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Le blog d'André Boyer
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Mouammar? Dégage!

23 Février 2011 Publié dans #ACTUALITÉ

J’avais prévu d’écrire un blog sur un tout autre sujet, mais j’avoue que je suis fasciné par l’actualité en cours. 

3946467565-le-discours-surrealiste-du-martyr-kadhafi.pngHier soir mardi  23 février, j’ai regardé en direct sur la chaîne AlJazeera, Mouammar Kadhafi parler devant les caméras pour la dernière fois sans doute, dans une sorte de hangar. Il n’était entouré  que de quelques fidèles qui lui ont fait un maigre cortége après que son fils aîné l’ait embrassé à la fin de son allocution. Son fils aîné, il est doudou avec son papa, mais pas avec la populace qu’il est chargé de réprimer  avec ses  avions, ses hélicoptères et ses mercenaires. C’était quand même émouvant cette scène d’amour filial, j’ai failli verser une larme.

Le discours de Mouammar était à mi-chemin entre l’horrible et le pitoyable. Le vieux dictateur avait quelque chose d’un Ceausescu à la dérive dans un palais vide  ou d’un petit Hitler à la recherche d’une apocalypse qui l’engloutirait avec son peuple :  « Je suis un combattant, un révolutionnaire venu du désert, je suis prêt à mourir comme un martyr. »

On se demande de quelle cause il veut être le martyr, Mouammar, sinon de sa propre folie. Je regarde avec un mélange de pitié et, j’avoue, de mépris, ce sinistre pantin vêtu de sa gandourah marron et de son turban dans le décor à moitié en ruine dans lequel il pérore encore :  « Mouammar Kadhafi est un combattant, un révolutionnaire venu du désert, je ne suis pas un président qui se retire. C’est mon pays. Mouammar n’est pas un président qui quitte son poste » hurle t-il pour se rassurer et pour essayer de convaincre le peuple qu’il devra continuer à le subir. C’est sûr que c’est son pays, il a humilié son peuple, il l’a mis en coupe réglée pendant presque un demi-siècle. C’est à lui tout ça, mais voilà c’est fini maintenant et Mouammar n’arrive pas à s’y faire, c’est cela qu’il crie.

Et puis tout d’un coup, il fait très fort : «  Je n’ai pas encore ordonné l’usage de la force ! » Ah oui ? c’est quoi ces mercenaires qui tirent dans le tas, ces hélicoptères qui mitraille la foule, ces avions qui envoient sur elle des missiles ? des amuse gueules ? «  Je n’ai pas encore ordonné de tirer une seule balle! » À ce moment, il délire Mouammar, mais enfin, il a des excuses, toutes ces contrariétés ont dû le chambouler un peu.

Le voilà qui précise encore sa pensée: « Quand je ferai usage de la force, tout brûlera ! » Nous y sommes, Néron est de retour en compagnie d’Hitler, observant le monde entier enflammé par sa folie. En voilà une bonne raison de vivre et de mourir pour un dictateur qui se respecte ! 

Mais il n’a pas perdu tout à fait espoir, Mouammar, il pense qu’il a encore des supporters : « Vous les hommes et les femmes qui aiment Kadhafi… » Il croit qu’il y a eu un jour des gens qui l’aimaient, Mouammar, en tant que dictateur ? C’est bien la folie des hommes politiques de croire qu’on puisse les aimer ! C’est vrai que des millions de personnes ont pleuré à chaudes larmes la mort de Staline, ce monstre. Intéressant au plan psychologique de comprendre ce qu’ils aimaient en Staline ? leur jeunesse qui partait avec lui peut-être? Un jour, certains pleureront  sans doute Mouammar : c’était mieux avec lui, on était tranquille, pas de voleurs et il y avait de l’ordre.

Mais pour l’instant ce n’est pas la question, nous assène encore Mouammar : « Ceux qui aiment Kadhafi, sortez dans la rue, attaquez-les dans leurs tanières ! » C’est fini ce temps-là, mais lui, il y croit encore, il se fait paternel : « les manifestations pacifiques sont une chose, la rébellion armée en est une autre » C’est bien vrai ça, les dirigeants de tous les pays adorent les manifestations  pacifiques, les referenda que l’on contourne, les votes que l’on manipule, mais la rébellion armée, non, ils n'aiment pas du tout parce que ce n’est pas du jeu. 

Pour qu’ils sortent dans la rue ces amoureux tardifs de Kadhafi, Mouammar se rend compte qu’il faut injecter un peu de management : « À partir de ce soir, tous les hommes jeunes doivent former des comités de sécurité populaires, ils doivent porter un brassard vert pour s’identifier.» Alors, si les gens sont sérieux, tout va s’arranger : « Le peuple libyen et la révolution populaire contrôleront la Libye » Amen. Un avenir radieux illimité attend la Libye sous le règne éternel de son guide bien aimé, de ses fils, de ses petits-fils,  de ses arrières petits-fils, le lait des chamelles coulera à flots dans les oasis et le pétrole dans les pipe-lines…

L’allocution était retransmise sur un écran devant des centaines de supporters massés sur la place Verte de Tripoli où avait eu lieu la veille un assassinat de masse, les avions ouvrant le feu sur la foule des protestataires.  Mais Kadhafi ne parlait même pas devant ses supporters. Sans doute avait-il trop peur que l’un d’entre eux ne sorte une arme pour l’abattre. Il parlait seul face à un mur. Tout un symbole.

J’étais fasciné. Un dirigeant révélant dans toute son obscénité ce qu’est vraiment le pouvoir, c’est rarissime. Et puis, le moment est historique parce qu’il ne se produit qu’une fois par génération : le peuple bouscule les dirigeants qu’il a dû subir depuis tant d’années pour les jeter à la poubelle. Ce fut le cas en 1989 en Europe de l’Est puis en URSS, ce fut encore le cas en 1968 pour la France, aujourd’hui c’est le tour des pays arabes.

Je suis fasciné aussi par la révélation des mensonges que nous ont assenés nos dirigeants pendant des décennies nous expliquant que Kadhafi avait changé, tout simplement parce qu’ils voulaient faire tranquillement des affaires avec lui. Aujourd'hui encore, ils le regardent calmement assassiner les gens. Eux qui crient tant contre les terroristes, qui n'ont pas hésité à bombarder la Serbie pendant des semaines, ils n'ont pas un avion, pas un bateau disponible pour menacer le tyran assassin. Ils cherchent leurs mots pour manifester leurs désaccord avec ces méthodes brutales, ils s'inquiètent de la hausse du prix du pétrole et de l'immigration potentielle qui peut en résulter. C'est que Mouammar lui, il faisait en sorte que le pétrole coule et que les immigrés restent en Afrique. Regardez pour finir les déclarations de ce bouffon qui vous[1]représente en Tunisie, Boris Boillon qui trouvait, il y a moins de trois mois,  que ce pauvre Kadhafi avait fait des erreurs comme tout le monde mais qu’il s’était corrigé depuis. En effet, on voit ça, en direct.

Le problème, Boris, c’est que toi et tes semblables faitent payer leurs erreurs à des millions de personnes. Alors, Boris, Mouammar, MAM et tous les autres, dégagez, on se passera de vous. On vous promet que l'on vous pleurera un jour, mais plus tard quand on aura le temps. Pour l'instant, dégagez et vite!

 



[1] Moi en tout cas, il ne me représente pas. 

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Louis XIV ou le pouvoir dans sa majesté

15 Février 2011 Publié dans #HISTOIRE

Richelieu, en exerçant le pouvoir d’une main de fer, a créé  une France où le pouvoir de l’État ne connaissait plus d’opposants. Lorsque Louis XIV s’empara de cet outil, il en  exploita toutes les possibilités jusqu’à épuiser complètement le pays.

louisxiv.JPGLouis XIV voulait exercer le pouvoir, tout le pouvoir et tout de suite. Quelques heures après le décès du Cardinal Mazarin, le 10 mars 1661, jeune roi de vingt-deux ans, il réunit son Conseil. Se tournant vers le Chancelier Séguier, il déclare : « Je vous ai fait assembler avec mes ministres et secrétaires d’État pour vous dire que jusqu’à présent, j’ai bien voulu laisser gouverner mes affaires par feu Monsieur le Cardinal ; il est temps que je les gouverne moi-même. »

Et c’est ainsi que, pendant cinquante-quatre années, de 1661 à 1715, il régna en monarque absolu, exigeant l’obéissance à l’intérieur du royaume et cherchant sans trêve à s’imposer au-dehors. La loi jaillissait directement de sa bouche, transformant la monarchie en une immense administration à ses ordres. Son prestige exigeait la force militaire qu’il nourrissait de l’impôt, toujours plus lourd.

La volonté de grandeur, l’orgueil, le sentiment de puissance sont bien incarnés par le palais de Versailles. Il y donnait le spectacle bien réglé de la vie de cour, révélant à son peuple convié à assister à la représentation, la servilité des courtisans à l’affût des faveurs. Il contrôlait les nominations et les contributions du clergé de France. Il écarta les princes, les cardinaux, les connétables, les surintendants susceptibles de lui porter ombrage pour composer des conseils de commis. Les contraintes financières de la guerre avaient classiquement abouti à l’absolutisme administratif, mais la responsabilité de la guerre fut séparée de celle des finances qui furent laissées à Colbert. Mais ce dernier n’avait aucune  autorité sur l’armée de terre et sur la politique étrangère, au rebours de Richelieu et Mazarin.

Les privilèges des provinces subirent plusieurs atteintes qui renforcèrent l’uniformité dans l’obéissance au prince : certaines perdirent leurs états provinciaux, d’autres virent l’administration financière des terres d’élection s’introduire dans les pays d’états, qui avaient de jure le droit de consentir et de répartir l’impôt. Dans la France de l’Ancien Régime en effet, les pays d’élection soumis à la taille personnelle et à tous les impôts royaux ordinaires s’opposaient aux pays d’états qui conservaient le droit de consentir l’impôt et non de le subir. En 1715, la France rassemblait treize pays d’états et provinces nouvellement annexées. Les dix-huit autres formaient des pays d’élection: les généralités de Paris, Amiens, Soissons, Châlons-sur-Marne, Lyon, Montauban, Bordeaux, Limoges, Poitiers, La Rochelle, Orléans, Tours, Bourges, Moulins, Riom, Rouen, Alençon et Caen. Ces chefs-lieux d’élection sont souvent  devenus des préfectures, tant le quadrillage administratif de l’Ancien Régime s’est révélé durable.

Au nom du Roi, le Conseil, les bureaux à Versailles et les intendants dans les provinces se sont emparés du pouvoir en muselant les institutions provinciales et municipales. Voyant dans l’unité de foi et de doctrine une garantie d’ordre et de stabilité pour son pouvoir, Louis XIV réprima le mouvement janséniste de Port-Royal, et s’opposa au Pape Innocent XI. Le 16 octobre  1685, Louis XIV révoqua l’Édit de Nantes après des années de persécution, dont les tristement célèbres dragonnades qui consistaient à envoyer des régiments de dragons se loger chez les Protestants riches à leurs frais et à convertir de force les populations.

Du coup, le million de protestants français devinrent des criminels s’ils continuaient à pratiquer leur religion. Louis XIV compléta cette répression féroce à l’égard des protestants en déclarant  illégale leur émigration, qui furent malgré tout deux cent mille à fuir la France. Les Provinces-Unies, le Danemark et la Prusse les accueillirent chaleureusement. Ces Protestants immigrés constituaient la preuve vivante de la volonté de puissance hégémonique du royaume de France et de la brutalité du roi.

Voici à ce propos ce qu’écrivit un écrivain anglais, John Evelyn, à propos de cette politique : « La persécution française, sévissant avec la plus extrême barbarie, dépassa même ce que les véritables païens ont conçu, avec la soudaine démolition de toutes leurs églises, le bannissement, l’emprisonnement et l’envoi aux galères de tous les ministres du culte; dépouillant les gens du peuple, leur enlevant leurs enfants ; forçant ces gens à assister à la messe, puis les exécutant comme relaps… »[1] 

 Louis XIV justifiait ses décisions en situant le pouvoir de l’État au-dessus du bonheur de ses sujets, avec la conviction que l’édifice étatique devait être édifié coûte que coûte, y compris au prix du malheur de ses sujets. N’est-ce pas une constante, avec plus ou moins d’énergie, de la politique des gouvernants de la France à travers les âges ?



[1] John Evelyn, Journal, 3 novembre 1685.

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Wikileaks face aux États policiers

10 Février 2011 Publié dans #ACTUALITÉ

Les juges britanniques débattent de l’opportunité d’extrader en Suède Julian Assange, le créateur de Wikileaks. Celle-ci risque d'être le prélude à une autre extradition  vers les Etats-Unis où Julian Assange pourrait encourir la peine de mort pour divulgations de secrets d’État. À ce propos, je vous livre ci-dessous la libre traduction, aussi fidèle que possible, d’extraits de l’article d‘un pacifiste américain publié dernièrement (je ne fournis pas plus de détails à dessein):

wikileaks.jpgLe 16 décembre dernier, j’étais debout dans la neige devant la Maison-Blanche en compagnie des Vétérans Pour la Paix. Moi, je ne suis qu’un vétéran des manifs devant la Maison-Blanche ; J’ai manifesté la première fois en février 1965. À ce moment-là, je distribuais des tracts contre la guerre au Vietnam tout en travaillant encore pour le Département d’Etat et en craignant d’être reconnu. Cinq ans plus tard, je protestais toujours contre la guerre au Vietnam mais je ne travaillais plus pour le Département d’Etat. Puis il y a eu le Cambodge, le Nicaragua et le Salvador. Puis le Panama est devenu une menace contre les Etats-Unis, si bien qu’il est devenu nécessaire de le bombarder. Ensuite il y a eu la première guerre contre l’Irak et les 78 jours consécutifs de bombardements contre la Serbie. Puis l’Irak de nouveau. Puis l’Afghanistan.

Pendant tout ce temps, le bon peuple travailleur de l’Amérique pensait que leur pays oeuvrait pour le bien. Certains pensent encore que nous n’avons jamais déclenché de guerre, et certainement rien qui puisse être qualifié de « guerre d’agression ».

Au cours de cette même journée enneigée du 16 décembre, Julian Assange était libéré de prison à Londres et déclarait aux journalistes qu’il était plus préoccupé par une extradition vers les Etats-Unis que vers la Suède, où il est accusé de crimes « sexuels ». C’est que les Etats-Unis sont devenus la nouvelle Ile du Diable[1]. Un des résidents actuels de cette version moderne de l’Ile du Diable s’appelle Bradley Manning, l’ancien analyste du renseignement US soupçonné d’avoir livré les câbles diplomatiques à Wikileaks. Manning est en détention depuis sept mois, d’abord au Koweït puis dans une base militaire en Virginie. Il risque une peine de prison à perpétuité s’il est jugé coupable.  Actuellement, sans procès, sans jugement, on ne lui autorise qu’un minimum de contacts avec l’extérieur. Il ne dispose que de très peu de lumière. Il n’a pas droit à avoir un oreiller, des draps ou à faire de l’exercice physique. Son sommeil est limité et fréquemment interrompu. Un ami de Bradley  estime que beaucoup de gens sont réticents à faire état de la détérioration physique et mentale de Manning parce qu’ils craignent de subir de la part du gouvernement des Etats-Unis des représailles sous forme de surveillance ou de confiscations d’ordinateurs.

Les Etats-Unis ne sont pas le pire état policier de la planète, mais c’est tout de même un État policier et certainement l’un des plus efficaces de tous les temps. Une étude récente du Washington Post a révélé l’existence de 4.058 organismes « antiterroristes » aux États-Unis, chacun avec ses propres responsabilités et sa propre juridiction.

Si les Etats-Unis réussissaient à mettre la main sur Assange, sous n’importe quel prétexte juridique, cela pourrait bien signifier la fin définitive de sa liberté. Ni les faits qu’on lui reproche, ni ses actions supposées ou réelles, ni même les textes des lois américaines n’auront plus la moindre importance car il n’y a pas de furie plus grande que celle d’un Empire contrarié.

Les documents de Wikileaks ne révéleront peut-être rien qui puisse bouleverser le monde, mais jour après jour ils participent à la lente mais constante érosion de la foi des gens en la pureté des intentions du gouvernement des Etats-Unis, étape indispensable pour surmonter toute une vie d’endoctrinement.

J’ajouterai que le peuple américain a besoin de savoir ce que manigance son gouvernement à travers le monde, parce que son gouvernement se livre à plus d’agressions que tout autre gouvernement, qu’il est continuellement en train de bombarder et d’envoyer des hommes et des femmes pour tuer et se faire tuer. Les Américains ont besoin de savoir ce que leurs dirigeants psychopathes se disent réellement les uns aux autres au sujet de ce bain de sang. Toute bribe d’information pourrait servir comme arme pour empêcher une nouvelle guerre.

Et n’oublions pas non plus que nos glorieux dirigeants nous espionnent en permanence : aucune communication, par téléphone ou courrier électronique, n’est un secret pour eux ; rien dans nos comptes en banque ou dans nos chambres à coucher n’est hors de leur portée s’ils ont envie de savoir.

Nous évoquerons bientôt, en ce qui concerne la France, des conséquences de la loi LOPSSI 2 qui vient d’être adoptée par le Parlement français et qui a été élaborée par Madame Michèle Alliot-Marie.



[1]L'île du Diable est l'une des trois îles du Salut. Elle aurait été baptisée ainsi par les Indiens Galibis qui ont fait de cet îlot rocheux dépourvu de végétation la résidence de l'Iroucan, l'esprit du mal. Elle est longue de 1 200 mètres et large de 400 et elle a servi de bagne pour les prisonniers politiques français et les détenus de droit commun. Parmi les premiers occupants déportés sur l'île, figure Charles Delescluze futur dirigeant de la Commune de Paris. En 1895, la détention d'Alfred Dreyfus lui redonne sa vocation première celle d’un lieu de déportation politique. Ce bagne est fermé en 1946.  

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À regarder le Japon

5 Février 2011 Publié dans #ACTUALITÉ

Prenons un peu de distance avec les événements en cours en Egypte où la machine est lancée sans que l’on sache encore quelle voie elle prendra. Regardons loin à l’Est, là où un pays poursuit sa voie originale, le Japon.

japon.jpgL’image du Japon à l’étranger est celle du déclin. Son PIB  est en effet passé du deuxième au troisième rang mondial en 2010, derrière les Etats-Unis et la Chine. L’attrait pour le Japon décline, des Japonais se rendent en Chine pour faire fortune tandis que l’argent chinois afflue dans l’Archipel nippon. L’expansion chinoise est désormais l’une des plus rapides transformations de l’histoire de l’humanité, mais il reste que pour que les chinois rattrapent le niveau japonais, il faudrait que la Chine maintienne son taux de croissance actuel pendant encore un quart de siècle, puisque le revenu par tête des Chinois ne représente encore en 2010 que 9% de celui des Japonais.

Cette marche forcée de la Chine vers la toute puissance économique n’améliore pas le moral des Japonais qui vivent déjà assez mal la déflation, l’aggravation des inégalités ou la valse des Premiers ministres. La liste des problèmes du Japon est bien connue : vieillissement inéluctable de la population, dette publique énorme, rigidité de l’appareil productif, dépeuplement des campagnes, insuffisance de la couverture sociale…

Pourtant quand on observe la vie quotidienne des Japonais, on voit émerger un autre tableau : l’efficacité et la propreté des transports en commun, le nombre des équipements pour les handicapés, les taxis à la pelle, les supérettes ouvertes 24 heures sur 24, des supérettes où l’on peut, non seulement acheter des produits, mais aussi envoyer des paquets, payer ses quittances ou retirer de l’argent. On voit aussi les stations d’essence où l’on s’empresse autour du client, la multitude et la propreté des toilettes publiques et l’amabilité des commerçants. Des détails que tout cela ? Le Japon réussit aussi à maintenir un des taux de criminalités les plus faibles du monde et c’est toujours  une démocratie solide. Pour renforcer les fondements de cette démocratie, l’Institut Matsushita[1] pour la gestion et le gouvernement (MIGM) a pour ambition de former les dirigeants politiques japonais de demain en permettant à des Japonais non favorisés par la naissance d’accéder au pouvoir. Il ouvre ainsi une nouvelle porte vers la politique dans un pays où il vaut mieux être un bochan, un héritier et si possible aussi un ancien étudiant de l’université Todai(Université publique de Tokyo) pour espérer se faire une place parmi les politiciens en vue.

Le MIGM représente un espoir pour faire évoluer la classe politique au Japon, alors que cette classe politique est perçue comme le point faible du triangle du pouvoir qu’elle forme avec le puissant monde de l’entreprise et la non moins influente administration publique.  

Il faut encore ajouter que le Japon continue à investir dans la Recherche et le Développement auxquels il consacre 3,6% de son PIB contre un peu plus de 2% en France. Le Japon est aussi le pays le plus sobre du monde en matière énergétique. Tout se passe comme si le Japon était en train d’ouvrir une nouvelle voie de développement qui juxtapose et  rassemble deux économies complémentaires : d’un côté, une économie mondialisée qui combine hauts salaires, productivité élevée et croissance et de l’autre coté une économie localisée avec des salaires et une productivité modérées qui permet aux jeunes peu diplômés, aux mères de famille  et aux seniors de trouver un emploi.

En regardant un Japon dont le développement est arrivé à sa maturité, on se demande finalement s’il n’est pas à l’avant-garde des pays développés dans la prise de conscience de la nécessité d’une croissance modeste.

 



[1] L’institut Matsushita a été fondé par Konosuke Matsushita, fondateur de Panasonic. 

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Insurrection

30 Janvier 2011 Publié dans #ACTUALITÉ

insurrectionOn apprend depuis Juba, la future capitale du Soudan Sud, que prés des 99% des Sud Soudanais ont voté en faveur de la sécession avec le Nord Soudan lors du référendum pour l'indépendance qui s'est tenu du 9 au 15 janvier 2011, selon les résultats publiés dimanche par la commission électorale du Sud Soudan portant sur 3.851.994 bulletins déposés.

Au Nord, le président soudanais Omar el Béchir s'est déjà engagé à reconnaître la sécession du Sud Soudan, promettant des relations fraternelles avec le nouveau pays, le 193e au monde. C’est ainsi que va naître le 193e pays du monde, un pays dont le nom n’est pas encore déterminé, de la taille de la France et qui va rassembler une population à peu prés homogène d’un peu moins de 10 millions d’habitants. Pour atteindre ce résultat, il aura fallu toute une génération de guerre, de meurtres et d’exactions pour y parvenir.

Combien de temps, de guerre et de souffrance faudra t-il pour reconnaître que la Cote d’Ivoire doit être divisé en deux régions autonomes, Nord et Sud ? combien faudra t-il de temps pour que les pays africains trouvent leurs frontières  « naturelles », c’est-à-dire celles qui respectent le moins mal possible les différences entre des populations de religion, de culture, de langue différentes ?

Peut-être moins longtemps que l’on croit, lorsque l’on voit le maelström qui est en train d’emporter les régimes arabes construits sur le modèle nassérien un demi-siècle auparavant. Leurs dirigeants veulent ignorer l’évolution de leurs populations, celle du monde. Ils croient qu’en coupant le téléphone et Internet, ils vont décourager l’insurrection alors qu’ils l’exaspèrent en un feu brûlant qui emporte les commissariats et leurs policiers apeurés, les prisons et leurs gardiens en fuite, les chars et leurs équipages qui fraternisent avec la foule en révolte, leurs palais dans lesquels ils se ratatinent soudain  à la recherche de leurs avions et de leurs comptes en banque ?

Ici, en France, dans le pays le plus centralisé du monde, arquebouté sur un système de privilèges et de connivence qui date de plus d’un demi-siècle, on ferait bien de s’interroger sur le soulèvement en gestation de populations auxquelles on ne promet que  privations et brimades au nom d’une pyramide pseudo démocratique de pouvoirs dont on a confisqué toutes les clefs ? 


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L'énergie de Richelieu au service du Roi

26 Janvier 2011 Publié dans #HISTOIRE

L’énergie de Richelieu au service du roi 

Après Henri IV et l’intermède de la Régence, Louis XIII poursuivit ardemment la politique d’accroissement de la puissance royale, au prétexte du coût pharamineux de la guerre de Trente ans.

Louis_XIII_Richelieu_devant_La_Rochelle.jpgPour le pouvoir en place, quel qu’il soit, la guerre est en effet pain béni pour accroître les effectifs de l’armée, pour mieux contrôler le pays et pour accroître la pression fiscale.

L’installation des intendants dans les provinces, la centralisation administrative qui jouait au bénéfice de la ville de Paris montrent combien le poids de l’État s’appesantit sur l’ensemble de la société française. Il faut noter que Louis XIII a pu s’offrir le luxe de soutenir envers et contre tous un Richelieu contesté de toutes parts, ce qui donne une idée de la force de l’absolutisme royal sous son règne. 

Richelieu avait le culte de la puissance du pays, qui supposait l’établissement d’un pouvoir monarchique incontesté. Dans ce dessein,  il a su imposer durement à l’intérieur du pays l’obéissance au roi et la crainte de ses troupes au-dehors. De 1624 à sa mort, il fut durant dix-huit années le principal ministre de Louis XIII, mettant toute son énergie à renforcer le pouvoir du roi, même si le sien propre a parfois semblé vaciller sous les coups des conjurés. Son programme consista à « ruiner » le parti huguenot, à rabaisser « l’orgueil » des grands, à ramener tous les sujets à leur « devoir » et à relever le « prestige » du roi auprès des nations étrangères.

Or, la France du XVIIsiècle restait un ensemble disparate. Les pays d’états avaient des privilèges que n’avaient pas les pays d’élections. Chaque ville avait des libertés qu’elle entendait bien défendre. L’Edit de Nantes donnait aux Protestants des places de sûreté, le droit de réunion, le droit de représentation auprès du souverain, ce qui outrageait la doctrine de la monarchie absolue qui avait cours dans le monde des officiers de justice, lesquels avaient pratiquement l’hérédité de leurs charges depuis l’édit de la Paulette en 1604. Les officiers du roi cherchèrent à amoindrir les pouvoirs des justices seigneuriales. On installa à côté des grands fiefs des « juges d’appeaux » pour attirer les causes des justiciables. Le Conseil du roi devint le suprême arbitre des différends entre tous les sujets. La coutume de Paris, par-delà la diversité des coutumes locales, tendit à devenir un « droit commun coutumier » français. Une nouvelle étape vers la centralisation fut franchie avec la multiplication des intendants de justice, de police et de finance, choisis pour la plupart dans le corps des maîtres des requêtes. En raison des guerres incessantes, les besoins toujours grandissants d’argent conduisirent le gouvernement à augmenter tailles et gabelles et à affermer l’impôt à des traitants fort impopulaires auprès des populations. Pour percevoir l’impôt et protéger les partisans, la monarchie eut recours non plus à des officiers, mais à des commissaires, toujours révocables, à la différence des premiers.

Richelieu a agi en faveur du pouvoir royal avec progressivité et prudence, veillant à ce que la parole du Roi soit respectée mais ne laissant jamais impunies la rébellion ou la résistance au pouvoir du Roi. Il a recherché l’unité religieuse sans toutefois l’imposer par la violence. C’est ainsi qu’il a supprimé les privilèges politiques des Protestants en menant le siège de La Rochelle avec une détermination implacable, mais a su faire preuve de modération en confirmant les privilèges religieux de l’Édit de Nantes. À partir de 1629, il a convaincu le roi de pratiquer une politique étrangère plus agressive qui provoqua l’accroissement automatique de la pression fiscale qui  entraîna elle-même des révoltes populaires dans presque toutes les provinces. Il « réussit » à renforcer l’emprise du pouvoir royal sur tout le pays, au prix d’une fiscalité écrasante qui provoque une extrême misère du peuple de France. Aussi la nouvelle de la mort d’Armand Jean du Plessis, cardinal duc de Richelieu, provoqua t-elle la multiplication des feux de joie dans la plupart des provinces du Royaume !

Richelieu exerça le pouvoir d’une main de fer pour ce qu’il croyait être le bien du royaume et il fut à ce titre l’un des plus grands hommes d’État que la France ait compté. Il est l’accoucheur d’une France où le pouvoir de l’État ne connaît pas d’opposants, ce qui est toujours vrai.

C’est pourquoi Charles De Gaulle a vu en lui, avec de nombreux historiens, le créateur de la France moderne. Pour ma part, j’écrirais plutôt le créateur de l’État français moderne.  Après Louis XIII, Louis XIV s’empara de cet outil qu’il exploita avec une telle intensité qu’il parvint de la sorte à épuiser les ressources  du pays.

 

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Ils sont fous, ces Suédois!

20 Janvier 2011 Publié dans #ACTUALITÉ

Tous récemment, la Suède a décidé d’annuler l’émission de bons du Trésor pour une valeur de 4 milliards de couronnes, soit 450 millions d'euros. Madame Laang, la porte-parole de l'Office suédois de la dette, a expliqué que les prêteurs demandaient des taux d'intérêt trop élevés.


1213071624aChPDDj.jpgElle jugeait donc qu’un taux de 1,46% était abusif pendant que la Grèce acceptait de payer ses emprunts quatre fois plus cher, à échéance comparable. Il est vrai que la Suède peut s’offrir le luxe de refuser des taux élevés, puisqu’elle est en plein boom. Jugez en : au troisième trimestre 2010, sa croissance a atteint 6.9% en rythme annuel, un chiffre à peine inférieur de 3% à celui de la Chine. Cette performance s’explique par l’excellente tenue des exportations qui représentent près de 50% du PIB et dont les deux tiers sont destinés à l’Europe. La Suède a également profité de l’envolée des cours des matières premières puisqu’elle est le premier producteur européen de fer, de plomb et d’or et le deuxième pour le cuivre.

Mais la croissance de la Suède est aussi tirée par la consommation intérieure. Grâce à la profonde réforme de l’Etat mise en œuvre au début des années 1990 et à plusieurs années de forte croissance, le gouvernement disposait de bonnes marges de manœuvres budgétaires, au point que l’excédent public, vous avez bien lu l’excédent, atteignait 3.6% du PIB avant la crise. Il a donc pu mettre en place un plan de relance sans mettre en péril ses finances publiques et sans s’imposer aujourd’hui une sévère cure d’austérité.

Aussi en 2010, la Suède a été en situation d’équilibre budgétaire et il est prévu qu’elle dégage un léger excédent en 2011 alors que la croissance de son économie devrait atteindre 4%, selon  le ministre suédois des Finances Anders Borg.
 C’est ainsi qu’après une forte récession en 2009, la Suède survole désormais la morosité économique européenne avec des finances publiques équilibrées, des exportations vigoureuses et un chômage en forte baisse.

 

Mais comment font-ils les Suédois, pour obtenir de tels résultats ?

C’est pourtant simple, explique l’ancien ministre suédois des Finances, Goran Persson, il suffit d’appliquer une recette en sept points :

-     Premièrement, rien n'est possible si le peuple ne comprend pas pourquoi des mesures difficiles sont requises. Il faut donc expliquer la situation et obtenir un mandat clair. En somme, il ne faut pas mentir avant les élections.

-     Deuxièmement, aucun secteur, absolument aucun, ne doit être épargné. Cela ne peut pas marcher si le peuple croit  qu'un groupe de gens en particulier réussit à se défiler. Pas de favoritisme, pas de niches, pas privilèges.

-     Troisièmement, les mesures d'austérité doivent faire partie d'un plan global, cohérent et porté par une vision d'ensemble. Pas de bricolage sans lendemain.

-     Quatrièmement, il faut commencer par les mesures les plus dures et agir dès le début du mandat pour montrer sa détermination. Ne pas faire de cadeaux au début !

-     Cinquièmement, une transparence absolue est requise pour maintenir la crédibilité et la confiance. Pas de comptabilité fantaisiste. Pas de prédictions économiques rose bonbon.

-     Sixièmement, il faut faire plus de réductions de dépenses que de hausses d'impôts et de taxes. Pour rétablir la santé financière à long terme, les coupures les plus importantes doivent se faire dans les programmes permanents : il ne suffit pas de vendre les bijoux de famille, cela n’est possible qu’une fois.

-     Septièmement, pour que les mauvaises habitudes ne reviennent pas rapidement, il faut en profiter pour changer durablement les façons de faire.

-      

-     Après avoir lu les conseils du bon Docteur Goran Persson, j’en ai conclu que c’était bien ce que je pensais : ils sont fous ces Suédois !

 

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L'indignation l'emporte sur la repression

16 Janvier 2011 Publié dans #ACTUALITÉ

Ce qui vient de se passer en Tunisie est un événement du même ordre que celui qui s’est déroulé en 1989 et qui a abouti à la chute du Mur de Berlin. On ne sait pas encore s’il restera localisé et sans lendemain ou s’il provoquera une onde de choc qui touchera les régimes similaires comme la chute du Mur de Berlin a provoqué un changement majeur en Europe.

drapeau-tunisie.jpg

Le 7 octobre 1989 à Berlin, le gouvernement est-allemand célèbre le 40e anniversaire de la RDA sur fond de manifestations. À Postdam et à Karl-Marx-Stadt (Chemnitz), les forces de l'ordre interviennent avec violence contre les manifestations.

Le 18 octobre, le chef d'État est-allemand, Erich Honecker démissionne « pour raison de santé ». Egon Krenz lui succède.

Le 21 octobre, les manifestations touchent l'ensemble du pays. La police intervient avec une rare violence.

Le 31 octobre, Margot Honecker, l'épouse de l'ancien chef d'État, démissionne de son poste de ministre de l'Enseignement.

Le 4 novembre, un million de personnes descendent dans la rue, dont la moitié à Berlin-Est.

Le 8 novembre, la tête du parti SED démissionne collectivement.

Le 9 novembre, Günter Schabowski, membre du Politburo, annonce que tous les citoyens de la RDA peuvent quitter le pays. Nombre de Berlinois se ruent aussitôt vers les postes frontières. Dépassés, les gardes-frontières pratiquent des ouvertures dans le mur de Berlin.

Un mois à peine s’est écoulé et la RDA s’est effondrée. La suite de l’histoire, c’est la fin du communisme d’État et l’Europe actuelle.

 

Le 17 décembre 2011 à Sidi Bouzid, une ville de 40.000 habitants au centre de la Tunisie, Mohamed Bouazizi, diplômé et chômeur, vend sans autorisation des fruits et légumes sur le marché. Sa marchandise est confisquée. Il plaide en vain sa cause auprès des autorités. Désespéré, il s'immole par le feu devant la préfecture.

Le 18 décembre, un sit-in est organisé devant la préfecture. La police disperse la manifestation à coups de gaz lacrymogènes et de matraques. Tout le week-end, de violents affrontements opposent forces de l'ordre et jeunes manifestants. Les premières arrestations ont lieu.

Le 20 décembre, des  manifestations de soutien aux protestataires de Sidi Bouzid ont lieu  à Meknassi, à Sidi Ali Ben Aoun, à Menzel Bouzaiane.

Le 24 décembre, la police tire sur des manifestants à Menzel Bouzaiane, à 60 kms de Sidi Bouzid. Bilan: deux morts.

Les 25 et 26 décembre ont lieu les premières manifestations de diplômés chômeurs à Tunis.

Le 28 décembre a lieu un rassemblement de solidarité des avocats. De son côté, le Président Ben Ali déclare qu’il comprend «la difficulté engendrée par la situation de chômage», mais il dénonce une «instrumentalisation politique». Il décide de limoger le ministre de la Communication.

Du 3 au 7 janvier, les manifestations se poursuivent. Elles gagnent Thala, Bizerte, Sfax, Kairouan, Meknessi, Regueb, Souk Jedid, Ben Gardane, Medenine, Siliana et même Sousse. La répression s’amplifie.

Le 4 janvier, Mohamed Bouazizi, à l'origine de la révolte, meurt de ses blessures.

Les 8, 9 et 10 janvier, un week-end sanglant se déroule, en particulier à Kasserine, Thala et Regueb. Les autorités font état de 21 morts, d’autres sources affirment qu'il y en a eu plus de 50, rien qu'à Kasserine. Les vidéos des massacres et des tirs à balles réelles passent de plus en plus sur Internet, notamment sur les réseaux sociaux.

Le 10 janvier, Ben Ali promet la création de 300.000 emplois supplémentaires et dénonce des «actes terroristes» perpétrés par des «voyous cagoulés».

Le 11 janvier, la ville de Tunis est gagnée par les affrontements, de même que les villes côtières et touristiques telles que Sfax ou Sousse. Les manifestations se poursuivent ailleurs dans le pays. Le régime ordonne la fermeture des écoles et des universités «jusqu'à nouvel ordre».

Le 12 janvier, le ministre de l'Intérieur est limogé et une commission d'enquête sur la corruption est créée. Des affrontements ont lieu dans la banlieue tunisienne. Le couvre-feu est déclaré à Tunis, ce qui n’empêche pas les affrontements qui font huit morts.

Le 13 janvier, dans une dernière allocution télévisée, le Président Ben Ali s'engage à quitter le pouvoir en 2014. Il ordonne la fin des tirs à balles réelles contre les manifestants, promet la «liberté totale» d'information et l’accès à Internet. Mais les manifestants réclament désormais le départ du Président. On déplore treize morts à Tunis et deux à Kairouan. La station balnéaire d'Hammamet est touchée par des destructions et des pillages.

Le 14 janvier, dans la matinée, de nouvelles manifestations ont lieu partout dans le pays, avec un slogan: «Ben Ali dehors». À Tunis, un  cortège de 5000 personnes est violemment dispersé à Tunis.

Vers 16h, le gouvernement est limogé et des élections anticipées, d'ici six mois, sont annoncées.

À 17h, l'état d'urgence est décrété dans tout le pays, les rassemblements publics interdits, le couvre-feu instauré. Les tirs à balle réelle sont de nouveaux autorisés. L'espace aérien est fermé.

À 18h50, le Premier ministre Mohammed Ghannouchi annonce à la télévision qu'il assure l'intérim de la présidence en remplacement de Zine El Abidine Ben Ali « temporairement empêché », mais qui a concrètement pris la fuite à bord de son avion pour être hébergé en Arabie Saoudite.

Après un mois d'émeutes et de manifestations réprimées violemment, faisant de nombreux morts, le régime Ben Ali a chuté.

Le 15 janvier, Le Conseil constitutionnel déclare qu’il y a  une "vacance définitive du pouvoir", ce qui équivaut à  écarter officiellement Ben Ali de la présidence du pays. Conformément à la Constitution Tunisienne, désigne  le Président de la Chambre des députés, Foued Mebazaa, en tant que Président de la République par intérim. Des élections seront organisées  dans les deux prochains mois.

Le 16 janvier, le Premier Ministre sortant, Mohammed Ghannouchi  reste en place et consulte pour former un nouveau gouvernement et réformer les institutions….

Les Tunisiens en janvier 2011, à l’instar des Allemands de l’Est en octobre 1989, ont changé la donne. Dans les deux cas, la privation de la liberté individuelle est devenue collectivement insupportable.

L’histoire est en marche, les régimes égyptiens, iraniens ou algériens sont menacés par la même indignation, le cynisme des politiciens français est sur la place publique. 

Une phase rarissime de vérité est devant nous.

 

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Ça suffit, les Suisses!

12 Janvier 2011 Publié dans #ACTUALITÉ

Il est souvent intéressant de voir les événements avec les lunettes de responsables étrangers. C’est à ce titre que je vous propose de lire la récente interview de la Présidente de la Confédération helvétique, avec quelques commentaires de ma part (les textes en gras sont de mon fait).

Roger-Federer-en-quart-de-finale-contre-Robin-Soderling.jpgTout d’abord vous ignorez sans doute le nom de la Présidente de la Confédération helvétique, Madame Micheline Calmy-Rey. Il faut préciser qu’en Suisse le mandat de la Présidence se déroule sur une année, à comparer avec nos présidences régaliennes de cinq ans, qui entraînent des campagnes électorales de deux ans (nous y sommes déjà).

Parmi les défis de sa Présidence, elle évoque entre autres le fait  qu’elle sera « la voix de la Suisse à l’étranger. En cette période où le pays se trouve sous pression, ce rôle n’est pas à sous-estimer. Je vais m’efforcer de régler les problèmes avec nos voisins et également d’approfondir les relations avec l’UE.
 
Au niveau de la communauté internationale, je souhaite contribuer de manière constructive à la résolution des problèmes globaux. Le monde est interconnecté, les décisions produisent des effets multiples et réciproques. Pensons seulement au terrorisme, à la pauvreté, aux flux migratoires, à la protection de l’environnement et au changement climatique. Face à ces problèmes globaux, nous ne pouvons agir comme si nous étions une île. » En effet.

Elle rappelle ainsi les temps difficiles qu’a vécu le Conseil fédéral ces derniers temps : « La crise UBS, la pression sur le secret bancaire et la crise libyenne n’ont pas été faciles à gérer pour le Conseil fédéral. Mais si nous observons plus attentivement ces crises, nous pouvons affirmer que le Conseil fédéral les a bien maîtrisés.
 
Dans l’affaire libyenne, les deux otages sont rentrés sains et saufs à la maison, c’est l’essentiel pour moi. En ce qui concerne le secret bancaire, nous avons repris les standards de l’OCDE. Nous pouvons désormais les mettre en application dans des conventions de double imposition bilatérales avec différents pays.
 
Enfin, l’affaire UBS aux Etats-Unis a été réglée grâce à un accord. La Suisse a montré qu’elle était capable de défendre ses intérêts face à une grande puissance comme les Etats-Unis. » Elle en conclut que les Suisses doivent avoir davantage de confiance en eux, car « Nous ne sommes pas insignifiants face au monde et nous savons nous défendre. »

Interrogée sur les échéances européennes auxquelles la Suisse doit faire face, la Présidente observe : « L’approfondissement des relations avec l’UE est une priorité de mon année de présidence. Ces relations doivent être aussi bonnes que possibles, car l’UE est notre principal partenaire politique et économique.
 
Jusqu’ici, nous avons suivi la voie bilatérale. Le bilan est bon en ce qui concerne l’économie et la sécurité. Le bilan concernant notre souveraineté est plus nuancé. Nous avons repris beaucoup de l’UE, notamment en matière d’évolution du droit communautaire, mais nous n’avons pas notre mot à dire. Je ne peux pas être satisfaite de cette situation.
 
L’UE affirme que les 120 accords représentent une grosse somme de travail, et c’est pourquoi les relations devraient êtres simplifiés. Bruxelles argumente que nous bénéficions de l’accès à un marché de 500 millions de consommatrices et consommateurs. C’est pourquoi nous devrions également reprendre les règles de l’UE.
 
Pour des raisons de souveraineté et en tant que non-membres de l’UE, nous disons cependant non à une reprise automatique du droit européen. Si nous devions entrer dans cette discussion, nos droits démocratiques, comme l’initiative et le référendum, devraient être sauvegardés. »

Notez comment la Commission de l’UE essaie d’imposer ses propres règles aux pays périphériques comme la Suisse ou la Norvège ! En particulier il semble que les referenda suisses gênent l’exécutif européen qui considère que l’expression directe de l’opinion de la population gêne ses plans.

Il est vrai que les succès de la Suisse dérangent : le franc suisse est au plus haut, la balance commerciale du pays est équilibrée, les déficits publics négligeables, le niveau de vie l’un des plus élevés du monde, le taux de chômage inférieur à 4% et l’Indice de Développement Humain parmi les plus élevés. C’est d’autant plus provocant que ces succès se traduisent par des transferts d’entreprise, donc de richesses :

Il y quelques jours une société américaine, Crown Emballages, qui emploie 23 000 personnes dans le monde dont 2 500
 en France, a décidé de transférer en Suisse son siège social, qui était basé à Paris jusqu'en décembre 
2010. Cette décision a été prise pour des raisons fiscales, puisque le groupe sera imposé à 6,6 % sur les bénéfices alors qu'il l'était à 33 % en 
France. Ses vingt-six dirigeants qui étaient employés au siège social déménagent en Suisse. 

Ça suffit les Suisses ! Et en plus vous avez Federer ? il est grand temps que vous rentriez dans les rangs, avec des Présidents à vie, un gros déficit et des petits joueurs !

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Le débat entre la raison et l'intuition

9 Janvier 2011 Publié dans #PHILOSOPHIE

Puisque c’est dimanche, on peut s’offrir le luxe de s’intéresser à des sujets tout à fait gratuits et parfaitement abstraits. C’est le cas du débat entre la raison et l'intuition qui est celui qui oppose et unit à la fois la pensée grecque et le christianisme.

chro.jpgOn a longtemps pensé que le christianisme avait occulté la pensée grecque au point qu’il avait fallu attendre la Renaissance pour que cette dernière reprenne toute sa place dans notre civilisation. Or la pensée grecque n’a jamais cessé d’exercer son influence sur la pensée européo chrétienne.  

Dés le IIe siècle en effet, les Chrétiens ont incorporé la raison grecque dans leur doctrine au travers de la recherche méthodique de la vérité. Le christianisme enseigne que le salut de l’homme ne peut être trouvé que par l’écoute de la Parole divine, la seule qui, selon lui, puisse éviter à l’homme de se perdre sur des chemins sans issue. Mais il ne renie pas pour autant l’antécédent de la philosophie grecque dans la recherche de la vérité[1]. C’est ce que professe le philosophe grec Justin, ultérieurement  converti au christianisme, lorsqu’il rappelle que l’homme a commencé par chercher son salut au travers de la connaissance jusqu’à ce qu’il comprenne, au travers de l’enseignement chrétien, qu’il ne pouvait vraiment la trouver qu’à l’aide de la Révélation divine. En effet, pour Justin et pour tous les philosophes chrétiens qui lui succéderont, c’est la Foi en Dieu qui permet à l’homme de s’approcher d’une Vérité révélée qui brave par nature la raison humaine.

Par rapport  à la pensée grecque, qu’apporte de nouveau le christianisme au moment où il émerge ? Il transmet, par l’Évangile, un appel adressé à tous les hommes à rénover leur être. Pour lui, c’est une rénovation qui ne peut pas s’appuyer exclusivement sur la raison humaine, car cette dernière ne peut pas trouver en elle-même les ressorts qui lui permettraient de se dépasser. Cet appel est justifié par le postulat que le Salut de l’homme nécessite la rénovation de son être et que cette rénovation implique un dépassement par rapport à ses limites actuelles.   Il est remarquable que Platon soit précédemment arrivé à la même conclusion, lorsqu’il a montré dans ses Dialogues que la recherche objective et rationnelle de la vérité ouvre de tels horizons à la pensée que la raison se révèle incapable d’en prendre la mesure. Ne pouvant se résoudre à ce qui aboutissait à une capitulation de l’esprit, Platon s’en était sorti par une pirouette intellectuelle en recommandant, lorsque l’on se trouvait dépassé par les questions sans réponse  engendrées par la recherche de la vérité, de se raccrocher aux mythes fondateurs de la pensée humaine. Il postulait de la sorte que ces mythes étaient intrinsèquement vrais, car aucune  démonstration ne pouvait le prouver.  

Face à cette limite générale de la pensée humaine que l’on retrouve aujourd’hui dans celles de la pensée scientifique, le christianisme offre une tout autre approche : Il considère que l’aspiration de l’âme à dépasser les limites qu’impose la raison est primordiale pour progresser vers la vérité. Pour le christianisme, seule la Vérité révélée par la Parole de Dieu peut répondre aux aspirations les plus profondes de l’âme. Or cette vérité ne s’adresse pas à la raison, fondamentalement incapable de l’accepter, mais à une autre force de l’âme, la force de croire, autrement dit la Foi. Seule cette dernière permet à l’homme de persévérer dans son Être, de réussir à se dépasser et de se mettre sous la tutelle de Dieu. Pour autant, le christianisme ne renie pas le rôle de la raison. Si le salut de l’homme présuppose bien une prise de conscience, cette dernière ne permet pas à elle seule de sauver l’homme, il y faut aussi la Foi.

Lorsque les Chrétiens déclarent que ce n’est pas la Foi qui est irrationnelle mais la raison lorsqu’elle ne se fonde pas sur la Foi, ils proposent un paradoxe qui mène à  une nouvelle théorie de la connaissance et des valeurs. C’est à ce titre que les pensées grecque et chrétienne, si elles poursuivent toutes deux la recherche de la vérité, divergent dans leurs buts et dans leurs moyens : la première poursuit la connaissance de l’Être par la recherche méthodique de la vérité issue de la raison humaine, la seconde se consacre au salut de l’Être par la révélation de la vérité au travers de la Foi.

L’opposition entre les deux pensées s’atténue lorsque l’on examine le sens que les Chrétiens donnent à la notion de Foi. Comme le christianisme postule que l’homme est un être rationnel et libre, il ne peut s’agir d’une Foi aveugle mais d’un acte de raison qui remplit l’âme de lumière, à condition d’accepter que la vérité révélée puisse braver la raison humaine. Car cette Vérité se trouve dans la Parole de Dieu ce qui signifie qu’elle est substantiellement ineffable.

Le rationalisme ne peut pas accepter la thèse chrétienne, qu’il accuse de mener à  une capitulation de la raison. Comment admettre en effet l’idée que la raison renonce à expliquer  l’inexplicable ? Pourtant il le faut, réplique le christianisme, car la raison humaine s’est heurtée de tout temps, aujourd’hui comme hier, à son incapacité à tout expliquer. De plus, la raison ne suffit pas à l’esprit humain qui fait appel tout autant à l’intuition qu’à la raison. Or c’est justement  à l’intuition que fait appel le christianisme, une intuition qu’il appelle « Foi », en demandant au fidèle à accepter intuitivement les vérités « révélées » tout en lui demandant, une fois qu’il a accepté ce préalable, d’expliciter sans cesse ces vérités révélées, d’en saisir le sens et le contenu.

Tout le débat porte finalement sur la nécessité pour l’esprit humain d’accepter d’intégrer l’impensable, non dans sa raison mais dans son être. Mais il reste que la philosophie grecque et la doctrine chrétienne partagent l’idée qu’il est nécessaire de toujours faire appel à la raison pour approcher au plus prés de la vérité, la première en faisant l’outil exclusif de la vérité, la seconde y mettant comme préalable l’intuition, qu’elle appelle la Foi.

 



[1] On peut se référer à une bonne partie de mes Blogs dans la catégorie « Philosophie » qui sont consacrés à la  recherche de la vérité sous ses diverses formes au cours du temps.  

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