, les chanteurs Georges Moustaki et Lio et l’actrice Miou-Miou : tout un peuple indigné par la condamnation qui frappe l’un des leurs. Ils sont appuyés dès le lendemain par un communiqué des Verts qui «demandent solennellement au Premier Ministre de ne signer en aucun cas le décret permettant l’extradition de Cesare Battisti »

 C’est que l’un des membres coopté par l’oligarchie est en danger. L’Etat français et maintenant l’État brésilien, que l’on indemnisera au besoin, doivent voler à son secours. Dans une telle situation, l’État français n’a de compte à rendre à personne, ni à l’État italien, ni aux principes du droit. Nicolas Sarkozy s’inscrit dans cette tradition. Il a cru habile de se défausser sur le Brésil, la suite de l’histoire montrera si cette habileté fera long feu ou non.

Mais l’essentiel de cette histoire se situe dans l’obligation qu’il a, lui et son épouse, de rassurer l’oligarchie française. Il faut dire à ces gens qu’on les écoute même lorsqu’ils s’entichent pour un assassin. Il faut qu’ils sachent que, tant qu’ils font partie de l’élite et qu’ils ne trahissent pas le pouvoir en place, ils seront toujours protégés.

Après avoir écrit l’article ci-dessus, j’ai vérifié ma documentation et j’ai découvert l’article suivant de Cesare Martinetti, du Journal La Stampa, écrit dans le Monde du 16 janvier 2009, sous le titre « Cesare Battisti bientôt libre, l'Italie à nouveau offensée ». Je vous en livre quelques extraits, qui expriment bien ce que pensent la presse italienne :  « Après le président français Nicolas Sarkozy (qui, le 12 octobre, a refusé l'extradition de la brigadiste Marina Petrella), c'est au tour d'Ignacio Lula da Silva, président du Brésil, d'offenser l'Italie en refusant l'extradition d'un terroriste condamné à des sentences passées en jugement, à l'issue de procès réguliers tenus devant des jurys populaires et validés par la Cour de cassation. (…) Derrière l'opération Battisti, en effet, comment ne pas deviner la main de Sarkozy ? Depuis que le président s'est marié avec Carla Bruni, il n'est plus le même qu'avant. L'ex-mannequin italien, désormais première dame de France, a introduit à l'Elysée le virus de ce milieu intellectuel, bourgeois et gauchiste qui a accueilli, protégé et flatté les réfugiés italiens avec une fraternité inconnue aux quelques terroristes autochtones. (…) Quand, enfin, les juges ont accordé son extradition (été 2004), Battisti a été mis en condition de s'échapper. Quand, enfin, il a été arrêté au Brésil, Sarkozy a demandé à Lula de hâter la sale besogne (...) Cesare Battisti, un assassin condamné, peut recouvrer la liberté. La justice italienne est mortifiée. Les librairies du boulevard Saint-Germain se préparent à accueillir le nouveau roman du terroriste-écrivain. »

Monsieur Martinetti, vous oubliez qu’en France, la loi n’est contraignante que pour les faquins. Battisti, tout assassin qu’il est, a été adoubé par notre Président de la République: il peut dormir tranquille.



Libération du 1er juillet 2004, pages 4,6 et 7.

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